L`existence des personnes physiques

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L`existence des personnes physiques
CHAPITRE 1
L’existence des personnes
physiques
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Plan. D’un point de vue juridique, une personne existe si elle a la personnalité juridique. D’un point de vue pratique, une personne existe – et a la
personnalité juridique – entre deux événements : sa naissance et sa mort
(Section 1). Au cours de cette période, il existe parfois des situations incertaines : l’absence et la disparition (Section 2).
SECTION I
Le début et la fin de l’existence des personnes
10
Plan. Si, à première vue, la naissance et la mort sont des faits instantanés
et facilement identifiables, il existe des cas où des précisions doivent être
apportées.
§ 1. La naissance
11
Naître vivant et viable. Il ressort de la combinaison des articles 318 et 725,
alinéa 1er, du Code civil que la naissance est la condition sine qua non de
l’acquisition de la personnalité juridique. Tant qu’il n’est pas né, l’enfant
n’a pas de personnalité juridique propre. Il est pars viscerum matris (un
morceau des entrailles de sa mère).
Néanmoins, le simple fait de naître ne suffit pas pour acquérir la personnalité juridique. Il faut naître vivant et viable.
Être vivant signifie que, à la naissance, l’enfant doit respirer complètement, les fonctions essentielles doivent être remplies. L’enfant mort-né ou
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décédé au cours de l’accouchement est considéré comme n’ayant jamais eu
la personnalité juridique.
Être viable consiste à avoir la capacité naturelle de vivre. L’enfant qui
naît vivant et qui décède quelques heures plus tard, car tous ses organes
n’étaient pas « opérationnels », n’est pas considéré comme viable. Il n’a pas
et n’a jamais eu la personnalité juridique. En revanche, un enfant qui naît
vivant et meurt peu après, par accident par exemple, a définitivement acquis la personnalité juridique, même si cela n’a duré que quelques minutes.
Maxime « infans conceptus » pour les enfants simplement conçus.
Le principe selon lequel il faut naître vivant et viable pour acquérir la personnalité juridique admet une exception. Selon la maxime infans conceptus
pro nato habetur quoties de commodis ejus agitur, l’enfant conçu doit être
tenu pour né, toutes les fois qu’il peut en retirer un avantage. Cela signifie
que s’il ne peut pas être tenu d’obligations, l’enfant simplement conçu
peut être titulaire de droits. Il peut faire l’objet d’une reconnaissance, bénéficier d’une donation, recueillir une succession… Cette extension de la
personnalité juridique est toutefois subordonnée à la naissance ultérieure.
Si l’enfant naît vivant et viable, les droits acquis lorsqu’il était simplement
conçu sont consolidés. Dans le cas contraire, ces droits ne produisent aucun
effet, comme s’ils n’avaient jamais existé. Des enfants simplement conçus
ont ainsi pu être comptabilisés pour fixer le montant d’une assurance-vie
souscrite par leur père, laquelle devait être majorée en fonction du nombre
d’enfants à charge vivant au foyer13 ; ou obtenir réparation pour le préjudice
d’affection qu’ils ont subi, in utero, du fait de l’accident ayant rendu leur
père paraplégique14.
Pour savoir à quel moment un enfant est conçu, le Code civil a recours
à deux présomptions.
D’abord, selon l’alinéa 1er de l’article 311, l’enfant est présumé avoir été
conçu pendant la période qui s’étend du trois centième au cent quatre-vingtième jour, inclusivement, avant la date de sa naissance. Cette période de
cent vingt et un jours est appelée la période légale de conception.
Ensuite, d’après le 2e alinéa de cet article, l’enfant est présumé avoir été
conçu « à un moment quelconque de cette période, suivant ce qui est demandé dans [son] intérêt » (omni meliore momento : au meilleur moment).
Pour appliquer la maxime « infans conceptus », il faut attendre que l’enfant
naisse ; calculer, en remontant entre trois cents et cent quatre-vingt jours
avant la naissance, la période légale de la conception ; puis vérifier si l’événement dont l’enfant doit tirer avantage est survenu pendant cette période.
Ces deux présomptions sont dites « simples ». Elles peuvent être combattues par la preuve contraire (art. 311 al. 3 C. civ.), généralement une
expertise biologique.
13Cass. 1re civ., 10 décembre 1985, Bull. civ. I, n° 339. Désormais, l’article L. 132-8 alinéa 3 du Code
des assurances admet qu’il est possible de conclure des contrats d’assurance-vie au profit d’enfants
à naître.
14 TGI Niort, 17 septembre 2012, RG n° : 11/01855.
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Atteinte à un embryon ou un fœtus ou à un ovocyte
E1­
E1
Selon le Comité consultatif national d’éthique, l’embryon est une « personne humaine potentielle »15
qui ne peut en aucun cas être considérée comme
un « déchet hospitalier »16. L’ embryon (jusqu’à environ deux mois de grossesse) et le fœtus (ensuite)
sont-ils alors de « véritables » personnes ? Que se
passe-t-il s’il leur est porté atteinte ?
Homicide ou blessures sur un fœtus
À la suite d’accidents subis par des femmes enceintes, provoquant la perte de l’enfant à naître, la
question s’est posée de savoir si le fait de causer
la mort d’un fœtus pouvait être qualifié d’homicide (volontaire ou involontaire). Pour répondre,
il a fallu déterminer si le fœtus était considéré
comme une chose ou comme un être humain,
titulaire à ce titre de la personnalité juridique,
puisqu’il ne peut pas y avoir d’homicide contre
les choses mais seulement contre les personnes.
Selon la maxime « infans conceptus », l’enfant
peut être tenu pour né toutes les fois qu’il y va
de son intérêt. Un enfant a-t-il alors intérêt à faire
condamner celui qui l’a empêché de naître ?
