FIche 10 - Cours du Professeur Julie KLEIN

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FIche 10 - Cours du Professeur Julie KLEIN
UNIVERSITE DE ROUEN
Année Universitaire 2012-2013
Travaux dirigés – 1ère année Licence Droit
INTRODUCTION AU DROIT - Cours de Mme le Professeur Julie KLEIN
DIXIEME
SEANCE
LA PREUVE (II) : L’ADMISSIBILITE DES MODES DE PREUVE
I.- IDEES GENERALES
Une fois que l’on a établi qui devait prouver (c’est la question de la charge de la preuve v.
séance précédente), ce qu’il devait prouver (c’est la question de l’objet de la preuve), il faut
encore déterminer comment il doit prouver. C’est la question des modes de preuve.
Si l’on cherchait à tout prix à découvrir la vérité, il faudrait admettre tous les moyens de
preuve, et laisser ensuite le juge libre d’apprécier leur valeur probante. C’est le système de
la preuve morale, que l’on retrouve parfois en matière pénale, où la recherche de la vérité est
essentielle. Mais, on l’a vu, en droit civil, la vérité judiciaire n’est pas la vérité des hommes.
Le droit ne cherche pas à tout prix la vérité. Il va alors sélectionner, parmi les preuves
disponibles, celles que les administrés sont autorisés à faire valoir, et celles qui ne
pourront être prises en considération : c’est la question de l’admissibilité des modes de
preuve.
A ce titre, l’admissibilité des modes de preuve apparaît doublement limitée. D’une part, le
système de la preuve libre (par tout moyen) est concurrencé par le système de la preuve
légale en matière d’acte juridique. D’autre part, même lorsque la preuve et libre, elle doit
encore se conformer à des principes qui lui sont supérieurs.
II. – PREMIER THEME : LA PREUVE PAR ECRIT
Le droit français propose un système dualiste : si la preuve des faits juridiques est libre, et
peut être apportée par tous moyens (ce qui est naturel puisqu’il est impossible de se préconstituer une preuve écrite d’un événement qui survient inopinément), la preuve des
actes juridiques d’une valeur supérieure ou égale à 1500 euros doit – sauf entre
commerçants – être apportée par écrit.
-1-
1)° L’article 1341 du Code civil dispose en effet qu’« il doit être passé acte devant notaires ou
sous signatures privées de toutes choses excédant une somme ou une valeur fixée par décret, même pour
dépôts volontaires, et il n’est reçu aucune preuve par témoins contre et outre le contenu aux actes, ni sur ce
qui serait allégué avoir été dit avant, lors ou depuis les actes, encore qu’il s’agisse d’une somme ou valeur
moindre ».
Il faut toutefois éviter de se méprendre : l’écrit est ici requis uniquement à titre
probatoire : il ne concerne pas la validité même du contrat. On dit que l’écrit est requis ad
probationem, par opposition à l’écrit ad validitatem lorsque l’écrit est requis pour la validité
même de l’acte.
Lorsque l’écrit est requis uniquement pour la preuve de l’acte, le contrat ne sera ainsi pas
nul en son absence, mais il ne pourra être prouvé que par aveu ou serment, la preuve par
témoignage ou présomption étant exclue. Si le contrat n’est alors pas nul en l’absence
d’écrit, il reste que la difficulté d’en faire la preuve pourra entraver l’action de celui qui
entend s’en prévaloir – le demandeur. En quoi on voit ici resurgir l’idée qu’un droit non
prouvé s’apparente à un droit qui n’existe pas. C’est le risque de la preuve qui interfère.
Dans ce schéma, l’écrit occupe donc une place de choix, qui s’explique aisément : la
preuve est préconstituée et son contenu ne dépend pas d’appréciations subjectives comme
ce peut être le cas pour les témoignages. Or, une preuve a logiquement d’autant plus de
force qu’elle peut rendre compte fidèlement de la réalité. C’est pourquoi le principe posé
par l’article 1341 implique également qu’on ne puisse prouver contre l’écrit : la preuve
contraire à un écrit ne peut elle-même être faite que par écrit.
Document 1 : Civ. 1ère, 4 novembre 2011, à paraître au Bulletin, pourvoi n° 10-27035.
Mais il faut aujourd’hui avoir une vision dématérialisée de la notion d’écrit. La loi du 13
mars 2000 a en effet reconnu l’écrit électronique, et l’a doté des mêmes vertus probatoires
que l’écrit sur support papier.
Document 2 : Art. 1316 à 1316-4 du Code civil.
Encore faut-il évidemment que l’écrit en question présente des qualités de fiabilité
suffisantes. C’est pourquoi, notamment, l’écrit ne peut émaner exclusivement de la
personne qui s’en prévaut : « nul ne peut se constituer une preuve à lui-même ».
Document 3 : Civ. 1ère, 28 avril 2011, pourvoi n° 09-71657.
2)° Le principe selon lequel un acte juridique doit être prouvé par écrit connaît toutefois
quelques exceptions.
En présence d’un « commencement de preuve par écrit », l’article 1347 du Code civil
autorise à compléter cet écrit imparfait par des témoignages ou présomptions.
-2-
Document 4 : Civ. 3ème, 5 avril 2011, pourvoi n° 10-17373.
En cas d’impossibilité matérielle ou morale de se pré-constituer une preuve écrite ensuite,
l’article 1348 du Code civil autorise la preuve par tous moyens.
Document 5 : Civ. 1ère, 11 février 2010, pourvoi n° 09-11527
Document 6 : Com., 22 mars 2011, D., 2011, p. 1076, note X. Delpech.
Document 7 : Civ. 1ère, 20 octobre 2011, pourvoi n° 10-24323.
III.- SECOND THEME : LIBERTE DE LA PREUVE ET DROITS FONDAMENTAUX
Même lorsque la preuve est libre – c’est-à-dire en matière de fait juridique – la recherche
de la vérité doit être conciliée avec le nécessaire respect des droits et des libertés
fondamentales.
1)° L’administration de la preuve est d’abord gouverné par le principe de loyauté de la
preuve. C’est la morale de la preuve. Le droit d’une partie de rapporter la preuve de ce
qu’elle avance doit être concilié avec l’exigence que cette preuve n’ait pas été obtenue de
manière déloyale.
