Evaluation immobilière par les DCF - Treuhänder
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Evaluation immobilière par les DCF - Treuhänder
IMMOBILIER Nabil Aziz, André Bender, Martin Hoesli Evaluation immobilière par les DCF Planification des cash-flows et de la valeur terminale* Les auteurs examinent quelques exigences liées à l’utilisation de la méthode des DCF en matière d’évaluation immobilière. Ils insistent tout d’abord sur la nécessité de tenir compte de l’échéance des baux ainsi que des contraintes légales et contractuelles pour planifier les cash-flows annuels. Quant aux dépenses de rénovation et de grands travaux, elles doivent être planifiées en tenant compte de l’état actuel du bâtiment et de la durée de vie des différentes composantes de l’immeuble. Enfin, les auteurs discutent l’impact sur la valeur estimée de l’immeuble du taux de croissance des résultats après l’horizon-temps de la prévision. En particulier, on ne doit jamais oublier que le rendement exigé par le propriétaire correspond au rendement de l’actif de la première année plus ce taux de croissance. 1. Introduction Les normes entrées en vigueur le 1er janvier 2004 concernant la présentation des comptes des institutions de prévoyance figurent dans la Swiss GAAP RPC 26. Ces normes retiennent le principe de l’évaluation des actifs à la valeur de marché. On observe des réticences de certains quant à l’application de cette nouvelle norme, parce qu’elle va faire apparaître des variations de fortune par trop excessives pour des institutionnels qui n’ont, pour l’instant du moins, pas l’intention de vendre tout ou partie de leur parc immobilier. A notre avis, cette argumentation ne *Cette recherche a bénéficié du soutien financier du Fonds national suisse (FNS), projet no 1214067870. L’Expert-comptable suisse 5/05 Nabil Aziz, Ingénieur civil EPFL, titulaire d’un MBA, Université de Lausanne, Consultant en immobilier, Bureau Philippe Weber, Genève tient pas car l’objectif est de permettre une meilleure perception de l’évolution de la richesse des institutions de prévoyance et de leur degré de couverture au fil du temps. C’est la valeur de marché qui fournit l’information la plus adéquate pour déterminer la capacité de ces actifs à générer des liquidités au cours des années à venir. De plus, les variations des prix de marché des biens immobiliers sont généralement plus faibles que celles des actions. Lorsque les biens ne sont pas trop hétérogènes et que le nombre de transactions sur le marché est suffisant (immeubles résidentiels, appartements et villas), la valeur de marché peut être obtenue par une analyse approfondie des prix de transaction et de leurs principaux déterminants (lieu, qualité de la localisation, état d’entretien du bâtiment, etc.). On utilise alors la méthode dite hédoniste qui donne des résultats tout-à-fait satisfaisants, en particulier si l’objectif est d’évaluer un parc immobilier [1]. La valeur obtenue par l’approche hédoniste devrait théoriquement correspondre à la valeur, à la date de l’évaluation, des encaissements et des décaissements futurs découlant de la possession du bien ou, plus techniquement, à la valeur actualisée des cash-flows futurs à laquelle on se réfère souvent par l’expression anglo-saxonne du Discounted Cash Flow (DCF). Dans les cas où le nombre de transactions est limité ou lorsque les biens sont fortement hétérogènes (locaux commerciaux et industriels, bureaux et hôtels), l’estimation de la valeur de marché devrait s’effectuer par le recours à la méthode du DCF. Même lorsque le parc immobilier est évalué systématiquement avec l’approche hédoniste, nous recommandons d’utiliser aussi la méthode du DCF. En effet, cette dernière nécessite la planification des flux 345 IMMOBILIER Nabil Aziz, André Bender, Martin Hoesli, Evaluation immobilière par les DCF financiers (loyers, dépenses d’entretien et de rénovation, etc.), ce qui constitue une nécessité pour la bonne gestion d’un parc immobilier. Le calcul de la valeur de marché d’un immeuble par la méthode du DCF comporte deux phases. Dans une première phase, il convient d’estimer les cash-flows libres de l’immeuble, free cash flows of the property (FCFP), à savoir les cash-flows opérationnels moins les investissements additionnels. Ces cash-flows sont donc calculés avant les intérêts et en considérant l’impôt théorique d’un financement intégral par fonds propres. Le plus souvent, l’estimation des cash-flows porte sur une durée d’une dizaine d’années, ce qui implique le calcul à la fin de l’horizontemps choisi d’une valeur terminale. Une présentation très schématique des cash-flows futurs, dans l’hypothèse où l’horizon-temps retenu est de cinq ans, est donnée dans le tableau 1. De ce tableau, il ressort qu’ils contiennent quatre composantes très distinctes: (1) les encaissements annuels, correspondant à la somme des loyers, des subventions et des recettes diverses, (2) les charges opérationnelles, ou d’exploitation, annuelles, (3) les investissements additionnels, autrement dit les dépenses activées de rénovation et des gros travaux et (4) la valeur terminale à la fin de l’horizon-temps retenu. Dans une seconde phase, il s’agit de calculer de manière appropriée le taux utilisé pour l’actualisation des cash-flows libres et de la valeur terminale nette d’un éventuel impôt sur le gain immobilier, puis de procéder à l’actualisation. Il est d’usage aussi de retrancher les frais de vente de la valeur terminale. Le plus souvent, le taux d’actualisation est donné par le coût moyen pondéré du capital, weighted average cost of capital (WACC), après impôt. Ce faisant, on prend en compte l’impact fiscal lié au financement d’une partie de l’immeuble par des dettes. Cette solution est critiquable lorsque le taux d’endettement est très variable au cours du temps. Il est alors préférable de choisir comme taux d’actualisation l’exigence de rendement d’un financement à 100% par fonds propres et de calculer séparément la valeur actualisée des gains fiscaux découlant d’un éventuel 346 Tableau 1 Calcul de la valeur d’un immeuble par les DCF (en milliers de CHF) 0 1 2 3 4 5 Total des encaissements Total des charges opérationnelles Investissements additionnels 200 50 210 50 210 60 120 250 60 270 60 Cash-flow libre de l’immeuble (FCFP) 150 160 30 190 210 Valeur terminale Coût moyen du capital (WACC) Valeur estimée de