Evaluation immobilière par les DCF - Treuhänder

Transcription

Evaluation immobilière par les DCF - Treuhänder
IMMOBILIER
Nabil Aziz, André Bender, Martin Hoesli
Evaluation immobilière
par les DCF
Planification des cash-flows et de la valeur terminale*
Les auteurs examinent quelques exigences liées à l’utilisation de la méthode des DCF en matière d’évaluation immobilière. Ils insistent tout d’abord sur la nécessité de tenir compte de l’échéance des baux ainsi que
des contraintes légales et contractuelles pour planifier
les cash-flows annuels. Quant aux dépenses de rénovation et de grands travaux, elles doivent être planifiées
en tenant compte de l’état actuel du bâtiment et de la
durée de vie des différentes composantes de l’immeuble. Enfin, les auteurs discutent l’impact sur la valeur estimée de l’immeuble du taux de croissance des
résultats après l’horizon-temps de la prévision. En
particulier, on ne doit jamais oublier que le rendement
exigé par le propriétaire correspond au rendement de
l’actif de la première année plus ce taux de croissance.
1. Introduction
Les normes entrées en vigueur le
1er janvier 2004 concernant la présentation des comptes des institutions de
prévoyance figurent dans la Swiss
GAAP RPC 26. Ces normes retiennent
le principe de l’évaluation des actifs à la
valeur de marché. On observe des réticences de certains quant à l’application
de cette nouvelle norme, parce qu’elle
va faire apparaître des variations de
fortune par trop excessives pour des
institutionnels qui n’ont, pour l’instant
du moins, pas l’intention de vendre tout
ou partie de leur parc immobilier. A
notre avis, cette argumentation ne
*Cette recherche a bénéficié du soutien financier
du Fonds national suisse (FNS), projet no 1214067870.
L’Expert-comptable suisse 5/05
Nabil Aziz, Ingénieur civil EPFL,
titulaire d’un MBA, Université de
Lausanne, Consultant en immobilier,
Bureau Philippe Weber, Genève
tient pas car l’objectif est de permettre
une meilleure perception de l’évolution de la richesse des institutions de
prévoyance et de leur degré de couverture au fil du temps. C’est la valeur de
marché qui fournit l’information la plus
adéquate pour déterminer la capacité
de ces actifs à générer des liquidités au
cours des années à venir. De plus, les
variations des prix de marché des biens
immobiliers sont généralement plus
faibles que celles des actions.
Lorsque les biens ne sont pas trop hétérogènes et que le nombre de transactions sur le marché est suffisant (immeubles résidentiels, appartements et
villas), la valeur de marché peut être
obtenue par une analyse approfondie
des prix de transaction et de leurs principaux déterminants (lieu, qualité de la
localisation, état d’entretien du bâtiment, etc.). On utilise alors la méthode
dite hédoniste qui donne des résultats
tout-à-fait satisfaisants, en particulier si
l’objectif est d’évaluer un parc immobilier [1]. La valeur obtenue par l’approche hédoniste devrait théoriquement correspondre à la valeur, à la date
de l’évaluation, des encaissements et
des décaissements futurs découlant de
la possession du bien ou, plus techniquement, à la valeur actualisée des
cash-flows futurs à laquelle on se réfère
souvent par l’expression anglo-saxonne du Discounted Cash Flow (DCF).
Dans les cas où le nombre de transactions est limité ou lorsque les biens sont
fortement hétérogènes (locaux commerciaux et industriels, bureaux et hôtels), l’estimation de la valeur de marché devrait s’effectuer par le recours à
la méthode du DCF. Même lorsque le
parc immobilier est évalué systématiquement avec l’approche hédoniste,
nous recommandons d’utiliser aussi la
méthode du DCF. En effet, cette dernière nécessite la planification des flux
345
IMMOBILIER
Nabil Aziz, André Bender, Martin Hoesli, Evaluation immobilière par les DCF
financiers (loyers, dépenses d’entretien et de rénovation, etc.), ce qui
constitue une nécessité pour la bonne
gestion d’un parc immobilier.
Le calcul de la valeur de marché d’un
immeuble par la méthode du DCF
comporte deux phases. Dans une première phase, il convient d’estimer les
cash-flows libres de l’immeuble, free
cash flows of the property (FCFP), à savoir les cash-flows opérationnels moins
les investissements additionnels. Ces
cash-flows sont donc calculés avant les
intérêts et en considérant l’impôt théorique d’un financement intégral par
fonds propres. Le plus souvent, l’estimation des cash-flows porte sur une
durée d’une dizaine d’années, ce qui
implique le calcul à la fin de l’horizontemps choisi d’une valeur terminale.
Une présentation très schématique des
cash-flows futurs, dans l’hypothèse où
l’horizon-temps retenu est de cinq ans,
est donnée dans le tableau 1. De ce
tableau, il ressort qu’ils contiennent
quatre composantes très distinctes:
(1) les encaissements annuels, correspondant à la somme des loyers, des subventions et des recettes diverses, (2) les
charges opérationnelles, ou d’exploitation, annuelles, (3) les investissements
additionnels, autrement dit les dépenses activées de rénovation et des gros
travaux et (4) la valeur terminale à la
fin de l’horizon-temps retenu.
Dans une seconde phase, il s’agit de calculer de manière appropriée le taux utilisé pour l’actualisation des cash-flows
libres et de la valeur terminale nette
d’un éventuel impôt sur le gain immobilier, puis de procéder à l’actualisation. Il est d’usage aussi de retrancher
les frais de vente de la valeur terminale.
Le plus souvent, le taux d’actualisation
est donné par le coût moyen pondéré
du capital, weighted average cost of capital (WACC), après impôt. Ce faisant,
on prend en compte l’impact fiscal lié
au financement d’une partie de l’immeuble par des dettes. Cette solution
est critiquable lorsque le taux d’endettement est très variable au cours du
temps. Il est alors préférable de choisir
comme taux d’actualisation l’exigence
de rendement d’un financement à
100% par fonds propres et de calculer
séparément la valeur actualisée des
gains fiscaux découlant d’un éventuel
346
Tableau 1
Calcul de la valeur d’un immeuble par les DCF
(en milliers de CHF)
0
1
2
3
4
5
Total des encaissements
Total des charges opérationnelles
Investissements additionnels
200
50
210
50
210
60
120
250
60
270
60
Cash-flow libre de l’immeuble (FCFP)
150
160
30
190
210
Valeur terminale
Coût moyen du capital (WACC)
Valeur estimée de l’immeuble
endettement. En actualisant les cashflows au coût moyen du capital, on
trouve, aux frais d’achat près, une estimation de la valeur de marché de l’immeuble dans l’hypothèse que les cashflows sont correctement évalués et que
le coût du capital constitue une bonne
estimation de celui prévalant sur le
marché.