Le principe de loyauté de preuve est affirmé de manière extrêmement large en matière
civile, même devant les commissions de sanctions des autorités administratives
indépendantes.
Document 8 : As. Plen., 7 janvier 2011, Bull. as. plen., à paraître au Bulletin, pourvoi n° 0914316.
Document 9 : Com., 24 mai 2011, à paraître au Bulletin, pourvoi n° 10-18267.
La jurisprudence montre alors qu’il faut trouver un juste équilibre entre recherche de la
vérité et loyauté de la preuve.
Document 10 : Soc., 18 mars 2008, D. 2008, AJ, p. 992, obs. B. Ines.
Document 11 : Civ. 1ère, 24 septembre 2009, Bull. civ. I, n° 182.
Document 12 : Soc., 23 mai 2007, Bull. civ. V, n°85 ; D. 2007, Jur. 2284, note CastetsRenard ; D. 2008, Pan. 2822, obs. Vasseur ; RTD civ. 2007, 776, obs. Fages.
Document 13 : Civ. 1ère, 17 juin 2009, D. 2009, A.J, 1758, obs. Egéa et Pan. 2716, obs.
Vasseur ; AJ fam. 2009, 298, obs. David ; RTD civ. 2009, 514, obs. Hauser.
-3-
2°) La jurisprudence a encore établi un équilibre entre le droit à la preuve et le nécessaire
respect de la vie privée, deux exigences qui peuvent s’avérer contradictoires.
Document 14 : Soc., 2 octobre 2001, Bull. civ. V, n° 291, D., 2001, p. 3148, note P.-Y.
Gautier, RTD Civ., 2002, p. 72, note J. Hauser.
Document 15 : Soc., 26 novembre 2002, Bull. civ. V, n°352 ; D. 2003, som. 394, obs.
Fabre et 1536, obs. Lepage ; RTD civ. 2003, 58, obs. Hauser.
Document 16 : Civ. 2ème, 7 octobre 2004, Bull. civ. II, n°447 ; D. 2005, 122, note Bonfils ;
RTD civ. 2005, 135, obs. Mestre et Fages.
Document 17 : Ch. mixte, 18 mai 2007, Bull. n°3, BICC 1er août 2007, p. 6-26, rapp. J-P.
Gridel, avis M. Mathon, D. 2007, p. 2137, note J. Mouly, JCP 2007 II 10129, note G.
Loiseau.
Document 18 : Soc. 23 mai 2007, Bull. civ. V, n° 84, RTD civ. 2007, p. 637, obs. R. Perrot.
Document 19 : Soc., 11 février 2009, Bull. civ. V, n° 40.
IV.- EXERCICE
Résoudre les cas pratiques suivants :
1.- Mme Fleurbon est furieuse. Son opérateur de téléphonie mobile lui réclame paiement
d’une facture exorbitante. Pourtant, elle est certaine de ne pas avoir passé plus d’appels
que d’habitude et n’est pas d’accord avec le relevé téléphonique que la société lui a
présenté. Peut-elle refuser de payer cette facture ?
2. Par ailleurs, Mme Fleurbon dirige une petite entreprise et ces derniers temps rencontre
des problèmes avec ses employés.
Elle a ouvert un pli destiné à son secrétaire, M. Filou : il contenait des photographies
coquines! Cette fois Mme Fleurbon compte bien sévir, il est hors de question que M.
Filou distraie ses collègues. Peut-elle licencier M. Filou ?
-4-
Document 1 : Civ. 1ère, 4 novembre 2011, à paraître au Bulletin, pourvoi n° 10-27035.
Vu les articles 1341, 1347 et 1348 du code civil ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la Société générale a assigné les époux X... en paiement du
solde d’un prêt qu’elle leur avait consenti et dont des échéances étaient, selon elles, demeurées
impayées ; que ceux-ci ont produit aux débats une quittance établie par la banque et faisant
état du remboursement intégral du prêt ; que la Société générale a soutenu que cette quittance
leur avait été adressée à la suite d’une erreur matérielle consécutive à une défaillance de son
système informatique ;
Attendu que pour condamner solidairement les époux X... au paiement du solde du prêt,
l’arrêt attaqué, après avoir relevé que le compte bancaire des époux X... ouvert à la Société
générale s’était trouvé en position débitrice dès le mois d’août 2007 et que ceux-ci avaient
déclaré leur dette envers la Société générale au titre du prêt à l’occasion de la procédure de
surendettement qu’ils avaient engagée à cette même époque, énonce que de tels éléments
suffisent à établir qu’ils étaient, au début de l’année 2008, dans l’incapacité de rembourser
cette somme et retient que la preuve de l’absence de remboursement est ainsi rapportée ;
Qu’en statuant ainsi, alors que si celui qui a donné quittance peut établir que celle-ci n’a pas la
valeur libératoire qu’implique son libellé, cette preuve ne peut être rapportée que dans les
conditions prévues par les articles 1341 et suivants du code civil, la cour d’appel a violé les
textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE (…)
Document 2 : Art. 1316 à 1316-4 du Code civil.
Article 1316
La preuve littérale, ou preuve par écrit, résulte d’une suite de lettres, de caractères,
de chiffres ou de tous autres signes ou symboles dotés d’une signification
intelligible, quels que soient leur support et leurs modalités de transmission.
Article 1316-1
L’écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l’écrit sur
support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il
émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir
l’intégrité.
Article 1316-2
Lorsque la loi n’a pas fixé d’autres principes, et à défaut de convention valable
entre les parties, le juge règle les conflits de preuve littérale en déterminant par
tous moyens le titre le plus vraisemblable, quel qu’en soit le support.
-5-
Article 1316-3
L’écrit sur support électronique a la même force probante que l’écrit sur support
papier.
Article 1316-4
La signature nécessaire à la perfection d’un acte juridique identifie celui qui
l’appose. Elle manifeste le consentement des parties aux obligations qui découlent
de cet acte. Quand elle est apposée par un officier public, elle confère
l’authenticité à l’acte.
Lorsqu’elle est électronique, elle consiste en l’usage d’un procédé fiable
d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache. La fiabilité de
ce procédé est présumée, jusqu’à preuve contraire, lorsque la signature
électronique est créée, l’identité du signataire assurée et l’intégrité de l’acte
garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat.
Document 3 : Civ. 1ère, 28 avril 2011, pourvoi n° 09-71657.
