Cour de cassation de Belgique

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Cour de cassation de Belgique
TPB - 3752
4 NOVEMBRE 2009
P.09.0972.F/1
Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.09.0972.F
I.
E.A., .
inculpé,
II.
E.A., mieux qualifié ci-dessus,
prévenu,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dont le
cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 523, où il est fait élection de
domicile.
I.
LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés, d’une part, contre l’ordonnance de renvoi
rendue le 28 septembre 1999 par la chambre du conseil du tribunal de première
instance de Bruxelles et, d’autre part, contre les arrêts, interlocutoire,
rectificatif et de condamnation, rendus les 25 février, 25 mai et 27 mai 2009
par la cour d’appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
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Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au
présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le président de section Jean de Codt a fait rapport.
L’avocat général délégué Philippe de Koster a conclu.
II.
LA DÉCISION DE LA COUR
A.
Sur le pourvoi formé contre l’ordonnance de renvoi :
Le demandeur se désiste de son pourvoi.
B.
Sur le pourvoi formé contre l’arrêt interlocutoire du 25 février
2009 :
Sur le premier moyen :
Quant aux quatre branches réunies :
En tant qu’il repose sur l’affirmation que l’arrêt accorde à la
signification de l’ordre de citer du 2 mars 2000 la valeur d’un acte interruptif
de la prescription, alors que les juges d’appel n’ont apprécié la validité de cette
signification que pour déterminer si le défaut était imputable à l’opposant, le
moyen, qui procède d’une lecture inexacte de l’arrêt, manque en fait.
Le demandeur reproche à l’arrêt de décider que la signification de la
citation au parquet du procureur du Roi n’a pas nui aux intérêts du signifié
compte tenu, notamment, de sa représentation par avocat aux audiences du
tribunal. Il fait valoir que la signification d’une citation en matière répressive,
effectuée au mépris de l’article 40 du Code judiciaire, doit être déclarée non
avenue même si elle a atteint le but que la loi lui assigne.
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Mais l’arrêt ne décide pas que la signification a été faite au mépris de
l’article 40. Il la juge, au contraire, régulière. Le motif critiqué est surabondant
dès lors que le refus de déclarer la citation non avenue ne repose pas
uniquement sur lui.
A cet égard, le moyen est irrecevable à défaut d’intérêt.
Si l’arrêt décide que l’action publique n’est pas prescrite, c’est en raison
de la circonstance qu’après avoir été interrompue par l’ordonnance de renvoi,
la prescription a été suspendue pendant le délai extraordinaire d’opposition,
lequel a pris cours, selon les juges d’appel, quinze jours après la signification
du jugement par défaut.
Le demandeur reproche à l’arrêt de se fonder sur cette signification
alors qu’elle a été faite, à l’instar de celle de l’ordre de citer, au parquet du
procureur du Roi et non dans l’établissement pénitentiaire étranger où il
purgeait une peine privative de liberté de longue durée. Il fait valoir que les
autorités belges le savaient détenu à cet endroit pour l’y avoir fait entendre au
cours de l’instruction préparatoire.
Il en déduit que, la prison étant sa
résidence, le jugement devait lui être signifié à cet endroit, en vertu de l’article
40, alinéa 1er, du Code judiciaire.
Régie par les articles 33 à 37 et 40 du Code judiciaire, la signification
est faite au destinataire en tout lieu où l’huissier de justice le trouve. Ce n’est
que lorsqu’elle ne peut être faite à sa personne qu’elle a lieu au domicile, à la
résidence ou au domicile élu du destinataire ou, à défaut, au parquet.
Il en résulte que la signification au procureur du Roi est non avenue
lorsque la partie à la requête de laquelle elle a été accomplie connaissait ou
devait connaître le domicile ou la résidence du signifié. Le juge vérifie cette
connaissance à la lumière des éléments de fait propres à chaque cause. De
même, il apprécie en fait où se situe le lieu de résidence d’une partie, sous
réserve du contrôle par la Cour du respect de la notion légale de résidence.
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Aux termes de l’article 36 du Code judiciaire, il faut entendre, par
domicile, le lieu où la personne est inscrite à titre principal sur les registres de
la population et, par résidence, tout autre établissement tel le lieu où la
personne a un bureau ou exploite un commerce ou une industrie.
L’arrêt considère que
-
lors de son audition à la prison de Tanger, le demandeur n’a
pas signalé cet établissement comme étant le lieu de sa
résidence mais, par contre, a fait mention d’une adresse en
ville,
-
l’exécution, hors du territoire du Royaume, d’une peine
privative de liberté, même de longue durée, ne permet pas de
présumer que les lieux d’incarcération constituent la résidence
de ceux qui y sont retenus,
-
l’audition du demandeur dans une prison étrangère pendant
l’enquête n’a pas fait, de cet établissement, la résidence
présumée de l’intéressé pour la signification des actes
ultérieurs de la procédure.
