Turquie - Bibliographie - Centre Académique pour la Scolarisation
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Turquie - Bibliographie - Centre Académique pour la Scolarisation
Langue s et cultures des enfants venant de Turquie (suite) Pa ro les croisée s Une élève turque donne ses impres sion s sur sa vie en France. Des profes s eur s livrent leurs expérience s avec des élèves de Turquie … La vie est belle ! Ulku, élève au collège Elsa Triolet, Le Mée-sur-Seine (Seine-et-Marne) Depuis un an, je suis en France. J'aime beaucoup ici. Je parle bien, mais je veux vivre en Turquie parce que je suis née en Turquie. L'école en France est bien. En Turquie il y a des gifles si tu ne fais pas tes devoirs. Pour ça je n'aime pas. La langue française est très difficile. Ici, il n'y a pas mes amis. Mais en Turquie, j'en ai beaucoup. Depuis que je suis française, je ne sors jamais de la maison, parce que je suis timide. En France, j'habite dans un appartement ; pour moi c'était d'abord très difficile mais maintenant ça va mieux. En Turquie j'habitais dans un pavillon. Mais j'aime beaucoup la vie en France. La vie est belle (comme toujours) ! Éviter les effets de clan Michèle About, professeure au collège Georges Politzer, Dammarie-les-Lys Les Turcophones que nous avons accueillis pendant plusieurs années sont toujours arrivés « en groupes ». Ils venaient pour une grande majorité des montagnes et étaient kurdes. Nous n'avons connu que deux Turcs. L'un ne s'est pas intégré au groupe, étant de la ville, très citadin dans ses goûts, ses manières, et très désireux de s'intégrer en France et de réussir dans les études. Il a d'ailleurs mené une scolarité exemplaire, est allé au bac, qu'il a réussi ! L'autre a tout fait pour se sentir « comme les autres », s'est associé à leurs jeux, leurs codes, était travailleur et a intégré une classe normale en se débrouillant bien. Les Kurdes ne cherchaient pas vraiment à apprendre le français. Ils ne se motivaient pas pour comprendre ce qui leur était dit, ne progressaient pas beaucoup, voire pas du tout, dans l'expression orale... Au bout d'un an de classe d’accueil (CLA), nombreux étaient ceux qui ne savaient que dire « oui » ou « non » ! Leur grande difficulté réside dans la complexité de notre langue, notamment dans les structures de phrases. Ils « oublient » les verbes, ne mettent pas de déterminant et « avalent » les prépositions ! Ils ne donnaient pas l'impression de progresser, d'autant qu'ils ne travaillaient pas assez, voire pas du tout chez eux, considérant que l'école leur donnait toute la langue française pendant les cours ! Ils restaient entre eux, à la cantine, pendant les récréations, dans les couloirs, n'hésitaient pas à échanger en turc dans la salle de cours ou dès que la sonnerie retentissait... ce qui me donnait l'impression particulièrement désagréable de lutter tout le temps pour obtenir le respect du français, comme si notre langue n'avait pour eux guère d'utilité... Ils vivaient vraiment en communauté, un « clan » à l'intérieur du collège. À la sortie des cours, ils rentraient immédiatement chez eux, où ils parlaient uniquement turc, regardaient les chaînes de la télévision turque ; ils se fréquentaient mais parvenaient difficilement à fréquenter des élèves français, même une fois intégrés dans des classes banales. Il y a quand même une ou deux exceptions, mais ce sont des garçons qui ont sans doute un peu plus de liberté et qui, dans les classes de 6 ou 5 , peuvent sortir avec un ou deux copains français. Je pense à la sœur d'un d'entre eux qui, même dans une classe banale, continue de ne parler français qu'au collège et ne sort pas de chez elle. Faire des études chez les filles kurdes est aussi extrêmement difficile. Nous avons connu le cas d'une élève, Sevgi, âgée de 15 ans, intéressée par des études, qui avait fait un an de CLA et qui avait