Attendu que M. X..., ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société
Maçonnerie Y..., a assigné la société civile immobilière Lenze (la SCI) en paiement d’une
certaine somme au titre de la réalisation de travaux ; qu’après avoir ordonné une expertise, la
cour d’appel a condamné la SCI à payer la somme principale de 147 496, 74 euros après
compensation des créances réciproques des parties ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l’article 1315 du code civil ;
Attendu que pour déterminer le montant de la dette de la SCI, la cour d’appel s’est fondée sur
un document fixant à 177 109, 17 euros le coût des travaux d’origine évalué au 30 septembre
2001 en relevant qu’il était revêtu de la signature de M. Y..., gérant des deux sociétés ;
Qu’en se déterminant ainsi sans préciser en quelle qualité M. Y... avait signé cette pièce alors
que la valeur probante de celle-ci était contestée par la SCI qui invoquait la règle selon
laquelle nul ne peut se constituer une preuve à lui-même, la cour d’appel a privé sa décision
de base légale ;
(…)
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE
-6-
Document 4 : Civ. 3ème, 5 avril 2011, pourvoi n° 10-17373.
Attendu qu’ayant relevé qu’il ressortait de l’acte de partage sur l’origine de propriété de Mme
X..., qui constituait un commencement de preuve par écrit, que celle-ci avait été attributaire
de la nue-propriété non seulement du 1er étage, des combles et des droits y attachés dans la
copropriété du sol et des parties communes des maisons édifiées sur les terrains cadastrés 353
et 354 ainsi que d’une maison d’habitation bâtie sur le terrain cadastré 355 mais également
d’autres biens et souverainement retenu qu’une disproportion existait entre la valeur de ces
biens et celle du bien prétendument vendu à Mme Y... rendant vraisemblable le fait allégué et
que la preuve de l’existence d’un accord parfait entre les parties sur le prix et la chose
constituée par l’ensemble des pièces du 1er étage et des combles des 3 maisons 353, 354 et
355 résultait de la remise par Mme X... du plan d’architecte représentant en coupe l’ensemble
immobilier constitué par ces 3 maisons avec un projet d’aménagement possible du 1er étage
et des combles ainsi que du comportement de celle-ci, tel que relaté dans des attestations, la
cour d’appel a déduit à bon droit de ces seuls motifs que Mme Y... était propriétaire de
l’ensemble de ces biens ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Document 5 : Civ. 1ère, 11 février 2010, pourvoi n° 09-11527.
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Bordeaux, 16 décembre 2008) rendu sur renvoi après cassation
(civ.1, 24 octobre 2006, pourvoi n° 05-18.215), que M. X..., garagiste, prétendant que M. Y...
était débiteur à son égard de la somme de 4 917,66 euros représentant le prix des travaux de
restauration d’une voiture ancienne, que celui-ci lui avait commandés, lui en a demandé
paiement ; que la cour d’appel a confirmé le jugement déféré en ce qu’il avait condamné M.
Y... à régler ce prix, assorti des intérêts au taux légal à compter du 8 février 2003 ;
Attendu qu’ayant constaté que les travaux litigieux avaient été sollicités par M. Y..., dans le
contexte d’un lien de voisinage et d’une entente cordiale née de la passion commune des
parties pour les voitures anciennes, la cour d’appel en a déduit que M. X... s’était trouvé dans
l’impossibilité morale de se procurer une preuve écrite de la commande de ces travaux ; que le
moyen, qui ne tend, en réalité, qu’à contester cette appréciation souveraine, ne peut être
accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
-7-
Document 6 : Com., 22 mars 2011, D., 2011, p. 1076, note X. Delpech.
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Bourges, 24 septembre 2009), que la société Alternagro,
spécialisée dans le commerce d’aliments pour le bétail, a allégué que la société du Haut
Verneuil, par trois appels téléphoniques en date des 5, 12 et 23 novembre 2007, lui aurait
passé trois commandes d’aliments pour le bétail pour des montants respectifs hors taxe de 1
696,80 euros, 1 702,40 euros et 1 696,80 euros ; que, par ordonnance du 13 mai 2008, le
président du tribunal a enjoint à la société du Haut Verneuil de payer à la société Alternagro
la somme de 5 376,72 euros ; que, sur opposition, le tribunal, réformant l’ordonnance, a rejeté
la demande de la société Alternagro ;
Attendu que la société du Haut Verneuil fait grief à l’arrêt de l’avoir condamnée à payer à la
société Alternagro la somme de 5 376,27 euros, alors, selon le moyen :
1°/ qu’il résulte de l’article 1315 du code civil, que nul ne peut se constituer une preuve à soimême ; que cette règle doit recevoir application toutes les fois que la preuve d’un acte
juridique n’est pas imputable à celui auquel on l’oppose ; qu’il doit en aller ainsi même lorsque
le demandeur fonde sa prétention sur des documents qui n’émanent pas de lui mais de son
propre sous-traitant ; que pour condamner l’Earl du Haut Verneuil à payer la somme de 5
376,27 euros à la Sa Alternagro, la cour d’appel s’est fondée sur les bons de commandes
adressés par la Sa Alternagro à son mandataire, la société agricole du Vexin Normand, ainsi
que sur des bons de fabrication et de livraisons établis par la société Agricole du Vexin
Normand ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
2°/ que l’article 1315 du code civil, impose à celui qui se prévaut d’une obligation d’en
rapporter la preuve ; que le simple silence opposé à l’affirmation d’un fait ne vaut pas en luimême, reconnaissance de ce fait ; que pour reconnaître l’existence des trois ventes, la cour
d’appel s’est fondée sur l’absence de contestation de la part de l’Earl du Haut Verneuil dans
sa lettre adressée à la Sa Alternagro ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a inversé la charge
de la preuve et violé le texte susvisé ;
3°/ que selon l’article 1341 du code civil, la preuve d’un acte juridique conclu après le 1er
janvier 2005, d’une valeur supérieure à 1 500 euros, doit être rapportée par écrit ; qu’en outre,
cet écrit doit répondre à la formalité du double original de l’article 1325 du code civil, lorsque
l’acte juridique est un contrat synallagmatique ; que selon l’article L. 110-3 du code de
commerce, ces règles s’appliquent dans les actes mixtes lorsque c’est la partie commerçante
qui entend prouver contre la partie non commerçante ; que si la société anonyme est
effectivement une société commerciale par la forme, l’article L. 324-1 du code rural fait de
l’Earl une société civile ; que dès lors, lorsqu’une société anonyme entend rapporter la preuve
d’un acte juridique d’une valeur supérieure à 1 500 euros à l’encontre d’une Earl, seul l’écrit
est admissible ; que pour faire droit à la demande de la Sa Alternagro et condamner l’Earl du
Haut Verneuil à payer à celle-ci la somme de 5 376,27 euros, la cour d’appel s’est fondée sur
des éléments qui ne constituent pas des écrits, mais qui s’apparentent, au mieux, à un aveu
extrajudiciaire ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé l’article 1341 du code civil,
ensemble les articles L. 110-3 du code de commerce et L. 324-1 du code rural ;
Mais attendu, en premier lieu, que c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain
d’appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis et sans se fonder exclusivement
sur des pièces émanant de la société Alternagro que la cour d’appel a statué comme elle a fait ;
-8-
Et attendu, en second lieu, qu’ayant relevé que les trois commandes litigieuses invoquées par
la société Alternagro à l’encontre de la société du Haut Verneuil portaient sur des ventes
d’aliments pour le bétail, la cour d’appel, usant de son pouvoir souverain d’appréciation de
l’impossibilité morale de se procurer une preuve littérale de l’acte juridique résultant de
l’usage en matière agricole qui autorise les parties à conclure verbalement les ventes
d’aliments pour le bétail, a estimé que ces commandes pouvaient être faites par téléphone et
ne pas être concrétisées par un écrit daté et signé par le client, la société du Haut Verneuil ;
D’où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Document 7 : Civ. 1ère, 20 octobre 2011, pourvoi n° 10-24323.