l’immeuble endettement. En actualisant les cashflows au coût moyen du capital, on trouve, aux frais d’achat près, une estimation de la valeur de marché de l’immeuble dans l’hypothèse que les cashflows sont correctement évalués et que le coût du capital constitue une bonne estimation de celui prévalant sur le marché. Comme la brève discussion ci-dessus le laisse supposer, l’estimation d’une valeur de marché par les DCF pose des problèmes quant à la détermination des différentes composantes des cashflows annuels, de la valeur terminale et du taux d’actualisation. Dans cet article, nous examinons uniquement la problématique de l’estimation des cashflows futurs. Après un bref rappel de quelques questions préliminaires, nous 3820 5,5% 3550 porterons essentiellement notre attention sur la planification de l’état locatif, des charges opérationnelles et des investissements additionnels. Pour terminer, nous examinerons quelques difficultés posées par l’estimation de la valeur terminale. Afin d’estimer la valeur de l’immeuble de notre exemple, nous supposons pour simplifier un WACC de 5,5%. Nous reviendrons dans un prochain article sur certaines questions posées par le choix et le calcul du taux d’actualisation. 2. Questions préliminaires La planification des cash-flows exige une connaissance préalable de la législation en matière de baux et loyers. Cela est vrai tant en ce qui concerne la fixation des loyers que leur adaptation pour tenir compte d’une variation des taux d’intérêt et des charges opérationnelles, des dépenses de rénovation et des grands travaux, et éventuellement des conditions du marché. Une question difficile, souvent traitée de façon insatisfaisante, porte sur la façon de prendre en compte l’inflation anticipée. 2.1 Types de baux André R. Bender, Dr ès sciences économiques et sociales, professeur ordinaire de gestion financière, Université de Genève (HEC), membre du conseil d’administration des Rentes Genevoises (Président de la commission de placements), Genève Pour la grande majorité des logements, les baux ont une échéance d’un an et sont résiliables avec un préavis de trois mois. Il peut toutefois exister des spécificités cantonales: à Genève par exemple, afin de faciliter la mobilité des locataires, la plupart des baux d’habitation peuvent être résiliés par le locataire pour la fin d’un trimestre de bail L’Expert-comptable suisse 5/05 IMMOBILIER Nabil Aziz, André Bender, Martin Hoesli, Evaluation immobilière par les DCF avec un préavis de trois mois. Pour l’immobilier commercial, il s’agit de baux renouvelables de cinq ans en cinq ans avec un préavis de résiliation d’un an. La loi autorise d’autres types de contrats sous certaines conditions. Il s’agit de: – loyers échelonnés (art. 269c CO). Le loyer est fixé à l’avance, pour toute la durée du bail, par paliers et par périodes. La clause d’échelonnement n’est valable que si (1) le contrat a été conclu pour au moins 3 ans, (2) le loyer ne fait pas l’objet d’une augmentation possible plus d’une fois par an et (3) le montant de l’augmentation est fixé en francs; – loyers indexés (art. 269b CO). Le contrat ne peut contenir une clause d’indexation que s’il a été conclu pour une période de 5 ans au moins et si l’indice de référence est l’indice suisse des prix à la consommation (ISPC); – loyers avec une aide étatique ou une surtaxe liée aux revenus du locataire. Dans ce cas, le loyer est souvent fixe, mais le locataire peut recevoir une aide étatique si ses moyens sont jugés insuffisants ou, au contraire, devoir payer une surtaxe si ses revenus sont jugés suffisamment élevés. Une telle clause est souvent prévue dans le cas de logements subventionnés, mais aussi par certains gros investisseurs pour les logements non subventionnés (la ville de Genève, p. ex.); – loyers proportionnels au chiffre d’affaires. C’est une solution parfois retenue pour les baux commerciaux, en particulier dans les centres commerciaux. En général, il y a un loyer de base, le plus souvent indexé à l’évolution de l’indice officiel suisse des prix à la consommation, auquel s’ajoute un loyer additionnel si le chiffre d’affaires dépasse un seuil fixé dans le contrat de bail. Tableau 2 Règle de base et les exceptions concernant les loyers abusifs Article 269 CO Les loyers sont abusifs lorsqu’ils permettent au bailleur d’obtenir un rendement excessif de la chose louée ou lorsqu’ils résultent d’un prix d’achat manifestement exagéré. Article 269a CO Ne sont en règle générale pas abusifs les loyers qui, notamment: a. Se situent dans les limites des loyers usuels dans la localité ou dans le quartier; b. Sont justifiés par des hausses de coûts ou par des prestations supplémentaires du bailleur; c. Se situent, lorsqu’il s’agit de constructions récentes, dans les limites du rendement brut permettant de couvrir les frais; d. Ne servent qu’à compenser une réduction du loyer accordée antérieurement grâce au report partiel des frais usuels de financement et sont fixés dans un plan de paiement connu du locataire à l’avance; e. Ne compensent que le renchérissement pour le capital exposé aux risques; f. N’excèdent pas les limites recommandées dans les contrats-cadres conclus entre les associations de bailleurs et de locataires ou les organisations qui défendent des intérêts semblables. nance sur le bail à loyer et le bail à ferme d’habitations et de locaux commerciaux (art. 10–20 OBLF). Avant de discuter de l’adaptation des loyers, il convient de rappeler qu’il existe en la matière trois systèmes de fixation des loyers: – loyers absolument libres. Ils ne sont pas soumis aux dispositions des articles 269–270e CO. Même s’ils sont 2.2 Niveau et adaptation des loyers La fixation des loyers est régie par le droit du bail (Code des obligations, titre 8ème, chapitre II: Protection contre les loyers abusifs ou d’autres prétentions abusives du bailleur en matière de baux d’habitations et de locaux commerciaux, art. 269–270e) et par l’OrdonL’Expert-comptable suisse 5/05 Martin Hoesli, Président de l’European Real Estate Society (ERES), professeur ordinaire à la Bordeaux Business School et aux Universités d’Aberdeen (Business School) et de Genève (HEC et FAME), Genève abusifs, ils ne peuvent pas être corrigés par le juge. Il s’agit: (1) des loyers des appartements et maisons familiales de luxe comportant six pièces et plus (cuisine non comprise), (2) des loyers