Depuis 2001, la Cour de cassation répond
par la négative, au motif que le fœtus ne jouit
pas de la personnalité juridique17. En revanche,
si une mère, enceinte de huit mois lors de l’accident, accouche et que le nouveau-né décède
une heure après des suites des lésions subies
lors de l’accident, il y a homicide involontaire
car l’enfant est né vivant et viable et a acquis la
personnalité juridique avant de mourir.18 Selon
le même raisonnement, les dommages causés
à un fœtus, né vivant mais handicapé, peuvent
être sanctionnés sur le fondement des coups et
blessures involontaires19.
En 2004, la Cour européenne des droits de
l’homme, interrogée sur la question de savoir si
le fœtus était une personne, a « répondu » qu’il
n’était pas possible de répondre à la question.
Elle a déclaré que le point de départ du droit à
la vie relevait de l’appréciation de chaque État
et que c’était la potentialité de cet être et sa ca-
pacité à devenir une personne qui devaient être
protégées au nom de la dignité humaine, sans
pour autant en faire une personne qui aurait un
droit à la vie, au sens de l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme20. La
question du statut juridique de l’embryon est en
effet très délicate. On ne peut pas, d’un côté,
estimer que l’embryon est une personne à part
entière et le protéger et, d’un autre côté, autoriser sa conception in vitro, sa congélation, son
transfert… sa destruction, à la suite d’une interruption volontaire de grossesse ou lorsqu’un
couple ne souhaite plus bénéficier d’une assistance médicale à la procréation.
Destruction accidentelle d’ovocytes
Dans une affaire où un couple demandait réparation pour la destruction, par erreur, d’ovocytes
fécondés et congelés leur appartenant, le tribunal
administratif d’Amiens a déclaré que les ovocytes surnuméraires n’étaient pas des personnes
et que les époux ne pouvaient « se prévaloir de
l’existence d’un préjudice moral résultant selon
eux de la perte d’êtres chers »21. Cependant, les
juges accordèrent à ces derniers 10 000 euros de
dommages et intérêts pour réparer « les troubles
divers dans les conditions d’existence qu’ils ont
subis à l’occasion de cet incident ».
En appel, la Cour de Douai a totalement rejeté la demande des époux. D’une part, comme
le tribunal, elle a estimé que les embryons ne
constituaient pas des êtres humains ou des produits humains ayant le caractère de chose sacrée. D’autre part, contrairement aux premiers
juges, les magistrats ont estimé que le préjudice
né de la perte d’embryons par un établissement
de santé n’était pas un préjudice indemnisable,
en l’absence de projet parental du couple les
ayant perdus. En effet, en l’espèce, les parents
ne démontraient pas que l’incident était pour
eux à l’origine d’une perte de chance d’être parents ou de difficultés pour mener une nouvelle
assistance médicale à la procréation22.
15 Avis n° 3 du 23 octobre 1984 sur les problèmes éthiques nés des techniques de reproduction artificielle.
16 Avis n° 89 du 22 septembre 2005 à propos de la conservation des corps des fœtus et enfants mortnés.
17 Cass. ass. plén., 29 juin 2001, Bull. civ., n° 8. Voir également : Cass. crim., 25 juin 2002, Bull. crim.,
n° 144 ; Cass. crim., 4 mai 2004, Bull. crim., n° 108.
18 Cass. crim., 2 décembre 2003, Bull. crim., n° 230.
19 Cass. crim., 2 octobre 2007, Bull. crim., n° 234.
20 CEDH, 8 juillet 2004, n° 53924/00, D. 2004, p. 2456.
21 TA Amiens, 9 mars 2004, D. 2004, p. 1051.
22 CAA Douai, 6 décembre 2005, D. 2006, p. 180.
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§ 2. La mort
13
Constat. La mort est le seul fait pouvant mettre un terme à la personnalité
juridique. Son moment doit donc être précisément déterminé. En pratique,
le décès est constaté par un médecin, généralement au domicile du défunt
ou en milieu hospitalier. L’article R. 1232-1 Code de la santé publique précise que si une personne présente un arrêt cardiaque et respiratoire persistant, le constat de la mort ne peut être établi que si les trois critères
cliniques suivants sont simultanément présents :
– absence totale de conscience et d’activité motrice spontanée ;
– abolition de tous les réflexes du tronc cérébral ;
– absence totale de ventilation spontanée.
En complément de ces trois critères, l’article R. 1232-2 du même code
dispose qu’il est recouru, pour attester du caractère irréversible de la destruction encéphalique :
– soit à deux électroencéphalogrammes nuls et aréactifs effectués à un intervalle minimal de quatre heures, réalisés avec amplification maximale
sur une durée d’enregistrement de trente minutes et dont le résultat est
immédiatement consigné par le médecin qui en fait l’interprétation ;
– soit à une angiographie objectivant l’arrêt de la circulation encéphalique
et dont le résultat est immédiatement consigné par le radiologue qui en
fait l’interprétation.
E2­
E1
Euthanasie et soins palliatifs
Si elle relève en principe de la médecine, la mort
pose parfois des problèmes moraux ou éthiques.
Il en est ainsi avec l’euthanasie, l’acharnement
thérapeutique et les soins palliatifs. L’ euthanasie est l’acte (c’est-à-dire un agissement volontaire) qui provoque la mort. Elle vise à abréger
les souffrances ou l’agonie d’un malade incurable. Elle se distingue de l’acharnement thérapeutique qui consiste en des thérapies actives,
pour maintenir ou prolonger la vie d’un patient,
ainsi que des soins palliatifs qui, contrairement
aux thérapies actives, tentent de soulager le patient en laissant la mort venir à son heure.
