L`impact des lois américaines sur la protection

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L`impact des lois américaines sur la protection
Protection de l’information et de la vie privée
Été 2007
Fasken Martineau DuMoulin S.E.N.C.R.L., s.r.l.
L’impact des lois américaines sur la protection des renseignements
personnels au Canada
Par Antoine Aylwin
Nous sommes appelés fréquemment à commenter et à conseiller des clients sur l’impact de lois étrangères au
Canada, entre autres dans des dossiers d’emploi et en matière de protection des renseignements personnels.
En effet, l’actualité récente nous démontre que, au niveau de la protection des renseignements personnels,
des lois américaines, notamment le USA Patriot Act, peuvent avoir un impact sur les employés de
compagnies canadiennes. Mentionnons que cette loi, adoptée dans la foulée des attentats du 11 septembre
2001, a pour objet de donner des outils d’obtention d’information plus efficaces aux autorités américaines.
Ainsi, les renseignements personnels des citoyens américains, les renseignements personnels d’étrangers
dont les renseignements personnels sont situés aux États-Unis et les renseignements personnels d’étrangers
qui font affaires directement ou indirectement avec les États-Unis sont maintenant accessibles plus
facilement. Cette loi et le changement de culture à la guerre contre le terrorisme entraînent donc des impacts
pour des citoyens canadiens et leurs employeurs qui peuvent être confrontés à certains problèmes.
Voici trois cas qui ont fait l’actualité récemment :
a) Les employés d’Expro Tec, de Salaberry-de-Valleyfield, en sont venus à une entente pour éviter d’être
assujettis à l’application de la loi américaine (USA Patriot Act). En effet, ceux-ci ont convenu avec leur
employeur de prendre les mesures pour éviter que les renseignements personnels les concernant ne soient
acheminés aux États-Unis et puissent donc être visés par les lois américaines en matière d’accès à des
renseignements personnels;
b) Bell Helicopter, quant à elle, aurait congédié ou réaffecté certains de ses employés sur la base de
renseignements personnels quant à leur nationalité. Dans ce contexte, Bell Helicopter a fait allusion à des
politiques du gouvernement américain qui découleraient directement ou indirectement de restrictions
relatives à des citoyens de certains pays prévues aux International Traffic in Arms Regulations (« ITAR »).
c) La Banque Royale du Canada (« RBC ») a également fait la manchette au sujet de son refus d’ouvrir des
comptes en dollars américains à des canadiens qui possédaient une double citoyenneté, dont celle de pays
comme l’Iran, l’Iraq, Cuba, le Soudan, la Corée du Nord et le Myanmar (Birmanie). RBC aurait
également fermé des comptes préexistants afin de se conformer à la réglementation américaine du « U.S.
Department of Treasury ».
Les trois exemples qui précèdent démontrent la complexité de l’interaction des différentes lois auxquelles les
organisations canadiennes sont confrontées.
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Notamment, Bell Helicopter ferait face présentement à des procédures qui invoquent une discrimination
illégale en raison de sa décision, alors que RBC fait face à une plainte pour discrimination déposée devant la
Commission canadienne des droits de la personne.
Au Québec, la prohibition de discrimination pour un employeur dans la gestion de ses relations de travail se
retrouve à l’article 16 de la Charte des droits et libertés de la personne :
16. Nul ne peut exercer de discrimination dans l'embauche, l'apprentissage, la durée de la période
de probation, la formation professionnelle, la promotion, la mutation, le déplacement, la mise à
pied, la suspension, le renvoi ou les conditions de travail d'une personne ainsi que dans
l'établissement de catégories ou de classifications d'emploi.
Parmi la liste des motifs de discrimination interdits énumérés à l’article 10 de la Charte, il y a notamment la
race, la couleur et l’origine ethnique ou nationale.
La Loi canadienne sur les droits de la personne applicable aux employeurs dans les entreprises fédérales
(telles les banques) interdit également la discrimination fondée sur ces mêmes motifs.
