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Chapitre 00 Équilibre et déséquilibre d’un processus de contrôle de gestion Nicolas BERLAND La comptabilité de gestion a connu une période de crise et de remise en cause importante à la fin des années quatre-vingt. Les techniques de calcul en vigueur dans les entreprises ne donnaient plus satisfaction aux managers. Elles étaient accusées de les induire en erreur dans leurs principales décisions et de mal orienter l’allocation des ressources. Kaplan et Norton (1987) leur ont même attribué la responsabilité du relatif déclin des économies occidentales depuis 1970. D’autres outils du contrôle de gestion ont subi, plus récemment, les mêmes critiques. Elles émanent parfois des mêmes groupes, en l’occurrence le CAM-i, organisme de réflexion composé de praticiens, de consultants et d’universitaires. Il en va ainsi des budgets qui se sont retrouvés, depuis les années soixante-dix, être de plus en plus mis à l’index. Ainsi, pour Jack Welsh, ancien Président de General Electric, « the budget is the bane of corporate America. It never should have existed… Making a budget is an exercise in minimalisation. You’re always getting the lowest out of people, because everyone is negociating to get the lowest number ». Le cas est assez similaire à celui de la comptabilité de gestion. L’outil se serait perverti avec le temps pour finalement devenir inadapté aux conditions de fonctionnement des entreprises actuelles. Le CAM-i s’est rendu célèbre ces dernières années en proposant de le supprimer et de mettre en œuvre une « gestion sans budget » (Hope et Fraser, 2003). Dans cette présentation, nous nous proposons d’examiner un exemple de cette « gestion sans budget ». Mais plutôt que de chanter les louanges chimériques d’une nouvelle pratique de gestion, nous chercherons à montrer, au travers du cas d’une entreprise, en quoi la « gestion sans budget » procède d’un rééquilibrage des pratiques de gestion au 102 Mélanges en l’honneur de M. Gervais bénéfice des managers. Plus largement, c’est la dynamique d’évolution des outils de gestion qui sera analysée. Le développement d’une « gestion sans budget » reflète un changement profond (révolutionnaire) des pratiques de gestion de l’entreprise étudiée. L’évolution postérieure montre ensuite des changements moins profonds (évolutions) qui conduisent l’outil de gestion à se modifier pour finalement s’écarter du modèle prescrit initialement. C’est le double jeu des changements intentionnels et des changements induits par la pratique qui est étudié. Comment prendre en compte et analyser, dans la durée, ces changements ? Comment de nouveaux équilibres dans l’utilisation des outils de gestion sont-ils introduits pour lutter contre leur fonctionnement bureaucratique ? Pourquoi, malgré tout, leur tendance naturelle est de retourner à un état bureaucratisé où le respect des formes l’emporte sur les finalités originelles de l’outil ? Dans la section 1, nous décrirons le terrain de recherche et les questions qu’il soulève. Dans la section 2, nous examinerons le nouveau système de gestion mis en place à partir de l’année 1999 dans l’entreprise étudiée ; pour cela, nous l’illustrerons à partir d’un cas représentatif de son fonctionnement dans l’une des filiales. Dans la section 3, nous analyserons cette révolution au travers du cadre théorique de Simons afin de montrer que le groupe était à la recherche d’un nouvel équilibre de son système de contrôle sur deux dimensions antagonistes et constitutives d’un même continuum (Simons, 1991). Le deuxième cas présenté en section 4, postérieur au premier, concerne une autre entreprise du même groupe qui, après avoir adopté le nouveau système, l’a informatisé. Il s’agit donc de la même procédure de gestion mais selon des modalités différentes. Nous verrons, dans la section 5, en quoi cette informatisation conduit à des changements, mineurs de nature à altérer l’équilibre précédemment obtenu. Cette évolution sera interprétée au regard du cadre théorique proposé par Burns et Scapens (2000) et qui est de nature à rendre compte du chemin de dépendance qu’emprunte l’évolution des outils du contrôle de gestion. 1. Présentation de l’étude de cas et méthodologie utilisée En 1999, le groupe SSB a lancé une démarche de gestion innovante en « supprimant son budget » et en le remplaçant par un nouveau système de pilotage davantage orienté vers la stratégie et sa déclinaison. Le but était d’impliquer davantage les managers de l’entreprise dans le processus de contrôle. En effet, celui-ci était devenu avec le temps, un outil essentiellement technocratique pris en charge par les seuls contrôleurs de gestion et privilégiait des dimensions routinières, pour ne pas Équilibre et déséquilibre d’un processus de contrôle 103 dire ritualistes. Un rééquilibrage a donc été opéré pour faire en sorte de mieux articuler stratégie et pilotage et placer les managers au centre de cette articulation. Ce changement de mode de gestion visait ainsi à répondre aux nombreux reproches exprimés à l’encontre du contrôle budgétaire (Berland, 2002). Il n’est toutefois pas dans notre intention de développer une « best practice » ou de poser le modèle de la société étudiée en exemple. De même, nous ne pensons pas que la « gestion sans budget » soit une panacée. Plus modestement, la pratique de SSB invite à s’interroger sur les enjeux sous-jacents du design d’un système de contrôle de gestion. L’objectif de cette présentation est d’analyser les transformations du système de contrôle de gestion de SSB dans une perspective longitudinale (de 1999 à 2003). Deux transformations sont perceptibles, sous forme d’une révolution puis d’une évolution. La révolution, entendue au sens de changement majeur, concerne la mise en place, de manière centralisée et coordonnée de nouvelles modalités de pilotage. Cette révolution porte le nom du programme qui l’incarne : le projet Spring. Celuici commence à fonctionner à partir de l’année 2000 et s’oppose aux pratiques en place jusqu’en 1999. Cette révolution introduit un nouvel équilibre entre les différents constituants du système de pilotage de SSB. Certains sont mis en avant (plans d’action, visée prospective…) quand d’autres passent au second plan (rôle des contrôleurs de gestion, complétude du budget et bouclage avec la comptabilité…). Au fur et à mesure que les filiales (nommées les « entreprises »1) de SSB s’approprient ce nouveau système de gestion, celui-ci fait l’objet d’évolutions propres à chacune des entreprises. Ces évolutions ont plusieurs causes. Certaines sont la réponse à la prise en compte des spécificités des entreprises. D’autres concernent les formats et les tableaux ; elles ont été perçues par le siège comme les nécessaires degrés de liberté propres à faciliter l’appropriation par les acteurs du nouveau système de gestion. Enfin, les modifications ultimes ont concerné l’informatisation du système qui a été laissée à l’initiative des entreprises. En effet, le programme de changement ne s’appuyait pas sur un nouveau logiciel mais sur un ensemble de procédures et de phases de réflexion à respecter. Au fur et à mesure que les entreprises se sont appropriées ces nouveaux modes de travail, certaines (en fait une minorité) ont cherché à informatiser la démarche. Cette informatisation a pris la forme de fiches Excel ou de programmes plus ambitieux utilisant l’une des solutions du marché. La mise en cohérence entre Spring et les logiciels de gestion implantés a conduit à des évolutions légères mais 1 C’est ainsi que SSB appelle les unités se trouvant juste sous le niveau des divisions. Une « entreprise » est composée de plusieurs business units. 