Comme la brève discussion ci-dessus le
laisse supposer, l’estimation d’une valeur de marché par les DCF pose des
problèmes quant à la détermination
des différentes composantes des cashflows annuels, de la valeur terminale et
du taux d’actualisation. Dans cet article, nous examinons uniquement la
problématique de l’estimation des cashflows futurs. Après un bref rappel de
quelques questions préliminaires, nous
3820
5,5%
3550
porterons essentiellement notre attention sur la planification de l’état locatif,
des charges opérationnelles et des investissements additionnels. Pour terminer, nous examinerons quelques difficultés posées par l’estimation de la valeur terminale. Afin d’estimer la valeur
de l’immeuble de notre exemple, nous
supposons pour simplifier un WACC
de 5,5%. Nous reviendrons dans un
prochain article sur certaines questions
posées par le choix et le calcul du taux
d’actualisation.
2. Questions préliminaires
La planification des cash-flows exige
une connaissance préalable de la législation en matière de baux et loyers.
Cela est vrai tant en ce qui concerne la
fixation des loyers que leur adaptation
pour tenir compte d’une variation des
taux d’intérêt et des charges opérationnelles, des dépenses de rénovation et
des grands travaux, et éventuellement
des conditions du marché. Une question difficile, souvent traitée de façon
insatisfaisante, porte sur la façon de
prendre en compte l’inflation anticipée.
2.1 Types de baux
André R. Bender, Dr ès sciences économiques et sociales, professeur ordinaire de
gestion financière, Université de Genève
(HEC), membre du conseil d’administration
des Rentes Genevoises (Président de la
commission de placements), Genève
Pour la grande majorité des logements,
les baux ont une échéance d’un an et
sont résiliables avec un préavis de trois
mois. Il peut toutefois exister des spécificités cantonales: à Genève par
exemple, afin de faciliter la mobilité des
locataires, la plupart des baux d’habitation peuvent être résiliés par le locataire pour la fin d’un trimestre de bail
L’Expert-comptable suisse 5/05
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avec un préavis de trois mois. Pour l’immobilier commercial, il s’agit de baux
renouvelables de cinq ans en cinq ans
avec un préavis de résiliation d’un an.
La loi autorise d’autres types de contrats
sous certaines conditions. Il s’agit de:
– loyers échelonnés (art. 269c CO). Le
loyer est fixé à l’avance, pour toute la
durée du bail, par paliers et par périodes. La clause d’échelonnement
n’est valable que si (1) le contrat a été
conclu pour au moins 3 ans, (2) le
loyer ne fait pas l’objet d’une augmentation possible plus d’une fois
par an et (3) le montant de l’augmentation est fixé en francs;
– loyers indexés (art. 269b CO). Le
contrat ne peut contenir une clause
d’indexation que s’il a été conclu
pour une période de 5 ans au moins
et si l’indice de référence est l’indice
suisse des prix à la consommation
(ISPC);
– loyers avec une aide étatique ou une
surtaxe liée aux revenus du locataire.
Dans ce cas, le loyer est souvent fixe,
mais le locataire peut recevoir une
aide étatique si ses moyens sont jugés
insuffisants ou, au contraire, devoir
payer une surtaxe si ses revenus sont
jugés suffisamment élevés. Une telle
clause est souvent prévue dans le cas
de logements subventionnés, mais
aussi par certains gros investisseurs
pour les logements non subventionnés (la ville de Genève, p. ex.);
– loyers proportionnels au chiffre d’affaires. C’est une solution parfois retenue pour les baux commerciaux, en
particulier dans les centres commerciaux. En général, il y a un loyer
de base, le plus souvent indexé à
l’évolution de l’indice officiel suisse
des prix à la consommation, auquel
s’ajoute un loyer additionnel si le
chiffre d’affaires dépasse un seuil fixé
dans le contrat de bail.
Tableau 2
Règle de base et les exceptions concernant les loyers abusifs
Article 269 CO
Les loyers sont abusifs lorsqu’ils permettent au bailleur d’obtenir un rendement
excessif de la chose louée ou lorsqu’ils résultent d’un prix d’achat manifestement
exagéré.
Article 269a CO
Ne sont en règle générale pas abusifs les loyers qui, notamment:
a. Se situent dans les limites des loyers usuels dans la localité ou dans le quartier;
b. Sont justifiés par des hausses de coûts ou par des prestations supplémentaires du bailleur;
c. Se situent, lorsqu’il s’agit de constructions récentes, dans les limites du rendement brut permettant de couvrir les frais;
d. Ne servent qu’à compenser une réduction du loyer accordée antérieurement
grâce au report partiel des frais usuels de financement et sont fixés dans un
plan de paiement connu du locataire à l’avance;
e. Ne compensent que le renchérissement pour le capital exposé aux risques;
f. N’excèdent pas les limites recommandées dans les contrats-cadres conclus
entre les associations de bailleurs et de locataires ou les organisations qui défendent des intérêts semblables.
nance sur le bail à loyer et le bail à
ferme d’habitations et de locaux commerciaux (art. 10–20 OBLF). Avant de
discuter de l’adaptation des loyers, il
convient de rappeler qu’il existe en la
matière trois systèmes de fixation des
loyers:
– loyers absolument libres. Ils ne sont
pas soumis aux dispositions des articles 269–270e CO. Même s’ils sont
2.2 Niveau et adaptation
des loyers
La fixation des loyers est régie par le
droit du bail (Code des obligations,
titre 8ème, chapitre II: Protection contre
les loyers abusifs ou d’autres prétentions
abusives du bailleur en matière de baux
d’habitations et de locaux commerciaux, art. 269–270e) et par l’OrdonL’Expert-comptable suisse 5/05
Martin Hoesli, Président de l’European
Real Estate Society (ERES), professeur
ordinaire à la Bordeaux Business School
et aux Universités d’Aberdeen (Business
School) et de Genève (HEC et FAME),
Genève
abusifs, ils ne peuvent pas être corrigés par le juge. Il s’agit: (1) des loyers
des appartements et maisons familiales de luxe comportant six pièces et
plus (cuisine non comprise), (2) des
loyers des appartements de vacances
loués pour trois mois ou moins et
(3) des loyers des immeubles qui ne
sont ni des maisons d’habitation, ni
des locaux commerciaux, ni des objets dont l’usage est cédé avec une
habitation ou un local commercial
(p. ex. terrains nus, places de parc indépendantes, etc.);
– loyers libres. Ces loyers sont décidés
librement par les parties au contrat
du bail. La loi (art. 269–270e CO)
détermine toutefois dans quelles limites ces loyers peuvent être fixés ou
modifiés. La très grande majorité des
loyers de ce pays relève de cette catégorie de loyers;
– loyers contrôlés. Ces loyers sont fixés
par un organisme étatique et ne peuvent être modifiés qu’avec l’accord
de celui-ci. Les loyers contrôlés concernent les logements bénéficiant
d’une aide de la collectivité publique
ou tombant sous le coup de certaines
législations cantonales. En vertu des
articles 253b al. 3 CO et 2 al. 2 OBLF,
ces loyers échappent pour l’essentiel
aux règles des articles 269 à 270e CO.