des appartements de vacances loués pour trois mois ou moins et (3) des loyers des immeubles qui ne sont ni des maisons d’habitation, ni des locaux commerciaux, ni des objets dont l’usage est cédé avec une habitation ou un local commercial (p. ex. terrains nus, places de parc indépendantes, etc.); – loyers libres. Ces loyers sont décidés librement par les parties au contrat du bail. La loi (art. 269–270e CO) détermine toutefois dans quelles limites ces loyers peuvent être fixés ou modifiés. La très grande majorité des loyers de ce pays relève de cette catégorie de loyers; – loyers contrôlés. Ces loyers sont fixés par un organisme étatique et ne peuvent être modifiés qu’avec l’accord de celui-ci. Les loyers contrôlés concernent les logements bénéficiant d’une aide de la collectivité publique ou tombant sous le coup de certaines législations cantonales. En vertu des articles 253b al. 3 CO et 2 al. 2 OBLF, ces loyers échappent pour l’essentiel aux règles des articles 269 à 270e CO. 347 IMMOBILIER Nabil Aziz, André Bender, Martin Hoesli, Evaluation immobilière par les DCF En ce qui concerne l’adaptation des loyers, la législation fédérale actuelle, qui touche tant les loyers libres que les loyers contrôlés, autorise l’adaptation des loyers soit selon la méthode relative soit selon la méthode absolue. L’objectif est de permettre au propriétaire de maintenir un rendement «normal» sur les capitaux investis. Pour les immeubles subventionnés, ce souci apparaît clairement: d’une part, l’Etat limite le rendement des fonds propres initialement investis dans un immeuble locatif et, d’autre part, il donne l’assurance au propriétaire de pouvoir maintenir ce rendement tout au long de la période de contrôle. La loi permet une adaptation des loyers pour tenir compte d’une variation des charges, à savoir les intérêts hypothécaires et les charges d’exploitation, mais aussi du taux d’inflation. Elle prévoit une prise en compte globale de ces éléments, mais, dans la pratique, l’adaptation des loyers qui en découle n’est pas toujours évidente à modéliser. On applique alors la méthode relative. En matière d’adaptation des loyers, il existe aussi une méthode dite absolue. Pour les immeubles existants, on fixe alors le rendement net en rajoutant une prime de 0,5% au taux d’intérêt hypothécaire en 1er rang de la Banque cantonale. Pour les constructions nouvelles, on détermine le rendement brut en rajoutant une prime de 2% au taux d’intérêt de référence susmentionné. L’adaptation des loyers peut aussi s’effectuer par référence aux loyers usuels de la localité ou du quartier. Le tableau 2 contient le texte de l’article 269 CO, qui définit la règle en matière de loyers abusifs, et celui de l’article 269a, qui prévoit les exceptions. Bien que l’effet d’une variation des taux d’intérêt soit d’autant plus important que le degré d’endettement est élevé, la loi se base sur un degré d’endettement «normal» et, par conséquent, l’adaptation prévue des loyers est identique quel que soit le degré d’endettement. Pour une variation donnée des taux d’intérêt, par exemple de 1/4%, la variation relative des loyers sera d’autant plus faible que le niveau de départ du taux – et par conséquent du loyer – est élevé. Une hausse du taux d’intérêt hypothécaire de 1/4% peut jus348 tifier une hausse de loyer de 3% lorsque le taux hypothécaire est inférieur à 5%, de 2,5% lorsqu’il est entre 5% et 6% et de 2% lorsqu’il est supérieur à 6%. De même, une baisse du taux hypothécaire de 1/4% justifie une baisse de loyer de 2,91% lorsque le taux hypothécaire est inférieur à 5%, de 2,44% lorsqu’il est situé entre 5% et 6% et de 1,96% lorsqu’il est supérieur à 6%. Les taux à la baisse sont inférieurs aux taux à la hausse car ils permettent de retrouver les loyers antérieurs en cas de hausse suivie d’une baisse ou d’une baisse suivie d’une hausse. On a bien pour illustrer: (100% – 2,91%) x 103% = 100%. Enfin, il est assez normal que le bailleur qui n’a pas répercuté ou pas entièrement répercuté la baisse des taux hypothécaires ne soit pas en droit d’invoquer une hausse ultérieure des taux d’intérêt pour augmenter les loyers. Une variation des charges d’exploitation (entretien courant et réparations, salaire du concierge, électricité des locaux communs, primes d’assurances, honoraires de gérance, impôt foncier, etc.) constitue également un facteur de hausse ou de baisse des loyers. Ces hausses doivent être justifiées par le propriétaire. Nous pensons que les analyses de benchmarking effectuées de plus en plus couramment par les propriétaires institutionnels devraient fournir des informations plus pertinentes pour justifier la hausse ou pour forcer le propriétaire à une meilleure gestion des charges d’exploitation [2]. L’évolution du coût de la vie est également prise en compte en matière d’adaptation des loyers. L’objectif est alors de maintenir le pouvoir d’achat du propriétaire. Toutefois, la loi n’autorise qu’une adaptation égale à 40% du taux d’inflation, soit un taux correspondant à la part «normale» des fonds propres. Dans ce cas, le pouvoir d’achat sur le revenu immobilier est maintenu et il suffit que le bien immobilier aug- Tableau 3 Contrôle des loyers suite à des travaux selon la Loi genevoise sur les démolitions, transformations et rénovations (LDTR) Article 11 Prenant en considération l’ensemble des travaux à effectuer, le Département fixe le montant des loyers ou des prix de vente maximaux, en tenant compte: a) du rendement équitable des capitaux investis pour les travaux, calculé, en règle générale, sur les 70% au maximum de leur coût et renté à un taux de 0,5 point au-dessus de l’intérêt hypothécaire de premier rang pratiqué par la Banque cantonale de Genève; le taux de rendement est fonction de l’incidence dégressive des amortissements; b) de l’amortissement calculé en fonction de la durée de vie des installations, en règle générale dans une fourchette de 18 à 20 ans, soit de 5,55% à 5%; c) des frais d’entretien rentés en règle générale à 1,5% des travaux pris en considération; d) des autres facteurs de hausse et de baisse à prendre en considération selon les articles 269 et suivants du Code des obligations. Lorsque les logements répondent aux besoins prépondérants de la population quant à leur genre, leur typologie, leur qualité, leur prix de revient, le nombre de pièces ou leur surface, le loyer après