104 Mélanges en l’honneur de M. Gervais affectant les principes de base et la cohérence du projet Spring. L’équilibre obtenu lors de la mise en place du système commence alors à évoluer, contribuant peut-être à créer un déséquilibre, ou un nouvel équilibre, ne correspondant pas à celui souhaité à l’origine du projet. Notre ambition est de donner une interprétation à ces phénomènes en mobilisant deux cadres théoriques. Le premier servira à donner du sens à la révolution quand le second s’intéressera à l’évolution. L’étude de cas s’appuiera sur l’exemple de deux des entreprises de SSB. Nous voulons analyser comment le système Spring a été différemment mis en œuvre pour en tirer des conclusions sur la dynamique des systèmes de contrôle. Le cas de la première entreprise, assez représentatif d’autres démarches initiées dans le groupe, permet de montrer que la pratique de SSB s’interprète assez bien en utilisant le cadre d’analyse développé par Simons (1991, 1994, 1995). Il s’agit alors vraisemblablement de rééquilibrer, au profit des managers, des systèmes de contrôle devenus, avec le temps, trop bureaucratiques, c’est-à-dire trop respectueux du formalisme au détriment de la finalité qui avait présidé à leur construction. En introduisant une différenciation des systèmes de contrôle (contrôle interactif versus contrôle diagnostic), le cadre théorique de Simons donne une interprétation de la révolution initiée et de ses motivations. Cette lecture théorique préalable est nécessaire pour donner du sens aux évolutions ultérieures qui se comprennent par contraste avec la visée téléologique poursuivie. Le cas de la deuxième entreprise cherche à montrer les évolutions par rapport au modèle initial dès lors que le système est informatisé. L’informatisation n’est pas ici la cause en elle-même de la dérive mais représente l’un des vecteurs qui conduit un système à évoluer. Il ne s’agit donc pas de critiquer le processus d’informatisation, mais de mesurer ses effets induits sur l’architecture du système de contrôle. Nous allons essayer de montrer comment l’évolution et l’adaptation d’une procédure de gestion porte en elle des risques de dégradation d’un équilibre difficilement obtenu. Cette analyse se situe alors dans le cadre des réflexions initiées par Burns et Scapens (2000). Ces derniers analysent au travers d’un cadre théorique, issu de l’analyse institutionnelle, la dynamique et la dégradation des outils de gestion. Notre question de recherche, pour cette partie, vise à analyser la double dynamique du changement à l’œuvre chez SSB et qui conduit à interpréter les différentes évolutions de son système de contrôle de gestion. En suivant Scapens (1994), nous adopterons un cadre conceptuel issu des analyses institutionnelles et permettant d’expliquer les évolutions des pratiques comptables. L’étude du changement y est privilégiée à celui de l’équilibre économique. Dans notre analyse, nous commence- Équilibre et déséquilibre d’un processus de contrôle 105 rons par qualifier l’équilibre obtenu à la suite de la mise en place de Spring afin de mieux pouvoir en mesurer les évolutions. Ces analyses sont également assez proche des notions d’équilibre ponctué (Greiner, 1972 ; Tushman et Romanelli, 1985). Cette étude de cas, à visée exploratoire, a été réalisée à la demande du chef de projet Spring de SSB. Le but était de mieux comprendre les principaux mécanismes à l’œuvre dans les nouveaux modes de pilotage mis en place et d’en donner une interprétation permettant de dépasser des considérations uniquement techniques. Une démarche d’observation non participante a donc été entreprise. L’observation a été présentée aux managers du groupe au travers d’un « prétexte ». Il leur a été expliqué que les interviews et les études menées par le chercheur serviraient à décrire les différentes pratiques de Spring en usage dans le groupe. Cette formalisation permettait ensuite un échange d’expériences par une mise en ligne sur le site intranet du groupe et par la diffusion via les mèls. Au-delà de ce prétexte, le matériel collecté pendant l’étude a ensuite été exploité dans le cadre de la présente recherche. Les cas que nous décrirons sont donc la synthèse du verbatim des managers auxquels nous avons ajouté des commentaires explicatifs afin de rendre l’ensemble lisible pour un lecteur extérieur. L’étude a été réalisée à partir d’entretiens non directifs et semidirectifs et de documents internes de SSB. L’ensemble de l’étude s’est déroulé de 2000 à 2003. Parmi les personnes rencontrées figurent le responsable du projet Spring, ainsi que différents représentants des deux entreprises de SSB. Les documents internes consultés sont des supports de formation et des comptes-rendus d’audit. Parmi les sources externes, nous avons retenu l’ensemble des rapports annuels et des documents figurant sur le site Internet de l’entreprise. 2. L’introduction d’un nouveau système de pilotage Le système de gestion mis en place chez SSB à partir de 1999 est connu dans le groupe sous le nom de projet Spring et comporte trois phases : – Plan stratégique ; – Plans d’action ; – Prévisions. Nous décrirons le fonctionnement des deux premières, la phase prévision ne nous concernant pas. L’exemple de l’usine de La Rochelle, E&C, illustre la manière dont fonctionne le système de gestion mis en place dans le groupe. 106 2.1. Mélanges en l’honneur de M. Gervais La phase stratégique de fixation des objectifs Le plan stratégique couvre une durée de cinq ans. Il est glissant et réactualisé tous les ans. La définition de la stratégie est initialisée par une lettre d’orientation de la direction générale groupe (DGG) qui précise aux entités quels sont les objectifs imposés. Ces objectifs, exprimés en termes de rentabilité et de cash, sont chiffrés et précis. Ils sont impératifs et représentent de véritables défis à relever pour les entreprises. Ils sont souvent complétés par d’autres objectifs issus des différents programmes transversaux. Il appartient ensuite aux entreprises de définir une stratégie originale permettant de satisfaire à ces différentes contraintes. La définition de la stratégie se poursuit par l’explicitation et la déclinaison des missions, des visions stratégiques et de l’adhésion aux valeurs du groupe de chacune des entités. Missions, visions et valeurs ne constituent pas la stratégie de SSB, mais ils en sont le socle. Grâce à cette vision partagée, l’élaboration de la stratégie est censée devenir plus efficace. C’est l’occasion de discuter et de reformuler annuellement les choix stratégiques de chaque entité, dans un environnement et un contexte jugés de plus en plus turbulents. Le plan stratégique proprement dit peut alors être réalisé. Les membres du Codir (comité de direction) de chaque entreprise définissent les scénarios stratégiques leur permettant d’atteindre leurs objectifs et les moyens nécessaires à mettre en place pour y parvenir. Le plan stratégique comprend trois principales étapes : – des KVD (Key Value Drivers) sont tout d’abord déterminés par les membres du Codir de chacune des entreprises du groupe. Les KVD sont les grands axes de développement nécessaires à la réalisation des objectifs ; – les différents responsables doivent ensuite définir, pour chaque KVD, une liste d’actions stratégiques (les « AS ») à entreprendre dans les cinq prochaines années. Si le KVD correspond à une intention de faire, l’AS est la façon concrète dont cette intention va se réaliser. Seules les AS les plus significatives sont alors retenues (application du principe de Pareto ou loi des 80-20) ; – l’impact attendu de ces actions sur les ventes, le résultat opérationnel, le cash et les capitaux employés, est ensuite indiqué dans le cadre d’un business plan financier de cinq ans. Cela permet de mesurer les incidences des différentes actions stratégiques en termes de création de valeur pour l’entreprise. Chez E&C, toutes les informations concernant Spring sont affichées sous forme d’un cockpit dans la principale salle de réunion de l’usine. Cet affichage permet aux membres du comité de direction de l’usine de Équilibre et déséquilibre d’un processus de contrôle 107 prendre connaissance visuellement et directement des progrès réalisés et des enjeux actuels du site. La salle du cockpit est équipée de panneaux présentant des graphiques indiquant la situation du site en termes de performance. La disposition des informations reprend les séquences en arborescence définies par Spring pour la déclinaison de la stratégie. D’autres informations viennent par ailleurs compléter les informations Spring. Les KVD de l’entreprise E&C sont bien sûr le point de départ de l’ensemble de l’affichage (cf. schéma 00.1). Ces KVD sont ensuite déclinés en actions stratégiques par le codir de l’entreprise E&C, puis en plans d’action. Schéma 00.1. – Exemple de KVD KVD SUMMARY DECEMBER 2002 KVD MAXIMIZE SALES FROM INNOVATION H2 Actuals H2 TARGET % completion COMMENT 11,1 10,9 101% Eolys success High Lutecium sales 2,0 6,1 33% Lower deliveries of Y/Eu prods. 