Vu l’article 1348 du code civil ;
Attendu que, prétendant avoir prêté à Mme X... la somme de 152 300 euros, M. Y... l’a
assignée en remboursement ;
Attendu que pour le débouter de ses demandes, l’arrêt, après avoir relevé que M. Y... ne
produisait ni reconnaissance de dette, ni aucun acte de Mme X... constituant un
commencement de preuve par écrit du prêt allégué, retient que la preuve par témoignages ne
peut être admise ;
Qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si M. Y... ne s’était
pas trouvé dans l’impossibilité morale de se procurer un écrit, la cour d’appel n’a pas donné
de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, (…)
-9-
Document 8 : As. Plen., 7 janvier 2011, Bull. as. plen., à paraître au Bulletin,
pourvoi n° 09-14316.
Vu l’article 9 du code de procédure civile, ensemble l’article 6 § 1 de la Convention de
sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et le principe de loyauté dans
l’administration de la preuve ;
Attendu que, sauf disposition expresse contraire du code de commerce, les règles du code de
procédure civile s’appliquent au contentieux des pratiques anticoncurrentielles relevant de
l’Autorité de la concurrence ; que l’enregistrement d’une communication téléphonique réalisé
à l’insu de l’auteur des propos tenus constitue un procédé déloyal rendant irrecevable sa
production à titre de preuve ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, 3 juin
2008, Bull. 2008, IV, n° 112), que la société Avantage-TVHA a saisi le Conseil de la
concurrence (devenu l’Autorité de la concurrence), de pratiques qu’elle estimait
anticoncurrentielles sur le marché des produits d’électronique grand public, en produisant des
cassettes contenant des enregistrements téléphoniques mettant en cause les sociétés Philips
France et Sony France ; que ces sociétés ont demandé au Conseil de la concurrence d’écarter
ces enregistrements au motif qu’ils avaient été obtenus de façon déloyale ;
Attendu que pour rejeter leur recours formé contre la décision du Conseil de la concurrence
qui a prononcé une sanction pécuniaire à leur encontre, l’arrêt retient que les dispositions du
code de procédure civile, qui ont essentiellement pour objet de définir les conditions dans
lesquelles une partie peut obtenir du juge une décision sur le bien-fondé d’une prétention
dirigée contre une autre partie et reposant sur la reconnaissance d’un droit subjectif, ne
s’appliquent pas à la procédure suivie devant le Conseil de la concurrence qui, dans le cadre
de sa mission de protection de l’ordre public économique, exerce des poursuites à fins
répressives le conduisant à prononcer des sanctions punitives ; qu’il retient encore que,
devant le Conseil de la concurrence, l’admissibilité d’un élément de preuve recueilli dans des
conditions contestées doit s’apprécier au regard des fins poursuivies, de la situation
particulière et des droits des parties auxquelles cet élément de preuve est opposé ; qu’il ajoute
enfin que si les enregistrements opérés ont constitué un procédé déloyal à l’égard de ceux
dont les propos ont été insidieusement captés, ils ne doivent pas pour autant être écartés du
débat et ainsi privés de toute vertu probante par la seule application d’un principe énoncé
abstraitement, mais seulement s’il est avéré que la production de ces éléments a concrètement
porté atteinte au droit à un procès équitable, au principe de la contradiction et aux droits de la
défense de ceux auxquels ils sont opposés ;
Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes et le principe susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE
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Document 9 : Com., 24 mai 2011, à paraître au Bulletin, pourvoi n° 10-18267.
Vu les articles L. 621-10, L. 621-11 et R. 621-35 du code monétaire et financier, ensemble le
principe de loyauté dans l’administration de la preuve ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, tel que rectifié, qu’après avoir retenu que la société Kelly ainsi
que M. X..., en sa qualité de président de cette dernière, avaient commis un manquement
d’initié en cédant, entre le 6 et le 13 décembre 2006, des actions émises par la société Nortene
et détenues par la société Kelly tandis qu’ils étaient en possession depuis le 4 décembre 2006,
date de sa transmission à M. Y..., secrétaire général de la société GSTI, société mère de la
société Kelly, d’une information privilégiée relative à la situation particulièrement obérée de la
société Nortene et au risque corrélatif d’un état de cessation des paiements imminent, la
commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (l’AMF) a prononcé à leur
encontre une sanction pécuniaire assortie de la publication de sa décision ;
Attendu que pour rejeter la demande de la société Kelly et de M. X... tendant à l’annulation
de la procédure en raison du caractère irrégulier de l’audition de M. Y... par les enquêteurs
habilités par le secrétaire-général de l’AMF et rejeter le recours, l’arrêt, après avoir énoncé que
l’existence de la procédure spécifique d’audition réglementée par les articles L. 621-11 et R.