Parmi ces trois hypothèses, l’euthanasie
est celle qui fait le plus débat. D’un côté, certains font valoir que chacun est libre de mourir
comme il le souhaite ; que les êtres humains ont
droit à la dignité et, donc, de demander à ce qu’il
soit mis fin à d’intolérables souffrances ; que les
patients, conscients, ont le droit de refuser des
soins et que l’acharnement thérapeutique, l’obstination déraisonnable, dégrade l’homme. D’un
autre côté, il est possible d’arguer qu’il ne s’agit
pas d’une affaire privée mais de société ; que
la mission d’un médecin est de soigner et non
de donner la mort ; qu’à défaut de volonté clairement exprimée par le patient conscient, des
héritiers cupides peuvent vouloir accélérer le
moment de sa mort.
En 2002, la Cour européenne des droits de
l’homme a refusé de condamner la Grande-Bretagne qui continuait d’interdire l’euthanasie23.
Trois ans plus tard, à la suite de l’affaire Humbert, largement médiatisée, le législateur a
adopté la loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie. Désormais, l’article L. 1110-5 du Code de la santé
publique dispose :
« Toute personne a, compte tenu de son état
de santé et de l’urgence des interventions que
celui-ci requiert, le droit de recevoir les soins les
plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées. Les
actes de prévention, d’investigation ou de soins
23 CEDH, 29 avril 2002, arrêt « Pretty », JCP 2003, II, 10062.
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ne doivent pas, en l’état des connaissances médicales, lui faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté.
Ces actes ne doivent pas être poursuivis par
une obstination déraisonnable. Lorsqu’ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n’ayant
d’autre effet que le seul maintien artificiel de la
vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être
entrepris. Dans ce cas, le médecin sauvegarde
la dignité du mourant et assure la qualité de
sa vie en dispensant les soins visés à l’article
L. 1110-10 (soins palliatifs24). (…)
Les professionnels de santé mettent en
œuvre tous les moyens à leur disposition pour
assurer à chacun une vie digne jusqu’à la mort.
Si le médecin constate qu’il ne peut soulager la
souffrance d’une personne, en phase avancée
ou terminale d’une affection grave et incurable,
quelle qu’en soit la cause, qu’en lui appliquant
un traitement qui peut avoir pour effet secondaire d’abréger sa vie, il doit en informer le
malade (…), la personne de confiance visée à
l’article L. 1111-6, la famille ou, à défaut, un des
14
proches. La procédure suivie est inscrite dans le
dossier médical. »
Le législateur a ainsi tenté de trouver un
compromis. Si l’euthanasie, c’est-à-dire l’administration de substances létales, reste interdite
et même pénalement répréhensible (art. 221-5
C. pen.), il est désormais possible d’administrer
un traitement antidouleur, même si celui-ci a
pour effet secondaire « d’abréger la vie », ce
qui revient à donner la mort, et le personnel
soignant est dissuadé de poursuivre les soins
avec une obstination déraisonnable. Dans tous
les cas, chaque patient, en fin de vie ou pas,
peut décider de limiter ou arrêter tout traitement
(art. L. 1111-4 CSP) et rédiger des directives
anticipées pour le cas où il serait un jour hors
d’état d’exprimer sa volonté. Ces directives indiquent les souhaits de la personne relatifs à sa
fin de vie, concernant les conditions de la limitation ou l’arrêt de traitement. Elles sont valables
pendant trois ans et révocables à tout moment
(art. L. 1111-11 CSP).
Effets. La mort marque la fin de la personnalité juridique. Le défunt n’est
plus titulaire de droits ou d’obligations. Il (en réalité ses héritiers) ne peut
plus, par exemple, agir pour faire respecter son droit au respect de sa vie
privée25. Néanmoins, le respect dû à la personne humaine ne cesse pas de
s’appliquer. Comme il peut accorder des décorations à titre posthume, le
droit sanctionne l’outrage à la mémoire des morts ou l’atteinte à l’intégrité
du cadavre. Il y a donc lieu de respecter la volonté et le corps du défunt.
D’une part, même si le défunt n’a plus de droits, sa volonté peut produire des effets après sa mort. Selon l’article 3 de la loi du 15 novembre
1887 sur la liberté des funérailles, « Tout majeur ou mineur émancipé, en
état de tester, peut régler les conditions de ses funérailles, notamment en ce
qui concerne le caractère civil ou religieux à leur donner et le mode de sa
sépulture. Il peut charger une ou plusieurs personnes de veiller à l’exécution
de ses dispositions. Sa volonté, exprimée dans un testament ou dans une
déclaration faite en forme testamentaire, soit par-devant notaire, soit sous
signature privée, a la même force qu’une disposition testamentaire relative
aux biens, elle est soumise aux mêmes règles quant aux conditions de la
révocation. ». Ce principe est repris dans l’article 895 du Code civil, à propos du droit des successions, et l’article 433-21-1 du Code pénal dispose
« Toute personne qui donne aux funérailles un caractère contraire à la volonté du défunt ou à une décision judiciaire, volonté ou décision dont elle a
24 Art. L. 1110-10 CSP « Les soins palliatifs sont des soins actifs et continus pratiqués par une équipe
interdisciplinaire en institution ou à domicile. Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage. ».
25Voir infra § 139 et § 146. LARCIER
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connaissance, sera punie de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros
d’amende. »
D’autre part, même si le cadavre devient une chose, le droit lui accorde
une protection particulière. Un médecin a par exemple été sanctionné pour
avoir pratiqué une opération sur un sujet en état de mort cérébrale, maintenu en survie somatique, sans l’accord de ce dernier ou de ses proches26.