33,7 42,0 80% Strong impact of JM (Catalysis) and Nichia (Electronics) 92% 98% 107% Higher contribution than forecast / Success in plant cost control 218 201 92% Increased North American inventories + lower COGS 1,7 0 (sales in M€) BUSINESS PERFORMANCE IN CHINA (sales in M€) CONSOLIDATED SALES TO TARGET CUSTOMERS (sales in M€) STRENGTHEN COST COMPETITIVENESS (Fixed production costs / Contrib) MASTER SUPPLY CHAIN (Days on hand Inventories) IMPROVE MANAGEMENT PROCESSES F09 forecast for july-dec at (4,3) Actual to date at (2,6) (Forecast - actual on ROP of past 6 months) 2.2. La phase de plans d’action Dans cette deuxième phase, il s’agit, pour chacune des entreprises, de décrire les actions à entreprendre au cours des mois à venir en se concentrant sur celles dont les effets en termes de création de valeur seront les plus importants. Il s’agit de gérer les priorités afin d’éviter des efforts dispersés. C’est une analyse plus systématique centrée sur une période de court terme (un à deux ans) alors que la première phase relevait essentiellement du brainstorming et de la réflexion de long terme. Les objectifs et les actions issus du plan stratégique sont déclinés par les membres du Codir de chaque entreprise sur les cinq prochains tri- Mélanges en l’honneur de M. Gervais 108 mestres. Toute la difficulté consiste à conserver une liaison forte entre les objectifs de long terme, les KVD, les AS et les actions qui vont être prises à court terme. Les plans d’action mis en place sont pilotés, le plus souvent, par les collaborateurs des membres du Codir. Tous les trimestres, une mesure de l’avancement des plans d’action est réalisée. Quand des écarts significatifs apparaissent, tant dans l’avancement proprement dit des plans d’action que dans leurs impacts rétrospectifs et prospectifs sur les principaux indicateurs, alors des plans d’action correctifs (PAC) sont mis en place. L’avancement des plans d’action initiaux et correctifs de niveau N est validé trimestriellement par le Codir et une synthèse financière de leurs impacts est réalisée, ce qui permet d’actualiser les prévisions. Pour chacune de ses actions stratégiques, l’usine E&C a donc défini des plans d’action mis en place au niveau du site. A chacun de ces plans d’action, sont associées des actions opérationnelles (niveau encore plus fin de la décomposition, cf. tableau 00.1). Des responsables sont affectés à chacune d’entre elles ainsi qu’une date de début et de fin. Tableau 00.1. – Exemple de déclinaison des KVD en actions KVS Major Action 1 Local supply chain KVS 5 : Im2 Local supply plement WW chain supply chain KVS 6 : Improve management processes Action Plan Action 1 réduction des stocks MPS 1.1 Invento2 réduction des stocks d’en-cours ries reduction 3 réduction des stocks PFM 2.1 OTIF 1 Suivi OTIF 3 WCM 3.1 Nonquality costs reduction 1 Factory Visual Improvment 1.1 5S workshop: FCE 2 Employees empowerment 2.1 Employees empowerment 1 amélioration CPI usine 2 diminution taux de lots non conformes 1 5S workshop: FCE (7 chantiers) 2 5S workshop: MCY (5 chantiers) 3 5S workshop: R&D (4 chantiers) 4 5S workshop: Internal material flows 1 Définition du processus de suggestion 2 affichage visuels Jusqu’ici, la démarche reste classique et entre bien dans les canons de Spring. Toutefois, les plans d’action (terminologie Spring) s’appellent, dans cette usine, des « projets ». Le terme plan d’action est réservé à autre chose. De ce fait, les plans d’action Spring sont l’ensemble des projets d’amélioration réalisés en lien avec les KVD. Des actions alternatives (non Spring) existent pour maintenir la performance sur les autres di- Équilibre et déséquilibre d’un processus de contrôle 109 mensions critiques du fonctionnement de l’entreprise mais elles sont traitées différemment. L’ensemble des projets est examiné mensuellement2 et est présenté sous forme d’un plan d’excellence industrielle (PEI). Le format diffère encore de ceux proposés initialement dans Spring mais en respecte les principes de construction. Le PEI comporte cinq axes qui servent à organiser l’information : – qualité ; – HSE (Hygiène – Sécurité – Environnement) ; – réactivité ; – productivité ; – management. Sous ces cinq axes, sont regroupés l’ensemble des projets (ou plans d’action) liés à Spring (cf. tableau 00.2). Le PEI est affiché dans la salle de réunion mais aussi dans tous les ateliers de l’usine. Cette carte est également utilisée dans les réunions d’équipe dans les ateliers. Tableau 00.2. – Exemple de plan d’excellence industrielle (PEI) Axe KVD Projet 3 Cpi (% Cpk>1,33) 3 Projet BFP Qualité Réalisé Thème/ indi- Avril Cumul N-1 cateur N N Capabilité 85 % 79 % 77 % 77 % produits 0 remarque Certification 0 0 client/BFP BFP Objectif N … 6 Management 6 6 Déploiement des suggestions Etude du stress au travail Professionnalisation des opérateurs de fabr. 191 sugg. traitées 5 modules créés pour sept. 88 Management visuel et suggestions 35 35 NA Management du personnel 0 0 1 module créé NA FAIT ELL FAIT ELL On peut noter que, malgré le changement de format de présentation par rapport aux canons de Spring, un lien explicite subsiste avec les KVD et les actions stratégiques. L’esprit de Spring est conservé, sous forme d’une déclinaison en arborescence (KVD/AS/PA) mais pas la forme de présentation. 2 Alors que Spring ne demandait qu’un examen trimestriel. 110 Mélanges en l’honneur de M. Gervais Un soin attentif a été mis à produire des tableaux facilement lisibles. Des codes de couleur permettent notamment de visualiser les projets en retard et ceux en phase avec l’objectif. A chaque projet est associé un responsable qui a la charge de trouver les bons interlocuteurs dans l’usine pour réaliser le ou les projets dont il est responsable. Sur une base hiérarchique, mais aussi fonctionnelle, il doit donc mobiliser des compétences pour parvenir à réaliser ses objectifs. Chaque projet est suivi par une fiche ad hoc. Tous les mois, la réunion du comité de pilotage du Plan d’Excellence Industrielle (PEI) passe en revue ces indicateurs. C’est à ce moment que les responsables porteurs de projets viennent rendre compte de leur gestion. Les informations sont fournies directement par les opérationnels qui en ont la charge et sont mises à jour, tant pour les données que pour l’affichage. L’ensemble se réalise notamment grâce à des classeurs partagés sur l’intranet. L’ensemble de la procédure fonctionne sans recours particulier à des logiciels de gestion. Evidemment, une usine n’est pas gérée seulement au travers de ces seuls projets prioritaires. Trimestriellement, une revue de direction plus globale d’une journée est effectuée. L’ensemble des actions menées sur le site est alors examiné. Les actions du PEI sont reprises et complétées par les autres actions. On peut dire que le PEI est un zoom stratégique sur la performance plus globale de l’usine. L’important est de faire ressortir, dans le cadre des revues de gestion, ce qui relève des actions d’amélioration stratégiques, suivies mensuellement, puis le reste, suivi trimestriellement. Outre ces informations, un tableau de bord synthétique est également affiché dans tous les services. Ce tableau de bord reprend, sous forme graphique, les dix principaux indicateurs clés de l’usine. Ces dix indicateurs ont été sélectionnés parmi un plus grand nombre. Huit de ces indicateurs viennent du « WCM World Class Manufacturing », qui est un ensemble d’indicateurs obligatoires pour toutes les entreprises et qui sont définis par la direction générale du groupe. Ils servent à faire des comparaisons entre les entreprises du groupe sur une base homogène. Le point faible de la gestion Spring de l’usine est l’allocation des ressources entre les différents projets. Des progrès pourraient sans doute être réalisés de ce côté, de l’avis même des responsables de l’usine. Le contrôle budgétaire a-t-il réellement disparu chez SSB ? Au sens traditionnel du terme, c’est incontestable. Mais cela ne signifie pas pour autant que la société ait renoncé à maîtriser sa gestion. Il serait plus Équilibre et déséquilibre d’un processus de contrôle 111 juste de dire que le système de contrôle de la société a été rééquilibré vers certains aspects qui étaient négligés par le système budgétaire traditionnel (amélioration de la déclinaison de la stratégie, gestion des priorités, analyse en termes de création de valeur…). Nous pouvons proposer maintenant une interprétation de ce rééquilibrage en utilisant la grille d’analyse proposée par Robert Simons. 