transformation doit répondre aux besoins prépondérants de la population. «Par besoins prépondérants de la population, il faut entendre les loyers accessibles à la majorité de la population» (Art. 6 al. 3 LDTR). Les loyers correspondant aux besoins prépondérants de la population sont compris entre 2400 francs et 3225 francs la pièce par année. Si le loyer avant transformation ou rénovation dépasse le niveau des loyers répondant aux besoins prépondérants de la population, il est maintenu par le département au même niveau lorsqu’il apparaît qu’il permet économiquement au propriétaire de supporter le coût des travaux sans majoration de loyer. L’Expert-comptable suisse 5/05 IMMOBILIER Nabil Aziz, André Bender, Martin Hoesli, Evaluation immobilière par les DCF mente de 40% du taux d’inflation pour que le propriétaire maintienne le pouvoir d’achat sur son investissement initial. Certains cantons disposent de lois imposant un contrôle des loyers limité dans le temps (3 à 10 ans) lors de la réalisation de rénovations et de grands travaux. Le tableau 3 contient les conditions imposées par la Loi sur les Démolitions, Transformations et Rénovations (LDTR) du canton de Genève, particulièrement stricte en la matière. 2.3 Prise en compte de l’inflation La question de savoir comment prendre en compte l’inflation anticipée se pose dans toute planification financière. On peut raisonner soit en termes nominaux, soit en termes réels. Dans le premier cas, il faut estimer des taux d’inflation et les flux annuels tiennent compte de l’impact de ce taux d’inflation. Dans le second cas, les augmentations des encaissements et des décaissements annuels résultant de l’inflation ne sont pas pris en considération, de telle sorte que les variations des flux financiers sont des variations en termes réels. D’un point de vue théorique, les deux solutions devraient conduire aux mêmes valeurs actualisées des flux futurs. L’erreur souvent commise porte sur le calcul du taux d’actualisation: en effet, lorsque l’on utilise des flux nominaux, on doit utiliser un coût du capital exprimé en termes nominaux, mais lorsque l’on planifie des flux réels, il est essentiel de choisir un taux réel. La plupart des acteurs concernés par l’évaluation considèrent que le taux d’intérêt sur le marché indique le coût des fonds étrangers et utilisent ensuite ce dernier pour estimer le coût des fonds propres. Il en découle que le WACC est, dans la grande majorité des cas, exprimé en termes nominaux. Pour être cohérent, il est alors essentiel de procéder à la planification financière en termes nominaux. Dans le cas particulier de l’évaluation immobilière, cette solution paraît de surcroît préférable car les flux prévisionnels ne varient pas de la même façon en fonction de l’inflation. On voit alors mieux l’impact financier lorsqu’il existe des resL’Expert-comptable suisse 5/05 ments subventionnés, dont les loyers se situent en dessous des loyers du marché, ne posent aucun problème de vacance. La deuxième raison porte sur le montant des impayés. Outre le taux «normal» d’impayés, il faudrait envisager l’effet d’une crise économique éventuelle, notamment en ce qui concerne les loyers commerciaux et les bureaux. La troisième et la quatrième raisons sont étroitement liées au cadre légal et contractuel. Il s’agit tout d’abord des possibilités effectives d’augmenter les loyers pour tenir compte de l’inflation et de la situation du marché. Ensuite, il faut examiner attentivement les possibilités de répercuter sur les loyers le coût des rénovations et des grands travaux envisagés. Selon les possibilités offertes par la loi, on peut choisir de reporter ou d’étaler sur trictions légales quant à l’adaptation des loyers à l’inflation. La solution qui consiste à prévoir par prudence des loyers constants tout en prévoyant des augmentations de charges pour tenir compte de l’inflation est peu recommandée si une adaptation des loyers est possible. 3. Planification des encaissements 3.1 Introduction La planification des encaissements, essentiellement les loyers, est une tâche difficile pour plusieurs raisons. La première concerne les vacances éventuelles qui dépendent bien évidemment de l’offre et de la demande pour le type d’appartements ou de locaux «La planification des cash-flows exige une connaissance préalable de la législation en matière de baux et loyers.» considérés. La probabilité de vacance est d’autant plus grande que le niveau du loyer à l’échéance du bail est élevé par rapport aux loyers offerts sur le marché pour des objets similaires. Cette situation se pose avec beaucoup d’acuité pour les locaux commerciaux, les bureaux et les appartements de haut standing. A l’inverse, certains loge- plusieurs années ces travaux, voire de renoncer à les entreprendre. Dans ce dernier cas, l’état de l’immeuble se dégrade au cours du temps. Les encaissements découlant de la possession d’un immeuble sont composés des loyers, des subventions éventuelles et de produits divers (p. ex. les recettes Tableau 4 Nombre de mois avec loyers connus (extrait) (loyers annuels en milliers de CHF) Durée N° restante app. du bail .... 10 11 12 13 14 .... .... 25 11 37 6 49 .... Loyer annuel 1 2 3 4 5 … 10 .... 15 24 13 8 13 .... .... 12 11 12 6 12 .... .... 12 – 12 – 12 .... .... 1 – 12 – 12 .... .... – – 1 – 12 .... .... – – – – 1 .... ... – – – – – .... ... – – – – – .... 328 357 111 41 13 1 – – 349 IMMOBILIER Nabil Aziz, André Bender, Martin Hoesli, Evaluation immobilière par les DCF Tableau 5 Loyers connus (extrait) (en milliers de CHF) Durée N° restante app. du bail (en mois) .... 10 11 12 13 14 .... Total .... 25 11 37 6 49 .... Loyer annuel 1 2 3 4 5 … 10 .... 11 12 2 2 6 .... .... 11 11 2 1 6 .... .... 11 – 2 – 6 .... .... 1 – 2 – 6 .... .... – – 0 – 6 .... .... – – – – 1 .... .... – – – – – .... .... – – – – – .... 