Une municipalité a également été condamnée pour avoir vidé une sépulture
de sa dépouille et pour avoir placé celle-ci dans un ossuaire, de sorte qu’elle
a été mélangée avec d’autres dépouilles sans pouvoir être à nouveau individualisée27. De même, il a été jugé, à propos d’une exposition intitulée « our
body, à corps ouvert », que si le caractère inviolable du corps humain n’exclut pas l’utilisation des cadavres à des fins scientifiques ou pédagogiques,
il met obstacle, en revanche, à la tenue d’une exposition organisée avec des
corps dont il n’est pas démontré qu’ils aient une origine licite et dont il n’est
pas sûr que leur exposition publique ait été autorisée par les personnes
habilitées à y consentir. Les hauts magistrats ont énoncé « qu’aux termes
de l’article 16-1-1, alinéa 2, du code civil, les restes des personnes décédées
doivent être traités avec respect, dignité et décence », or « l’exposition de
cadavres à des fins commerciales méconnaît cette exigence »28.
Funérailles
E3­
Les funérailles peuvent consister en une inhumation ou une crémation. La cryogénisation, en
revanche, est interdite.
Inhumation
Selon l’article L. 2223-3 du Code général des
collectivités territoriales, « La sépulture dans un
cimetière d’une commune est due :
1° Aux personnes décédées sur son territoire,
quel que soit leur domicile ;
2°Aux personnes domiciliées sur son territoire, alors même qu’elles seraient décédées dans une autre commune ;
3°Aux personnes non domiciliées dans la
commune mais qui y ont droit à une sépulture de famille ;
4° Aux Français établis hors de France n’ayant
pas une sépulture de famille dans la commune et qui sont inscrits sur la liste électorale de celle-ci. »
Les communes peuvent accorder des
concessions temporaires, de quinze, trente ou
cinquante ans, ou des concessions perpétuelles
(art. L. 2223-14 CGCT).
Selon l’article L. 2223-9 du Code général
des collectivités territoriales, « Toute personne
peut être enterrée sur une propriété particulière, pourvu que cette propriété soit hors de
l’enceinte des villes et des bourgs et à la distance prescrite. ». En revanche, d’après l’article
L. 2223-10 du même code, « Aucune inhumation ne peut avoir lieu dans les églises, temples,
synagogues, hôpitaux, chapelles publiques, et
généralement dans aucun des édifices clos et
fermés où les citoyens se réunissent pour la
célébration de leurs cultes, ni dans l’enceinte
des villes et bourgs. » La jurisprudence a précisé que lorsqu’une sépulture a été installée
sur un terrain, le fait que celui-ci soit vendu à
des personnes sans liens familiaux avec les défunts enterrés n’affecte pas le droit d’usage et
de jouissance des descendants de ces derniers.
Même s’ils vendent le terrain, les descendants
ne peuvent pas être considérés comme ayant
26 CE, 2 juillet 1993, arrêt « Milhaud », D. 1994, Jurisp. p. 74. Désormais, l’article L. 1121-14 du
Code de la santé publique dispose « Aucune recherche biomédicale ne peut être effectuée sur une
personne décédée, en état de mort cérébrale, sans son consentement exprimé de son vivant ou par
le témoignage de sa famille. »
27 TGI Lille 10 novembre 2004, D. 2005. Jurisp. p. 930.
28 Cass. 1re civ., 16 septembre 2010, Bull. civ. I, n° 174.
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renoncé à leur droit sur la sépulture. Celle-ci,
incessible et inaliénable, est réservée de droit
et l’indifférence, même prolongée, est sans effet. « Le droit d’usage et de jouissance attaché à
une sépulture est insusceptible de prescription
comme étant hors du commerce »29.
Crémation
La crémation, de plus en plus répandue, a posé
quelques problèmes. La mobilité des urnes, permettant de les confier à toute personne ayant
qualité pour procéder à la crémation et de les
conserver en tous lieux, y compris privés, a
soulevé des difficultés lorsque le défunt avait
eu deux familles ou une famille « désunie ». De
plus, l’« appropriation » de l’urne contrevenait au
caractère public du lieu de recueillement. Enfin,
après avoir été remise à une personne privée,
la destination de l’urne, et des cendres, était
inconnue. Il n’y avait aucune garantie qu’elles
ne fussent pas traitées comme n’importe quelle
chose, que l’urne ne fût pas abandonnée ou vendue, que les cendres fussent dispersées dans
n’importe quel lieu ou mélangées avec n’importe quelle matière.
Pendant plusieurs années, la jurisprudence a
résolu ces problèmes au cas par cas. Le partage
des cendres était tantôt accepté, tantôt refusé.
Le législateur a dû intervenir.
En 2008, une loi a enfin donné un statut aux
cendres des personnes décédées dont le corps
a donné lieu à crémation30. Il a ainsi été inséré
dans le Code civil un article 16-1-1 selon lequel :
« Le respect dû au corps humain ne cesse pas
avec la mort. Les restes des personnes décédées, y compris les cendres de celles dont le
corps a donné lieu à crémation, doivent être
traités avec respect, dignité et décence. »
De plus, désormais, l’article L. 2223-18-1
du Code général des collectivités territoriales
dispose que « Après la crémation, les cendres
sont pulvérisées et recueillies dans une urne
cinéraire munie extérieurement d’une plaque
portant l’identité du défunt et le nom du crématorium. Dans l’attente d’une décision relative à
la destination des cendres, l’urne cinéraire est
conservée au crématorium pendant une période qui ne peut excéder un an. À la demande
de la personne ayant qualité pour pourvoir aux
funérailles, l’urne peut être conservée, dans les
mêmes conditions, dans un lieu de culte, avec
l’accord de l’association chargée de l’exercice
du culte. Au terme de ce délai et en l’absence de
décision de la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles, les cendres sont dispersées
dans l’espace aménagé à cet effet du cimetière
de la commune du lieu du décès ou dans l’espace le plus proche aménagé à cet effet ».