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Nabil Aziz, André Bender, Martin Hoesli, Evaluation immobilière par les DCF
En ce qui concerne l’adaptation des
loyers, la législation fédérale actuelle,
qui touche tant les loyers libres que les
loyers contrôlés, autorise l’adaptation
des loyers soit selon la méthode relative
soit selon la méthode absolue. L’objectif est de permettre au propriétaire de
maintenir un rendement «normal» sur
les capitaux investis. Pour les immeubles subventionnés, ce souci apparaît clairement: d’une part, l’Etat limite
le rendement des fonds propres initialement investis dans un immeuble locatif et, d’autre part, il donne l’assurance au propriétaire de pouvoir maintenir ce rendement tout au long de la
période de contrôle. La loi permet une
adaptation des loyers pour tenir
compte d’une variation des charges, à
savoir les intérêts hypothécaires et les
charges d’exploitation, mais aussi du
taux d’inflation. Elle prévoit une prise
en compte globale de ces éléments,
mais, dans la pratique, l’adaptation des
loyers qui en découle n’est pas toujours
évidente à modéliser. On applique
alors la méthode relative.
En matière d’adaptation des loyers, il
existe aussi une méthode dite absolue.
Pour les immeubles existants, on fixe
alors le rendement net en rajoutant une
prime de 0,5% au taux d’intérêt hypothécaire en 1er rang de la Banque cantonale. Pour les constructions nouvelles, on détermine le rendement brut
en rajoutant une prime de 2% au taux
d’intérêt de référence susmentionné.
L’adaptation des loyers peut aussi
s’effectuer par référence aux loyers
usuels de la localité ou du quartier. Le
tableau 2 contient le texte de l’article
269 CO, qui définit la règle en matière
de loyers abusifs, et celui de l’article
269a, qui prévoit les exceptions.
Bien que l’effet d’une variation des
taux d’intérêt soit d’autant plus important que le degré d’endettement est
élevé, la loi se base sur un degré d’endettement «normal» et, par conséquent, l’adaptation prévue des loyers
est identique quel que soit le degré
d’endettement. Pour une variation
donnée des taux d’intérêt, par exemple
de 1/4%, la variation relative des loyers
sera d’autant plus faible que le niveau
de départ du taux – et par conséquent
du loyer – est élevé. Une hausse du taux
d’intérêt hypothécaire de 1/4% peut jus348
tifier une hausse de loyer de 3%
lorsque le taux hypothécaire est inférieur à 5%, de 2,5% lorsqu’il est entre
5% et 6% et de 2% lorsqu’il est supérieur à 6%. De même, une baisse du
taux hypothécaire de 1/4% justifie une
baisse de loyer de 2,91% lorsque le taux
hypothécaire est inférieur à 5%, de
2,44% lorsqu’il est situé entre 5% et
6% et de 1,96% lorsqu’il est supérieur
à 6%. Les taux à la baisse sont inférieurs aux taux à la hausse car ils permettent de retrouver les loyers antérieurs en cas de hausse suivie d’une
baisse ou d’une baisse suivie d’une
hausse. On a bien pour illustrer: (100%
– 2,91%) x 103% = 100%. Enfin, il est
assez normal que le bailleur qui n’a pas
répercuté ou pas entièrement répercuté la baisse des taux hypothécaires ne
soit pas en droit d’invoquer une hausse
ultérieure des taux d’intérêt pour augmenter les loyers.
Une variation des charges d’exploitation (entretien courant et réparations,
salaire du concierge, électricité des locaux communs, primes d’assurances,
honoraires de gérance, impôt foncier,
etc.) constitue également un facteur
de hausse ou de baisse des loyers. Ces
hausses doivent être justifiées par le
propriétaire. Nous pensons que les analyses de benchmarking effectuées de
plus en plus couramment par les propriétaires institutionnels devraient
fournir des informations plus pertinentes pour justifier la hausse ou pour
forcer le propriétaire à une meilleure
gestion des charges d’exploitation [2].
L’évolution du coût de la vie est également prise en compte en matière
d’adaptation des loyers. L’objectif est
alors de maintenir le pouvoir d’achat
du propriétaire. Toutefois, la loi n’autorise qu’une adaptation égale à 40% du
taux d’inflation, soit un taux correspondant à la part «normale» des fonds
propres. Dans ce cas, le pouvoir d’achat
sur le revenu immobilier est maintenu
et il suffit que le bien immobilier aug-
Tableau 3
Contrôle des loyers suite à des travaux selon la Loi genevoise
sur les démolitions, transformations et rénovations (LDTR)
Article 11
Prenant en considération l’ensemble des travaux à effectuer, le Département fixe
le montant des loyers ou des prix de vente maximaux, en tenant compte:
a) du rendement équitable des capitaux investis pour les travaux, calculé, en règle
générale, sur les 70% au maximum de leur coût et renté à un taux de 0,5 point
au-dessus de l’intérêt hypothécaire de premier rang pratiqué par la Banque
cantonale de Genève; le taux de rendement est fonction de l’incidence dégressive des amortissements;
b) de l’amortissement calculé en fonction de la durée de vie des installations, en
règle générale dans une fourchette de 18 à 20 ans, soit de 5,55% à 5%;
c) des frais d’entretien rentés en règle générale à 1,5% des travaux pris en considération;
d) des autres facteurs de hausse et de baisse à prendre en considération selon
les articles 269 et suivants du Code des obligations.
Lorsque les logements répondent aux besoins prépondérants de la population
quant à leur genre, leur typologie, leur qualité, leur prix de revient, le nombre de
pièces ou leur surface, le loyer après transformation doit répondre aux besoins
prépondérants de la population.
«Par besoins prépondérants de la population, il faut entendre les loyers accessibles à la majorité de la population» (Art. 6 al. 3 LDTR). Les loyers correspondant
aux besoins prépondérants de la population sont compris entre 2400 francs et
3225 francs la pièce par année. Si le loyer avant transformation ou rénovation
dépasse le niveau des loyers répondant aux besoins prépondérants de la population, il est maintenu par le département au même niveau lorsqu’il apparaît qu’il
permet économiquement au propriétaire de supporter le coût des travaux sans
majoration de loyer.