307 245 72 22 7 1 – – de la buanderie). Dans la plupart des cas, la planification financière porte sur un horizon-temps d’une dizaine d’années, ce qui implique l’estimation d’une valeur terminale à la fin de la dernière année de la prévision. Nous discuterons la problématique de l’estimation de la valeur terminale à la section 5. Ciaprès, nous examinerons tout d’abord quelques aspects posés par l’estimation des loyers, en distinguant la période jusqu’à l’échéance des baux et celle après l’échéance, puis la problématique on peut alors, à partir du loyer actuel, estimer les loyers connus jusqu’à l’échéance des baux. Le tableau 5 contient les loyers assurés pour un certain nombre de locaux en supposant que les loyers sont fixes jusqu’à l’échéance des baux. Dans la réalité, les tableaux que nous présentons dans cet article contiennent quelques colonnes additionnelles pour notamment indiquer l’affectation des locaux, l’échéance exacte des baux, l’étage et le nom du locataire. «Une variation des charges d’exploitation constitue également un facteur de hausse ou de baisse des loyers.» de la subvention. Les produits divers sont très marginaux et ne font pas l’objet de cet article. 3.2 Loyers jusqu’à l’échéance des baux Il convient tout d’abord de connaître l’échéance des baux de toutes les surfaces louées de l’immeuble. On peut alors construire un tableau qui indique le nombre de mois avec les loyers connus pour chaque année de la prévision (cf. tableau 4) [3]. En tenant compte des caractéristiques des baux, 350 Les loyers connus sont en réalité des loyers promis et sont par conséquent soumis au risque d’insolvabilité des locataires. Ce type de risque dépend du type de locaux et de la conjoncture. La modélisation de ce risque s’effectue le plus souvent en considérant le taux historique des impayés. 3.3 Loyers après l’échéance des baux La planification des loyers après l’échéance des baux est complexe et des hypothèses par trop simplificatrices peuvent conduire à des écarts importants entre les montants prévus et les montants effectifs. A l’insolvabilité des locataires évoquée plus haut, s’ajoute tout d’abord le risque de logements vacants pendant un certain nombre de mois. En effet, ce risque survient si des locataires quittent les locaux à la fin du bail et il dépend fortement des conditions du marché. Contrairement à une idée très répandue, certaines habitations subventionnées subissent aussi ce risque de vacance lié à des loyers trop élevés: c’est le cas notamment, après quelques années d’exploitation, des immeubles chers construits avec des subventions maximales. La difficulté majeure concerne surtout le niveau des loyers. Plusieurs cas de figure se présentent. Lorsque le locataire renouvelle le bail, une adaptation des loyers peut être envisagée, mais le locataire peut contester la hausse et il existe par conséquent une incertitude quant au niveau du loyer futur. En cas de changement de locataire, l’incertitude peut être sensiblement plus grande, en particulier si la hausse envisagée des loyers est très forte, même si elle est motivée par une adaptation des loyers aux conditions du marché. Une attention toute particulière doit être portée aux adaptations de loyers consécutives à des rénovations d’appartements effectuées suite au départ de locataires. La législation en matière de protection des locataires doit être clairement prise en compte (législation fédérale et cantonale). Enfin, il peut exister une divergence assez grande entre les propriétaires et les locataires en matière de rénovations et de grands travaux: les premiers désirant maintenir l’immeuble en excellent état, mais en adaptant les loyers suite aux dépenses encourues, et les seconds souhaitant surtout renouveler les baux en maintenant les loyers aussi bas que possible. Il existe des méthodes statistiques pour tenir compte des risques associés au niveau des loyers annuels après l’échéance des baux. On essaie alors de fixer des probabilités de survenance des différents loyers possibles, mais cela devient rapidement très fastidieux car on doit estimer les loyers de plusieurs années, sachant de surcroît que le L’Expert-comptable suisse 5/05 IMMOBILIER Nabil Aziz, André Bender, Martin Hoesli, Evaluation immobilière par les DCF Tableau 6 Loyers théoriques après l’échéance des baux (extrait) (en milliers de CHF) Durée N° restante app. du bail Loyer annuel Loyer de marché 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 3 60 .... – 25 – 9 – .... 3 60 .... 17 25 – 9 – .... 3 60 .... 19 26 18 10 – .... 3 60 .... 20 26 20 10 18 .... 3 60 .... 20 27 20 10 20 .... 3 60 .... 20 27 20 10 20 .... 3 60 .... 21 28 21 10 21 .... 3 60 .... 21 28 21 11 21 .... 3 60 .... 22 29 22 11 22 .... Taux inflation en % Indexation des loyers en % .... .... .... 10 25 15 11 11 24 12 37 13 13 6 8 14 49 13 .... .... .... .... 18 24 18 9 18 .... 3 60 .... – 2 – 5 – .... 23 24 .... .... 22 22 .... – – .... 12 12 .... 22 22 .... 22 22 .... 22 22 .... 22 22 .... 25 25 .... 26 26 .... 26 26 .... 27 27 .... 328 418 59 265 374 425 452 461 474 483 491 500 Total 0 0 .... Note: les appartements 23 et 24 sont créés dans les combles en t=1 et t=2 loyer d’une année est dépendant de celui de l’année précédente. La méthode utilisable en la matière est la méthode dite de Monte-Carlo [4]. Pour la complétude de l’exemple, nous allons supposer qu’à l’échéance des baux, les loyers sont adaptés aux loyers du marché, notamment en tenant compte de l’inflation (cf. tableau 6). Les dans la planification des loyers après l’échéance des baux. Une prévision trop optimiste fondée sur des loyers actuels élevés avec des baux très courts peut conduire à une estimation très exagérée de l’immeuble. L’investisseur qui achèterait dans ces conditions payerait un prix surfait et obtiendrait une rentabilité immobilière qui pourrait se révéler désastreuse. De tels cas «En ce qui concerne l’adaptation des loyers, la législation fédérale actuelle, qui touche tant les loyers libres que les loyers contrôlés, autorise l’adaptation des loyers soit selon la méthode relative soit selon la méthode absolue.» loyers théoriques sont ensuite rajoutés aux loyers promis. De plus, nous maintenons un taux d’impayés de 1% et faisons l’hypothèse que les loyers vacants représentent 2,5% des loyers théoriques après l’échéance des baux. sont assez fréquents pour des immeubles commerciaux et de bureaux, mais également pour des immeubles résidentiels. Une fois encore, on doit insister sur la nécessité de bien examiner les caractéristiques des contrats et être prudent Pour les immeubles qui font l’objet d’une aide à la pierre, comme c’est le cas dans de nombreux cantons, les en- L’Expert-comptable suisse 5/05 3.4 Subventions caissements comprennent à la fois les loyers payés par les locataires et les aides octroyées par l’Etat. Ces aides faisant l’objet de lois et d’ordonnances, il est aisé de calculer les montants