À la demande de la personne ayant qualité
pour pourvoir aux funérailles, les cendres sont,
en leur totalité, soit conservées dans l’urne cinéraire, qui peut être inhumée dans une sépulture, déposée dans une case de columbarium ou
scellée sur un monument funéraire à l’intérieur
d’un cimetière ou d’un site cinéraire ; soit dispersées dans un espace aménagé à cet effet d’un
cimetière ou d’un site cinéraire ; soit dispersées
en pleine nature, sauf sur les voies publiques
(art. L. 2223-18-2 CGCT). Dans cette dernière
hypothèse, la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles doit faire une déclaration à
la mairie de la commune du lieu de naissance
du défunt. L’identité du défunt, la date et le lieu
de dispersion de ses cendres sont inscrits sur
un registre créé à cet effet (art. L. 2223-18-3
CGCT).
Quelle que soit leur destination, qu’elles
soient conservées ou dispersées, les cendres
doivent l’être en totalité et dans un lieu accessible au public. La loi de 2008 a interdit le
partage et l’appropriation des cendres. Le sort
de celles-ci se rapproche ainsi de celui des
cadavres. Cela n’est pas surprenant puisqu’il
s’agit, dans les deux cas, de « restes humains ».
Une différence et une question importantes subsistent néanmoins. Les cercueils ne sont jamais
« dispersés en pleine nature » « à la demande de
la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles »31. Le législateur a prévu, en revanche,
que « à la demande de la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles », les cendres
peuvent être « dispersées en pleine nature ». Qui
choisit le lieu et procède à la dispersion ? Comment s’assurer que l’urne ne sera pas déposée sur une cheminée ou abandonnée, que les
cendres ne seront pas partagées ou dispersées
dans un lieu privé ?
Une réponse ministérielle a par exemple indiqué que la technique, importée de Hollande,
du « Remember in green », qui consiste à récupérer les cendres d’un défunt, à les incorporer à
de la terre et à y planter un arbre lequel, placé
29 CA Amiens, 28 octobre 1992, D. 1993, p. 370.
30 Loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008 relative à la législation funéraire.
31 Voir, pour un litige entre la mère et l’épouse du défunt, Cass. 1re civ., 30 avril 2014, pourvoi n° 1318.951.
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sous serre et alimenté par les cendres pendant
quelques mois, est ensuite remis à la famille et
planté dans le lieu de son choix, ne peut pas
être autorisée en France, dès lors qu’elle ne permet pas d’assurer le respect et la dignité des
personnes décédées32. En pratique, toutefois,
il n’est pas possible d’empêcher les familles
d’avoir recours à cette technique.
Cryogénisation
La cryogénisation consiste à maintenir le corps
à une très basse température en attendant que
les progrès de la science permettent un retour à
la vie, une résurrection. Si les dispositions prises
par le défunt pour régler sa succession (art. 895
C. civ.) ou ses funérailles (art. 3, L. 15 novembre
1887 relative à la liberté des funérailles) doivent
être respectées, encore faut-il qu’elles soient
conformes à la législation en vigueur.
Seule l’inhumation et la crémation sont
expressément autorisées par le Code général
des collectivités territoriales et elles doivent
avoir lieu, au plus tard, dans les six jours du
décès lorsque celui-ci s’est produit en France
(art. R. 2213-33). Néanmoins, aucune disposition n’interdisant expressément la cryogénisation post-mortem, la jurisprudence a dû préciser
que ce procédé était illégal :
– en 2002, le Conseil d’État a validé le refus
d’un préfet d’autoriser l’inhumation d’un
corps dans une propriété privée, après
cryogénisation33 ;
– en 2003, la Cour européenne des droits de
l’homme a jugé que le refus de la cryogénisation ne portait pas atteinte aux articles 8
et 9 de la Convention européenne des
droits de l’homme34 ;
– en 2006, le Conseil d’État a précisé que si
la volonté exprimée de recourir à un tel
procédé pouvait être considérée comme la
manifestation d’une conviction, au sens de
l’article 9 de la Convention de sauvegarde
des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le refus de ce mode de sépulture relève des restrictions qui peuvent être
apportées, au nom de l’ordre public et de la
santé publique, à la liberté de pensée, de
conscience et de religion35.
SECTION II
Le doute sur l’existence des personnes
15
Deux situations. Pour que le décès puisse être déclaré, la mort doit être
certaine. Or, pour que la mort puisse être vérifiée, il faut un cadavre. Il
existe deux situations où cela n’est pas possible : l’absence et la disparition.
Le législateur tente de limiter les conséquences de cette incertitude pour la
famille, les proches et généralement toute personne intéressée.
§ 1. L’absence
16
Définition. Une personne est absente lorsqu’elle a cessé de paraître au lieu
de son domicile ou de sa résidence, sans que l’on ait eu de nouvelles et
sans qu’un fait particulier puisse faire présumer sa mort. Il peut en être
ainsi en cas de départ involontaire : enlèvement sans témoin ; ou volontaire,
que le mobile soit licite : misanthropie, ou illicite : volonté de se soustraire aux
recherches de la police ou à des créanciers… En l’absence de crainte pour la
vie de la personne, il y a lieu de la considérer comme vivante. Cependant, plus
le temps passe, plus les doutes sur la vie font place aux doutes sur la mort.
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34
35
24
Rép. min. JO du 28 décembre 2010.
CE, 29 juillet 2002, D. 2002, IR, p. 2583.
CAA Nantes, 27 juin 2003, AJDA 2003, p. 1871.
CE, 6 janvier 2006, arrêt « Martinot », n° 260307, JCP 2006, II, 10059.
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Droit des Personnes et de la Famille
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Le Code civil distingue deux étapes au cours desquelles la situation de
l’absent évolue : la constatation de la présomption d’absence, pendant
laquelle l’absent est présumé vivant, et la déclaration d’absence, à partir
de laquelle il est considéré comme mort.