L’Expert-comptable suisse 5/05
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Nabil Aziz, André Bender, Martin Hoesli, Evaluation immobilière par les DCF
mente de 40% du taux d’inflation pour
que le propriétaire maintienne le pouvoir d’achat sur son investissement initial.
Certains cantons disposent de lois imposant un contrôle des loyers limité
dans le temps (3 à 10 ans) lors de la réalisation de rénovations et de grands
travaux. Le tableau 3 contient les conditions imposées par la Loi sur les Démolitions, Transformations et Rénovations (LDTR) du canton de Genève,
particulièrement stricte en la matière.
2.3 Prise en compte de l’inflation
La question de savoir comment
prendre en compte l’inflation anticipée
se pose dans toute planification financière. On peut raisonner soit en termes
nominaux, soit en termes réels. Dans le
premier cas, il faut estimer des taux
d’inflation et les flux annuels tiennent
compte de l’impact de ce taux d’inflation. Dans le second cas, les augmentations des encaissements et des décaissements annuels résultant de l’inflation
ne sont pas pris en considération, de
telle sorte que les variations des flux financiers sont des variations en termes
réels. D’un point de vue théorique, les
deux solutions devraient conduire aux
mêmes valeurs actualisées des flux futurs. L’erreur souvent commise porte
sur le calcul du taux d’actualisation: en
effet, lorsque l’on utilise des flux nominaux, on doit utiliser un coût du capital
exprimé en termes nominaux, mais
lorsque l’on planifie des flux réels, il est
essentiel de choisir un taux réel.
La plupart des acteurs concernés par
l’évaluation considèrent que le taux
d’intérêt sur le marché indique le coût
des fonds étrangers et utilisent ensuite
ce dernier pour estimer le coût des
fonds propres. Il en découle que le
WACC est, dans la grande majorité des
cas, exprimé en termes nominaux. Pour
être cohérent, il est alors essentiel de
procéder à la planification financière
en termes nominaux. Dans le cas particulier de l’évaluation immobilière,
cette solution paraît de surcroît préférable car les flux prévisionnels ne varient pas de la même façon en fonction
de l’inflation. On voit alors mieux l’impact financier lorsqu’il existe des resL’Expert-comptable suisse 5/05
ments subventionnés, dont les loyers se
situent en dessous des loyers du marché, ne posent aucun problème de vacance. La deuxième raison porte sur le
montant des impayés. Outre le taux
«normal» d’impayés, il faudrait envisager l’effet d’une crise économique
éventuelle, notamment en ce qui concerne les loyers commerciaux et les
bureaux. La troisième et la quatrième
raisons sont étroitement liées au cadre
légal et contractuel. Il s’agit tout
d’abord des possibilités effectives
d’augmenter les loyers pour tenir
compte de l’inflation et de la situation
du marché. Ensuite, il faut examiner attentivement les possibilités de répercuter sur les loyers le coût des rénovations
et des grands travaux envisagés. Selon
les possibilités offertes par la loi, on
peut choisir de reporter ou d’étaler sur
trictions légales quant à l’adaptation
des loyers à l’inflation. La solution qui
consiste à prévoir par prudence des
loyers constants tout en prévoyant des
augmentations de charges pour tenir
compte de l’inflation est peu recommandée si une adaptation des loyers est
possible.
3. Planification des
encaissements
3.1 Introduction
La planification des encaissements, essentiellement les loyers, est une tâche
difficile pour plusieurs raisons. La première concerne les vacances éventuelles qui dépendent bien évidemment de l’offre et de la demande pour
le type d’appartements ou de locaux
«La planification des cash-flows exige
une connaissance préalable de la législation
en matière de baux et loyers.»
considérés. La probabilité de vacance
est d’autant plus grande que le niveau
du loyer à l’échéance du bail est élevé
par rapport aux loyers offerts sur le
marché pour des objets similaires.
Cette situation se pose avec beaucoup
d’acuité pour les locaux commerciaux,
les bureaux et les appartements de haut
standing. A l’inverse, certains loge-
plusieurs années ces travaux, voire de
renoncer à les entreprendre. Dans ce
dernier cas, l’état de l’immeuble se dégrade au cours du temps.
Les encaissements découlant de la possession d’un immeuble sont composés
des loyers, des subventions éventuelles
et de produits divers (p. ex. les recettes
Tableau 4
Nombre de mois avec loyers connus (extrait)
(loyers annuels en milliers de CHF)
Durée
N°
restante
app. du bail
....
10
11
12
13
14
....
....
25
11
37
6
49
....
Loyer
annuel
1
2
3
4
5
…
10
....
15
24
13
8
13
....
....
12
11
12
6
12
....
....
12
–
12
–
12
....
....
1
–
12
–
12
....
....
–
–
1
–
12
....
....
–
–
–
–
1
....
...
–
–
–
–
–
....
...
–
–
–
–
–
....
328
357
111
41
13
1
–
–
349
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Nabil Aziz, André Bender, Martin Hoesli, Evaluation immobilière par les DCF
Tableau 5
Loyers connus (extrait)
(en milliers de CHF)
Durée
N°
restante
app. du bail
(en mois)
....
10
11
12
13
14
....
Total
....
25
11
37
6
49
....
Loyer
annuel
1
2
3
4
5
…
10
....
11
12
2
2
6
....
....
11
11
2
1
6
....
....
11
–
2
–
6
....
....
1
–
2
–
6
....
....
–
–
0
–
6
....
....
–
–
–
–
1
....
....
–
–
–
–
–
....
....
–
–
–
–
–
....
307
245
72
22
7
1
–
–
de la buanderie). Dans la plupart des
cas, la planification financière porte sur
un horizon-temps d’une dizaine d’années, ce qui implique l’estimation d’une
valeur terminale à la fin de la dernière
année de la prévision. Nous discuterons
la problématique de l’estimation de la
valeur terminale à la section 5. Ciaprès, nous examinerons tout d’abord
quelques aspects posés par l’estimation
des loyers, en distinguant la période
jusqu’à l’échéance des baux et celle
après l’échéance, puis la problématique
on peut alors, à partir du loyer actuel,
estimer les loyers connus jusqu’à
l’échéance des baux. Le tableau 5
contient les loyers assurés pour un certain nombre de locaux en supposant
que les loyers sont fixes jusqu’à l’échéance des baux. Dans la réalité, les tableaux que nous présentons dans cet
article contiennent quelques colonnes
additionnelles pour notamment indiquer l’affectation des locaux, l’échéance exacte des baux, l’étage et le nom
du locataire.
