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Numéro 11 - avril 1995 -
Bulletin de la Recherche Agronomique
VULGARISATION DE LA TECHNIQUE "TRES BAS VOLUME"
EN CULTURE COTONNIERE AU BENIN
Samuel VODOUNNON 1
Résumé
La technique "Très Bas Volume" (TBV) constitue une innovation en culture cotonnière
au
Bénin.
Des
études
récentes
réalisées
sur
des
Centres
Permanents
d'Expérimentation et en milieu réel ont mis en évidence sa supériorité sur l'ULV
pour le contrôle des ravageurs vivant à la face inférieure des feuilles de
cotonnier. Elle utilise les mêmes types d'appareils (usage mixte) que la technique
Ultra Low Volume mais munis de gicleur à orifice plus large puis des pesticides en
concentré émulsionnante. Le meilleur contrôle des ravageurs tels que l'acarien P.
Latus et Aphis gossypii, permet une nette amélioration du rendement de coton-graine
et de la qualité de la fibre.
Mots-clés: technique Très Bas Volume, lutte étagée ciblée, lutte biologique.
paysans et a été vulgarisée sur
respectivement 1650 ha en 1993, sur
23000 ha en 1994. Elle le sera en
1995 sur environ 200000 ha.
INTRODUCTION
La technique Ultra Law Volume "ULV"
vulgarisée en culture cotonnière au
Bénin dès 1978 est, grâce à sa
facilité et rapidité d'exécution et
à son emploi sans eau, l'une des
principales raisons de reprise ou
de relance de la culture. Elle a
aussi permis de libérer les paysans
des
lourdes
contraintes
des
appareils à dos.
La présente étude v i.s e à fournir
aux développeurs et paysans les
éléments techniques nécessaires à
une
bonne
connaissance
et
vulgarisation du TBV.
APERÇU SUR LES DIFFÉRENTES
TECHNIQUES D'APPLICATION DE
PESTICIDES
L'ULV
présente
cependant
de
sérieuses insuffisances quant au
contrôle de tous
les ravageurs
vivant à la face inférieure des
feuilles. Par contre, la technique
Très Bas Volume "TBV" (10 l/ha)
étudiée au Bénin sur des centres
Permanents d'expérimentation (CPE)
et en milieu paysan depuis 1987
pallie ces lacunes. Elle a très
rapidement gagné l'adhésion des
15
La terminologie appropriée utilisée
en la matière est liée au volume de
produit et/ou de bouillie épandu à
l'unité de
superficie
(ha).
Le
tableau l résume ces techniques
d'application (WARNERY, 1990).
. VODOUNNON est responsable de la Division Phytosanitaire à la Recherche Coton et Fibres.
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Bulletin de la Recbercbe Agronomique
Classification
des
Tableau
1:
d'application
de
techniques
pesticides.
Les poudreuses
Peu connues et peu utilisées au
Bénin, les poudreuses nécessitent
des
formulations
"Poudre
mouillable". Leur non vulgarisation
n'est pas liée au manque de rémanence ou d'efficacité des produits
mais aux difficultés inhérentes à
la logistique: transport de grandes
quantités de matières actives.
Terminologie Volume de produit
ou de bouillie / ha
Ultra Bas
Volume
inférieur à 5 l
(sans eau)
Très Bas
Volume
5 à 50 litres
Bas Volume
50 à 200 litres
Numéro 11 - avril 1995 -
Moyen Volume
200 à 600 litres
La technique conventionnelle
Haut Volume
supérieur à 600 l
Elle utilise des appareils à dos à
pression préalable à une lance puis
à pression entretenue également à
une lance d'abord puis à rampe
traitant deux rangées de cotonniers. La bouillie nécessaire pour
traiter l' hectare contient 100 à
150
l
d'eau
et
des
produits
insecticides formulés en concentré
émulsionnable.
Cette
technique
comporte certains avantages:
* une bonne couverture végétale
pour une meilleure efficacité des
matières actives procurant une
production quantitative et
qualitative élevée.
* presque pas de perte de matières
actives par évaporation.
La
technique
TBV
utilise
un
appareil manuel muni d'une nourrice
de 5 l ou 10 l et d'un gicleur
spécial pour une pulvérisation de
10
l
de
bouillie
(eau
+
produit)/ha.