621-35 du code monétaire et financier ne fait pas échec à la possibilité ouverte aux enquêteurs
de consigner les déclarations et témoignages spontanés, à la double condition que le procèsverbal réponde aux exigences du dernier alinéa du second de ces textes et que l’entretien se
déroule dans des conditions qui ne soient pas de nature à affecter la portée des propos relatés,
ni la loyauté de la procédure, retient que tel a été le cas en l’espèce ; qu’il précise que les
enquêteurs ont pris soin de communiquer préalablement à la personne dont les propos ont
été consignés une copie des articles L. 621-9-3 et L. 621-10 du code monétaire et financier
ainsi qu’un document récapitulatif de ses droits ; qu’il ajoute que les déclarations de M. Y... se
présentent comme des énonciations chronologiques, qui s’enchaînent naturellement et
constituent un récit cohérent, de sorte que les soupçons des requérants sur "l’interrogatoire"
qu’aurait subi ce dernier apparaissent gratuits ; qu’il relève encore que M. Y..., qui a choisi les
pièces à joindre au procès-verbal et a refusé d’en donner d’autres, a signé sans réserves toutes
les pages de ce document, ce qui ne serait pas plausible dans l’hypothèse d’un interrogatoire
autoritaire ;
Attendu qu’en se déterminant ainsi, sans constater que la personne dont les déclarations ont
été recueillies par les enquêteurs dans les locaux de la société GSTI avait, préalablement à
celles-ci, renoncé au bénéfice des règles applicables aux auditions, visant à assurer la loyauté
de l’enquête, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE,
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Document 10 : Soc., 18 mars 2008, D. 2008, AJ, p. 992, obs. B. Ines.
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X..., entré en 1975 au service d’EDF-GDF, exerçait
depuis 1993 les fonctions d’opérateur intervention, chargé à ce titre d’assurer le relevé des
compteurs, au centre d’exploitation d’Avignon ; qu’après l’avoir convoqué le 24 novembre
2000 à un premier entretien, puis informé le 20 décembre 2000 de son renvoi devant la
commission secondaire du personnel, qui s’est réunie en dernier lieu le 12 avril 2001,
l’employeur a notifié le 28 mai 2001 à cet agent sa mise à la retraite d’office ; que, contestant
la régularité de la procédure suivie par l’employeur et la cause de sa révocation, M. X... a saisi
le juge prud’homal de demandes indemnitaires ; (…)
Vu l’article 9 du code de procédure civile ;
Attendu que si l’employeur a le pouvoir de contrôler et de surveiller l’activité de son
personnel pendant le temps de travail, il ne peut mettre en oeuvre un dispositif de
surveillance clandestin et à ce titre déloyal ;
Attendu que, pour juger que la sanction prononcée à l’encontre de M. X... était régulière et
fondée, la cour d’appel a retenu que si l’employeur a demandé à des cadres de l’entreprise
d’aller prendre leur repas dans l’établissement qu’exploitait l’épouse de l’agent, en leur
fournissant des photographies de l’intéressé, afin d’établir un rapport dont il résultait que le
salarié assurait le service du restaurant en partie pendant son temps de travail, il n’avait pas été
porté atteinte à la vie privée de ce dernier, dès lors que l’établissement était ouvert au public,
que les agents mandatés ne s’étaient pas cachés pour procéder aux constatations, qu’ils
n’étaient pas tenus de révéler leurs fonctions, ni le but de leur visite, agissant en simples
clients comme aurait pu l’être tout agent EDF venu inopinément dans l’établissement ; que la
plainte avec constitution de partie civile déposée par M. X... pour atteinte à la vie privée a
donné lieu à une ordonnance de non lieu ; que le recours à des témoins pour faire constater
l’activité d’un agent pendant ses heures de travail ne constitue pas un procédé déloyal ou
clandestin ; et que les contrôles ponctuels ne se sont pas réalisés à l’insu du salarié, les agents
s’étant présentés au restaurant sans se dissimuler, alors que M. X... faisait le service au vu et
au su de l’ensemble des clients quels qu’ils puissent être ;
Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle constatait que des agents EDF, mandatés par le chef de
centre, s’étaient rendus dans l’établissement tenu par l’épouse de l’intéressé en se présentant
comme de simples clients, sans révéler leurs qualités et le but de leur visite, ce dont il résultait
que leurs vérifications avaient été effectuées de manière clandestine et déloyale, en ayant
recours à un stratagème, la cour d’appel, qui a retenu à tort comme moyen de preuve les
rapports établis dans ces conditions, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il soit nécessaire de statuer sur les autres moyens :
CASSE ET ANNULE, (…)
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Document 11 : Civ. 1ère, 24 septembre 2009, Bull. civ. I, n° 182.
Attendu que la société Meublé Lonchamp (la société), preneur à bail d’un immeuble à usage
exclusif de meublé, a été dite déchue de son droit au maintien dans les lieux et à indemnité
d’éviction, en raison de son inertie devant de nombreux faits survenus dans les parties
communes, imputables à certains occupants de l’immeuble, notamment squatters, et
constitués d’actes de vandalisme, trafic et usage de stupéfiants, accueil de clients en vue de la
prostitution, défécations urines et crachats dans le hall, manifestations d’hostilité envers
divers locataires ; que la société fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué (Aix en Provence, 11
juillet 2008) d’écarter l’exception d’irrecevabilité de photos de vidéosurveillance et de se
fonder sur celles ci, alors, selon le moyen, que constitue un mode de preuve déloyal devant
être rejeté des débats par application de l’article 9 du code de procédure civile,
l’enregistrement de l’image d’une personne au moyen d’une vidéo surveillance sans son
consentement certain et non équivoque, ce que des panneaux informatifs de la présence de
caméras placées dans les parties communes de l’immeuble ne suffisent pas à établir ;
Mais attendu que la cour d’appel, ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que, selon
constat d’huissier de justice, l’avertissement de l’existence des caméras litigieuses figurait sur
trois panneaux placés dans les lieux concernés, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’immeuble,
a pu retenir que les faits reprochés avaient été établis conformément à la loi ; que le moyen
n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Document 12 : Soc., 23 mai 2007, Bull. civ. V, n° 85 ; D. 2007, Jur. 2284, note
Castets-Renard ; D. 2008, Pan. 2822, obs. Vasseur ; RTD civ. 2007, 776, obs. Fages.