«Une variation des charges d’exploitation
constitue également un facteur de hausse
ou de baisse des loyers.»
de la subvention. Les produits divers
sont très marginaux et ne font pas l’objet de cet article.
3.2 Loyers jusqu’à l’échéance
des baux
Il convient tout d’abord de connaître
l’échéance des baux de toutes les surfaces louées de l’immeuble. On peut
alors construire un tableau qui indique
le nombre de mois avec les loyers
connus pour chaque année de la prévision (cf. tableau 4) [3]. En tenant
compte des caractéristiques des baux,
350
Les loyers connus sont en réalité des
loyers promis et sont par conséquent
soumis au risque d’insolvabilité des locataires. Ce type de risque dépend du
type de locaux et de la conjoncture. La
modélisation de ce risque s’effectue le
plus souvent en considérant le taux historique des impayés.
3.3 Loyers après l’échéance
des baux
La planification des loyers après
l’échéance des baux est complexe et
des hypothèses par trop simplificatrices
peuvent conduire à des écarts importants entre les montants prévus et les
montants effectifs. A l’insolvabilité des
locataires évoquée plus haut, s’ajoute
tout d’abord le risque de logements vacants pendant un certain nombre de
mois. En effet, ce risque survient si des
locataires quittent les locaux à la fin du
bail et il dépend fortement des conditions du marché. Contrairement à une
idée très répandue, certaines habitations subventionnées subissent aussi ce
risque de vacance lié à des loyers trop
élevés: c’est le cas notamment, après
quelques années d’exploitation, des immeubles chers construits avec des subventions maximales.
La difficulté majeure concerne surtout
le niveau des loyers. Plusieurs cas de figure se présentent. Lorsque le locataire
renouvelle le bail, une adaptation des
loyers peut être envisagée, mais le locataire peut contester la hausse et il
existe par conséquent une incertitude
quant au niveau du loyer futur. En cas
de changement de locataire, l’incertitude peut être sensiblement plus
grande, en particulier si la hausse envisagée des loyers est très forte, même si
elle est motivée par une adaptation des
loyers aux conditions du marché. Une
attention toute particulière doit être
portée aux adaptations de loyers consécutives à des rénovations d’appartements effectuées suite au départ de locataires. La législation en matière de
protection des locataires doit être clairement prise en compte (législation fédérale et cantonale). Enfin, il peut exister une divergence assez grande entre
les propriétaires et les locataires en matière de rénovations et de grands travaux: les premiers désirant maintenir
l’immeuble en excellent état, mais en
adaptant les loyers suite aux dépenses
encourues, et les seconds souhaitant
surtout renouveler les baux en maintenant les loyers aussi bas que possible.
Il existe des méthodes statistiques pour
tenir compte des risques associés au
niveau des loyers annuels après
l’échéance des baux. On essaie alors de
fixer des probabilités de survenance
des différents loyers possibles, mais
cela devient rapidement très fastidieux
car on doit estimer les loyers de plusieurs années, sachant de surcroît que le
L’Expert-comptable suisse 5/05
IMMOBILIER
Nabil Aziz, André Bender, Martin Hoesli, Evaluation immobilière par les DCF
Tableau 6
Loyers théoriques après l’échéance des baux (extrait)
(en milliers de CHF)
Durée
N°
restante
app. du bail
Loyer
annuel
Loyer
de marché
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
3
60
....
–
25
–
9
–
....
3
60
....
17
25
–
9
–
....
3
60
....
19
26
18
10
–
....
3
60
....
20
26
20
10
18
....
3
60
....
20
27
20
10
20
....
3
60
....
20
27
20
10
20
....
3
60
....
21
28
21
10
21
....
3
60
....
21
28
21
11
21
....
3
60
....
22
29
22
11
22
....
Taux inflation en %
Indexation des loyers en %
....
....
....
10
25
15
11
11
24
12
37
13
13
6
8
14
49
13
....
....
....
....
18
24
18
9
18
....
3
60
....
–
2
–
5
–
....
23
24
....
....
22
22
....
–
–
....
12
12
....
22
22
....
22
22
....
22
22
....
22
22
....
25
25
....
26
26
....
26
26
....
27
27
....
328
418
59
265
374
425
452
461
474
483
491
500
Total
0
0
....
Note: les appartements 23 et 24 sont créés dans les combles en t=1 et t=2
loyer d’une année est dépendant de
celui de l’année précédente. La méthode utilisable en la matière est la méthode dite de Monte-Carlo [4].
Pour la complétude de l’exemple, nous
allons supposer qu’à l’échéance des
baux, les loyers sont adaptés aux loyers
du marché, notamment en tenant
compte de l’inflation (cf. tableau 6). Les
dans la planification des loyers après
l’échéance des baux. Une prévision
trop optimiste fondée sur des loyers actuels élevés avec des baux très courts
peut conduire à une estimation très
exagérée de l’immeuble. L’investisseur
qui achèterait dans ces conditions
payerait un prix surfait et obtiendrait
une rentabilité immobilière qui pourrait se révéler désastreuse. De tels cas
«En ce qui concerne l’adaptation des loyers,
la législation fédérale actuelle, qui touche tant
les loyers libres que les loyers contrôlés, autorise
l’adaptation des loyers soit selon la méthode
relative soit selon la méthode absolue.»
loyers théoriques sont ensuite rajoutés
aux loyers promis. De plus, nous maintenons un taux d’impayés de 1% et faisons l’hypothèse que les loyers vacants
représentent 2,5% des loyers théoriques après l’échéance des baux.
sont assez fréquents pour des immeubles commerciaux et de bureaux,
mais également pour des immeubles
résidentiels.
