Recours visant à appuyer la construction de logements sociaux
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Recours visant à appuyer la construction de logements sociaux
Note sur les recours possibles visant à appuyer la construction de logements sociaux Jean-Philippe Brouant, Maître de conférences à l’Ecole de droit de la Sorbonne, Co-directeur du SERDEAUT Un des aspects important, et plutôt novateur, de l’intervention associative en faveur du DALO réside dans le travail de surveillance et de questionnement des différents acteurs responsables de la production de logements sociaux. Les associations devraient pouvoir être en mesure d’interpeller les autorités responsables sur un certain nombre de points. Nous sommes conscients des difficultés qu’une telle démarche implique en termes de disponibilité de temps, de connaissances techniques ou encore de déplacement des priorités du champ associatif. Mais il apparaît que l’investissement dans un tel champ devrait permettre d’influencer réellement l’évolution des politiques du logement et d’ouvrir de nouveaux espaces de négociation. Cette note aborde essentiellement la question de la programmation des logements sociaux. 1°) Les documents de programmation du logement Pour ce qui est de l’exercice de programmation des logements sociaux par l’Etat, on peut noter qu’il n’existe pas de document national de programmation. Au niveau régional et départemental, l’Etat ne dispose pas non plus officiellement de document de programmation annuel ou pluriannuel ; aucun texte n’indique d’ailleurs comment doit se faire cet exercice de programmation, ni les critères utilisés. Il serait particulièrement efficace de se rapprocher des DREAL et des DDT pour obtenir des informations sur le calendrier et les informations sur l’exercice de programmation. Les services de l’Etat pourraient être interpellés sur le volume de programmation de logements sociaux, sa répartition territoriale, la typologie des logements programmés. On peut noter que le comité régional de l’habitat peut être le lieu de mise en débat de l’exercice de programmation étatique. Au niveau des collectivités territoriales, le document phare dans ce domaine est le programme local de l’habitat (PLH). Le PLH est un document de planification définissant pour six ans les axes de la politique locale de l’habitat conduite par les intercommunalités et communes. Obligatoirement adopté dans les communautés de plus de 30 000 habitants et les villes de plus de 20 000 habitants, ce programme s’impose dans un rapport de compatibilité aux plans locaux d’urbanisme. Son adoption déclenche par ailleurs un certain nombre de compétences au profit des EPCI. Les textes ne mentionnent aucune obligation quant à la consultation des associations ; cependant, il est prévu que l’EPCI « associe également toute autre personne morale qu’il juge utile ». Il est à noter que les associations n’ont pas également à être consultées une fois le projet de PLH arrêté. Elles ne sont pas également associées aux dispositifs de suivi et d’évaluation de la mise en œuvre du PLH. Il y a une information indirecte des associations puisque passé un délai de trois à compter de la publication du PLH, l’EPCI doit adresser un bilan de sa mise en œuvre au Comité régional de l’habitat. Sur la base de ce bilan, le préfet a la capacité de dénoncer la convention de délégation des aides à la pierre s’il apparaît que les résultats sont manifestement insuffisants par rapport aux objectifs de la convention (art. L. 301-5-1 CCH). Par ailleurs, pour les communes soumises au quota de 20 % de logements sociaux, le préfet contrôle le respect des engagements pris dans le PLH au terme de chaque période triennale. La loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion du 25 mars 2009 a imposé une déclinaison du programme d’actions du PLH à l’échelle de la commune pour faciliter la mise en cohérence des PLU communaux avec le PLH intercommunal et le rééquilibrage de la répartition géographique des logements au sein de l’agglomération. Le programme d’actions retenu par le PLH doit préciser, pour chaque commune, le nombre et les types de logements à réaliser1, les moyens à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs et les principes fixés, l’échéancier prévisionnel de réalisation de logements et d’opérations d’aménagement de compétence communautaire et enfin les orientations relatives à l’application des différents secteurs de logements prévus par le PLU (CCH, art. L. 302-1, al. 14). Depuis le Grenelle 2, le préfet peut s’opposer à l’entrée en vigueur d’un PLU (dans les communes non couvertes par un SCOT) dont les dispositions sont de nature à compromettre la réalisation d’un programme local de l’habitat […] ou qui font apparaître une ou