qui seront encaissés au cours de l’horizontemps considéré. A Genève, par exemple, pour les habitations destinées aux personnes à revenu modeste (HLM), la subvention, qui à l’origine ne peut pas excéder 5% des 80% de la valeur de l’immeuble selon la loi (en pratique actuellement, 1,3% à 1,5% des 80% de la valeur de l’immeuble), est fixe pendant quatre ans, puis elle diminue d’un neuvième tous les deux ans lorsque l’aide est accordée sur une période de 20 ans. La dégressivité des subventions est compensée par une augmentation des loyers. Dans le cas genevois, le rendement des fonds propres est de plus assuré pendant toute la période du subventionnement: 5,5%, 6% et 7% pour des financements par fonds propres de respectivement 100%, 40% et 20% (ces taux fixés par l’Administration n’ont pas été révisés depuis longtemps malgré la fluctuation des taux hypothécaires). Toutefois, ces taux de rendement garantis sont calculés en excluant parfois certains éléments de coût, comme le supplément de prix au m2 payé pour le terrain par rapport à un 351 IMMOBILIER Nabil Aziz, André Bender, Martin Hoesli, Evaluation immobilière par les DCF prix accepté par l’Etat, des intérêts intercalaires ou des dépassements de coûts lors de la construction. A l’issue de la période de subventionnement, le système de fixation des loyers est celui des loyers libres dont les contraintes restent plus ou moins fortes. La planification des loyers est donc très facile en début de période, mais elle va se poser avec d’autant plus d’acuité que l’on se trouve près de la sortie du subventionnement. Cela est d’autant plus vrai lorsque, pour maintenir des loyers bas, l’immeuble n’a pas fait l’objet des rénovations qu’aurait exigé une bonne gestion. Tableau 7 Durée de vie selon l’Union suisse des fiduciaires immobilières (SVIT) Selon la SVIT, les parties suivantes de la construction seront remplacées lors d’une rénovation partielle ou totale: Rénovation partielle tous les 12–13 ans: Appareils tels que cuisinière, réfrigérateur, four, hotte d’aspiration, lave-vaisselle, lave-linge, sèche-linge Robinetterie Serrures, plans de fermeture Revêtements de parois et de sols en textiles et plastique Travaux de peinture intérieure Travaux de peinture extérieure aux endroits exposés (boiseries extérieures tous les 5–10 ans) Rénovation totale tous les 25 ans: 4. Charges opérationnelles et dépenses de rénovation activées Les charges opérationnelles comprennent toutes les charges propres à l’immeuble telles que la conciergerie, les assurances, l’eau, l’électricité, les contrats d’entretien, les honoraires de gérance, d’éventuels impôts fonciers et les dépenses d’entretien. La plupart de ces dépenses dépendent de contrats et leur estimation est relativement aisée. Dans la phase de planification, il nous paraît essentiel de procéder à une analyse critique de l’importance relative de ces charges par rapport à l’état locatif et par rapport à une première estimation de la valeur de l’objet. Comme on l’a déjà dit, le benchmarking peut fournir des indications utiles pour ce type d’analyse. Tous les éléments de la rénovation partielle Conduites sanitaires d’alimentation et d’évacuation (conduites d’eau et canalisations) y compris appareils sanitaires (baignoires, éviers, lavabos) et conduites de gaz Equipements de cuisine Installations de chauffage Mesures techniques d’amélioration concernant l’énergie Installations électriques (au moins adaptation aux nouvelles prescriptions de sécurité et d’installation) Enveloppe du bâtiment: peinture extérieure, éventuellement isolation, toits plats, toits de tuiles (révision, éventuellement nouvelle couverture, isolation des locaux sous toit, etc.), fenêtres, ferblanterie, environnement, accès, portes extérieures et portails et les dépenses d’entretien. Cette distinction est assez floue car certaines rénovations, dites à «plus-value», sont en réalité des travaux d’entretien. De plus, les dépenses considérées à plus-value sont mal définies dans la législation en vigueur. Ainsi à Genève, par exemple, «La planification des loyers après l’échéance des baux est complexe et des hypothèses par trop simplificatrices peuvent conduire à des écarts importants entre les montants prévus et les montants effectifs.» La principale difficulté concerne la détermination des dépenses de rénovation (part améliorations à plus-value, part maintien en l’état de l’immeuble) 352 dans un immeuble locatif standard, le coût moyen d’une rénovation complète se situe actuellement entre CHF 40 000 et CHF 80 000 par appartement et la part considérée comme investissement à plus-value se situe entre 50 et 70%. Les dépenses qui découlent de la réfection des locaux vont apparaître le plus souvent au moment du départ d’un locataire, c’est-à-dire à une date incertaine. D’autres dépenses sont plus faciles à planifier, telles que la rénovation des façades et de la toiture ou la réfection des cages d’escalier. Du point de vue du propriétaire et dans la mesure où les loyers peuvent être adaptés, il est évidemment préférable de comptabiliser le plus possible les dépenses de rénovation directement dans les charges, c’est-à-dire de les considérer comme des dépenses d’entretien. Si cette solution n’est pas autorisée, un amortissement sera effectué sur une période de 10 à 15 ans selon le type de travaux. Pour la prévision des dépenses d’entretien, de rénovation et pour les grands travaux, il faut recourir aux compéL’Expert-comptable suisse 5/05 IMMOBILIER Nabil Aziz, André Bender, Martin Hoesli, Evaluation immobilière par les DCF tences des architectes. Cette collaboration est essentielle également pour poser l’hypothèse appropriée concernant l’état de l’immeuble à la fin de l’horizon-temps choisi. De nombreuses organisations, comme l’Association suisse des propriétaires (SHEV), l’Association suisse des locataires (ASLOCA), l’Union suisse des fiduciaires immobilières (SVIT) ou l’Assurance immobilière du canton de Berne, éditent des tableaux concernant la durée de vie des différentes composantes d’un immeuble. Le tableau 7 contient, à titre d’illustration, les durées retenues par la SVIT. En utilisant ces durées, des méthodes d’évaluation rapide, telles que MERIP ou EPIQR [5], permettent de chiffrer les travaux à entreprendre au cours de l’horizon-temps de la prévision. D’autres logiciels permettent de planifier les montants des