Les appareils utilisés sont de type
ULVA + et BERTHOUD C7-10 avec des
nourrices portées au dos ou en
bandoulière. La quantité d'eau doit
être au moins de 8 l/ha et les
produits insecticides formulés en
concentré émulsionnante (CE).
Les inconvénients sont:
* nécessité d'actionner durant
toute l'opération une pompe de
mise à pression
* port de 18 à 20 kg d'appareil à
pleine charge
* longue durée de traitement
CAUSES DE LA VULGARISATION
DU TBV
Cette
technique
s'est
avérée
nécessaire
vu
les
différentes
défaillances de celles utilisées
jusque là. Jusqu'à aujourd'hui, les
techniques
d'application
ont
beaucoup évolué. Nous retiendrons:
(3-4h).
* nécessité de grandes quantités
d'eau: 100 à 150 l d'eau/ha.
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Bulletin de la Recherche Agronomique
Numéro 11 - avril 1995 -
La technique Très Bas Volume
(TBV)
La Technique UBV ou ULV
Depuis 1978, cette technique est
l'un des facteurs de relance de la
cul ture cotonnière au Bénin. Elle
est actuellement vulgarisée sur la
quasi totalité des superficies. Ses
avantages sont:
* facilité d'exécution;
* utilisation d'appareil manuel
moins lourd (1,5 à 3 kg).
* pas de pompage au cours de
l'opération;
* pas de corvée de transport d'eau
(100 à 150 1).
* important gain de temps (30 à
45 mn) pour traiter l ha.
* meilleure adhérence du produit
aux feuilles grâce à l'huile qui
limite le ruissellement. Elle
permet une meilleure efficacité
des traitements vis-à-vis des
ravageurs vivant à la face
supérieure des feuilles ou des
organes reproducteurs des 10-15
premiers centimètres du sommet de
la plante.
Elle est expérimentée depuis 1987
au Bénin et actuellement en cours
de vulgarisation. Son but est:
* d'améliorer
la
maîtrise
des
ravageurs,
notamment
de
ceux
vivant à la face inférieure des
feuilles du cotonnier.
* de passer progressivement à la
lutte étagée ciblée (LEC) pour
laquelle le TBV est un préalable
incontournable.
Cette
technique
est
donc
un
compromis entre la conventionnelle
et l'ULV, bien que la première soit
la meilleure sur le plan efficacité
biolog ique
et
rendement
cotongraine.
Son principe demeure à peu de
facteurs près le même par rapport à
celui de l'ULV. Ainsi:
- l'appareil
Elle a certaines insuffisances:
* dépendance de l'orientation et de
la force du vent dominant;
* régularité de la micronisation
liée au bon état de l'appareil et
à la charge des piles;
* aucun contrôle des ravageurs
vivant à la face inférieure des
feuilles: l'acarien P. Latus
(fortes infestations dans le Zou,
le Mono et l'Ouémé, moyennes dans
le Sud Borgou et l'Atacora) et le
puceron sur toute l'étendue du
territoire avec des infestations
décroissantes du nord au Sud.
Il repose sur le même principe que
celui de l'ULV. Il s'agit de la
technique
de
pulvérisation
centrifuge ou rotative. L'appareil
est muni d'une nourrice de 5 l ou
10 l pour réduire le nombre de
préparations de la bouillie et de
chargement de réservoir. Le gicleur
est d'un diamètre plus grand. Deux
marques d'appareils sont prévulgarisés. Ces appareils d'usage mixte
(ULV et TBV) fonctionnent avec 4 ou
5 piles pour le TBV et 7 à 8 piles
pour l'ULV. Pour le TBV, la vitesse
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Bulletin de la Recherche Agronomique
de rotation du disque de pulvérisation est plus lente pour un fractionnement et une taille plus grande
des gouttelettes pour limiter les
effets d'évapo-transpiration connus
dans le cadre de la micronisation.
Numéro 11 - avril 1995 -
actives nécessaires selon les
degrés d'infestation.
* la possibilité d'associer à la
lutte chimique, la lutte biologique par incorporation de
préparations virales, bactériennes (Bacillus thuringiensis) ou
des spécialités fertilisantes
(oligo-éléments). Des régulateurs
de croissance de cotonnier ou des
substances défoliantes pour
lutter contre Aphis gossypii en
fin de cycle peuvent être
également utilisés.