Une fois encore, on doit insister sur la
nécessité de bien examiner les caractéristiques des contrats et être prudent
Pour les immeubles qui font l’objet
d’une aide à la pierre, comme c’est le
cas dans de nombreux cantons, les en-
L’Expert-comptable suisse 5/05
3.4 Subventions
caissements comprennent à la fois les
loyers payés par les locataires et les
aides octroyées par l’Etat. Ces aides
faisant l’objet de lois et d’ordonnances,
il est aisé de calculer les montants qui
seront encaissés au cours de l’horizontemps considéré. A Genève, par
exemple, pour les habitations destinées
aux personnes à revenu modeste
(HLM), la subvention, qui à l’origine
ne peut pas excéder 5% des 80% de la
valeur de l’immeuble selon la loi (en
pratique actuellement, 1,3% à 1,5%
des 80% de la valeur de l’immeuble),
est fixe pendant quatre ans, puis elle diminue d’un neuvième tous les deux ans
lorsque l’aide est accordée sur une période de 20 ans. La dégressivité des subventions est compensée par une augmentation des loyers. Dans le cas genevois, le rendement des fonds propres
est de plus assuré pendant toute la période du subventionnement: 5,5%, 6%
et 7% pour des financements par fonds
propres de respectivement 100%, 40%
et 20% (ces taux fixés par l’Administration n’ont pas été révisés depuis
longtemps malgré la fluctuation des
taux hypothécaires). Toutefois, ces taux
de rendement garantis sont calculés en
excluant parfois certains éléments de
coût, comme le supplément de prix au
m2 payé pour le terrain par rapport à un
351
IMMOBILIER
Nabil Aziz, André Bender, Martin Hoesli, Evaluation immobilière par les DCF
prix accepté par l’Etat, des intérêts intercalaires ou des dépassements de
coûts lors de la construction.
A l’issue de la période de subventionnement, le système de fixation des
loyers est celui des loyers libres dont
les contraintes restent plus ou moins
fortes. La planification des loyers est
donc très facile en début de période,
mais elle va se poser avec d’autant plus
d’acuité que l’on se trouve près de la
sortie du subventionnement. Cela est
d’autant plus vrai lorsque, pour maintenir des loyers bas, l’immeuble n’a pas
fait l’objet des rénovations qu’aurait
exigé une bonne gestion.
Tableau 7
Durée de vie selon l’Union suisse des fiduciaires immobilières
(SVIT)
Selon la SVIT, les parties suivantes de la construction seront remplacées lors d’une
rénovation partielle ou totale:
Rénovation partielle tous les 12–13 ans:
Appareils tels que cuisinière, réfrigérateur, four, hotte d’aspiration, lave-vaisselle,
lave-linge, sèche-linge
Robinetterie
Serrures, plans de fermeture
Revêtements de parois et de sols en textiles et plastique
Travaux de peinture intérieure
Travaux de peinture extérieure aux endroits exposés (boiseries extérieures tous
les 5–10 ans)
Rénovation totale tous les 25 ans:
4. Charges opérationnelles
et dépenses de rénovation
activées
Les charges opérationnelles comprennent toutes les charges propres à l’immeuble telles que la conciergerie, les
assurances, l’eau, l’électricité, les contrats d’entretien, les honoraires de gérance, d’éventuels impôts fonciers et les
dépenses d’entretien. La plupart de ces
dépenses dépendent de contrats et leur
estimation est relativement aisée. Dans
la phase de planification, il nous paraît
essentiel de procéder à une analyse critique de l’importance relative de ces
charges par rapport à l’état locatif et
par rapport à une première estimation
de la valeur de l’objet. Comme on l’a
déjà dit, le benchmarking peut fournir
des indications utiles pour ce type
d’analyse.
Tous les éléments de la rénovation partielle
Conduites sanitaires d’alimentation et d’évacuation (conduites d’eau et canalisations) y compris appareils sanitaires (baignoires, éviers, lavabos) et conduites de
gaz
Equipements de cuisine
Installations de chauffage
Mesures techniques d’amélioration concernant l’énergie
Installations électriques (au moins adaptation aux nouvelles prescriptions de sécurité et d’installation)
Enveloppe du bâtiment: peinture extérieure, éventuellement isolation, toits plats,
toits de tuiles (révision, éventuellement nouvelle couverture, isolation des locaux
sous toit, etc.), fenêtres, ferblanterie, environnement, accès, portes extérieures et
portails
et les dépenses d’entretien. Cette distinction est assez floue car certaines rénovations, dites à «plus-value», sont en
réalité des travaux d’entretien. De plus,
les dépenses considérées à plus-value
sont mal définies dans la législation en
vigueur. Ainsi à Genève, par exemple,
«La planification des loyers après l’échéance
des baux est complexe et des hypothèses
par trop simplificatrices peuvent conduire
à des écarts importants entre les montants prévus
et les montants effectifs.»
La principale difficulté concerne la détermination des dépenses de rénovation (part améliorations à plus-value,
part maintien en l’état de l’immeuble)
352
dans un immeuble locatif standard, le
coût moyen d’une rénovation complète
se situe actuellement entre CHF 40 000
et CHF 80 000 par appartement et la
part considérée comme investissement
à plus-value se situe entre 50 et 70%.
Les dépenses qui découlent de la réfection des locaux vont apparaître le plus
souvent au moment du départ d’un locataire, c’est-à-dire à une date incertaine. D’autres dépenses sont plus faciles à planifier, telles que la rénovation
des façades et de la toiture ou la réfection des cages d’escalier. Du point de
vue du propriétaire et dans la mesure
où les loyers peuvent être adaptés, il est
évidemment préférable de comptabiliser le plus possible les dépenses de rénovation directement dans les charges,
c’est-à-dire de les considérer comme
des dépenses d’entretien. Si cette solution n’est pas autorisée, un amortissement sera effectué sur une période de
10 à 15 ans selon le type de travaux.
Pour la prévision des dépenses d’entretien, de rénovation et pour les grands
travaux, il faut recourir aux compéL’Expert-comptable suisse 5/05
IMMOBILIER
Nabil Aziz, André Bender, Martin Hoesli, Evaluation immobilière par les DCF
tences des architectes. Cette collaboration est essentielle également pour
poser l’hypothèse appropriée concernant l’état de l’immeuble à la fin
de l’horizon-temps choisi. De nombreuses organisations, comme l’Association suisse des propriétaires (SHEV),
l’Association suisse des locataires
(ASLOCA), l’Union suisse des fiduciaires immobilières (SVIT) ou l’Assurance immobilière du canton de Berne,
éditent des tableaux concernant la
durée de vie des différentes composantes d’un immeuble. Le tableau 7
contient, à titre d’illustration, les durées retenues par la SVIT. En utilisant
ces durées, des méthodes d’évaluation rapide, telles que MERIP ou
EPIQR [5], permettent de chiffrer les
travaux à entreprendre au cours de
l’horizon-temps de la prévision. D’autres logiciels permettent de planifier les
montants des investissements additionnels durant l’horizon-temps de la
prévision.