3. Rééquilibrer le système de contrôle au profit des managers L’examen du système de gestion mis en place par SSB montre que le groupe a différencié son système de contrôle en deux composantes distinctes. Une partie de son système de pilotage cherche à décliner la stratégie en faisant un lien explicite entre les objectifs (KVD) et les plans d’action. Une autre partie cherche apparemment à donner une image plus globale de la performance. Les managers sont invités à construire eux-mêmes l’arborescence déclinant la stratégie, à alimenter le système en chiffres et à être capable de les discuter en comité de direction. Ils sont aidés en cela par les contrôleurs de gestion. Afin de faciliter leur travail, l’ensemble des données à examiner a été fortement sélectionné (priorisé). Cela leur permet de ne faire porter leurs efforts d’analyse que sur les points clés. Mais à côté de ces tableaux de bord stratégiques, il existe toujours des tableaux de bord et des indicateurs plus globaux. Ceux-ci sont examinés avec une périodicité moindre ou par exception afin de vérifier que les données non suivies par le système stratégique ne s’écartent pas des normes admises. Les indicateurs uniformes définis par le groupe (programme WCM) entrent dans cette catégorie. Les informations nécessaires au pilotage sont par conséquent de deux natures, celles qui doivent faire l’objet d’une attention soutenue des managers et celles qui doivent être examinées par exception. Cela ne signifie pas pour autant que les secondes ne sont pas importantes mais simplement qu’elles ne font pas l’objet d’une attention soutenue de la part des managers pour qui le temps est une denrée précieuse. Plutôt que de travailler à l’amélioration de l’état de ces variables, les contrôleurs de gestion se contenteront de vérifier qu’elles se maintiennent ou ne se dégradent pas. Pour E&C, les données stratégiques examinées par les managers sont celles présentées dans le cockpit alors que l’ensemble des données pertinentes sont analysées trimestriellement et de façon plus globale, ou via le WCM. C’est cette idée que l’on retrouve chez Simons (1991, 1994, 1995). Ce dernier définit quatre composants permettant de piloter la stratégie d’une entreprise (1995, p. 7) et que nous retrouvons chez SSB : 112 Mélanges en l’honneur de M. Gervais 1. Les « systèmes de croyances » utilisées pour inciter les managers à rechercher de nouvelles opportunités de croissance. Cela revient à expliciter pour l’entreprise ses valeurs, ses finalités, les relations humaines souhaitées et les niveaux de performances attendus. Chez SSB, ces éléments sont notamment pris en compte dès la phase d’élaboration de la stratégie. 2. Les « systèmes de contraintes » qui comprennent l’ensemble des moyens utilisés pour limiter le comportement discrétionnaire des managers. Ils comprennent les chartes éthiques, les codes de conduites ou les guides de procédures. Chez SSB, ces systèmes sont les « lignes rouges », code de conduite en 21 points par exemple. 3. Les « systèmes de contrôle diagnostic » qui sont utilisés pour motiver, piloter et récompenser l’atteinte d’objectifs par les managers. Ce sont les modes de contrôle fondés sur des boucles de rétroaction par rapport à des normes et qui permettent de vérifier que la performance reste sous contrôle. Ces éléments font l’objet d’un suivi par exception. Chez SSB, nous ferons l’hypothèse (que nous discuterons plus bas) qu’il s’agit des indicateurs hors Spring et du WCM. 4. Les « systèmes de contrôle interactif » utilisés pour stimuler l’apprentissage organisationnel et l’émergence de nouvelles idées ou de nouvelles stratégies. Ce sont les outils de gestion utilisés pour impliquer personnellement et régulièrement les managers dans les problèmes stratégiques de l’entreprise et de leurs subordonnés. Chez SSB, il s’agit de Spring. Les deux premières dimensions correspondent à des modes de contrôle « mou » de l’organisation qui ne sont pas sans rappeler les débats lancés par « Le Prix de l’Excellence » de Peters et Watermann (1982). Les deux dernières dimensions correspondent aux conceptions plus traditionnelles du contrôle de gestion fondées sur des données chiffrées. Nous nous intéresserons exclusivement à ces deux dernières dimensions afin de circonscrire notre propos. Toutefois, notons qu’un système de contrôle complet ne comprend pas que des éléments chiffrés. Selon Simons, l’attention des managers est sollicitée de deux manières dans un système de contrôle : – de façon intensive avec le système de contrôle interactif. Il s’agit pour les managers d’interagir très fortement avec leurs subordonnés pour traiter des priorités stratégiques. Cette phase est très intensive en contacts humains. Elle nécessite que l’attention des managers soit focalisée sur quelques indicateurs dont ils font le pari qu’ils sont les « bons » indicateurs à discuter ; – par exception via une batterie d’indicateurs reflétant les différentes dimensions de la performance de l’entreprise, ou plus généralement les Équilibre et déséquilibre d’un processus de contrôle 113 informations qui sont nécessaires aux managers. C’est le contrôle diagnostic. Cet aspect du contrôle peut être largement informatisé de façon à libérer du temps pour les managers et le contrôleur afin qu’ils puissent se concentrer sur leurs missions essentielles. Les managers interviennent très peu dans cette phase qui est essentiellement administrée par les contrôleurs. Comme le souligne Simons (1995, p. 59), ce dernier type de contrôle, fondé sur une régulation de type cybernétique, est le contrôle de gestion tel qu’il est perçu traditionnellement. Il note également que « curieusement, ce qui en fait la puissance (et potentiellement le danger) est le fait que les managers lui accordent généralement peu d’attention ». Ce mode de contrôle est puissant car il permet de contrôler automatiquement et à distance les principales dimensions de la performance. Mais il présente le risque que les managers n’y accordent aucun intérêt. On pourrait ajouter qu’un autre danger existe celui où les managers y consacrent trop d’intérêt et finissent par s’y perdre. Ils risquent alors de passer à côté de l’essentiel par souci de complétude. Au final, certains outils du contrôle vont donc être utilisés par les managers pour s’impliquer personnellement dans la gestion et interagir avec leurs subordonnés. D’autres outils du contrôle (plus nombreux) seront utilisés pour un contrôle plus distancié fondé sur une gestion par exception. Selon Simons, ce qui permet de choisir un moyen de contrôle interactif plutôt qu’un autre est le type d’incertitude que les managers doivent contrôler. En fonction des points qui apparaissent critiques pour la performance, le type de contrôle interactif utilisé sera différent d’une entreprise à l’autre. Selon Simons (1991), les outils de contrôle peuvent être des systèmes de gestion de projet (Gantt, analyse des tâches critiques…), des systèmes de