pen international comité de défense des écrivains emprisonnés

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pen international comité de défense des écrivains emprisonnés
PEN INTERNATIONAL
COMITÉ DE DÉFENSE DES ÉCRIVAINS EMPRISONNÉS
JOURNÉE MONDIALE DE L’ÉCRIVAIN EN PRISON
15 NOVEMBRE 2013
Fazıl Say
Turquie
Écrivain, compositeur et musicien
Les gens n’en peuvent plus de voir
systématiquement associer « religion » et
« punition ». Trop d’atrocités ont été commises
sur terre au nom de la religion […] Aujourd’hui,
les punitions infligées au nom de la religion ne
font que nourrir l’antipathie. Les gens
demandent : « Mais qu’est-ce qui est arrivé aux
religions qui prônaient la tolérance, aux
sociétés tolérantes ? […] Qu’est-il arrivé au
[musulman soufi] qui disait, « Venez, qui que
vous soyez ? » Où sont passés la démocratie,
les droits de l’Homme, la liberté de pensée ? »
Fazıl Say, entretien avec Can Dündar paru
dans le quotidien turc Milliyet le 5 mai 2013
Fazil Say est un écrivain, compositeur et musicien turc, dont la peine de 10 mois de
prison avec sursis pour « diffamation religieuse » a été confirmée en appel le 20
septembre 2013. Cette condamnation est la conséquence d’une série de tweets et
retweets envoyés en avril 2012, qui contenaient notamment un vers attribué au poète
de la Perse du XIIe siècle, Omar Khayyam. PEN International estime que la
condamnation de Fazil Say constitue une violation de son droit à s’exprimer
librement, et en appelle aux autorités turques pour l’annulation immédiate et
inconditionnelle de sa peine, conformément à l’article 19 du Pacte international relatif
aux droits civils et politiques, et à l’article 10 de la Convention européenne des droits
de l’Homme, deux instruments internationaux ratifiés par la Turquie.
Né à Ankara en 1970, Fazıl Say est un compositeur classique, pianiste de concert et
écrivain de renommée internationale, dont les compositions pour orchestre ont été jouées,
entre autres, par le New York Philharmonic et l’Orchestre philarmonique de Berlin. En 20
ans de carrière, ce compositeur prolifique a écrit des partitions pour orchestre, des
oratorios, des concertos et de la musique de chambre. Il a également commis trois
ouvrages sur sa vie et la musique, dont le deuxième, Requiem pour Metin Altıok, lui a été
inspiré par un écrivain et poète turc décédé en juillet 1993 à la suite de ses blessures,
subies lors du massacre perpétré par des extrêmistes islamiques contre un groupe
d’intellectuels, principalement alévis, qui s’étaient retrouvés à Sivas à l’occasion d’un
festival culturel. Trente-sept personnes sont mortes dans ce que l’on appelle depuis « le
massacre de Sivas ».
Fazıl Say a été condamné pour « diffamation religieuse » en vertu de l’article 216/3 du
code pénal turc le 25 mai 2012, le ministère public requérant une peine plus lourde pour
violation de l’article 218 de ce même code qui prévoit comme circonstance aggravante le
fait de diffamer « par voie de presse ou diffusion radiophonique ou télévisée ». Le procès
initial, qui s’est conclus le 16 avril 2013, a vu la condamnation du pianiste pour
« diffamation religieuse », et l’imposition d’une peine de 10 mois de prison avec sursis qui
serait automatiquement commuée en prison ferme s’il venait, au cours d’une période
probatoire de cinq ans, à commettre le même délit. Le 20 septembre 2013, la cour d’appel
a confirmé cette peine avec sursis, mais a néanmoins réduit la période probatoire à deux
ans.