investissements additionnels durant l’horizon-temps de la prévision. Outre l’usure matérielle (obsolescence technique), il convient de ne pas oublier que les immeubles peuvent également souffrir d’une obsolescence fonctionnelle liée à l’évolution des exigences de confort ainsi que d’obsolescence économique due aux changements Tableau 8 Tableau récapitulatif (en milliers de CHF) 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Taux d’inflation en % Indexation des loyers en % Taux d’impôt sur les revenus en % 3 60 0 3 60 0 3 60 0 3 60 0 3 60 0 3 60 0 3 60 0 3 60 0 3 60 0 3 60 0 Loyers connus (cf. tableau N o 5) Loyers théoriques (cf. tableau N o 6) 245 59 72 265 22 374 7 425 1 452 – 461 – 474 – 483 – 491 – 500 Etat locatif Impayés (1% de l’état locatif) Vacants (2,5% des loyers théoriques) Subventions Divers 304 –3 –1 – – 338 –3 –7 – – 396 –4 –9 – – 432 –4 –11 – – 452 –5 –11 – – 461 –5 –12 – – 474 –5 –12 – – 483 –5 –12 – – 491 –5 –12 – – 500 –5 –13 – – Total des produits 300 328 383 417 436 445 458 466 474 483 Conciergerie Eau, électricité Assurances Honoraires de gérance Impôt foncier Entretien courant Autres frais 9 7 6 15 4 10 3 9 7 6 17 4 11 12 9 7 6 19 5 11 12 10 8 6 21 5 11 12 10 8 7 22 5 12 12 10 8 7 22 6 12 12 11 8 7 23 6 12 12 11 9 7 24 6 13 13 11 9 7 24 6 13 13 12 9 8 24 6 13 13 Total des charges opérationnelles 54 66 70 74 76 78 80 81 83 85 246 262 313 343 360 367 378 384 391 398 – – – – – – – – – – Bénéfice avant intérêts et après impôt 246 262 313 343 360 367 378 384 391 398 Rénovation des surfaces louées Création de 2 appartements dans les combles Grands travaux 46 438 – 62 451 – 62 – 100 62 – – – – – – – – – – – – – – – – 90 – – – –238 –251 151 281 360 367 378 384 301 398 Bénéfice avant intérêts et avant impôt Impôt Cash-flow libre de l’immeuble (FCFP) Valeur initiale Frais d’acquisition (4%) Valeur terminale Frais de vente (2%) Impôt sur le gain immobilier (10%) –4930 –200 6660 –133 –100 –5130 L’Expert-comptable suisse 5/05 –238 –251 151 281 360 367 378 384 301 6824 353 IMMOBILIER Nabil Aziz, André Bender, Martin Hoesli, Evaluation immobilière par les DCF dans la demande pour un type d’immeuble donné dans un lieu donné. 5. Estimation de la valeur terminale La valeur terminale doit être estimée dans tous les cas, car la période de prévision est limitée dans le temps. Elle est généralement calculée avant impôt, puis on retranche l’éventuel impôt sur les gains immobiliers pour obtenir une valeur terminale après impôt, de laquelle il faut encore déduire les frais de vente. La valeur terminale influence sensiblement l’estimation de la valeur d’un bien aujourd’hui. En rallongeant l’horizon-temps de la planification, par exemple à 20 ans, on réduit d’autant cet impact, ce qui peut s’avérer utile pour des biens nécessitant de gros investissements additionnels entre la dixième et la vingtième année. D’un point de vue théorique, la valeur terminale avant impôt à la fin de l’horizon-temps retenu (VTN) correspond à la valeur actualisée des free cash-flows de l’immeuble, de la première année après l’horizon-temps de la prévision jusqu’à l’infini en utilisant comme taux d’actualisation – c’est la solution la plus courante – le coût moyen pondéré du capital. Par analogie au calcul de la valeur d’une action fondée sur les flux de dividendes à l’infini, dividend discount model (DDM), on a dans le cas d’un immeuble: VTN = FCFPN+1 WACC – g où: FCFPN+1: cash-flow libre de l’immeuble pour l’année N+1 WACC: coût moyen pondéré du capital g: taux de croissance annuel constant du FCFP de N+1 à l’infini. Le cash-flow libre pour l’année N+1 doit correspondre à un résultat normalisé. En d’autres termes, il faut éviter d’appliquer le taux de croissance au cash-flow de l’année N, car ce dernier dépend trop de décisions prises au 354 cours de ladite année, notamment en ce qui concerne les dépenses d’entretien et de rénovations. Il est essentiel d’établir un compte de résultat normalisé, autrement dit établi en considérant des conditions normales d’exploitation de l’immeuble. De plus, il ne faut pas oublier de tenir compte d’une épargne annuelle moyenne nécessaire pour financer les rénovations et les grands travaux que requiert le maintien en l’état de l’immeuble. D’un point de vue comptable, il s’agit de créer une provision appropriée pour gros travaux. rendement brut à la fin de l’horizontemps est exactement égal au WACC plus 2%, soit un rendement par définition tout-à-fait acceptable pour les professionnels. En capitalisant un loyer de CHF 510 000 par le rendement brut exigé de 7,5%, on obtient CHF 6 800 000. Le même montant peut être déterminé en capitalisant le bénéfice avant intérêts et impôt au (WACC – g) de 5,5% et en posant le montant des charges opérationnelles égal à 0,02 x 6 800 000 = 136 000. On a bien (510 000 – 136 000)/ 0,055 = 6 800 000. Les résultats parais- «Il existe des méthodes statistiques pour tenir compte des risques associés au niveau des loyers annuels après l’échéance des baux.» Le taux de croissance g a un impact important sur la valeur terminale et son estimation est difficile. En considérant par exemple un cash-flow libre en N+1 de CHF 600 000 et un WACC de 5%, on obtient respectivement pour des taux de croissance de 0%, 2% et 3% une valeur terminale de CHF 12 millions, 20 millions et 30 millions. Même si une croissance plus forte est possible sur le court terme, la borne supérieure pour g applicable sur un cash-flow normalisé est donnée par le taux d’inflation. Dans la réalité, ce taux est certainement plus bas pour la majorité des immeubles car la législation limite fortement l’adaptation des loyers au taux d’inflation. Les professionnels retiennent souvent un taux de croissance égal à zéro. Avec cette hypothèse et en utilisant des flux nominaux, on admet que le cash-flow ne pourra pas croître en fonction de l’inflation, ce qui signifie implicitement que la qualité de l’immeuble, et par conséquent sa valeur, vont diminuer au cours du temps. Dans la plupart des cas, l’hypothèse d’un taux de croissance égal à zéro est excessive, mais elle permet toutefois d’obtenir une estimation réaliste de l’immeuble. En effet, il faut bien voir que si le montant des charges, y compris la provision pour rénovations, s’élève à 2% de la valeur terminale obtenue, le sent cohérents parce que 5,5% est aussi le rendement comptable exigé des actifs, étant donné que l’on pose g = 0. En réalité, ces résultats ne sont cohérents que si la valeur de l’immeuble reste constante dès la fin de l’horizon-temps de la prévision, même en présence d’inflation. 