La cour d’appel a pu déduire, de ces considérations, qu’au moment de
la signification, les 2 mars et 1er décembre 2000, de la citation introductive
d’instance et du jugement par défaut, le procureur du Roi n’était pas réputé
connaître la prison de Tanger comme étant le lieu de la résidence du
demandeur au sens des articles 36 et 40, alinéa 2, du Code judiciaire.
L’arrêt motive ainsi régulièrement et justifie légalement les décisions
de la cour d’appel relatives à l’imputabilité du défaut et à la prescription.
Le moyen ne peut être accueilli.
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Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été
observées et la décision est conforme à la loi.
C.
Sur le pourvoi formé contre l’arrêt rectificatif du 25 mai 2009 :
Sur le second moyen :
Le demandeur fait grief à la cour d’appel d’avoir, sous le couvert d’une
rectification, réformé l’arrêt du 25 février 2009 statuant, notamment, sur la
recevabilité de l’action publique.
L’arrêt du 25 février 2009 avait décidé que les poursuites n’étaient pas
recevables en tant qu’elles visaient des faits qui, qualifiés d’infraction à
l’article 505, alinéa 1er, 2° et 3°, du Code pénal, auraient été commis avant le
20 mai 2005.
L’arrêt attaqué dit rectifier cette date.
Il indique que
l’irrecevabilité concerne les infractions antérieures au 20 mai 1995, et non
2005.
L’erreur matérielle pouvant donner lieu à rectification est une
inadvertance qui ressort à l’évidence des pièces de la procédure, qui ne porte
pas atteinte à la légalité ou à la régularité de la décision, et dont le redressement
laisse intacts les droits que la décision rectifiée a consacrés.
La mention de l’année « 2005 » à la place de l’année « 1995 » est une
erreur matérielle dont la nature ressort des éléments suivants :
-
la cour d’appel n’était saisie, par la chambre du conseil, que
d’une prévention de blanchiment commise entre le 1er janvier
1993 et le 15 mai 1996 ;
-
à l’audience du 21 janvier 2009 où la cause a été instruite et
prise en délibéré, le demandeur a été invité à se défendre et a
accepté de se défendre sur la base d’une prévention scindée en
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deux périodes situées entre le 1er janvier 1993 et le 20 mai
1995, d’une part, entre le 19 mai 1995 et 15 mai 1996, d’autre
part ;
-
les poursuites n’ont été déclarées irrecevables que pour les
faits compris dans la première période puisque l’arrêt
interlocutoire, après avoir limité la prévention aux faits
compris dans la seconde, invitait le demandeur à se défendre
quant à celle-ci, réservait à statuer et ajournait l’examen du
fond à une audience ultérieure ;
-
l’irrecevabilité partielle à laquelle l’arrêt interlocutoire se
réfère n’est déduite que de la date d’entrée en vigueur de la loi
du 7 avril 1995 modifiant la loi du 11 janvier 1993 relative à la
prévention de l’utilisation du système financier aux fins du
blanchiment de capitaux. Publiée au Moniteur belge du 10
mai 1995, cette loi est entrée en vigueur dix jours plus tard,
soit le 20 mai 1995 et non le 20 mai 2005. Il ressort de l’arrêt
interlocutoire que les juges d’appel ont voulu, nonobstant
l’indication d’une année inexacte, soustraire une partie des
faits de la prévention dont ils étaient saisis à l’application d’un
texte qui n’existait pas encore au moment où ces faits auraient
été commis.
L’arrêt du 25 mai 2009 ne restreint donc pas l’irrecevabilité des
poursuites décrétée par l’arrêt qu’il rectifie puisque ce dernier ne les avait pas
jugées irrecevables pour le tout.
Le moyen ne peut être accueilli.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été
observées et la décision est conforme à la loi.
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D.
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En tant que le pourvoi est dirigé contre l’arrêt de condamnation
rendu le 27 mai 2009 :
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été
observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Décrète le désistement du pourvoi formé contre l’ordonnance de renvoi
du 28 septembre 2009 ;
Rejette les pourvois pour le surplus ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de cent septante-sept euros nonante centimes
dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où
siégeaient Jean de Codt, président de section, président, Frédéric Close,
président de section, Benoît Dejemeppe, Pierre Cornelis et Gustave Steffens,
conseillers, et prononcé en audience publique du quatre novembre deux mille
neuf par Jean de Codt, président de section, en présence de Damien
Vandermeersch, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.
T. Fenaux
G. Steffens
P. Cornelis
B. Dejemeppe
F. Close
J. de Codt