Les entreprises, qui doivent gérer de nouvelles exigences qui proviennent des États-Unis ou d’ailleurs et qui
concernent leurs employés, doivent être en mesure de trouver un juste équilibre afin de se conformer
également aux dispositions qui concernent la prohibition de la discrimination dans le milieu de travail. Le
concept d’accommodement raisonnable a été importé par les tribunaux aux questions de discrimination et il
sera intéressant de voir comment, dans le futur, seront abordées de telles situations où une entreprise est aux
prises avec les exigences relatives à un client et les droits de ses employés.
L’impact des lois ou règlements américains qui ont des effets sur la protection des renseignements
personnels de canadiens est un sujet d’actualité de plus en plus discuté. D’ailleurs, le législateur québécois a
réagi au mois de juin 2006 en apportant une modification à l’article 17 de la Loi sur la protection des
renseignements personnels dans le secteur privé 1. Cet article se lit dorénavant comme suit :
17. La personne qui exploite une entreprise au Québec et qui communique à l'extérieur du Québec
des renseignements personnels ou qui confie à une personne à l'extérieur du Québec la tâche de
détenir, d'utiliser ou de communiquer pour son compte de tels renseignements, doit au préalable
prendre tous les moyens raisonnables pour s'assurer :
1° que les renseignements ne seront pas utilisés à des fins non pertinentes à l'objet du dossier ni
communiqués à des tiers sans le consentement des personnes concernées sauf dans des cas
similaires à ceux prévus par les articles 18 et 23;
2° dans le cas de listes nominatives, que les personnes concernées aient une occasion valable de
refuser l'utilisation des renseignements personnels les concernant à des fins de prospection
commerciale ou philanthropique et de faire retrancher, le cas échéant, ces renseignements de la
liste.
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Refus de communiquer des renseignements.
Si la personne qui exploite une entreprise estime que les renseignements visés au premier alinéa
ne bénéficieront pas des conditions prévues aux paragraphes 1° et 2°, elle doit refuser de
communiquer ces renseignements ou refuser de confier à une personne ou à un organisme à
l'extérieur du Québec la tâche de les détenir, de les utiliser ou de les communiquer pour son
compte.
(C’est nous qui soulignons)
En effet, en plus de l’impact des lois américaines au Canada, il y a également la question de l’application des
lois américaines sur les renseignements personnels de canadiens établis ou en poste aux États-Unis.
La Commissaire fédérale à la protection de la vie privée du Canada a également rendu des décisions
importantes au cours des derniers mois2 afin de baliser l’envoi de renseignements personnels aux États-Unis.
Dans ces décisions, la Commissaire a insisté sur l’exigence de transparence auprès des personnes concernées
par les organisations qui envoient des renseignements personnels à l’extérieur du Canada. Elle a mentionné
l’exigence de protéger les renseignements personnels par des mesures contractuelles, tout en rappelant que
cela n’aura pas pour effet d’empêcher les lois américaines de s’appliquer sur son territoire.
Au moment d’écrire ces lignes, les ministres Gordon O’Connor (Défense) et Peter MacKay (Affaires
étrangères) annonçaient la signature d’une entente avec le gouvernement américain pour assouplir les
exigences du gouvernement américain reliées à ITAR pour les employés du gouvernement canadien qui
possèdent une double citoyenneté. Pour l’instant cependant, cette annonce ne concerne pas les entreprises
privées comme Bell Helicopter.
C’est un dossier à suivre…
Me Antoine Aylwin pratique en litige civil, commercial et administratif. Il œuvre principalement dans les
domaines du litige successoral, de la protection des renseignements personnels dans les secteurs publics et privés
et des recours extraordinaires comme l'injonction. Il est membre du Groupe de pratique national de Fasken
Martineau sur la protection de l'information et de la vie privée et pratique au sein du Groupe de pratique Travail,
emploi, droits de la personne et droit public.
On peut communiquer avec Antoine Aylwin au 514 397 5123 ou à [email protected].
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1) L.R.Q. c. P-39.1;
2) Décisions # 313, # 333 et # 365.

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