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Agen,5 avril 2006), rendu sur renvoi après cassation (chambre
sociale,20 avril 2005, pourvoi n° Y 3 41-916), que Mme X..., négociatrice immobilière à la
SCP Y..., Z... et A... devenue SCP Y..., A..., B..., titulaire d’un office notarial, a été licenciée
pour faute grave le 23 août 2000 ; qu’elle a saisi le conseil de prud’hommes en contestant son
licenciement et en faisant état d’un harcèlement sexuel ; ( …)
Sur le second moyen :
Attendu que la SCP notariale et M. Y... font grief à l’arrêt d’avoir déclaré établi le harcèlement
sexuel de la salariée et de lui avoir alloué une somme à ce titre, alors selon le moyen :
1° / que l’enregistrement et la reconstitution d’une conversation ainsi que la retranscription
de messages, lorsqu’ils sont effectués à l’insu de leur auteur, constituent des procédés
déloyaux rendant irrecevables en justice les preuves ainsi obtenues ; que, dès lors, en se
fondant sur des messages téléphoniques d’août 1998 reconstitués et retranscrits par un
huissier à l’insu de leur auteur et sur l’enregistrement d’un entretien d’avril 2000 effectué par
la salariée sur une microcassette à l’insu de son employeur, la cour d’appel a violé les articles 9
du nouveau code de procédure civile et 6 de la Convention de sauvegarde des droits de
l’homme et des libertés fondamentales ;
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2° / qu’en imposant à M. Y... de rapporter la preuve qu’il n’était pas l’auteur des messages
envoyés à partir de son téléphone portable, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve et
violé l’article 1315 du code civil ;
3° / que le juge ne peut statuer par voie de pure affirmation ; que, dès lors, en se fondant sur
ce que les pressions de M. Y... s’étaient " traduites par un état dépressif de la salariée ", " qu’à
compter de la mi-juin elle a été informée qu’elle n’avait plus de bureau " et que le harcèlement
avait eu des " conséquences sur les conditions de travail de la salariée et son état de santé ",
sans analyser ni même préciser les pièces dont elle déduisait ces affirmations, la cour d’appel a
violé l’article 455 du nouveau code de procédure civile ;
Mais attendu que si l’enregistrement d’une conversation téléphonique privée, effectué à l’insu
de l’auteur des propos invoqués, est un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la
preuve ainsi obtenue, il n’en est pas de même de l’utilisation par le destinataire des messages
écrits téléphoniquement adressés, dits S. M. S., dont l’auteur ne peut ignorer qu’ils sont
enregistrés par l’appareil récepteur ;
Et attendu qu’abstraction faite du motif surabondant tiré de l’enregistrement d’une
conversation téléphonique ultérieure, la cour d’appel a constaté, par une appréciation
souveraine, que les messages écrits adressés téléphoniquement à la salariée le 24 août 1998 et
les autres éléments de preuve soumis à son examen établissaient l’existence d’un harcèlement
;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.
Document 13 : Civ. 1ère, 17 juin 2009, D. 2009, A.J, 1758, obs. Egéa et Pan. 2716,
obs. Vasseur ; AJ fam. 2009, 298, obs. David ; RTD civ. 2009, 514, obs. Hauser.
Vu les articles 259 et 259-1 du code civil ;
Attendu qu’en matière de divorce, la preuve se fait par tous moyens ; que le juge ne peut
écarter des débats un élément de preuve que s’il a été obtenu par violence ou fraude ;
Attendu qu’un jugement du 12 janvier 2006 a prononcé à leurs torts partagés le divorce des
époux X... - Y..., mariés en 1995 ; que, devant la cour d’appel, Mme Y... a produit, pour
démontrer le grief d’adultère reproché à M. X..., des minimessages, dits "SMS", reçus sur le
téléphone portable professionnel de son conjoint, dont la teneur était rapportée dans un
procès-verbal dressé à sa demande par un huissier de justice ;
Attendu que, pour débouter Mme Y... de sa demande reconventionnelle et prononcer le
divorce à ses torts exclusifs, la cour d’appel énonce que les courriers électroniques adressés
par le biais de téléphone portable sous la forme de courts messages relèvent de la
confidentialité et du secret des correspondances et que la lecture de ces courriers à l’insu de
leur destinataire constitue une atteinte grave à l’intimité de la personne ;
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Qu’en statuant ainsi, sans constater que les minimessages avaient été obtenus par violence ou
fraude, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, (…)
Document 17 : Soc., 2 octobre 2001, Bull. civ. V, n° 291, D., 2001, p. 3148, note P.-Y.
Gautier, RTD Civ., 2002, p. 72, note J. Hauser.
Attendu que la société Nikon France a engagé M. X... le 22 avril 1991 en qualité d’ingénieur,
chef du département topographie ; que le 7 septembre 1992, le salarié a conclu avec les
sociétés Nikon Corporation et Nikon Europe BV un accord de confidentialité lui interdisant
de divulguer certaines informations confidentielles communiquées par ces deux sociétés ; que
le 29 juin 1995, il a été licencié pour faute grave, motif pris, notamment, d’un usage à des fins
personnelles du matériel mis à sa disposition par la société à des fins professionnelles ; qu’il a
saisi la juridiction prud’homale d’une demande tendant au paiement d’indemnités fondées sur
un licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que d’une somme à titre de contrepartie de
la clause de non-concurrence conventionnelle ; (…)
Sur le pourvoi incident de M. X... :
Vu l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des
libertés fondamentales, l’article 9 du Code civil, l’article 9 du nouveau Code de procédure
civile et l’article L. 120-2 du Code du travail ;
Attendu que le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de
sa vie privée ; que celle-ci implique en particulier le secret des correspondances ; que
l’employeur ne peut dès lors sans violation de cette liberté fondamentale prendre
connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil
informatique mis à sa disposition pour son travail et ceci même au cas où l’employeur aurait
interdit une utilisation non professionnelle de l’ordinateur ;
Attendu que pour décider que le licenciement de M. X... était justifié par une faute grave, la
cour d’appel a notamment retenu que le salarié avait entretenu pendant ses heures de travail
une activité parallèle ; qu’elle s’est fondée pour établir ce comportement sur le contenu de
messages émis et reçus par le salarié, que l’employeur avait découverts en consultant
l’ordinateur mis à la disposition de M. X... par la société et comportant un fichier intitulé "
personnel " ;
Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE.