Outre l’usure matérielle (obsolescence
technique), il convient de ne pas oublier que les immeubles peuvent également souffrir d’une obsolescence fonctionnelle liée à l’évolution des exigences de confort ainsi que d’obsolescence
économique due aux changements
Tableau 8
Tableau récapitulatif
(en milliers de CHF)
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
Taux d’inflation en %
Indexation des loyers en %
Taux d’impôt sur les revenus en %
3
60
0
3
60
0
3
60
0
3
60
0
3
60
0
3
60
0
3
60
0
3
60
0
3
60
0
3
60
0
Loyers connus (cf. tableau N o 5)
Loyers théoriques (cf. tableau N o 6)
245
59
72
265
22
374
7
425
1
452
–
461
–
474
–
483
–
491
–
500
Etat locatif
Impayés (1% de l’état locatif)
Vacants (2,5% des loyers théoriques)
Subventions
Divers
304
–3
–1
–
–
338
–3
–7
–
–
396
–4
–9
–
–
432
–4
–11
–
–
452
–5
–11
–
–
461
–5
–12
–
–
474
–5
–12
–
–
483
–5
–12
–
–
491
–5
–12
–
–
500
–5
–13
–
–
Total des produits
300
328
383
417
436
445
458
466
474
483
Conciergerie
Eau, électricité
Assurances
Honoraires de gérance
Impôt foncier
Entretien courant
Autres frais
9
7
6
15
4
10
3
9
7
6
17
4
11
12
9
7
6
19
5
11
12
10
8
6
21
5
11
12
10
8
7
22
5
12
12
10
8
7
22
6
12
12
11
8
7
23
6
12
12
11
9
7
24
6
13
13
11
9
7
24
6
13
13
12
9
8
24
6
13
13
Total des charges opérationnelles
54
66
70
74
76
78
80
81
83
85
246
262
313
343
360
367
378
384
391
398
–
–
–
–
–
–
–
–
–
–
Bénéfice avant intérêts et après impôt
246
262
313
343
360
367
378
384
391
398
Rénovation des surfaces louées
Création de 2 appartements dans les combles
Grands travaux
46
438
–
62
451
–
62
–
100
62
–
–
–
–
–
–
–
–
–
–
–
–
–
–
–
–
90
–
–
–
–238
–251
151
281
360
367
378
384
301
398
Bénéfice avant intérêts et avant impôt
Impôt
Cash-flow libre de l’immeuble (FCFP)
Valeur initiale
Frais d’acquisition (4%)
Valeur terminale
Frais de vente (2%)
Impôt sur le gain immobilier (10%)
–4930
–200
6660
–133
–100
–5130
L’Expert-comptable suisse 5/05
–238
–251
151
281
360
367
378
384
301 6824
353
IMMOBILIER
Nabil Aziz, André Bender, Martin Hoesli, Evaluation immobilière par les DCF
dans la demande pour un type d’immeuble donné dans un lieu donné.
5. Estimation de la valeur
terminale
La valeur terminale doit être estimée
dans tous les cas, car la période de prévision est limitée dans le temps. Elle est
généralement calculée avant impôt,
puis on retranche l’éventuel impôt sur
les gains immobiliers pour obtenir
une valeur terminale après impôt, de
laquelle il faut encore déduire les frais
de vente. La valeur terminale influence
sensiblement l’estimation de la valeur
d’un bien aujourd’hui. En rallongeant
l’horizon-temps de la planification,
par exemple à 20 ans, on réduit d’autant cet impact, ce qui peut s’avérer
utile pour des biens nécessitant de gros
investissements additionnels entre la
dixième et la vingtième année.
D’un point de vue théorique, la valeur
terminale avant impôt à la fin de l’horizon-temps retenu (VTN) correspond à
la valeur actualisée des free cash-flows
de l’immeuble, de la première année
après l’horizon-temps de la prévision
jusqu’à l’infini en utilisant comme taux
d’actualisation – c’est la solution la plus
courante – le coût moyen pondéré du
capital. Par analogie au calcul de la valeur d’une action fondée sur les flux de
dividendes à l’infini, dividend discount
model (DDM), on a dans le cas d’un immeuble:
VTN =
FCFPN+1
WACC – g
où:
FCFPN+1: cash-flow libre de l’immeuble pour l’année N+1
WACC: coût moyen pondéré
du capital
g:
taux de croissance annuel
constant du FCFP de N+1
à l’infini.
Le cash-flow libre pour l’année N+1
doit correspondre à un résultat normalisé. En d’autres termes, il faut éviter
d’appliquer le taux de croissance au
cash-flow de l’année N, car ce dernier
dépend trop de décisions prises au
354
cours de ladite année, notamment en ce
qui concerne les dépenses d’entretien
et de rénovations. Il est essentiel d’établir un compte de résultat normalisé,
autrement dit établi en considérant des
conditions normales d’exploitation de
l’immeuble. De plus, il ne faut pas oublier de tenir compte d’une épargne annuelle moyenne nécessaire pour financer les rénovations et les grands travaux
que requiert le maintien en l’état de
l’immeuble. D’un point de vue comptable, il s’agit de créer une provision appropriée pour gros travaux.
rendement brut à la fin de l’horizontemps est exactement égal au WACC
plus 2%, soit un rendement par définition tout-à-fait acceptable pour les professionnels. En capitalisant un loyer de
CHF 510 000 par le rendement brut
exigé de 7,5%, on obtient CHF 6 800 000.
Le même montant peut être déterminé
en capitalisant le bénéfice avant intérêts et impôt au (WACC – g) de 5,5%
et en posant le montant des charges
opérationnelles égal à 0,02 x 6 800 000 =
136 000. On a bien (510 000 – 136 000)/
0,055 = 6 800 000. Les résultats parais-
«Il existe des méthodes statistiques pour tenir
compte des risques associés au niveau des loyers
annuels après l’échéance des baux.»
Le taux de croissance g a un impact important sur la valeur terminale et son
estimation est difficile. En considérant
par exemple un cash-flow libre en N+1
de CHF 600 000 et un WACC de 5%, on
obtient respectivement pour des taux
de croissance de 0%, 2% et 3% une valeur terminale de CHF 12 millions,
20 millions et 30 millions. Même si une
croissance plus forte est possible sur le
court terme, la borne supérieure pour g
applicable sur un cash-flow normalisé
est donnée par le taux d’inflation. Dans
la réalité, ce taux est certainement plus
bas pour la majorité des immeubles car
la législation limite fortement l’adaptation des loyers au taux d’inflation. Les
professionnels retiennent souvent un
taux de croissance égal à zéro. Avec
cette hypothèse et en utilisant des flux
nominaux, on admet que le cash-flow
ne pourra pas croître en fonction de
l’inflation, ce qui signifie implicitement
que la qualité de l’immeuble, et par
conséquent sa valeur, vont diminuer au
cours du temps.