6. Synthèse et conclusion Le tableau 8 contient l’ensemble des cash-flows pour notre exemple. Nous avons également considéré des frais de vente et un impôt sur la plus-value. En actualisant l’ensemble des flux au WACC de 5,5% et en retranchant les frais d’acquisition de CHF 200 000, on obtient une valeur estimée de l’immeuble de CHF 4 930 000. Il est évident que si l’on introduit dans les flux un montant de –5 130 000, correspondant au prix d’achat y compris les frais d’achat, on obtient un taux de rendement interne (TRI) de 5,5%. Il en découle que le rendement brut en t= 0 est, pour le propriétaire actuel, de 304 000/4 930 000 = 6,17%. En retranchant 2% de charges, on obtient un rendement de l’actif de 4,17%, soit sensiblement moins que les 5,5% requis. Ceci est dû dans notre cas à la forte croissance des loyers au cours de la péL’Expert-comptable suisse 5/05 IMMOBILIER Nabil Aziz, André Bender, Martin Hoesli, Evaluation immobilière par les DCF riode, même sans tenir compte des transformations et des grands travaux. En rajoutant tous ces investissements à la valeur initiale y compris les frais d’acquisition, on obtient un rendement brut supérieur à 8% dès la 11ème année. La relation entre le rendement de l’actif et le rendement exigé mérite un approfondissement. Le rendement exigé, donné par le WACC, correspond par définition au rendement de l’actif de la première année plus le taux de croissance des cash-flows. C’est du reste ce qui ressort de la formule présentée précédemment pour déterminer la valeur terminale et souvent utilisée par les professionnels. En la transformant, on obtient: WACC = FCFPT+1 +g VTN Plus on prévoit une croissance élevée, plus on peut se contenter, au moment de l’achat, d’un rendement comptable de l’actif faible. Encore faut-il que la croissance se concrétise pour que le rendement exigé se vérifie. Les mauvais investissements immobiliers effectués au cours des années 1980 et les contraintes quant à la réalisation de rendements annuels ont poussé beaucoup d’institutionnels à exiger un rendement de l’actif aussi près que possible du rendement exigé. En matière d’évaluation par la méthode du DCF, cela conduit à poser un taux de croissance égal à zéro lors du calcul de la valeur terminale. En effet, plus on choisit un taux de croissance élevé et plus le rendement de l’actif en t=0 est faible et, par conséquent, le prix va être considéré comme trop élevé. Dans notre exemple, en considérant une croissance de 1,5% lors du calcul de la valeur terminale, la valeur initiale y compris les frais d’acquisition passe à CHF 6 090 000, soit 19% de plus que le prix obtenu avec un taux de croissance nul. Le rendement brut tombe alors à 5,22% et le rendement de l’actif devient très faible. En conclusion, l’évaluation des immeubles par l’approche du DCF doit être utilisée avec une compréhension claire des hypothèses qui sont faites Der Schweizer Treuhänder 5/05 souvent de façon implicite. Comme il ressort de notre exemple, il est facile d’obtenir la valeur initiale recherchée en ne changeant que modestement la valeur des paramètres utilisés pour calculer la valeur terminale. La planification des flux constitue néanmoins une tâche essentielle en matière de gestion immobilière. Quant à la valeur initiale obtenue, c’est celle qui permet à un investisseur d’obtenir une rentabilité correspondant au WACC utilisé et compte tenu des hypothèses retenues dans la planification. Le prix de vente possible d’un immeuble donné pourra bien entendu s’écarter de cette valeur selon les anticipations effectuées par les acheteurs potentiels. Si ces derniers sont aussi des investisseurs institutionnels, on peut supposer que la valeur obtenue constitue une bonne estimation du prix de vente car la prise en compte du taux de croissance devrait être assez similaire. Durant certaines périodes, il peut très bien exister des acheteurs privés qui tiennent compte d’un taux de croissance de 1 à 2%. Ils seront alors prêts à payer davantage que la valeur initiale calculée en supposant une croissance nulle, notamment si les conditions d’emprunt sur le marché hypothécaire sont attrayantes. Notes 1 Pour une présentation de la méthode, voir Bender et Hoesli (1999). 2 Voir Bender et Hoesli (2002). 3 Les montants sont arrondis au millier de CHF le plus proche. 4 Une illustration de cette méthode est contenue dans Baroni, Barthélémy et Mokrane (2001). 5 MERIP: Méthode d’Evaluation Rapide Impulse Program; EPIQR: Energy Performance Indoor Environment Quality Retrofit. Références Baroni, M., F. Barthélémy et M. Mokrane, 2001, «Volatility, Monte-Carlo simulations, and the use of option pricing models in real estate», article présenté au 8ème congrès annuel de la European Real Estate Society, Alicante. Bender, A. et M. Hoesli, 1999, «Indices et évaluation de l’immobilier», EC 9/99, pp. 817–823. Bender, A. et M. Hoesli, 2002, «Le benchmarking immobilier», EC 1–2/02, pp. 89–96. Geltner, D. et N. G. Miller, 2001, Commercial real estate analysis and investments, Prentice Hall, Upper Saddle River (NJ). Ling, D. C. et W. R. Archer, 2005, Real estate principles: a value approach, McGraw-Hill/ Irwin, New York. Linneman, P., 2004, Real estate finance and investments: risks and opportunities, Linneman Associates, Philadelphia (PA). ZUSAMMENFASSUNG Immobilienbewertung mittels DCF-Methode Die Autoren untersuchen in ihrem Artikel einige Grundvoraussetzungen zur Anwendung der DCF-Methode in der Immobilienbewertung. Sie weisen dabei besonders auf die Notwendigkeit hin, in der Planung des jährlichen Cash-Flows die Laufzeiten der Mietverträge sowie die gesetzlichen und vertraglichen Zwänge miteinzubeziehen. Die Ausgaben für Renovationen und grössere Arbeiten ihrerseits müssen unter Berücksichtigung des Gebäudezustands und der verbleibenden Lebensdauer der Gebäudebestandteile terminiert werden. Zuletzt befassen sich die Autoren mit dem Einfluss der Ertragswachstumsraten nach dem Zeithorizont der Voraussage auf den Schätzwert der Immobilie. In diesem Zusammenhang muss insbesondere beachtet werden, dass der vom Besitzer verlangte Ertrag dem Ertrag der Aktiven im ersten Jahr, zuzüglich dieser Wachstumsrate, entspricht. NA/AB/MH/CHW 355