planification financière (budgets, prévisions, plans à long terme…), des systèmes d’analyse des ventes, des systèmes d’information externes ou des systèmes RH (management par objectifs, gestion de carrière, gestion des compétences…). Nous pouvons penser qu’il ne s’agit pas d’une liste limitative et que bien d’autres outils pourraient y être ajoutés. Simons dresse également une liste (sans doute elle aussi exploratoire) des trois facteurs permettant de choisir un outil en fonction du type d’incertitude à gérer : – quand la concurrence se fait sur la technologie, les entreprises doivent être sensibles à protéger leurs compétences technologiques. Dans le cas contraire, elles devront être vigilantes, elles doivent veiller à développer des compétences marketing ; – quand les chaînes de valeur sont complexes et nécessitent de multiples arbitrages, les systèmes de planification financière sont les Mélanges en l’honneur de M. Gervais 114 plus appropriés. Quand ces chaînes de valeur sont simples, les managers pourront se contenter de suivre des mesures d’input et d’output ; – quand le temps est la principale variable sur laquelle fait la concurrence et que les réactions sont rapides, alors les managers devront suivre l’évolution des ventes, sinon ils utiliseront des systèmes de planification financière ou de gestion de projets ; – enfin, quand l’entreprise opère sur des marchés protégés, elle devra être ouverte sur l’extérieur afin de s’assurer qu’elle maîtrise correctement les règles du jeu. L’étude de Davila (2000) est un bon exemple des questions que les managers doivent se poser pour choisir un outil de contrôle interactif. Davila étudie quatre managers de projets de R&D dans l’industrie médicale. Les observations qu’il réalise sont résumées dans le tableau 00.3. Tableau 00.3. – Quatre modèles de contrôle interactif MaType d’incertitude nagers Contrôle interactif Contrôle diagnostic Gestion de planning, budget du projet, suivi des coûts Marketing, pas de sysSystème Incertitude sur les tème de contrôle de d’information orienB choix technologestion formel éconoté vers les chergiques à réaliser mique, ni d’outils de cheurs du laboratoire planification Peu de données conC Le délai de mise sur Système de planificernant le marketing, (même le marché est une cation strict et bud- les coûts des produits société variable critique get du projet ne sont pas suivis de que B) (time to market) près. Le coût d’obtention Suivi des coûts du Gestion de planning, D du produit est la produit (target budget du projet variable critique costing) A Incertitude sur le besoin des clients Système d’information orienté clients Source : d’après Davila (2000, p. 391) L’exemple de Davila montre que les outils qui servent au pilotage économique de l’entreprise doivent s’entendre selon une définition assez large. Ce ne sont pas simplement les outils traditionnels du contrôle de gestion. Cela renforce l’idée qu’il y a une différence à faire entre les outils du contrôle, le travail du contrôleur et le processus de contrôle (Bouquin, 2001). Comme on peut le noter, ce sont les mêmes outils qui servent à exercer les différents modes de contrôle (diagnostic ou inte- Équilibre et déséquilibre d’un processus de contrôle 115 ractif) mais leur utilisation varie selon les cas. Cette similitude peut conduire, à tort, à rapprocher les deux types de contrôle, pour réaliser un contrôle intégré. Les systèmes de contrôle interactifs doivent permettre aux entreprises de maîtriser certaines incertitudes critiques. Les cas sont forcément différents d’une entreprise à l’autre. Le choix d’un outil de contrôle interactif ne dépend donc en aucune façon des qualités supposées d’un outil de contrôle de gestion mais bien plutôt du contexte et de la manière dont il va être utilisé3. Avant 1999, il ne semble pas que SSB faisait une distinction entre contrôle interactif et diagnostic. Ces deux catégories étaient indifférenciées et, par conséquent, rendaient problématique le suivi des dimensions stratégiques Les managers étaient noyés sous une masse d’information venant des budgets et des tableaux de bord. C’est sans doute la raison pour laquelle les outils de gestion en place semblaient lourds et inutiles. Le système de gestion mis en place par SSB peut donc s’interpréter comme un recentrage ou un rééquilibrage visant à mettre en avant des informations stratégiques que les managers vont utiliser lors de leur revue de gestion. La difficulté pour le groupe est de focaliser l’attention des managers sur la séquence KVD/AS/PA, afin de s’assurer que les managers mettent en œuvre quelques actions cohérentes avec la stratégie. SSB a supprimé son budget afin que ses managers soient davantage impliqués dans le suivi et la mise en œuvre de la stratégie. Cette implication a été rendue nécessaire pour faire face à un marché mature autorisant de faibles possibilités de croissance, à moins d’imaginer des solutions nouvelles. Mais afin de limiter le temps que les managers peuvent accorder à ces tâches, il a été nécessaire de focaliser leur attention sur quelques axes forts de développement. D’où l’intérêt de se débarrasser du budget qui ne permettait pas de se concentrer sur l’essentiel et contribuait à une dispersion des efforts. Les informations des systèmes de contrôle, chez SSB, peuvent être classées en quatre catégories : 1. Les informations d’état sur l’environnement ; 3 Il est d’ailleurs intéressant de remarquer que Simons (1995, p. 68 et s.) illustre le contrôle diagnostic à l’aide du balanced scorecard (BSC, Kaplan et Norton, 1998 et 2001a), alors que Kaplan et Norton (2001b) expliquent que le BSC est un outil de contrôle interactif. La contradiction n’est qu’apparente et ne traduit pas pour autant un désaccord entre Simons et Kaplan, tous deux professeurs à Harvard, donc voisins de bureau. Cela dénote simplement qu’un même outil ne sera pas mobilisé de la même manière selon les entreprises et, plus précisément, selon le degré d’attention qu’y accorderont les managers. Cela permet de comprendre des expériences différentes de BSC dans les entreprises et de rejeter tout one best way. Il n’y a pas une manière unique d’utiliser le BSC. 116 Mélanges en l’honneur de M. Gervais 2. Les informations sur les variables maîtrisables mais non sélectionnées dans les axes de développement ; 3. Les informations faisant l’objet d’un suivi stratégique fin (les informations Spring) ; 4. Les informations non pertinentes. Spring distingue donc les actions qui font l’objet d’un pilotage en phase avec la stratégie (ce qui appartient à Spring), les informations qui ne rentrent pas dans le mapping stratégique mais qui doivent pourtant être vérifiées régulièrement : informations sur l’environnement et sur les actions non stratégiques, surveillées par exemple via les informations obligatoires du programme WCM. Spring cherche à organiser les informations stratégiques en un ensemble cohérent et linéaire formant un chemin stratégique (strategic road). Spring élimine délibérément, mais temporairement, les actions non stratégiques, et par conséquent les informations qui s’y rapportent, pour que les managers se concentrent sur les points stratégiques. Il y a une grande similitude entre cette description d’un système de contrôle par Simons et les pratiques de SSB. Bien sûr, tout n’est pas conforme chez SSB aux idéaux-types de Simons mais l’architecture et les finalités du système de contrôle sont bien identiques. Notamment, selon Simons, le système de contrôle diagnostic permet d’allouer les ressources, de définir des objectifs. Or, chez SSB, ces fonctions ont été intégralement confiées au système de contrôle interactif qu’est Spring car il s’agit précisément du domaine sur lequel le groupe rencontrait les plus grandes incertitudes. Il serait toutefois possible de discuter de la pertinence de notre découpage contrôle interactif/contrôle diagnostic chez SSB au regard des définitions et des exemples que donne Simons. La principale différence est sans doute que chez SSB, le système de contrôle interactif sert à évaluer la performance des managers, alors que ce rôle est limité au contrôle diagnostic chez Simons. Une autre des entreprises de SSB, après s’être approprié le nouveau système de gestion, s’est lancée dans une informatisation qui conduit à des écarts par rapport à l’intention initiale. 