Dans la plupart des cas, l’hypothèse
d’un taux de croissance égal à zéro est
excessive, mais elle permet toutefois
d’obtenir une estimation réaliste de
l’immeuble. En effet, il faut bien voir
que si le montant des charges, y compris
la provision pour rénovations, s’élève à
2% de la valeur terminale obtenue, le
sent cohérents parce que 5,5% est aussi
le rendement comptable exigé des actifs, étant donné que l’on pose g = 0. En
réalité, ces résultats ne sont cohérents
que si la valeur de l’immeuble reste
constante dès la fin de l’horizon-temps
de la prévision, même en présence d’inflation.
6. Synthèse et conclusion
Le tableau 8 contient l’ensemble des
cash-flows pour notre exemple. Nous
avons également considéré des frais de
vente et un impôt sur la plus-value. En
actualisant l’ensemble des flux au
WACC de 5,5% et en retranchant les
frais d’acquisition de CHF 200 000, on
obtient une valeur estimée de l’immeuble de CHF 4 930 000. Il est évident
que si l’on introduit dans les flux un
montant de –5 130 000, correspondant
au prix d’achat y compris les frais
d’achat, on obtient un taux de rendement interne (TRI) de 5,5%. Il en découle que le rendement brut en t= 0
est, pour le propriétaire actuel, de
304 000/4 930 000 = 6,17%. En retranchant 2% de charges, on obtient un rendement de l’actif de 4,17%, soit sensiblement moins que les 5,5% requis.
Ceci est dû dans notre cas à la forte
croissance des loyers au cours de la péL’Expert-comptable suisse 5/05
IMMOBILIER
Nabil Aziz, André Bender, Martin Hoesli, Evaluation immobilière par les DCF
riode, même sans tenir compte des
transformations et des grands travaux.
En rajoutant tous ces investissements à
la valeur initiale y compris les frais d’acquisition, on obtient un rendement brut
supérieur à 8% dès la 11ème année.
La relation entre le rendement de l’actif et le rendement exigé mérite un approfondissement. Le rendement exigé,
donné par le WACC, correspond par
définition au rendement de l’actif de la
première année plus le taux de croissance des cash-flows. C’est du reste ce
qui ressort de la formule présentée précédemment pour déterminer la valeur
terminale et souvent utilisée par les
professionnels. En la transformant, on
obtient:
WACC =
FCFPT+1
+g
VTN
Plus on prévoit une croissance élevée,
plus on peut se contenter, au moment
de l’achat, d’un rendement comptable
de l’actif faible. Encore faut-il que la
croissance se concrétise pour que le
rendement exigé se vérifie.
Les mauvais investissements immobiliers effectués au cours des années 1980
et les contraintes quant à la réalisation
de rendements annuels ont poussé
beaucoup d’institutionnels à exiger un
rendement de l’actif aussi près que possible du rendement exigé. En matière
d’évaluation par la méthode du DCF,
cela conduit à poser un taux de croissance égal à zéro lors du calcul de la valeur terminale. En effet, plus on choisit
un taux de croissance élevé et plus le
rendement de l’actif en t=0 est faible
et, par conséquent, le prix va être considéré comme trop élevé. Dans notre
exemple, en considérant une croissance de 1,5% lors du calcul de la valeur terminale, la valeur initiale y compris les frais d’acquisition passe à CHF
6 090 000, soit 19% de plus que le prix
obtenu avec un taux de croissance nul.
Le rendement brut tombe alors à
5,22% et le rendement de l’actif devient très faible.
En conclusion, l’évaluation des immeubles par l’approche du DCF doit
être utilisée avec une compréhension
claire des hypothèses qui sont faites
Der Schweizer Treuhänder 5/05
souvent de façon implicite. Comme il
ressort de notre exemple, il est facile
d’obtenir la valeur initiale recherchée
en ne changeant que modestement la
valeur des paramètres utilisés pour calculer la valeur terminale. La planification des flux constitue néanmoins une
tâche essentielle en matière de gestion
immobilière. Quant à la valeur initiale
obtenue, c’est celle qui permet à un investisseur d’obtenir une rentabilité correspondant au WACC utilisé et compte
tenu des hypothèses retenues dans la
planification. Le prix de vente possible
d’un immeuble donné pourra bien entendu s’écarter de cette valeur selon les
anticipations effectuées par les acheteurs potentiels. Si ces derniers sont
aussi des investisseurs institutionnels,
on peut supposer que la valeur obtenue
constitue une bonne estimation du prix
de vente car la prise en compte du taux
de croissance devrait être assez similaire. Durant certaines périodes, il peut
très bien exister des acheteurs privés
qui tiennent compte d’un taux de croissance de 1 à 2%. Ils seront alors prêts à
payer davantage que la valeur initiale
calculée en supposant une croissance
nulle, notamment si les conditions
d’emprunt sur le marché hypothécaire
sont attrayantes.
Notes
1 Pour une présentation de la méthode, voir
Bender et Hoesli (1999).
2 Voir Bender et Hoesli (2002).
3 Les montants sont arrondis au millier de CHF
le plus proche.
4 Une illustration de cette méthode est contenue dans Baroni, Barthélémy et Mokrane
(2001).
5 MERIP: Méthode d’Evaluation Rapide Impulse Program; EPIQR: Energy Performance
Indoor Environment Quality Retrofit.
Références
Baroni, M., F. Barthélémy et M. Mokrane, 2001,
«Volatility, Monte-Carlo simulations, and the use
of option pricing models in real estate», article
présenté au 8ème congrès annuel de la European
Real Estate Society, Alicante.
Bender, A. et M. Hoesli, 1999, «Indices et évaluation de l’immobilier», EC 9/99, pp. 817–823.
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ZUSAMMENFASSUNG
Immobilienbewertung mittels
DCF-Methode
Die Autoren untersuchen in ihrem
Artikel einige Grundvoraussetzungen zur Anwendung der DCF-Methode in der Immobilienbewertung.
Sie weisen dabei besonders auf die
Notwendigkeit hin, in der Planung
des jährlichen Cash-Flows die Laufzeiten der Mietverträge sowie die gesetzlichen und vertraglichen Zwänge
miteinzubeziehen. Die Ausgaben für
Renovationen und grössere Arbeiten
ihrerseits müssen unter Berücksichtigung des Gebäudezustands und der
verbleibenden Lebensdauer der Gebäudebestandteile terminiert werden.
Zuletzt befassen sich die Autoren mit
dem Einfluss der Ertragswachstumsraten nach dem Zeithorizont der Voraussage auf den Schätzwert der Immobilie. In diesem Zusammenhang
muss insbesondere beachtet werden,
dass der vom Besitzer verlangte Ertrag dem Ertrag der Aktiven im ersten Jahr, zuzüglich dieser Wachstumsrate, entspricht.
NA/AB/MH/CHW
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