LES JUGEMENTS de l`anthropologue Serge Bouchard sur Jean

Transcription

LES JUGEMENTS de l`anthropologue Serge Bouchard sur Jean
Mis à jour 2015-11-29
Les jugements non fondés de Serge
Bouchard sur Jean Crevier
Un texte de l'anthropologue Serge Bouchard et de
sa conjointe a dépeint Jean Crevier comme
crapule, violeur etc. sans fondement, en 2011.
L'opinion de la conjointe de Serge Bouchard, Marie-Christine Lévesque,
rapportée dans le journal Le Devoir, décrit bien l'impression que Bouchard
donne quand on lit ce qu'il a écrit sur Jean Crevier : «Serge écrit à la
hache, laissant de gros copeaux traîner dans des textes qu'il oublie
aussitôt brouillonnés. Il écrit comme un ours, renversant tout et ne
ramassant rien.» Le Devoir, 29 novembre 2011.
Il existe depuis 2011 une description douteuse, imaginative et mélodramatique de Jean
Crevier seigneur de Saint-François, dans un texte regrettable de l'anthropologue Serge
Bouchard et de Marie-Christine Lévesque, dans la lignée des écrits de Simone Vincens sur
le même sujet, mais avec plus de jugements gratuits, sans fondement. Le texte de Serge
Bouchard et de Marie-Christine Lévesque utilise des qualificatifs excessifs et inadaptés,
sans preuve à l'appui comme ceux-ci : Jean Crevier riche véreux qui exploite la pauvre
Autochtone, une crapule, le viol collectif auquel il a participé lors de l'homicide commis
par Jean Rattier etc., tous des clichés sans aucun document à l'appui.
Il est difficile d'imaginer Jean Crevier raciste et anti-métis. En lisant les textes de
Bouchard et Lévesque, on croirait que Jean Crevier vouait une haine sans merci envers
les Métis et les Autochtones. Pourtant son beau-frère, Pierre Boucher, gouverneur de
Trois-Rivières puis seigneur de Boucherville et remarié avec sa sœur Jeanne Crevier,
avait d'abord épousé une algonquine. Les neveux de Jean Crevier habitaient à proximité
des Abénaquis : des descendants ont même épousé des membres de cette nation
autochtone.
Le texte de Serge Bouchard et Marie-Christine Lévesque ne démontre pas que ces
auteurs savaient qui étaient les Couc, qui était Jean Crevier et qui était la famille du
condamné Jean Rattier. Savaient-ils que la veuve algonquine de Pierre Couc vivait
misérablement dans les bois, abandonnée par ses propres enfants au point que la cour a
dû intervenir ?
Les propos gratuits du texte de Serge Bouchard et sa conjointe sur un supposé Jean
Crevier véreux, crapule et violeur, ont le malheur d'avoir été imprimés. Le texte de ces
auteurs semble pris dans une dynamique simpliste dans laquelle tourbillonnent des
victimes et des agresseurs et dans laquelle l'européen est coupable et l'autochtone le
perdant. Pourtant les guerres entre Français et Autochtones n'auraient pas été causées
par des préjugés ni par des préoccupations territoriales mais plutôt par des raisons
commerciales. Tant les Français que certaines nations autochtones comme les Iroquois
d'alors auraient cherché en avoir le monopole.
Mais la pire insulte à l'histoire que commet le texte de Serge Bouchard et de sa
conjointe est qu'ils aient écrit que Jean Crevier a participé à un viol collectif en octobre
1679. Cela équivaut à prétendre que le Conseil souverain a été aveugle ou naïf dans cette
affaire. Les documents du procès n'ont jamais fait mention d'un viol : le jugement final n'a
pas accusé ni condamné qui que ce soit pour viol. Une simple lecture ou relecture des
documents du procès aurait suffi à ce que ce texte n'eût pas à taxer Jean Crevier de
violeur : ainsi ce texte aurait pu éviter de sombrer dans une défense apparemment
subjective des Autochtones qui méritent mieux que ce genre de support. Lira-t-on un jour
que Serge Bouchard est revenu sur ses propos regrettables avec des appuis
biographiques ?
Les écrits de Serge Bouchard
et sa conjointe, Marie-Christine Lévesque
-1Bouchard, Serge, et Lévesque, Marie-Christine, Elles ont fait l’Amérique, tome 1,
chapitre «Madame Montour», Lux Éditeur, Collection Mémoire des Amériques,
paru au 2e trimestre 2011. Et diffusion de l'opinion de Serge Bouchard sur les
ondes de Radio-Canada en 2006.