4. L’évolution des pratiques Afin d’améliorer son pilotage de la performance, REP a investi dans un management cockpit virtuel. Il permet aux membres du codir de visualiser rapidement les informations essentielles. Ce système d’information doit permettre de donner à tous une vision d’ensemble de Équilibre et déséquilibre d’un processus de contrôle 117 la situation de l’entreprise et permet des analyses approfondies et rapides sur les tendances de fond de la gestion. 4.1. A quels besoins correspond le cockpit ? Le cockpit a permis de résoudre un certain nombre de problèmes apparus dans l’utilisation courante de Spring selon les managers : – « Ce qui manquait auparavant était un système informatique, permettant de faire le lien entre les différentes données utiles au management, au niveau mondial, en les intégrant de façon cohérente » ; – « Spring était trop financier et donc trop descriptif. Il n’y avait pas moyen de voir à quel niveau se prenaient les décisions, ni de quantifier les actions entreprises. L’introduction d’un visuel, permettant de représenter la performance, a permis de se détacher des dimensions trop financières » ; – « Il était très difficile de prendre en compte les interactions de deuxième ordre (ex. : l’amélioration de la qualité fait sentir ces effets sur les façons de travailler). Le recours aux KPI a permis de ce point de vue de compléter utilement les informations de Spring » ; – « Il y a deux ans, on demandait au directeur financier d’expliquer pourquoi les frais fixes avaient augmenté ; maintenant, ce sont les managers qui répondent à ce genre de question car ils ont nourri le système et sont responsables de leurs chiffres » ; – « Au début de Spring, le contrôle se faisait surtout par les chiffres. Leur explication demandait une énergie managériale considérable et induisait beaucoup de passion car les métriques n’étaient pas toujours très claires ». 4.2. Un cockpit pour une vision synthétique de la performance Avec le cockpit, l’information nécessaire aux membres du codir est présentée de façon synthétique sur un seul tableau (cf. schéma 00.2). La principale différence avec le modèle canonique de Spring, qui a été décrit plus haut, est que les plans d’action n’apparaissent pas directement dans le tableau mais font partie des éléments expliquant les sources de la performance. Ils sont en grande partie masqués dans l’analyse, l’attention des managers étant réorientée vers des indicateurs « mis en batterie ». On perd donc de vue la déclinaison KVD/AS/PA puis une déclinaison KVD/AS/KPI (Key Performance Indicators). On ne peut dire si cela est positif ou négatif, mais juste constater que l’attention des managers a été déplacée. 118 Mélanges en l’honneur de M. Gervais Schéma 00.2. – Le cockpit de management Les KVD, les AS et les KPI font l’objet d’une évaluation grâce à des codes couleurs indiquant l’évolution de l’objet mesuré. Ce code couleur se décompose en cinq niveaux allant du vert foncé pour une situation Équilibre et déséquilibre d’un processus de contrôle 119 évoluant favorablement au rouge pour une situation évoluant défavorablement. L’attribution d’un code couleur relève soit : – de la comparaison de l’état de la variable à analyser par rapport à l’objectif (par exemple les ventes) ; – d’un travail d’interprétation en fonction des éléments composant l’élément à évaluer (par exemple les accidents du travail). Il s’agit alors d’un acte managérial. Pour les KPI, ce travail est réalisé par les KPI process owner et pour les AS et les KVD par les contrôleurs de gestion. Le cockpit présente également les relations logiques entre les KVD, les AS et les KPI. Ainsi, en partant du schéma 00.2 : – en haut du schéma se trouvent les quatre KVD retenus et leur évolution (de vert foncé à rouge) mesurée par un indicateur ad hoc ; – en bas à gauche sont rappelés les quatre KVD. On visualise juste au-dessus de leur intitulé, les actions stratégiques (AS) auxquels ils correspondent. Un code couleur à l’intersection de ces deux variables montre l’évolution des AS (de vert foncé à rouge). Les AS qui évoluent favorablement doivent permettre d’expliquer pourquoi le KVD auquel elles sont associées évolue favorablement. Si une incohérence apparaît entre les deux, cela traduit une mauvaise compréhension du business model de l’entreprise ; – l’évolution d’une AS se mesure par un indicateur ad hoc. Cette évolution doit pouvoir être expliquée par l’état des KPI qui lui sont rattachés. Ces KPI sont présentés en bas du schéma et un code couleur leur est affecté en fonction de leur évolution ; – sur la partie droite du cockpit figure la liste des membres du codir et par un unique code couleur bleu, les AS dont ils sont responsables. Cette représentation permet d’avoir une vision synthétique des relations de causes à effets attendues, de la situation de l’entreprise par rapport aux objectifs qu’elle s’est fixée et des responsabilités sousjacentes. Les KPI sont dédiés à des AS, elles-mêmes dédiées à des KVD fournissant ainsi un véritable mapping stratégique. Il faut noter que la synthèse des performances sur les KPI ne conduit pas automatiquement à établir la performance des AS et que les performances des AS ne s’agrègent pas simplement pour donner la performance des KVD. A chaque niveau, la synthèse demande un effort de traduction qui relève à nouveau d’un acte managérial. Les managers doivent précisément travailler sur les relations existant entre KVD/AS et AS/KPI. Les seconds doivent permettre d’expliquer les premiers. 120 Mélanges en l’honneur de M. Gervais Les KPI agissent comme des indicateurs avancés, au sens du balanced scorecard, de la performance attendue des KVD et des AS. Au nombre de 81, ils comprennent les indicateurs du programme WCM (World Class Manufacturing) de SSB, ce qui permet de ne pas multiplier les indicateurs par rapport à l’existant. Mais ce faisant, l’entreprise n’est-elle pas revenue en arrière ? A nouveau, elle semble mélanger ses systèmes de contrôle interactif et diagnostic. L’hypothèse sous-jacente qui semble faite est que l’informatisation doit permettre aux managers d’appréhender globalement la performance. On semble ainsi avoir remplacé la focalisation issue de la procédure Spring par une aide à la modélisation permise par l’informatique. Dans le nouveau système, la situation de l’entreprise doit apparaître clairement à chaque membre du codir. Les enjeux, les tendances et les responsabilités sont présentées à tous pour une réflexion en commun. Les membres du codir peuvent alors développer leur analyse pour mieux comprendre la situation de l’entreprise grâce à un système de drill down (ou forage de données). 