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Document 15 : Soc., 26 novembre 2002, Bull. civ. V, n° 352 ; D. 2003, som. 394, obs.
Fabre et 1536, obs. Lepage ; RTD civ. 2003, 58, obs. Hauser.
Vu les articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des
libertés fondamentales, 9 du Code civil, 9 du nouveau Code de procédure civile et L.120-2 du
Code du travail ;
Attendu qu’il résulte de ces textes qu’une filature organisée par l’employeur pour contrôler et
surveiller l’activité d’un salarié constitue un moyen de preuve illicite dès lors qu’elle implique
nécessairement une atteinte à la vie privée de ce dernier, insusceptible d’être justifiée, eu égard
à son caractère disproportionné, par les intérêts légitimes de l’employeur ;
Attendu que Mme X... a été engagée le 6 janvier 1993, en qualité de déléguée spécialiste
exclusif par la société Lederlé, aux droits de laquelle vient la société Wyeth-Lederlé, exploitant
un laboratoire pharmaceutique ; qu’elle devait exercer son activité dans un secteur
géographique déterminé selon les fonctions définies par l’article 1er de l’avenant relatif aux
visiteurs médicaux de la convention collective nationale de l’industrie pharmaceutique ;
qu’elle a été licenciée pour faute grave par lettre du 10 juillet 1997 aux motifs de fausses
déclarations d’activité et de réunions d’information médicale ainsi que de fausses déclarations
de frais révélées à la suite d’un contrôle effectué par un supérieur hiérarchique qui s’est posté
à proximité de son domicile ;
Attendu que pour dire que le licenciement de la salariée procédait d’une faute grave et rejeter
ses demandes, la cour d’appel énonce que le moyen tiré du caractère illicite du contrôle de
l’activité de la salariée effectué par son supérieur hiérarchique qui s’est posté à proximité du
domicile de la salariée les 12 et 13 juin 1997 doit être écarté, que le rapport de contrôle établi
par ce supérieur qui se borne à relater les allées et venues de la salariée, s’il ne suffit pas à
prouver l’existence de la faute imputée à la salariée, d’autant qu’il ne peut lui être attachée que
la valeur probante d’une attestation, autorisait l’employeur à douter de la sincérité des
comptes rendus de sa déléguée et partant à vérifier objectivement les allégations de celle-ci ;
qu’elle ajoute que l’employeur a loyalement communiqué à la salariée la teneur des
constatations de son supérieur hiérarchique dès qu’il en a été destinataire et qu’il est établi que
confrontée à ces constatations la salariée n’a pu réaliser les visites figurant dans ses rapports
d’activité et a fait de fausses déclarations d’activité et de frais professionnels ; qu’elle en
conclut que la salariée a violé une obligation essentielle tant de la convention collective
applicable que de son contrat de travail et a rendu impossible la poursuite de la relation
contractuelle même pendant la durée du préavis ;
Qu’en statuant ainsi, alors que l’employeur ne pouvait se fonder pour retenir l’existence d’une
faute grave de la salariée sur le rapport établi par son supérieur hiérarchique dressé à la suite
d’une filature, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE
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Document 16 : Civ. 2ème, 7 octobre 2004, Bull. civ. II, n° 447 ; D. 2005, 122, note
Bonfils ; RTD civ. 2005, 135, obs. Mestre et Fages.
Vu les articles 9 du nouveau Code de procédure civile et 6 de la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Attendu qu’en 1989 Mme X... a reçu de M. Y... une somme d’argent que les héritières de ce
dernier lui ont réclamée au motif qu’elle aurait été prêtée et non donnée ; qu’afin de rapporter
la preuve de leur allégation, elles ont versé aux débats une cassette contenant l’enregistrement
d’une conversation téléphonique effectué par M. Y... à l’insu de son interlocutrice, Mme X... ;
Attendu que pour condamner Mme X... à payer aux consorts Z... une somme de 150 000
francs outre les intérêts et dire qu’elle serait redevable des conséquences fiscales d’une
réintégration de la créance au patrimoine de M. Y..., tardive en raison de son refus de
reconnaître le prêt, la cour d’appel a énoncé que le secret des correspondances émises par la
voie des télécommunications était opposable aux tiers mais pas à M. Y... qui avait pu
valablement enregistrer une conversation qu’il avait eue personnellement avec une autre
personne, ni à ses héritiers qui sont l’émanation de sa personne ;
que sa production à la présente instance ne portait pas atteinte à la vie privée de Mme X... dès
lors qu’aucun fait relevant de la sphère de son intimité n’était révélée, la discussion rapportée
portant exclusivement sur le remboursement du prêt consenti par M. Y... et que la production
de la cassette était un moyen de preuve recevable ;
Qu’en statuant ainsi, alors que l’enregistrement d’une conversation téléphonique privée,
effectué et conservé à l’insu de l’auteur des propos invoqués, est un procédé déloyal rendant
irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE (…)
Document 17 : Ch. mixte, 18 mai 2007, Bull. n°3, BICC 1er août 2007, p. 6-26, rapp.
J-P. Gridel, avis M. Mathon, D. 2007, p. 2137, note J. Mouly, JCP 2007 II 10129,
note G. Loiseau.