des incompatibilités manifestes avec le PLH (L.123-12 C urb). Il faut enfin mentionner les conventions de délégation des aides à la pierre : conclues par les départements et EPCI pour une durée de 6 ans, ces conventions fixent les engagements réciproques de l’Etat et des collectivités signataires en matière de crédits affectés au logement social, à l’hébergement et à l’habitat privé (art. L. 301-5-1 CCH). La négociation, la conclusion et la mise en œuvre de ces conventions constituent donc des phases importantes en matière de programmation du logement social. Compte tenu de la montée en puissance des intercommunalités délégataires des aides à la pierre dans les politiques locales de l’habitat, la conclusion d’une telle convention devrait faire l’objet d’une concertation. Or sur le plan juridique, aucune disposition n’impose une quelconque mise à disposition de l’information et encore moins de concertation. Les associations devront donc solliciter des informations sur la tenue de ces négociations. En cas de blocage des signataires, elles n’auront a priori que le droit d’être informées par le biais de la surveillance des délibérations de la collectivité approuvant la conclusion de la convention. 1 Avant la loi de mobilisation pour le logement, le programme d’actions n’indiquait la répartition prévisionnelle des logements sociaux entre les différentes communes-membres de l’EPCI que lorsque l’agglomération comprenait des communes déficitaires en logements sociaux soumises à l’article 55 de la loi SRU. 2°) Les documents d’urbanisme Deux questions doivent être distinguées : la place et le rôle des documents d’urbanisme dans la production de logements sociaux permettant de répondre aux objectifs de la loi DALO et les dispositions juridiques offrants aux associations la possibilité de consulter et d’intervenir lors de l’élaboration de ces documents. A – Documents d’urbanisme et logement social La loi SRU du 13 décembre 2000 fait expressément référence à l’objectif de « mixité sociale dans l’habitat urbain et dans l’habitat rural » (C. urb., art. L. 121-1) qui s’impose aux collectivités publiques lorsqu’elles élaborent les schémas de cohérence territoriale (SCOT), les plans locaux d’urbanisme (PLU) et les cartes communales. Tous ces documents doivent a priori intégrer la question du logement des personnes défavorisées et favoriser la création de logements sociaux. La mixité sociale dans l'habitat est un objectif commun aux politiques de l'urbanisme et de l'habitat. L'objet de la mixité sociale est « d'assurer dans chaque agglomération la coexistence des diverses catégories sociales »2 afin d'éviter ou de faire disparaître les phénomènes de ségrégation sociale et spatiale, notamment en agissant sur les concentrations de logements sociaux et de populations défavorisées. Les documents de planification urbaine, et particulièrement les PLU, sont chargés d'assurer la transcription spatiale de l'objectif de mixité sociale à l'échelle de l'agglomération, de la commune et du quartier. L’État peut, à travers la procédure du projet d’intérêt général (PIG) imposer aux documents d’urbanisme locaux cette prise en compte (C. urb., art. L. 121-2). En particulier, parmi les opérations susceptibles de bénéficier de la qualification de projet d’intérêt général, figurent celles destinées « à l’accueil et au logement des personnes défavorisées ou de ressources modestes » (C. urb., art. R. 1213). De même, il est possible d’avoir recours à la déclaration de projet (art. L. 300-6 c. urb.) pour un simple « programme de construction ». L’objectif de mixité sociale concerne tout d’abord les SCOT. Le document d’orientation et d’objectifs du SCOT doit définir « les objectifs et les principes de la politique de l’habitat au regard, notamment, de la mixité sociale » et préciser les objectifs d’offre de nouveaux logements et de la politique d’amélioration et de réhabilitation du parc de logements existant public ou privé (art. L. 122-1-7 c. urb.). Certains SCOT se sont montrés assez audacieux dans ce domaine allant jusqu’à fixer des pourcentages de logements sociaux pour les opérations auxquelles ils s’imposent (ZAC, lotissement, permis portant sur une surface de plus de 5000 m2). Et certaines juridictions ont pu valider et sanctionner le non respect de ces dispositions pour des opérations de constructions ( à propos de l’annulation d’un permis de construire pour non respect de l’objectif de 20% de logements sociaux fixé par le SCOT : CAA Lyon 8 nov. 2011 req. n° N° 10LY01628, AJDA 2012 p. 391, obs. Brouant). 