4.3. Remonter aux sources de la performance En cliquant sur une action stratégique donnée, il est possible de retrouver le détail des plans d’action correspondants sous un format Spring (les managers ouvrent alors des feuilles Excel décrivant ces plans d’action). Les plans d’action sont documentés et permettent de descendre dans le détail des actions entreprises pour mieux comprendre chacune des AS dans une logique conforme à celle de Spring. Toutefois, cette visualisation est passée au second plan, derrière l’analyse des KPI qui est de lecture directe sur le schéma 00.2. Nous avons vu que les KPI peuvent être rattachés aux KVD via les AS. Les membres du codir ont, en plus, la possibilité d’examiner en détail les composants de chaque KPI afin de mieux comprendre l’évolution d’un KVD et ce d’un simple clic qui les renvoie alors vers un diagramme en arête de poisson (cf. schéma 00.3). Schéma 00.3. – L’arbre de décomposition des causes Équilibre et déséquilibre d’un processus de contrôle 121 SPRING Le schéma 00.3 reprend l’ensemble des KPI reliés auxCOCKPIT KVD1. Ces KPI sont au nombre de cinq. Ils peuvent eux-mêmes être décomposés en sous éléments qui ont deux statuts : – soit celui d’une décomposition du KPI par zone, par BU… ; – soit celui d’un indicateur avancé permettant d’expliquer l’état du KPI. A chaque KPI correspond un code couleur (de vert foncé à rouge) indiquant l’évolution du KPI. Chaque composant de KPI peut lui-même être analysé plus en détail. En cliquant sur le KPI pour lequel on souhaite avoir de plus amples informations, le système bascule sur une page donnant un historique de l’évolution des composants. Cette information peut être fournie globalement pour tous les sites de l’entreprise, ou site par site pour une information plus précise. Il est donc nécessaire que l’information puisse être agrégée. L’articulation des différentes données est, à ce niveau, beaucoup plus mécanique que les liens qui existaient auparavant. Le cockpit est alimenté de façon automatique par les contrôleurs de gestion et les responsables de sites. Des fichiers Excel et des feuilles de saisie intranet peuvent être renseignés par les contrôleurs de gestion ou les responsables de sites pour alimenter les informations nécessaires au système. Les chiffres entrés dans le système sont vérifiés par les patrons des différents niveaux hiérarchiques. Les informations à entrer dans le 122 Mélanges en l’honneur de M. Gervais système ont donc été normalisées et des fiches standards de saisie ont été créées pour les différents sites. Une partie des données est ou sera intégrée directement par différents applicatifs. 4.4. L’utilisation par les managers Le management cockpit peut être utilisé par les membres du codir à tout moment en fonction de leurs besoins. Mais, ils l’utilisent généralement : – pour préparer, avec les contrôleurs de gestion, les revues de gestion mensuelle. Le cockpit leur permet alors de comprendre la performance et de préparer les questions et thèmes à aborder en séance ; – lors des revues de gestion mensuelles pour partager une information commune. Il permet de pousser assez loin l’analyse en séance grâce au système de drill down. Le tableau synthétique fournit une base commune pour la revue trimestrielle. C’est un outil de dialogue stratégique. Les informations sont également à la disposition d’une cinquantaine de managers de l’entreprise. Elles permettent à ces managers de réaliser des benchmarks entre les sites afin d’évaluer leur performance par rapport aux autres unités. La mise à disposition des informations à un grand nombre de managers est une incitation à faire remonter l’information, car les retardataires deviennent visibles. C’est aussi, comme cela a déjà été indiqué plus haut, un puissant moyen d’émulation. L’informatisation de la procédure Spring est partie de la volonté d’automatiser une procédure bien rôdée et d’y apporter quelques améliorations. Mais au final, il n’est pas certain que cette évolution soit tout à fait neutre quant à la pertinence du système de pilotage. Les modifications apportées ne vont-elles pas en définitive plus loin que ne l’imaginait leurs concepteurs ? N’est-ce pas une manière de modifier l’équilibre qui avait été trouvé initialement entre contrôle interactif et contrôle diagnostic avec la mise en place de Spring ? 5. La vie autonome des outils de gestion Burns et Scapens (Burns, 2000 ; Burns et Scapens, 2002) ont lancé, depuis quelques années, un programme de recherche sur le changement et l’évolution des outils en comptabilité4. Leur cadre d’analyse nous 4 L’ensemble du programme de recherche développé sur les OIE par Scapens a été repris dans un document de 2003 (Burns, Ezzamel et Scapens, 2003). Ce Équilibre et déséquilibre d’un processus de contrôle 123 fournit un substrat théorique utile à l’interprétation de notre cas pratique. Il permet notamment d’expliquer et d’interpréter l’évolution observée chez REP. Il permet d’expliquer à la fois les changements « révolutionnaires » puis les évolutions ultérieures, « en cours d’usage ». Selon Burns et Scapens, les pratiques de gestion, issues d’un modèle qui prend ses racines en dehors de l’entreprise, s’institutionnalisent pour former des routines et des règles qui évoluent ensuite indépendamment du modèle initial. En effet, lorsqu’un changement d’importance intervient dans les pratiques de gestion d’une entreprise, celui-ci s’appuie sur des principes généraux qui sont généralement explicités. Ces principes généraux ont fait l’objet d’une réflexion pour être adaptés à l’entreprise ; puis, dans le cadre de l’action organisationnelle quotidienne, ces principes prennent la forme de routines, de règles ou encore de formats de documents qui évitent d’avoir à se référer systématiquement aux principes fondateurs. Cette institutionnalisation est en fait une sorte de réification du modèle général. Les routines sont très utiles pour faciliter la coordination entre les individus et donner de la cohérence à leurs actions. Elles sont un moyen d’économiser de l’énergie organisationnelle et d’automatiser les actions. Pour Burns et Scapens (2002, p. 6), « les routines représentent les modèles de pensées et d’action qui sont habituellement adoptées par les groupes d’individus ». Une fois établies, ces routines évoluent par interaction avec les pratiques. Les acteurs de l’entreprise modifient les routines, les règles, les formats de document pour faciliter leur coordination. Ces modifications se font indépendamment du modèle originel et sans forcément se référer aux principes qui présidaient à sa mise en œuvre. Ces principes peuvent même avoir été oubliés suite au départ, à la mutation ou aux changements de fonction de ceux qui les ont mis en œuvre. La légitimité de ces routines n’est plus systématiquement questionnée, ce qui peut poser de graves problèmes si elles se révèlent inadaptées suite à des changements dans l’exploitation de l’organisation. En détaillant davantage le modèle proposé par Burns et Scapens, nous pouvons distinguer formellement les routines et les règles. Dans les organisations, les routines sont, le plus souvent, formalisées sous forme de règles et de procédures afin d’éviter la perte de connaissances et faciliter la formation des nouveaux salariés. Les règles et procédures évoluent de façon discontinue alors que les routines qui constituent les procédures réellement en usage évoluent de façon incrémentale. On assiste alors à un découplage entre les théories affichées (les règles et les procédures) et les théories en usage (les routines). Une partie des activiprogramme est énoncé pour la première fois dans Scapens (1984) et développé ensuite dans Burns et Scapens (2000). Mélanges en l’honneur de M. Gervais 124 tés de gestion de l’entreprise (l’application des règles) peut devenir alors un simple rituel ou une cérémonie (cf. schéma 00.4). Schéma 00.4. – Institutions, routines, règles Institutions Routines Routines Règles Règles Domaine de l ’action Les institutions déterminent des routines qui sont encodées dans des règles et procédures : – la transposition des institutions sous forme de routines et de règles peut être un choix conscient mais également résulter de décisions empiriques tenant compte de la façon dont les actions doivent être menées ; – une résistance des acteurs à ces routines et ces règles peut exister si elles vont à l’encontre des idées reçues des acteurs ou s’ils ont assez de pouvoir pour s’y opposer ; – en général, les routines et le règles résistent aux changements et une crise est souvent nécessaire pour que de nouvelles institutions parviennent à s’imposer. Il s’agit d’un processus synchronique. En retour, les routines et les règles sont modifiées par les acteurs, soit de façon consciente car elles sont jugées inadaptées, soit de façon inconsciente car elles ne sont pas suffisamment comprises ou acceptées par les acteurs. Les pratiques de gestion s’écartent alors du contexte qui les a vues naître. Les pratiques gestionnaires deviennent autonomes et elles-mêmes institutionnalisées : elles sont « the way things are », elles deviennent le modèle indiscutable, elles