A) Première étape : la constatation de la présomption d’absence
17
Conditions. Selon l’article 112 du Code civil36, le juge des tutelles peut
constater qu’il y a présomption d’absence si la personne concernée :
–a cessé de paraître au lieu de son domicile ou de sa résidence ;
–n’a pas donné de nouvelles.
En effet, même si la cause du départ est connue (envie de prendre des
vacances), l’absence de nouvelles, au bout d’un certain temps, suscite le
doute. Inversement, la non-présence, même sur un coup de tête, interdit la
constatation de l’absence si des nouvelles sont données. Peu importe que les
nouvelles aient été reçues directement : l’intéressé a écrit à sa famille, à ses
amis…, ou indirectement : les services de police l’ont localisé, il a utilisé sa
carte bancaire… Aucun délai n’est exigé entre le jour où furent données les
dernières nouvelles et le déclenchement de la procédure.
18
Le magistrat compétent, pour constater la présomption d’absence, est
le juge des tutelles qui exerce ses fonctions auprès du tribunal d’instance
« dans le ressort duquel la personne dont il s’agit de constater la présomption d’absence demeure ou a eu sa dernière résidence » (art. 1062, al. 1er
CPC). À défaut de domicile ou de dernière résidence connu(e), la compétence revient alors au juge du tribunal d’instance où demeure le demandeur
(al. 2). Tout intéressé : conjoint, héritiers, proches tel un concubin, créanciers, associés… ministère public peut saisir le juge. L’objectif est d’organiser la gestion des biens de l’absent et de donner date certaine au début
de cette situation particulière.
Effets. Lorsqu’il constate la présomption d’absence, le juge place les biens
du présumé absent sous administration légale sous contrôle judiciaire
(art. 113 C. civ.). En pratique, il nomme une personne, appelée administrateur (un parent, un allié, un notaire ou un administrateur de biens) pour
représenter l’absent, comme s’il s’agissait d’un mineur ou d’un majeur en
tutelle37. Exceptionnellement, ces dispositions sont écartées dans deux cas :
lorsque le présumé absent a laissé une procuration suffisante pour administrer ses biens et lorsqu’il a un conjoint qui peut se faire autoriser à le représenter, par application des articles 217 et 219 du Code civil (art. 121 C. civ.).
La personne désignée par le juge est chargée d’assurer la gestion des
biens de l’absent, en tout ou partie, et de le représenter dans l’exercice de ses
droits ou dans un acte déterminé, en « bon père de famille » (art. 113 C. civ.).
Conformément aux règles relatives à l’administration légale sous contrôle
36 Vous trouverez un commentaire de cet article dans Réussir ses TD Droit des personnes et de la famille,
coll. Paradigme, Larcier.
37Voir infra § 243 et s. LARCIER
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L’existence des personnes physiques CHAPITRE 1
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judiciaire, le représentant peut faire seul les actes qu’un tuteur pourrait faire
sans autorisation, c’est-à-dire les actes conservatoires et d’administration.
Au contraire, le représentant doit obtenir l’autorisation du juge des tutelles
pour les actes de disposition, comme cela est le cas pour le tuteur.
19
Considéré comme vivant, le présumé absent n’est privé d’aucun droit
patrimonial du seul fait de sa non-présence. La personne désignée pour
le représenter doit continuer à percevoir, par exemple, les fruits des biens
dont il est usufruitier, l’avantage personnel de vieillesse et la pension de
réversion dont il est titulaire. Exceptionnellement, il existe des hypothèses
dans lesquelles l’acquisition ou la conservation d’un droit est subordonnée
à la présence effective de son titulaire. Tel est le cas, par exemple, de la rente
viagère (art. 1983 C. civ.).
S’agissant de la situation familiale du présumé absent, la loi prévoit que
son mariage n’est pas dissous et que sa succession n’est pas ouverte.
Le présumé absent doit continuer à exécuter les obligations financières découlant de son mariage et de la présence d’enfants. Il revient au juge des
tutelles de fixer, le cas échéant, suivant l’importance des biens de l’absent,
les sommes qu’il convient d’affecter annuellement à l’entretien de la famille
ou aux charges du mariage (art. 114 al. 1er C. civ.)38.
Retour ou preuve de la mort de l’absent. Si le présumé absent reparaît ou
donne de ses nouvelles, il est mis fin, sur sa demande, aux mesures prises
pour sa représentation. Celui-ci recouvre alors les biens gérés ou acquis
pour son compte durant la période de l’absence (art. 118 C. civ.).
Si la preuve du décès est rapportée, l’annulation du jugement de constatation d’absence doit être demandée. S’il apparaît que l’absent avait, en réalité, disparu dans des circonstances de nature à mettre sa vie en danger39,
la période de présomption d’absence prend fin rétroactivement, à compter
de la date retenue pour le décès. En principe, les actes accomplis depuis ce
jour, par l’administrateur légal, sont frappés de nullité. Cependant, pour
qu’il ne pèse pas sur l’administration des biens de l’absent un risque de
nullité trop important, empêchant finalement toute gestion, le Code civil
admet que les droits acquis par les tiers, sans fraude, sur le fondement de la
présomption d’absence, ne sont pas remis en cause, quelle que soit la date
du décès (art. 119 C. civ.). Si l’administrateur légal a loué une maison appartenant à l’absent, lequel était en réalité décédé au moment de la signature du
contrat, le bail reste valable pour la durée prévue. De même, les enfants qui,
de bonne foi, ont perçu les arrérages des pensions de retraite de leur père,
pendant la période antérieure au jugement déclaratif de décès, ne sont pas
tenus de les rembourser40.
38 Les dispositions relatives à la représentation des présumés absents et à l’administration de leurs
biens sont également applicables aux personnes qui, par suite d’éloignement, se trouvent malgré
elles hors d’état de manifester leur volonté, art. 120 C. civ.
39Voir infra § 24. 40 Cass. 2e civ., 21 juin 2012, Bull. civ. II, 114.