intégré une 5 , puis une 3 professionnelle, pour apprendre un métier... et qui n'est restée que deux mois avec nous à la rentrée, car elle a été mariée au mois d'octobre. Mis en groupe, de 5, 6 ou même 8 élèves, ces élèves kurdes se sentent une communauté et voient peu l'intérêt de parler et d'étudier le français. De toute façon, un d'eux m'a dit un jour, qu'il « avait déjà un travail qui l'attendait chez son oncle turc à Paris ». Pour ma part, ces élèves m'ont posé de vrais problèmes et m'ont souvent mise en situation très difficile par leur refus ou leur inertie... mais je pense sincèrement que cette force d'inertie provenait du nombre et me refuse à classer les élèves kurdes comme des élèves à problèmes ! Il vaudrait bien mieux, pour une intégration réussie, qu'ils soient répartis et ne dépassent jamais le nombre de deux. e e e e Ouverture culturelle et vie à la maison Karine Estelle, professeure au collège Frédéric Chopin à Melun (Seine-et-Marne) Nous avons accueilli l'an dernier trois élèves d'une même famille kurde, un garçon (14 ans) et deux filles (15 et 16 ans). Le garçon a été scolarisé en Turquie mais a un niveau très faible (il a été testé par la COP et il pourrait aller en SEGPA). Les deux sœurs n'ont jamais été scolarisées, parce que « les filles ne vont pas à l'école », selon leurs propres mots. Ils sont issus d'un milieu rural (montagne). Sinem et Sibel, les deux sœurs, ont eu beaucoup de difficultés à s'intégrer en classe d'accueil. Elles avaient « très peur des noirs » et elles sont très susceptibles. Elles sont restées en classe d'accueil pour cette année et je les ai transférées en classe ordinaire, en 3 , en musique et arts plastiques. Ce transfert n'est pas positif car elles n'entretiennent pas de bonnes relations avec les autres élèves, malgré nos efforts pour éviter qu'elles soient victimes de moqueries. À leur arrivée, elles portaient le voile, mais le principal n'a pas eu de problème pour leur faire accepter de l'enlever dans l'enceinte de l'établissement. Par contre, elles ont toujours refusé d'aller à la piscine parce qu'elles ne veulent pas se baigner avec les garçons. Le père a compris le problème et ne s'opposait pourtant pas à ce qu'elles participent à l'activité. Elles restent donc au bord du bassin ou en permanence. Ces élèves sont arrivées pendant le projet cinéma, mais sont restées un peu à l'écart. Cependant, au cours du tournage, nous avons fêté l'anniversaire d'une élève angolaise qui venait d'arriver et nous avons demandé à chaque élève de chanter « joyeux anniversaire » dans sa langue. Elles se sont prêtées au jeu avec plaisir et aujourd'hui ce moment reste un très bon souvenir pour elles. La communication était très difficile au début, mais nous avons beaucoup été aidés par des élèves kurdes présents depuis plusieurs années au collège. Progressivement, et surtout depuis septembre 2007, elles se sont épanouies au collège. Elles ont fait énormément de progrès, à l'écrit comme à l'oral et sont accueillantes et protectrices avec les élèves filles qui arrivent en classe d'accueil. Elles ont un grand désir d'apprendre et disent avoir beaucoup de plaisir à parler français. Elles se sont inscrites à la médiathèque et s'y rendent régulièrement. Elles opposent cette ouverture culturelle à leur vie à la maison, où elles doivent faire beaucoup de tâches ménagères. Elles n'ont pas envie de se marier. Je ne sais quel est le projet des parents sur ce sujet e mais le père avait l'air plutôt d'accord pour qu'elles se forment en vue de travailler plus tard. Elles voudraient trav ailler av ec d e s enfan t s en b a s âg e. Elles sont charmantes avec tous leurs professeurs, et l'une d'elle m'a même offert un gant de toilette tricoté par ses soins avec mes initiales. Refus d’intégration ? Un professeur au collège Saint-Louis à Lieusaint (Seine-et-Marne) Depuis quelques