Attendu que M. X..., chauffeur de direction au service de la société Haironville, s’est fait
adresser sur son lieu de travail, sous enveloppe comportant pour seules indications son nom,
sa fonction et l’adresse de l’entreprise, une revue destinée à des couples échangistes à laquelle
il était abonné ; que, conformément à la pratique habituelle et connue de l’intéressé,
l’enveloppe a été ouverte par le service du courrier, puis déposée avec son contenu au
standard à l’intention de son destinataire ; que d’autres employés s’étant offusqués de la
présence de ce magazine dans un lieu de passage, l’employeur a engagé contre M. X... une
procédure disciplinaire qui a abouti à sa rétrogradation avec réduction corrélative de son
salaire ; que l’intéressé a signé en conséquence un avenant à son contrat de travail ; que sa
contestation ultérieure de la sanction a été rejetée par les juges du fond ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
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Attendu qu’il est fait grief à la cour d’appel de n’avoir pas recherché si M. X... avait donné son
accord librement, et ainsi privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du code
civil ;
Mais attendu que le salarié conservant la faculté de contester la sanction dont il a fait l’objet,
la cour d’appel n’avait pas à procéder à la recherche dont s’agit ; que le moyen est inopérant ;
Sur le même moyen, pris en sa troisième branche, en son grief invoquant une ouverture
illicite du pli :
Attendu que M. X... fait grief à l’arrêt de statuer ainsi, alors, selon le moyen, que, pour juger
qu’il avait manqué à ses obligations contractuelles, la cour d’appel a cru devoir se fonder sur
le prétendu préjudice résultant pour l’employeur de l’ouverture du pli qui, adressé au salarié,
avait été ouvert par le service en charge du courrier ; que l’employeur ne pouvait cependant,
sans violer la liberté fondamentale du respect de l’intimité de la vie du salarié, prendre
connaissance du courrier qui lui était adressé à titre personnel ; qu’il ne pouvait donc dès lors
être sanctionné à raison du prétendu préjudice de l’employeur résultant de l’ouverture illicite
de ce courrier personnel ; qu’en jugeant le contraire, la cour d’appel a violé l’article L. 121-1
du code du travail ;
Mais attendu que l’arrêt relève que le pli litigieux était arrivé sous une simple enveloppe
commerciale démunie de toute mention relative à son caractère personnel ; qu’en l’état de ces
motifs dont il se déduisait que cet envoi avait pu être considéré, par erreur, comme ayant un
caractère professionnel, la cour d’appel a exactement décidé que son ouverture était licite ;
que le moyen n’est pas fondé ;
Mais sur le même moyen, pris en ses deuxièmes et troisième branches, cette dernière en son
grief fondé sur le respect dû à la vie privée :
Vu l’article 9 du code civil, ensemble l’article L. 122-40 du code du travail ;
Attendu que pour statuer comme elle a fait, la cour d’appel a retenu qu’il est patent que le
document litigieux, particulièrement obscène, avait provoqué un trouble dans l’entreprise,
porté atteinte à son image de marque et eu immanquablement un retentissement certain sur la
personne même de son directeur dont M. X... était le chauffeur et donc un proche
collaborateur ;
Qu’en statuant ainsi, alors, d’une part, qu’un trouble objectif dans le fonctionnement de
l’entreprise ne permet pas en lui-même de prononcer une sanction disciplinaire à l’encontre
de celui par lequel il est survenu, d’autre part, que la réception par le salarié d’une revue qu’il
s’est fait adresser sur le lieu de son travail ne constitue pas un manquement aux obligations
résultant de son contrat, et enfin, que l’employeur ne pouvait, sans méconnaître le respect dû
à la vie privée du salarié, se fonder sur le contenu d’une correspondance privée pour
sanctionner son destinataire, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS,
CASSE ET ANNULE, (…).
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Document 18 : Soc. 23 mai 2007, Bull. civ. V, n° 84, RTD civ. 2007, p. 637, obs. R.
Perrot.
Attendu que le respect de la vie personnelle du salarié ne constitue pas en lui-même un
obstacle à l’application des dispositions de l’article 145 du nouveau code de procédure civile
dès lors que le juge constate que les mesures qu’il ordonne procèdent d’un motif légitime et
sont nécessaires à la protection des droits de la partie qui les a sollicitées ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Datacep, qui employait M. X... en qualité de
responsable marketing et recrutement, a obtenu du président d’un tribunal de grande
instance, sur requête, une ordonnance autorisant un huissier de justice à accéder aux données
contenues dans l’ordinateur mis par elle à la disposition du salarié et à prendre connaissance,
pour en enregistrer la teneur, des messages électroniques échangés par l’intéressé avec deux
personnes identifiées, étrangères à l’entreprise et avec lesquelles elle lui prêtait des relations
constitutives, à son égard, de manœuvres déloyales tendant à la constitution d’une société
concurrente ;
Attendu que pour rétracter l’ordonnance et annuler le procès-verbal dressé par l’huissier, la
cour d’appel retient que la mesure d’instruction sollicitée et ordonnée a pour effet de donner
à l’employeur connaissance de messages personnels émis et reçus par le salarié et en déduit
qu’elle porte atteinte à une liberté fondamentale et n’est pas légalement admissible ;
Qu’en statuant ainsi, alors que l’employeur avait des motifs légitimes de suspecter des actes de
concurrence déloyale et qu’il résultait de ses constatations que l’huissier avait rempli sa
mission en présence du salarié, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE
Document 19 : Soc., 11 février 2009, Bull. civ. V, n° 40.
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X..., qui était employé depuis le 11 avril 1988 en qualité
d’aide-raffineur par la Société industrielle des oléagineux (SIO) et occupait en dernier lieu les
fonctions de chef de poste, a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien
préalable tenu le 4 décembre, puis licencié pour faute grave le 11 décembre 2000 pour avoir
dérobé trois cents emballages en plastique servant au conditionnement des produits, après un
contrôle de son sac le 24 novembre 2000 ; qu’il a saisi la juridiction prud’homale d’une
demande de paiement de diverses sommes au titre de la rupture de son contrat de travail ;
Vu les articles L. 120-2, devenu L. 1121-1 du code du travail, et 9 du code civil ;
Attendu que pour retenir l’existence d’une faute grave et débouter le salarié de sa demande
d’indemnités au titre de son licenciement, l’arrêt confirmatif relève notamment que le
contrôle du sac du salarié a été fait en sa présence et avec son consentement, et que ce
dernier, n’ayant pas été contraint de montrer le contenu de son sac, ne peut soutenir que cette
opération est entachée d’illégalité ;
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Attendu cependant que l’employeur ne peut apporter aux libertés individuelles ou collectives
des salariés que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et
proportionnées au but recherché ; qu’il ne peut ainsi, sauf circonstances exceptionnelles,
ouvrir les sacs appartenant aux salariés pour en vérifier le contenu qu’avec leur accord et à la
condition de les avoir avertis de leur droit de s’y opposer et d’exiger la présence d’un témoin ;
Qu’en statuant comme elle l’a fait, sans qu’il résulte de ses constatations que le salarié avait
été informé de son droit de s’opposer à l’ouverture de son sac et au contrôle de son contenu,
la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE
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