- Type de formulation
Les matières actives sont formulées
en concentré émulsionnable (CE). La
matière active peut être formulée
seule
ou
associée
(binaire
ou
ternaire) .
* Les risques de toxicité dermale
L'eau (8 ou 9 l/ha) est utilisée
comme
diluant
et
support,
contrairement aux solvants (huile)
utilisés pour la formulation UL.
sont amoindries étant entendu que
les spécialités sont diluées dans
un support qui est de l'eau.
* L'obtention de rendements supérieurs ou au moins équivalents à
ceux de l'ULV.
- Largeur de bande traitée
Elle est de 2,40 m soit 3 lignes
espacées de 0,80 m contre 4 m
(5 lignes) pour l'ULV.
RESULTATS ET DISCUSSIONS
Les contraintes de cette technique
sont:
* La durée de traitement qui est
liée à la largeur de bande traitée car la vitesse de l'opérateur
demeure la même: 60 à 90 mn/ha
selon le développement végétatif
des plants;
* la consommation de piles est plus
élevée: 1,5 à 2 fois supérieure à
l'ULVi ainsi il faut 12 à 16
piles/ha.
* quelque possibilité d'évaporation
de la bouillie avant d'atteindre
la cible surtout dans les zones à
faible hygrométrie.
Les
résultats
du
parasitisme
révèlent
que
la
technique
TBV
assure un meilleur contrôle des
ravageurs du feuillage: Sylepta,
pucerons et acariens (tableau 2).
Cette supériorité est liée à un
volume
de
bouillie
épandue
à
l'unité de superficie et qui permet
de "mouiller" davantage le végétal.
Il n'est par contre pas évident que
le TBV contrôle mieux les ravageurs
carpophages.
Elle procure, bien qu'il n 'y ait
pas toujours de différence statistiquement significative, un rendement supérieur à l' ULV, comme par
exemple en 1992 dans le Zou (+ 213
kg /ha, soit environ 8,5 %) où les
pressions de l'acarien P. Latus
sont très virulentes. Les écarts
Les avantages sont multiples, à
savoir:
* un meilleur contrôle biologique
des ravageurs notamment de la
face inférieure des feuillesi
* la possibilité de mieux raisonner
la lutte en épandant les matières
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Bulletin de la Recherche Agronomique
Numéro 11 - avril 1995 -
économiques relativement moindres
sur le rendement par rapport à
celles de P. Latus.
s'amenuisent dans la zone Nord où
les pressions de Sylepta et de
pucerons même si elles sont très
fortes, ont des incidences
Tableau 2: Observations sur le parasitisme.
1988
1987
B
ULV
TBV
6,4
1,5
ULV
TBV
4,5
1,2
ULV
TBV
2,9
0,5
a
1989
R
1992
a
G
U
Moyenne
ZOU
Sylepta derogata (% de plants attaqués)
15,7
10,8
35,9
2,8
14,3
12,0
18, 1
10,8
8,7
1,
Pucerons: Aphis gossypii (% de feuilles attaquées)
5,8
58,4
89,1
30,9
37,7
45,9
2,2
71,5
15,6
27,3
Acariens: P. latus
75,1
8,5
28,3
3,0
36,4
13,3
°
Source: Rapports annuels RCF (1985 - 1994)
l'eau, selon de récentes études
serait sans influence sur
l'efficacité des traitements.
* l'utilisation de formulations UL
est
prohibée
étant
entendu
qu'elle
est non miscible à
l'eau.
La technique TBV permet d'obtenir
du coton ayant une fibre de meilleure qualité (5,0 % de coton jaune
contre 8,3 %) (tableau 3). Elle
arrive à pallier aux risques de
collage ce qui contribue à augmenter la valeur marchande de la fibre
et explique sa bonne appréciation
et son adoption par les paysans.Les
deux
années
de
vulgarisation
montrent que le coût des insecticides CE (pour le TBV) revient
environ à 25% moins cher que celui
de l'ULV réduisant dans la même
proportion les charges inhérentes à
la protection phytosanitaire.
La formation des producteurs
révèle donc nécessaire.
se
Pour y parvenir,
la RCF s'est
attelée depuis lors en étroite
collaboration avec la Direction des
Ressources de la formation et de
Vulgarisation (DRHFV) à un vaste
programme de séances de formation
des formateurs (CARDER) voire des
paysans pour un réel transfert de
compétences et du succès du TBV.