Le réquisitoire contre Fazıl Say énumérait les tweets et retweets suivants en tant que de
preuves à charge (traduits du turc) :
· « Dieu est-il quelque chose pour lequel vous vivrez, mourrez, ou quelque chose pour
lequel vous vous transformerez en animal et tuerez ? Pensez à ça aussi »
· « Et puis après tout, s’il y avait du raki au paradis, et pas en enfer, et qu’en enfer il y
ait du Chivas Regal, et pas au paradis ? Et alors, qu’est-ce qui se passerait ? Ça,
c’est une question importante !!! »
· « Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais dès qu’il y a un psychopathe, un
moins-que-rien, un groupie people, un voleur ou un débile, ils sont tous islamistes.
Est-ce un paradoxe ? » [A retweet]
· « Le muezzin a appelé à la prière en 22 secondes. Prestissimo con fuoco !!! Pourquoi
cette hâte ? Un amant ? Un verre de raki ? »
· « Je suis athéiste, et je suis fier de pouvoir le dire avec autant d’aisance. »
· «Je suis athéiste, pour le reste, je ne sais pas. »
· « C’est comme si la moitié de la population était athéiste, et que l’autre moitié était
composée d’athéistes traumatisés, mais qui ne le savent pas encore ! »
· « Vous dites que ses rivières charrieront du vin. Le paradis serait-il une taverne ?
Vous dites que vous donnerez deux touristes par musulman. Le paradis serait-il un
bordel ? » [Retweet d’un vers attribué au poète perse Omar Khayyam]
· « Cette nuit, un tas de gens sont devenus athéistes, un grand merci à eux »
En janvier 2013, six membres du conseil d’administration du centre PEN de Turquie et le
poète et critique Nihat Ateş ont été interrogés par les services du procureur d’Istanbul en
raison d’une déclaration publiée sur le site Internet du centre PEN de Turquie en juin 2012,
qui critiquait sans détours le procès intenté contre Fazıl Say. Fin octobre 2013, aucune
charge n’a encore été retenue contre le conseil d’administration du centre.
Nous vous invitons à adresser des appels :
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appelant les autorités turques à annuler, immédiatement et inconditionnellement,
la peine de prison avec sursis requise contre le pianiste, conformément à l’article
19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à l’article 10 de la
Convention européenne des droits de l’Homme ;
priant instamment les autorités turques à modifier l’article 216 du code pénal
turc, de sorte à garantir que les restrictions éventuelles imposées à la liberté
d’expression aillent dans le sens du droit international ;
exigeant notamment que les alinéas (2) et (3) de l’article 216 soient abrogés, au
regard de ce qu’ils dépassent les restrictions de la liberté d’expression admises ;
exprimant votre inquiétude quant à l’interrogatoire dont ont fait l’objet les
membres du conseil d’administration du centre PEN de Turquie relativement à la
déclaration de soutien à Fazıl Say qu’ils avaient publiée.
À l’attention de :
Son Excellence Abdullah Gül
Président de la République de Turquie
TC Cumhurbaşkanlığı Genel Sekreterliği
06689 Çankaya
Ankara, Turquie
Copie à Monsieur Sadullah Ergin
Ministre de la Justice de la République de
Turquie
Adalet Bakanlığı
06669 Kızılay
Ankara, Turquie
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Les membres de PEN sont encouragés :
· à publier dans leurs journaux locaux et/ou nationaux des articles et des opinions
personnelles qui mettent en lumière l’affaire de Fazıl Say ;
· à organiser des évènements et lectures publics, des conférences de presse ou
encore des manifestations ;
· à partager des informations concernant Fazıl Say et vos activités de campagne
en sa faveur dans les médias sociaux.
N’oubliez pas de nous tenir au courant des activités et actions que vous menez, et de
nous en envoyer le rapport de sorte que nous les fassions connaître aux autres centres.
Pour toute information complémentaire, veuillez contacter Ann Harrison, Comité de
défense des écrivains emprisonnés, PEN International, Brownlow House, 50-51 High
Holborn, London WC1V 6ER – Royaume-Uni
Tél : +44 (0)20 74 05 03 38 Fax : +44 (0)20 74 05 03 39
Adresse courriel : [email protected]