donnent alors naissance à de nouvelles routines et règles. A l’extrême, les règles elles-mêmes (un nouveau format de tableau par exemple) peuvent donner naissance à de nouvelles routines et changer le cadre institutionnel dans lesquelles les actions prennent place. Équilibre et déséquilibre d’un processus de contrôle 125 Dans ce contexte, le changement organisationnel doit être vu comme quelque chose d’évolutionnaire (les routines) et de révolutionnaire (les institutions). Les routines évoluent suite aux répétitions par réplication, contraction, imitation. Le cadre de la structuration de Giddens (1984) donne une bonne idée de ce processus. Le changement révolutionnaire implique un changement important des routines établies et nécessite de changer les significations associées aux actions. La comptabilité est l’une des routines organisationnelles. Elle permet de donner du sens aux actions. Ce faisant, ce n’est pas une interprétation subjective mais une interprétation sociale et construite. Elle fournit un schéma interprétatif donnant du sens à l’activité organisationnelle. Donc, plutôt que de voir la comptabilité comme un moyen de donner de l’information pour la prise de décision, il serait peut-être plus pertinent d’examiner dans quelle mesure elle fournit une base institutionnelle pour la prise de décision en structurant les attentes et les croyances, dans quelle mesure elle donne de la cohérence sociale et du sens aux comportements. Le système de REP peut, à notre avis, être interprété comme le début d’un glissement de la pratique institutionnalisée, Spring, vers une dérive technicienne risquant de faire perdre de vue les avantages du système développé : focaliser l’attention des managers sur les variables stratégiques. Spring n’est plus l’objet de débats chez REP et a été accepté par les managers. Ces derniers, afin d’optimiser son utilisation, ont donc décidé de l’informatiser. Si la démarche est légitime, elle n’en recèle pas moins certains risques. Emportés par les possibilités techniques de l’outil, les indicateurs se multiplient. Les plans d’action ont été relégués au second plan et des indicateurs de performance ont fait leur apparition selon des prescriptions qui ne sont pas en usage dans Spring. Une base d’environ quatrevingts indicateurs a été définie a priori pour structurer la base de données sous-jacente. Ce faisant, on passe d’une définition d’indicateurs ad hoc reflétant les choix stratégiques à des indicateurs standards reflétant les dimensions clés de la gestion de l’entreprise ; ces derniers sont des indicateurs clé de performance (KPI ou Key Performance Indicators). Tout le problème est donc de savoir si l’entreprise ne perd pas l’un des principaux avantages recherchés, la focalisation de l’attention des managers. La distinction entre contrôle interactif et contrôle diagnostic semble s’estomper, modifiant ainsi l’équilibre qui avait été atteint antérieurement. Le risque ne semblait pas matérialisé au moment de l’étude, les managers ayant clairement à l’esprit la finalité du système. En outre, des garde-fous existent au niveau de la direction pour s’assurer que le système conserve sa cohérence. Tout le problème concerne donc 126 Mélanges en l’honneur de M. Gervais l’évolution du système dans le futur. Le changement de managers, les évolutions ultérieures ou le développement de routines d’utilisation ne risquent-ils pas, à terme, de faire encore évoluer le système puis de le pervertir tout à fait par rapport aux objectifs initiaux des concepteurs (sans préjuger du bien-fondé du système développé) ? Dans quelle mesure n’assiste-t-on pas à une dérive bureaucratique5 ? Il devient, avec le temps, plus important de faire vivre l’outil correctement que de répondre aux objectifs qui lui étaient initialement assignés. 6. Discussion et conclusion La nouveauté de la « gestion sans budget » introduite pas SSB tient sans doute à un recentrage de pratiques traditionnelles vers des systèmes de contrôle permettant de mieux intégrer et de faire participer les managers au processus de contrôle. Le développement de Spring peut s’interpréter comme la création d’un système de contrôle dichotomique distinguant clairement système de contrôle interactif et systèmes de contrôle diagnostic, là où les systèmes antérieurs étaient devenus trop complexes sans doute à force de ne pas distinguer les deux dimensions. L’évolution vers ce nouvel équilibre s’est opérée de manière révolutionnaire dans le cadre d’un processus impactant tout le groupe. Toutefois, le développement de procédures ultérieures, notamment informatiques, induit une évolution du système de gestion par rapport aux finalités poursuivies. Les interactions entre les institutions (le modèle), les routines et les règles puis les actions sur le terrain induisent des changements non déterministes et aux conséquences, par définition, inattendues et imprévisibles. Ces évolutions ne sont même pas conscientes dans l’esprit de ceux qui les mettent en place. C’est sans doute au travers d’un tel mécanisme que se sont pervertis les outils de gestion (calcul des coûts et budgets) que nous évoquions dès l’introduction. Deux voies de recherche sont ouvertes par cette étude exploratoire et visent à enrichir tant le cadre conceptuel de Simons que celui de Burns et Scapens. L’exemple analysé dans cette recherche n’est sans doute que l’une des modalités d’application du cadre théorique de Simons. Il serait bon de développer plus avant les écarts par rapport à ce modèle et de multiplier les études transversales (études de cas et études quantitatives) afin de mieux comprendre les deux modes de contrôle. Les évolutions constatées se dessinent lentement et mettent sans doute plusieurs mois à se concrétiser. Il serait donc pertinent de procéder à une recherche longitudinale permettant de suivre sur plusieurs 5 Le mot bureaucratie est utilisé dans son acceptation wébérienne. Équilibre et déséquilibre d’un processus de contrôle 127 années l’évolution d’un système de gestion afin de comprendre comment ce dernier évolue. L’accès au terrain est alors la principale difficulté. Bibliographie Berland N. (2002), « Comment peut-on gérer sans budget », Congrès des IAE, Paris, septembre. Burns J. (2000), « The Dynamics of Accounting Change Inter-play between new Practices, Routines, Institutions, Power and Politics », Accounting, Auditing & Accountability Journal, vol. 13, n° 6, p. 566-596. Burns J. et Scapens R.W. (2000), « Conceptualising Management Accounting Change: an Institutional Framework », Management Accounting Research, vol. 11, p. 3-25. Burns J., Ezzamel M. et Scapens R.W. (2003), The Challenge of Management Accounting Change, Behavioural and Cultural Aspects of Change Management, CIMA Publishing, Editions Elsevier. Cam-i (1999a), Beyond Bugeting, White paper, may, document disponible sur le site internet du Cam-i. 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L’INTRODUCTION D’UN NOUVEAU SYSTEME DE PILOTAGE .................................................................................................... 105 2.1. 2.2. LA PHASE STRATEGIQUE DE FIXATION DES OBJECTIFS ...................... 106 LA PHASE DE PLANS D’ACTION ........................................................ 107 3. REEQUILIBRER LE SYSTEME DE CONTROLE AU PROFIT DES MANAGERS.......................................................................................... 111 4. 4.1. 4.2. 4.3. 4.4. L’EVOLUTION DES PRATIQUES ............................................... 116 A QUELS BESOINS CORRESPOND LE COCKPIT ?................................. 117 UN COCKPIT POUR UNE VISION SYNTHETIQUE DE LA PERFORMANCE 117 REMONTER AUX SOURCES DE LA PERFORMANCE ............................. 120 L’UTILISATION PAR LES MANAGERS ................................................. 122 5. LA VIE AUTONOME DES OUTILS DE GESTION .................... 122 6. DISCUSSION ET CONCLUSION .................................................. 126 BIBLIOGRAPHIE ................................................................................... 127