Ces résultats ne sont obtenus que
dans certaines conditions telles
que:
* la largeur de la bande traitée
doit être de 2,40 m.
* l'application rigoureuse de la
dose de pesticide.
* une eau de bonne qualité, exempte
de boue et déchets susceptibles
de boucher le gicleur. Le pH de
Point sur le développement
du TBV
La vulgarisation de la technique
est encore à ses débuts au Bénin
qui
l'a adopté
à
environ
10%
12
Bulletin de la Recherche Agronomique
Numéro Il - avril 1995 -
jusqu'en 1994, alors qu'elle était
étudiée et disponible dès 1988. En
1994, la quasi totalité des pays
"cotonniers"
de
la
sous-région
(Afrique de l'Ouest et du Centre) a
complètement adopté le TBV.
Tableau 3: Rendement (kg/ha de coton-graine) et qualité (% coton
jaune.
Année
Localité
Borgou
Okpara
Alafiarou
Angaradebou
Ultra Low Volume (ULV) Très Bas Volume (TBV)
b
b
a
a
1987
1987
1988
1989
1993
1992
1994
1376
1980
1710
1681
2263
10,3
12,6
9, 1
1992
1993
2500
1412
5,6
Mono
1993
Ouémé
Atacora
Sirarou
Zou
Gobé
2013
1389
2300
1819
1983
2384
6,4
5,4
9,4
2713
1581
2,8
-
1131
-
1434
-
1993
866
-
936
-
1993
1594
-
1703
-
-
3,8
-
1,2
-
1
a
b
rendement coton-graine (kg/ha)
coton jaune (%)
Source: Rapports annuels RCF (1985 - 1994)
la technique conventionnelle (100 à
150 l de bouillie/ha) et l'ULV:
2, 5 l de produit prêt à l'emploi
par hectare.
Au Bénin,
l'adoption de
cette
technique s'étendra à 65% en 1995.
Quant à la Côte d'Ivoire, elle
poursuit
la
vulgarisation
de
l'appareil à dos (60 l/ha) dans les
régions
préforestières
où
le
contrôle de l'acarien P. Latus qui
y sévit,
s'en trouve nettement
amélioré. Tous ces pays verront la
totali té de leurs super f ic ies en
coton protégée par le TBV en 19951996.
Le principe est très peu modifié
par rapport à l'UL puisqu'on utilise le même appareil, mais muni
d'une buse calibrée (gicleur) de
diamètre
plus
large
et
d'une
nourrice de 5 1. La largeur de
bande traitée n'est plus que de 2,4
m (3 lignes de cotonniers espacées
de 0,80 m) et l'on ne doit jamais,
pour
une
bonne
efficacité,
descendre
en
dessous
de
8
l
d'eau/ha.
CONCLUSION
La technique TBV en cours de vulgarisation au Bénin en culture cotonnière, constitue un compromis entre
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Bulletin de la Recherche Agronomique
Numéro 11 - avril 1995 -
lOI/ha à l'eau en culture
cotonnière au Nord Cameroun
(Mémoire de fin d'étude).
CNEARC. Montpellier.
La consommation d'énergie 1,5 à 2
fois plus élevée que celle de l'ULV
est largement compensée par un
meilleur contrôle des ravageurs,
notamment ceux vivant à la face
inférieure des feuilles: acariens
P. Latus et Aphis gossypii. Le
rendement et la qualité du cotongraine
s'en
trouvent
nettement
améliorés.
2. RCF.
1985 -1994. Rapports
annuels.
3. VODOUNNON S., 1989. Evolution de
la protection phytosanitaire du
cotonnier au Bénin - Actes de la
première conférence de la
Recherche Cotonnière Africaine Lomé:224-237.
Elle
constitue
en
outre
un
préalable à la vulgarisation de
nouvelles méthodes de lutte plus
économiques
et
davantage
respectueuses de
l'environnement
telle que la lutte étagée ciblée.
3. WARNERY, 1990. Communication
orale lors de la réunion
phytosanitaire du cotonnier à
Ouagadougou - Burkina Faso.
REFERENCES
1. OUDINOT O., 1989. Expérimentations sur la technique de pulvérisation très bas volume
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