ohb, pure player de l`espace

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ohb, pure player de l`espace
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DOSSIER
AÉRONAUTIQUE ET SPATIAL - INNOVER ET CONSOLIDER
ENTRETIEN AVEC
ALAIN BORIES
PAR
OHB, PURE PLAYER DE L'ESPACE
MICHÈLE HÉNAFF
ALAIN BORIES
EST SENIOR
VICE PRESIDENT
STRATEGY &
BUSINESS DEVELOPMENT CHEZ
OHB DEPUIS 2006.
Diplômé de l'École Polytechnique (X76), de
l’École nationale supérieure de l’aéronautique
et de l’espace (Sup’Aéro), titulaire d'une licence
d'économie appliquée (Paris Dauphine) et
d'un Master of Science du MIT, il a commencé
sa carrière à la délégation générale pour
l'armement (DGA). Il rejoint Alcatel ISR en 1987
et devient directeur des marchés institutionnels
d'Alcatel Space en 1998, puis est nommé
directeur Espace de Thomson CSF en 2000.
OHB, PURE PLAYER
DE L'ESPACE
q
Exemple d’ETI du Mittelstand allemand, OHB
est devenue un acteur incontournable du secteur spatial en Europe, présent dans tous les
segments du marché. Sa stratégie vise à la fois
les clients institutionnels – pour des infrastructures stratégiques – et des clients commerciaux
en quête de solutions innovantes à haute valeur
ajoutée.
Quelle est l’activité d’OHB et que signifie l’acronyme ?
Présenter OHB, c’est d’abord raconter une belle histoire entamée
au tout début des années quatre-vingt dans la cité hanséatique de
Brême, au nord de l’Allemagne. OHB est, à l’époque, une petite entreprise de cinq personnes, active dans le secteur naval. Christa Fuchs
rachète la société, avant d’être rejointe quelques années plus tard
par son mari Manfred, qui a quitté son emploi d’ingénieur dans une
des entreprises spatiales qui allait donner ultérieurement naissance
à Airbus. Sous leur impulsion conjointe, la société OHB entame alors
un virage stratégique et s’oriente vers le secteur spatial. L’acronyme
quitte l’environnement maritime – Otto Hydraulik Bremen – et renvoie désormais vers l’espace – Orbitale Hochtechnologie Bremen.
Durant les années suivantes, l’entreprise croît de façon ininterrompue et s’impose progressivement comme l’un des acteurs majeurs du
secteur spatial européen. En 2007, OHB est d’ailleurs officiellement
reconnue par l’Agence spatiale européenne (ESA) comme l’un des
trois Large System Integrator européens, c’est-à-dire comme une
entreprise capable de développer et d’assembler des systèmes spatiaux complexes et donc, en particulier, de réaliser la fabrication de
satellites pour le compte de l’Agence spatiale européenne.
En 2015, la dénomination sociale de l’entreprise est modifiée, passant
d’OHB AG à OHB SE (Societas Europaea), façon pour elle d’affirmer
davantage encore son ancrage européen.
En quoi la société présente-t-elle des spécificités dans le
secteur spatial ?
éclipsent largement des activités spatiales souvent plus secondaires,
OHB est un véritable pure player qui a fait le choix de se focaliser
exclusivement sur le secteur spatial. Elle déploie son expertise industrielle tant dans le domaine des satellites que dans celui des lanceurs.
Parmi les contrats de satellites qu’elle a remportés, on peut citer
notamment les cinq unités de la constellation SAR-Lupe, utilisée
depuis 2008 par l’armée allemande pour ses besoins en matière de
renseignement, ainsi que le système SARah1 qui lui succédera à partir de 2019. Ou encore, la nouvelle génération de satellites de météorologie qui seront opérés par l’organisation EUMETSAT à l’horizon
2020, et qui sont développés depuis 2010 en coopération avec Thales
Alenia Space. Enfin, le contrat Galileo a définitivement permis d’asseoir la société parmi les acteurs de premier plan en Europe.
Quelle place occupe OHB dans le secteur spatial
européen ?
Outre l’Allemagne, la société est également implantée en Italie, en
Belgique, en Suède et au Luxembourg. Tous ces pays sont d’importants États membres de l’ESA, agence intergouvernementale distincte de l’Union européenne (UE) fondée en 1975. L’ESA est notamment caractérisée par la règle dite du « juste retour », selon laquelle
chaque euro investi par un État membre ouvre pour ce dernier un
droit à un contrat industriel d’un montant équivalent. Cette règle
OHB, A GERMAN SPACE "PURE PLAYER"
Europe's third largest space company, OHB is involved in all major European
space programmes. A family business listed on the Frankfurt stock
exchange, the company is a space "pure player" that focuses exclusively on
manufacturing highly innovative systems for institutional (ESA, EU, national
space agencies) and commercial customers alike.