Ils ont écrit sur Jean Crevier dans Elles ont fait l'Amérique, pages 203-204 :
«Il est des drames qui façonnent, qui marquent à jamais la trajectoire d'une vie. Jeanne Couc, une jeune femme de
vingt-deux ans, est attaquée, violée à répétition et tuée. Cela se passe sur la terre familiale, dans les dépendances.
Son père, qui n'est pas loin, entend les cris de sa fille, il accourt pour se porter à sa défense, mais il est battu et laissé
sur place, grièvement blessé. Pierre Couc connaît les agresseurs, ils sont trois*: Jean Crevier, le seigneur des lieux,
son domestique Gilbert, et un ouvrier agricole répondant au nom de Ratier. Ce crime sordide restera quasiment
impuni. Ratier fut reconnu comme l'auteur du meurtre et on le condamna à être pendu à Québec. Mais pendu, il ne le
fut point. Lorsque vint le moment de son exécution, les autorités de la colonie lui proposèrent de devenir bourreau
en échange de sa vie. Il faut dire que personne ne voulait de ce métier et que la cour cherchait depuis longtemps à
pourvoir le poste. Ratier accepta, bien sûr. Pendant de nombreuses années, il fut le bourreau officiel de la NouvelleFrance et il mourut de sa belle mort à un âge avancé. L'apparence de justice faite à ce crime fut encore malmenée
lorsque les deux autres complices ayant pris part au viol collectif s'en tirèrent avec des amendes et des
remontrances publiques.»
«L'histoire ne dit pas combien Pierre Couc et sa femme Marie** furent dévastés par la tournure des événements. Le
destin tragique de Jeanne, leur fille aînée, était déjà un coup terrible, mais l'impunité du crime laissa la famille à
jamais inconsolée. D'où l'on voit que la petite société de la Nouvelle-France entretenait d'anciennes tares: la toutepuissance des riches vis-à-vis des moins fortunés en titre, en argent et en pouvoir. Le racisme, aussi: Jeanne était
métisse, et cela en faisait une moins que rien. Or cette injustice resta gravée dans la mémoire d'Élisabeth, qui avait
douze ans au moment du meurtre de sa sœur.»
«...s'appelle Jean Crevier. On le connaît maintenant, il s'agit d'un personnage hautement antipathique : c'est un
trafiquant d'alcool, un marchand véreux qui trompe les Indiens et dont la réputation est déplorable. Sans doute
avait-il ses entrées à Québec pour avoir obtenu pareil privilège.»
----------* trois : Bouchard écrit qu'ils sont trois car il ne rapporte pas ce qu'il y a d'écrit dans le dossier des archives.
** Bouchard ne relate pas que la femme de Pierre Couc, une fois veuve, fut laissée à elle-même dans les bois en hiver
par ses propres enfants et que la Cour a dû intervenir pour la protéger.
- 2-Article «Métisse algonquine, Canadienne-française, Anglaise, Iroquoise : madame
Montour », Serge Bouchard, la revue d'histoire Cap-aux-Diamants, n° 90, 2007, p.
15-16 :
«Mme Montour s'appelle en vérité Élisabeth Couc. Enfant, elle vit avec sa famille, à Trois-Rivières d'abord,
puis au Cap-de-la-Madeleine, et enfin de l'autre côté du fleuve, sur la rivière Saint-François où son père
est censitaire dans la seigneurie de Jean Crevier. Ce dernier est un rude personnage, pour ne pas dire une
crapule. Trafiquant, criminel, violent, il sera impliqué dans une tragédie qui touchera de près notre future
Mme Montour. En octobre 1679, Jeanne Couc, 22 ans, la sœur d'Élisabeth qui en a 12, est violée* et tuée.
Son père sera grièvement blessé en lui portant secours. Ce crime sera résolu mais restera impuni. Le
seigneur, son domestique Gilbert et un ouvrier agricole répondant au nom de Rattier seront reconnus
coupables. Le premier sera mis à l'amende pour complicité, le dernier sera condamné à être pendu, mais
sa peine sera commuée du fait qu'il acceptera de devenir bourreau à Québec, profession qu'il exercera
jusqu'à sa belle mort.