années, dans ma classe d’accueil du collège Saint-Louis de Lieusaint, j’accueille de nombreux élèves kurdes de Turquie, âgés de 12 à 16 ans, originaires de petits villages isolés du Kurdistan. J’ai remarqué que la plupart de ces élèves, en particulier les garçons, manifestent une hostilité plus ou moins franche vis-à-vis de la langue française et de la culture qui l’accompagne. En 2007, lorsque j’ai proposé à mes élèves de CLA une sortie au Musée d’Orsay en compagnie des 4 du collège, tous ont été enthousiastes… sauf mes élèves turcs. Leur première réaction a été de refuser la sortie, qui visiblement ne les intéressait pas du tout. Aller à Paris leur paraissait absolument sans intérêt. Après avoir convaincu les parents de donner leur autorisation, dans le cadre de mon projet pédagogique associant le français et les arts plastiques sur le thème du « portrait », je les ai quand même emmenés au musée, où ils ont vu quelques tableaux remarquables du XIX siècle. Leur réaction : ils n’ont aimé aucun des tableaux, et surtout pas « Le déjeuner sur l’herbe » de Manet car il représente une femme nue, ni « La buveuse d’absinthe » de Degas car on y voit une bouteille d’alcool posée sur la table du café… Je n’ai par ailleurs noté aucun regard émerveillé, ni de joie, ni de contentement d’avoir été à Paris ce jour-là. Autre signe révélateur : en apercevant la cathédrale Notre-Dame par la vitre du bus, ils ont détourné les yeux en signe de désapprobation... Je regrette de donner une vision négative de mes élèves kurdes. Sur le plan scolaire, leur orientation est très compliquée du fait qu’apprendre le français ne les intéresse pas vraiment. Et sur le plan personnel, les sentiments que je tire de cette expérience sont : tristesse, déception, et impuissance… e e Le plaisir de communiquer Sabine Landrein, professeure au collège Elsa Triolet, Le Mée-sur-Seine (Seine-et-Marne) La classe d'accueil du collège Elsa Triolet accueille une majorité d'élèves turcophones, cette communauté étant très bien implantée dans la ville du Mée-sur-Seine, depuis de nombreuses années déjà. Ainsi l'année dernière, sur les 10 élèves, 9 parlaient le turc. Les débuts ont été un peu difficiles car la petite Tchètchène et moi-même nous sentions parfois en Turquie ! Les élèves communiquaient constamment entre eux en turc. Leur faire comprendre qu'ils ne progresseraient pas en français s'ils ne se forçaient pas à le pratiquer a mis quelque temps. Mais d'un autre côté, j'étais bien contente à chaque fois qu'un nouvel élève arrivait qu'il puisse être pris en charge et aidé par ses compatriotes. Les plus avancés prenant vraiment à cœur la réussite des débutants, ceuxci progressaient donc très rapidement dans les situations de communication courantes. De même, loin d'exclure Medni, la petite Tchétchène qui, étant non scolarisée antérieurement (NSA) et surtout très timide, progressait lentement, ils avaient trouvé le moyen de communiquer avec elle au début par des signes ou par des rudiments d'arabe. L'un de leur jeu préféré était de demander comment se disait ou s'écrivait tel mot en tchétchène. Au mois de juin, tous savaient compter et connaissaient les mots d'usage courant en français, en turc et en tchétchène. J'ai même craint à un moment que Medni ne parle plus vite le turc que le français ! Comme il était impossible de leur interdire tout bonnement l'usage du turc en classe, et comme leur fierté et leur envie de faire partager la connaissance de leur langue étaient flagrantes, la situation a pu évoluer en leur faisant faire sans cesse des allers-retours et des parallèles entre le français et le turc, tant sur le plan culturel que linguistique. Au fur et à mesure de leurs progrès, l'usage du français s'est ainsi imposé en classe et aujourd'hui, il est amusant de voir ces élèves prendre plaisir à communiquer entre eux dans la langue de Molière !