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B) Seconde étape : la déclaration d’absence
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Conditions. Lorsque l’absence dure un certain temps, il devient raisonnable
de considérer que la personne concernée est morte. L’absence n’est plus
présumée, elle doit être déclarée. Selon l’article 122 du Code civil, un jugement déclaratif d’absence peut être prononcé par le tribunal de grande
instance dans le ressort duquel la personne dont il s’agit de déclarer l’absence a son domicile ou a eu sa dernière résidence ou, à défaut, dans le ressort duquel demeure le demandeur, à la demande de toute partie intéressée,
lorsqu’il s’est écoulé :
–soit dix ans depuis le jugement qui a constaté la présomption d’absence, que ce soit selon les modalités fixées par l’article 112 du Code
civil ou selon la procédure prévue aux articles 217, 219, 1426 ou 1429
du même code ;
–soit vingt ans depuis les dernières nouvelles de l’absent, lorsque la
présomption d’absence n’a pas été judiciairement constatée, soit parce
que le patrimoine de l’absent était insignifiant, soit parce qu’il était déjà
aux mains d’un mandataire.
E4­
Publicité de l’absence
Le jugement déclaratif d’absence doit être rendu
au moins un an après la publication d’extraits
de la requête en déclaration d’absence. En pratique, pour ne pas allonger d’un an le délai de
dix ou vingt ans prévu pour la période de présomption d’absence, et sans remettre en cause
la nécessité de l’écoulement d’un certain temps
pour protéger les intérêts de l’absent, il est possible, et conseillé, de présenter la requête introductive d’instance un an avant l’expiration de ce
délai (art. 125 C. civ.).
En effet, lorsqu’il est saisi, le tribunal ne procède pas d’emblée à l’examen de la requête.
Cette dernière doit faire l’objet de mesure de
publicité dans deux journaux diffusés dans le
département du dernier domicile de l’intéressé.
Si l’absent était installé à l’étranger, la publicité
doit avoir lieu dans le pays de son domicile ou
de son ultime résidence (art. 123 al. 1er C. civ.).
Le tribunal peut également ordonner toute autre
mesure de publicité, dans tout lieu où il le juge
utile (al. 2), au frais du requérant. L’objectif est
21
de tenter d’informer l’intéressé et de provoquer
sa réapparition, ce qui, en pratique, est peu probable.
Lorsque ces mesures ont été accomplies,
deux cas peuvent être distingués. Si la vie ou
la mort de l’absent est établie, la requête est
considérée comme non avenue (art. 126 C. civ.).
Dans le cas contraire, la requête est transmise
au tribunal. Ce dernier peut ordonner des mesures d’information complémentaires et une
enquête (art. 124 C. civ.) ou, s’il dispose de renseignements suffisants, directement prononcer
la déclaration d’absence.
Dans un délai fixé par le tribunal, qui ne peut
toutefois excéder six mois à compter du jour
du prononcé du jugement qui le fixe (art. 1068
CPC), des extraits de la décision doivent faire
l’objet de mesures de publicité semblables
à celle de la requête introductive d’instance,
également aux frais du requérant. À défaut, le
jugement est réputé non avenu (art. 127 C. civ.).
Effets. La déclaration d’absence emporte toutes les conséquences du décès. Les mesures prises pour l’administration des biens cessent, sauf décision contraire (art. 128 C. civ.). À compter du jour de la transcription sur les
registres des décès du lieu du domicile de l’absent ou sa dernière résidence,
la succession est ouverte et le mariage est dissous. Le conjoint peut enfin se
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remarier (à moins qu’il n’ait entre-temps demandé un divorce pour altération du lien conjugal, après au moins deux ans de séparation41).
Retour ou preuve de la vie ou de la mort de l’absent. Si l’absent réapparaît
ou si son existence est prouvée, le tribunal peut être saisi aux fins d’annulation de la décision déclarative d’absence, par tout intéressé, dont l’absent
lui-même. Ce dernier retrouve ses biens, y compris ceux recueillis par voie
successorale, dans l’état où ils se trouvent, le prix de ceux qui auraient été
aliénés ainsi que ceux acquis pour son compte (art. 130 C. civ.). L’ex-absent
ne peut demander une quelconque indemnité pour détérioration. Son mariage reste dissous (art. 132 C. civ.). L’objectif est d’éviter que le conjoint qui
se serait remarié se retrouve bigame.
Si la preuve du décès de l’absent est rapportée, les actes de l’état civil
sont rectifiés afin d’indiquer, si elle est connue, la date exacte de la mort.
Cas de fraude. Si le jugement déclaratif d’absence a été obtenu par la fraude
d’une personne, celle-ci doit restituer au « faux absent » les biens et les revenus de ceux dont elle avait la jouissance. L’absent ne retrouve donc pas,
dans ce cas, les biens dans l’état où ils se trouvent. La personne peut être
condamnée à payer des intérêts légaux, à compter du jour de la perception
et, éventuellement, des dommages et intérêts complémentaires (art. 131
al. 1er C. civ.). Si la fraude est imputable au conjoint du déclaré absent, ce
dernier peut attaquer la liquidation du régime matrimonial dont le jugement déclaratif avait provoqué la dissolution (al. 2).
§ 2. La disparition
24
Définition. Une personne est considérée comme disparue lorsqu’elle a cessé de paraître au lieu de son domicile ou de sa résidence, sans que l’on
ait eu de nouvelles, et alors qu’un évènement particulier l’a exposée à
un péril de mort (naufrage, tremblement de terre…). Cela concerne aussi
bien les Français, en France et hors de France, que les étrangers et apatrides
disparus sur le territoire français.