Cette injustice restera gravée** dans la mémoire d'Élisabeth jusqu'à la fin de ses jours. Car il est probable
qu'elle relevait des réalités racistes de l'époque : Jeanne était métisse et rien dans la tragédie vécue par la
famille Couc ne semblait grave aux yeux des autorités.»
-3-Récit sur les ondes de Radio-Canada par Serge Bouchard. 4 décembre 2006 :
Serge Bouchard est anthropologue et fut créateur, avec Rachel Verdon, de la série De remarquables
oubliés, à la Première Chaîne de Radio-Canada. Il a raconté la vie de Mme Montour le 4 décembre 2006 à
cette émission «De remarquables oubliés». Bouchard y racontait, entre autres, que Jeanne Couc avait été
violée* et tuée sur la terre de son père Pierre Couc qui fut blessé en lui portant secours, que certains
Français comme Jean Crevier méprisaient les Métis** et exerçaient une violence générale envers eux et
que, comme d'autres, Jean Crevier tenait en basse estime les Métis** et pouvait être violent** envers les
femmes métisses. C'est oublier que sa sœur Marguerite a vécu très près des Amérindiens et que les fils de
son premier mariage vivaient parmi les Abénakis de Saint-François avec qui ils commerçaient.
*violée : elle n'a pas été violée. Où est la preuve ?
** Métis : il n'existe aucun fondement sur ces affirmations de Bouchard.
Radio-Canada, lundi 4 décembre 2006, diffusion, Les remarquables oubliés par Serge Bouchard qui raconte la vie d’Isabelle
Montour, une Métisse née au Québec au 17e siècle. Femme d'une rare intelligence et d'une grande beauté, c’est un personnage
marquant de la jeune histoire des États-Unis.
Une Métisse algonquine-française
Élizabeth Couc est née en 1667 à Trois-Rivières. Son père, Pierre Couc, originaire de Cognac, fait partie des premiers colons. Sa
mère Marie est une Algonquine. En 1676, la famille s’installe à Saint-François, de l’autre côté du fleuve. En 1679, Jeanne, l’aînée
des enfants, est violée* et tuée par un dénommé Rattier, employé du seigneur Jean Crevier**. Cette tragédie illustre le mépris des
Blancs envers les Métis. Élizabeth a 12 ans et elle n’oubliera jamais l’incident.
* elle n'a pas été violée selon toutes sources historiques existantes. Le Conseil souverain n'aurait pas laissé passer un tel crime.
** Il n'était pas un employé de Jean Crevier.
Les écrits de Simone Vincens en 1979
Opinion tranchée de Simone Vincens : Jean Crevier ne pensait qu'à sa fortune et
qu'aux honneurs. (Simone Vincens, Madame Montour et son temps,
Québec/Amérique, Montréal, 1979, pages 76-78). Les textes de l'anthropologue
Serge Bouchard et de Marie-Christine Lévesque semblent être imprégnés de la
perception qu'avait Simone Vincens sur le seigneur Jean Crevier.
Extrait de l'ouvrage de Simone Vincens
«La vie sociale est donc très réduite pour les cinquante habitants de la localité ; elle se concentre sur le
seigneur, le très peu honorable Jean Crevier. Issu d'une famille de rapaces, il n'a d'autre but que
d'arrondir sa fortune aux dépens de tout le monde ; peu soucieux de ses colons, il obtient de l'intendant le
monopole de la chasse et de la pêche sur sa seigneurie ; comme le gibier et le poisson sont très abondants,
tout le bénéfice est pour lui ! Lors de la conférence de Québec de 1678, où l'on discute de la vente de
l'alcool aux Indiens, Crevier, délégué en sa qualité de seigneur, parle naturellement en faveur de ce trafic ;
selon lui, ce n'est pas l'ivrognerie qui entraîne les Indiens à toutes sortes de méfaits, mais leur cruauté
naturelle ! Mensonge méprisable et facilement démasqué. Mais l'argent ne lui suffit pas ; tout seigneur
digne de ce nom doit recevoir - selon une coutume de la vieille France - les honneurs du mai. Il a donc fait
stipuler dans les contrats de ses censitaires l'obligation, chaque année, de planter le mai devant sa porte.