2 Loi d'orientation pour la ville du 13 juillet 1991, art. 1. Il concerne également les plans locaux d’urbanisme. Le PLU doit être établi sur la base d’un diagnostic qui répertorie, notamment, les besoins en matière « d’équilibre social de l’habitat » (art. L. 123-1-2 c. urb.) et le PADD doit arrêter les orientations générales concernant l’habitat. Afin de favoriser la mixité et la diversité de l’habitat, différents outils du PLU peuvent être mobilisés. Au titre de l’article L. 123-1-5 du code de l’urbanisme, il est possible de délimiter dans les zones urbaines ou à urbaniser des secteurs dans lesquels, en cas de réalisation d’un programme de logements, un pourcentage de ce programme doit être affecté à des catégories de logements définis dans le respect des objectifs de mixité sociale. Il est possible également d’imposer une proportion de logements d’une taille minimale fixée par le PLU. L’article L. 123-2 b) du Code de l’urbanisme offre la possibilité aux communes d’instituer dans leur PLU, uniquement dans les zones urbaines et à urbaniser, des servitudes consistant à « réserver des emplacements en vue de la réalisation, dans le respect des objectifs de mixité sociale, des programmes de logements qu’il définit ». La typologie des destinations instituée par le décret du 27 mars 2001 ne permet plus de différencier, à l’échelle de la zone, certains types de logements au sein de la catégorie des « constructions destinées à l'habitation » : ainsi les distinctions opérées avant la loi SRU dans les documents d’urbanisme entre l’habitat individuel et collectif sont proscrites. On peut dès lors être étonné de les voir parfois ressurgir dans certains PLU pourtant soumis au contrôle de légalité. Même si le règlement du PLU ne s'oppose pas directement à la réalisation de logements, il peut, par la combinaison des règles de gabarit et de densité, produire des charges foncières dissuasives favorisant une urbanisation peu dense et homogène de type résidentiel et faire ainsi implicitement obstacle à la diversité de l'habitat et plus particulièrement à la possibilité de réaliser des logements sociaux. Que de telles prescriptions soient motivées ou non par la volonté de respecter les caractéristiques du site et de l'urbanisation existante, elles portent atteinte aux principes d'urbanisation posés par l'article L. 121-1 et peuvent dès lors être sanctionnées dans le cadre du contrôle administratif et juridictionnel de la légalité du plan. Néanmoins, la portée de ce contrôle sur le fondement de l’article L. 121-1 reste limitée, même si la loi du 12 juillet 2010 a renforcé les prérogatives du préfet qui peut suspendre l’entrée en vigueur du PLU d’une commune non couverte par un SCOT qui méconnaitrait, entre autres, le principe de mixité sociale ou ferait apparaître des incompatibilités manifestes avec le programme local de l’habitat (art. L. 123-12 c. urb.) B – La place des associations de défense du droit au logement dans l’élaboration des documents d’urbanisme Concernant l’intervention des associations dans l’élaboration de ces documents, l’article L. 121-5 du code de l’urbanisme semble offrir un privilège au profit des associations agrées pour la protection de l’environnement et aux associations locales d’usagers (ALU) qui font l’objet d’une procédure d’agrément distincte ; en effet, celles-ci « sont consultées, à leur demande « lors de l’élaboration des documents d’urbanisme locaux ». Dès lors qu'une association agréée a pris l'initiative de formuler une demande, le refus qui lui est opposé constitue une illégalité (CE 20 mars 1985, Assoc. pour la sauvegarde du paysage rural de Saint-Martin-du-Vivier et de ses environs: Lebon T. 803; RFDA 1985. 909, note Benoit-Cattin). L’article R. 123-16 du code de l’urbanisme dispose que « les présidents (…) des associations agrées (…) sont consultés par le maire ou par le président de l’établissement public de coopération intercommunale à chaque fois qu’ils le demandent pendant la durée de l’élaboration ou de la révision du plan « local d’urbanisme. Par ailleurs, lors de l’élaboration du PLU, les auteurs ont l’obligation de consulter les EPCI compétents en matière de PLH. Les organismes d’HLM peuvent également être consultés à leur demande par les communes sur un projet de PLU lorsqu’ils sont propriétaires ou gestionnaires de logements situés sur le territoire concerné. Le représentant de l’ensemble des organismes d’HLM situés sur une commune peut demander au maire de lui notifier le projet de PLU afin de recueillir son avis. Enfin le maire peut spontanément consulter les associations « compétentes en matière d’aménagement du territoire, d’urbanisme, d’environnement, d’architecture et d’habitat et de déplacements « (at. L. 123_8 c. urb.) sans qu’elles soient nécessairement agrées. Cette disposition peut profiter aux associations œuvrant dans le domaine du logement. Elle ne leur offre pas un droit à être consulté mais légitime une demande en ce sens de leur part.