Alors que la plupart des concurrents d’OHB sont des entreprises au
sein desquelles les divisions liées à l’aéronautique et/ou à la défense
AVRIL MAI JUIN 2016 ANALYSE FINANCIÈRE N° 59
Alain Bories, OHB. April 2016
www.sfaf.com - La revue Analyse financière
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ENTRETIEN AVEC
ALAIN BORIES
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OHB, PURE PLAYER DE L'ESPACE
MICHÈLE HÉNAFF
satisfaction. Par ailleurs, l’intégration et l’assemblage réussis d’un
aussi grand nombre de satellites identiques constituent une première
européenne qui démontre la capacité et la crédibilité d’OHB à réaliser des constellations de satellites.
OHB est liée à Arianespace. De quelle façon ?
En effet. Dans le domaine des lanceurs, OHB détient 70 % du capital
de la société MT Aerospace, basée à Augsbourg, en Bavière. Cette
dernière est un membre fondateur d’Arianespace, dont elle est le
principal actionnaire allemand. Via MT Aerospace, OHB joue ainsi
un rôle clé dans la fusée Ariane 5, en fournissant notamment les
réservoirs du lanceur, ainsi que l’enveloppe des propulseurs d’appoint. OHB participe également au développement du lanceur de
nouvelle génération Ariane 6 dont le premier vol est prévu pour 2020
et qui doit pérenniser la place de leader mondial d’Ariane pour le
lancement de satellites grâce à des coûts réduits et une plus grande
flexibilité (voir l’article de Stéphane Israël p. 40).
Satellite Météosat troisième génération (MTG)
incitant à investir dans le secteur spatial a permis aux États européens de bâtir en une quarantaine d’années des compétences scientifiques et technologiques de classe mondiale. Et c’est toute l’industrie
spatiale européenne, y compris OHB, qui continue de profiter des
retombées de l’investissement public dans ce secteur stratégique.
Depuis le traité de Lisbonne de 2009, l’Union européenne met, elle
aussi, en œuvre une politique spatiale nécessaire pour la bonne exécution de ses diverses compétences. Les importants moyens financiers qui accompagnent cette politique – plus de 12 milliards d’euros
entre 2014 et 2020 – permettent de construire de nouvelles infrastructures, telle que la constellation Galileo, rivale du GPS américain. Compte tenu de l’absence de juste retour au niveau de l’UE,
c’est dans un contexte hautement compétitif qu’OHB a remporté les
deux premiers appels d’offres de la Commission européenne pour la
livraison au total de 22 satellites Galileo. 8 satellites ont déjà été lancés depuis août 2014 et leur fonctionnement en orbite donne entière
Comment une ETI peut-elle concurrencer des acteurs de
plus grande envergure ? Avec quelle stratégie ?
Pour ne prendre que le seul marché des satellites commerciaux de
télécommunications, force est de constater que ce dernier est mondial et très concurrentiel. Plutôt que de s’attaquer frontalement au
marché des grosses plates-formes de cinq à six tonnes proposées par
des acteurs bien établis, comme Airbus et Thales Alenia Space en
Europe, ou SSL et Boeing en Amérique du Nord, notre stratégie s’appuie sur une nouvelle plate-forme appelée « Small GEO », de masse
plus modeste – autour des 3,5 tonnes – qui doit répondre à un besoin
de niche grâce à sa modularité et à sa flexibilité. Les technologies
développées sur le marché commercial grâce au soutien de l’ESA,
comme la propulsion électrique, permettront à OHB d’améliorer la
compétitivité de son offre sur le marché institutionnel.
On peut dire qu’OHB est aujourd’hui devenu un acteur incontournable du secteur spatial en Europe. La société est présente dans tous
les segments du marché : de l’observation de
la Terre à la navigation, en passant par les
OHB, UNE ILLUSTRATION DU MITTELSTAND
télécommunications, la science et l’exploration, ainsi que les lanceurs. Plus que jamais,
OHB affiche quelques caractéristiques uniques qui la font quelque peu détonner dans
le petit monde du spatial européen. Même si elle compte désormais plus de 2 000
elle est prête à répondre aux besoins de ses
collaborateurs, avec un chiffre d’affaire 2014 de plus de 730 millions d’euros, la société
clients, tant institutionnels – pour des infrasreste une entreprise familiale. La société est dirigée depuis 2005 par Marco Fuchs, le fils de
tructures stratégiques, par exemple pour
Manfred – décédé en 2014 – et de Christa, aujourd’hui présidente du conseil de surveillance. surveiller le climat ou sécuriser les frontières
La famille Fuchs possède toujours 70 % du capital de l’entreprise, qui est cotée depuis 2001
– que commerciaux, avec des solutions innoà la Bourse de Francfort (ISIN : DE0005936124). OHB est de ce point de vue un bon exemple
vantes et à haute valeur ajoutée. n
de ce qu’on appelle outre-Rhin le Mittelstand, ces entreprises familiales indépendantes,
inscrites dans le temps long et ancrées dans leur territoire. Depuis son acquisition par la
(1) Le système SARah est le futur système allemand
famille Fuchs, la société a d’ailleurs toujours été profitable.
d'observation radar par satellite.
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