La coutume était très répandue et l'occasion d'une joyeuse fête le premier jour de mai : les pères de
famille et les jeunes gens du village plantaient un sapin de cinquante à soixante pieds de haut, orné d'une
girouette ; ensuite le seigneur les invitait à manger des crêpes arrosées de sirop d'érable et surtout de
nombreuses libations. À chaque rasade, trois jeunes gens allaient décharger leur fusil sur le mai jusqu'à ce
que l'arbre en soit complètement noirci ; après quoi on finissait la journée à danser. C'était donc occasion
de réjouissance pour tout un chacun, et l'on peut absoudre Crevier de cette initiative. Ainsi la
communauté de Saint-François, repliée sur elle-même, partagée entre le labeur et les soins de la famille,
menait doucement sa vie monotone et tranquille. Rien ne faisait prévoir le drame qui allait la secouer. Le
meurtre de Jeanne Couc reste un mystère. Il est d'abord étrange que Jeanne soit restée fille jusqu'à vingtdeux ans ... Quoi qu'il en soit, le 23 octobre 1679, un ouvrier agricole du nom de Rattier se jetait sur la
malheureuse et, peut-être parce qu'elle essayait de se défendre, la frappait à mort ; Pierre Couc venu au
secours de sa fille était lui-même assailli par les compagnons de Rattier et couvert de blessures. Deux
jours plus tard, Jeanne était inhumée au cimetière paroissial de Trois-Rivières ; c'est la juridiction de cette
ville qui était chargée d'une affaire aussi grave, et dès le 31 du même mois, sentence était rendue contre le
meurtrier Jean Rattier ; il devait être conduit à Saint-François et là, attaché à une potence pour y être
pendu et étranglé, et y demeurer exposé pendant vingt-quatre heures ; avant le supplice, il devait être
soumis à la question. Le jour même de sa sentence, Rattier, qui avait sans doute des raisons d'espérer, en
appelait au Conseil souverain de Québec. Le 3 novembre, il était donc transféré dans la prison de cette
ville en attendant les résultats de l'enquête. Le procès dura plus d'un an ; on convoqua une douzaine de
témoins, dont Jean Crevier et son domestique Pierre Gilbert ; ce dernier avait déclaré à des amis que
Crevier était cause de tout ce qui était arrivé. Tous deux furent accusés de complicité dans le meurtre et
dans les violences commises sur la personne de Pierre Couc, ainsi que Jacques Julien, l'un des célibataires
de Saint-François, et un certain Jacques Dupuis. Le 31 décembre 1680, Rattier était pour la seconde fois
reconnu coupable d'avoir tué Jeanne Couc et condamné à être pendu, à Québec même, sur la place du
marché, et à payer trois cents livres d'intérêts civils à Couc, cent livres d'amende au roi et les dépens des
deux procès. C'est là que la chance intervient. En effet, il n'y avait pas d'exécuteur public à Québec à cette
date, aussi selon la coutume de l'époque, on offrit à l'assassin la vie sauve s'il acceptait de faire office de
bourreau. C'est ainsi que Rattier resta quasiment impuni de son forfait. Restait le procès concernant les
blessures de Pierre Couc ; le jugement eut lieu le 24 mars 1681 ; Jean Crevier était reconnu coupable et
devait payer quatre cent quatre-vingt-dix livres d'intérêts civils à Couc, dix livres d'amende au roi et les
dépens en ce qui concernait les voies de fait. Lui aussi s'en tirait à bon compte !
Pour les Rattier et les Crevier, la vie allait reprendre son cours normal ; mais pour les Couc, rien ne serait
plus comme avant ; la disparition brutale de Jeanne et les dix-huit mois de procédure durent peser bien
lourdement sur les membres de la famille. Pierre Couc n'avait jamais été d'un caractère à se laisser abuser
ou maltraiter ... Le trafic des Crevier l'avait toujours irrité et c'était surprenant, en effet qu'il eût choisi de
lier son sort au leur ... tout ce qu'il voyait, c'était Rattier qui continuait ses filouteries à Québec et Crevier
qui s'engraissait sur son domaine ; ce dernier n'aurait-il pas l'audace de demander à Frontenac de lui
obtenir des lettres de noblesse ? »
-Article par Simone Vinciens dans MÉMOIRES de la Société Généalogique Canadienne-Française, No. 139 : Pierre
Couc, pp. 33-45, Vol. XXX - No. 1, Jan.-Fév.-Mars 1979.

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