Il y a disparition lorsqu’un homme ne donne plus de nouvelles après
avoir plongé seul, dans une zone de forts courants42, ou lorsqu’un marin
n’a plus donné de signes de vie après avoir pris la mer dans de mauvaises
conditions météorologiques, sans suspicion de débarquement clandestin43.
En revanche, il n’y a pas disparition, mais absence, lorsqu’un homme ne
donne plus de nouvelles après avoir quitté le domicile conjugal à la suite de
reproches de son épouse quant à son état d’ivresse44.
Par analogie, la même procédure s’applique lorsque le décès est certain
mais que le corps n’a pas pu être retrouvé.
41Voir infra § 354 et s. 42 CA Montpellier, 1er octobre 1985, JurisData n° 034101.
43 CA Paris, 30 septembre 1992, JurisData n° 022754.
44 CA Colmar, 22 janvier 1986, JurisData n° 040152.
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Conditions. Lorsqu’une personne a disparu, une requête peut être adressée,
sans délai, au tribunal de grande instance du lieu où la disparition est intervenue (ou, si celle-ci a eu lieu hors de France, dans le ressort du tribunal
du lieu où le disparu avait son domicile ou sa dernière résidence) par le
procureur de la République ou tout intéressé (conjoint, concubin, héritiers),
par l’intermédiaire du parquet (art. 88 et s. C. civ.). Si plusieurs personnes
ont disparu au cours d’un même événement, une requête collective peut
être présentée au tribunal du lieu de la disparition, à celui du port d’attache
du bâtiment ou de l’aéronef, au tribunal de grande instance de Paris ou
à tout autre tribunal de grande instance que l’intérêt de la cause justifie
(art. 89 al. 2 C. civ.). Après enquête, le tribunal rend un jugement déclaratif de décès tenant lieu d’acte de décès (art. 91 C. civ.). La procédure est
simple (les parties n’ont pas à recourir au ministère d’avocat) et peu coûteuse (les actes ne sont pas soumis aux droits de timbre et d’enregistrement).
Effets. Le jugement déclaratif de décès emporte toutes les conséquences
du décès : ouverture de la succession, dissolution du mariage… Étant donné tous ces effets, la date du décès doit être fixée le plus exactement possible, en fonction des circonstances et, à défaut, au jour de la disparition.
Elle ne doit jamais être indéterminée (art. 90 al. 3 C. civ.).
Le dispositif du jugement déclaratif de décès est transcrit sur les registres de l’état civil du lieu réel ou présumé du décès et, le cas échéant, sur
ceux du lieu du dernier domicile du défunt (art. 91 C. civ.).
Retour ou preuve de la vie ou de la mort du disparu. Si le disparu reparaît
ou s’il est prouvé qu’il est vivant, le procureur de la République ou tout
intéressé, y compris le disparu, peut demander l’annulation du jugement
(art. 92 C. civ.). Comme l’absent qui reparaît, le disparu retrouve ses biens
dans l’état où ils se trouvent (art. 130 C. civ.). Son mariage reste dissous
(art. 132 C. civ.).
Si le corps d’une personne disparue est retrouvé, les actes de l’état civil
sont rectifiés afin d’indiquer, si elle est connue, la date exacte de la mort.
De même, lorsque le corps d’une personne décédée est retrouvé et peut
être identifié, un acte de décès doit être dressé par l’officier de l’état civil
du lieu présumé du décès, quel que soit le temps écoulé entre la mort et la
découverte du corps (art. 87 C. civ.).
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Tableau 1 Comparaison entre l’absence et la disparition
Absence
Disparition
État d’une personne qui a cessé de paraître sans État d’une personne qui a cessé de paraître
sans que l’on ait eu de nouvelles et après qu’un
que l’on ait eu de nouvelles et sans qu’aucun
évènement particulier l’a exposée à un péril de
fait particulier ne puisse faire présumer sa mort
mort (art.88 C.civ.)
(art.112 C.civ.)
Procédure
1. Constatation de la présomption
d’absence : absent présumé vivant
- pendant 10 ans à compter du jugement
de constatation d’absence par le juge des
tutelles, à la requête de tout intéressé
(art.112 et 122 al.1er C.civ.)
ou
- pendant 20 ans après la dernière parution
sans que l’on ait eu de nouvelles, s’il n’y a
pas eu de constatation judiciaire de l’absence
(art.122 al.2 C.civ.)
Conséquences:
- gestion des biens de l’absent comme s’il était
incapable (art.113 ets. C.civ.)
- maintien du mariage.
2. Déclaration d’absence : absent présumé
mort par le TGI, à la requête de tout intéressé
(art.122 C.civ.).
Déclaration du décès sans délai
- par le TGI, à la requête de tout intéressé
(art.88 et 89 C.civ.)
- à une date déterminée en fonction des
circonstances de la cause et, à défaut, fixée
au jour de la disparition (art.90 C.civ.)
Conséquences :
Conséquences:
- ouverture de la succession
- ouverture de la succession
- dissolution du mariage (art.91 C.civ.)
- dissolution du mariage (art.128 C.civ.)
Objectifs des régimes juridiques
Permettre aux héritiers et au tiers de tirer
Protéger les intérêts financiers et personnels
rapidement les conséquences du très probable
de l’absent pendant un certain délai afin qu’il
puisse retrouver sa situation intacte à son retour. décès du disparu.
ET
Tenir compte des intérêts des héritiers et des
tiers qui ne peuvent pas rester indéfiniment
dans l’incertitude.
En cas de retour de l’absent ou du disparu
Avant le jugement déclaratif d’absence ou du décès:
- récupération des biens dans l’état où ils se trouvent (art.118 C.civ.)
- maintien du mariage
Après le jugement déclaratif d’absence ou de décès:
- annulation du jugement (art.129 C.et art.92 C.civ.)
- récupération des biens dans l’état où ils se trouvent (art.130 C.civ.)
- maintien de la dissolution du mariage (art.132 C.civ.)
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