Pouilly-Fuissé, Pouilly-Vinzelles et Pouilly-Loché

Transcription

Pouilly-Fuissé, Pouilly-Vinzelles et Pouilly-Loché
Appellation
Pouilly-Fuissé,
Pouilly-Vinzelles et Pouilly-Loché
Source sûre
Du plus “tendu” au plus opulent, les vins de
pouilly-fuissé présentent de multiples visages. Leur
qualité ne cesse de progresser. Cette vaste appellation est devenue, en quelques années, l’une des
sources les plus sûres de grands bourgognes blancs.
Repères
100% de vins blancs
Villages de production :
Vergisson, Solutré, Pouilly,
Fuissé et Chaintré (AOC pouilly-fuissé),
Loché et Vinzelles
Président de l’appellation :
Frédéric Burrier (pouilly-fuissé)
Albert Bourdon (pouilly-loché
et pouilly-vinzelles)
Surfaces et productions :
pouilly-fuissé : 770 ha - 5 150 000 bout.
pouilly-vinzelles : 55 ha - 350 000 bout.
pouilly-loché : 32 ha - 220 000 bout.
Commercialisation :
+ de 50% à l’exportation
Premier marché export : USA
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F
ine chemise à carreaux et veste
de chasse, Frédéric Burrier, propriétaire du Château de Beauregard et président du Syndicat du
pouilly-fuissé, manipule avec
précaution un fragment du patrimoine
familial : pouilly-fuissé 1906. À l’époque,
l’appellation n’existait pas. Mais la bouteille, basse aux épaules larges, entièrement
recouverte d’une épaisse ouate grise, porte
une étiquette. Le maître des lieux n’a
changé le bouchon qu’en 1995. “J’en ai profité pour goûter. Le bouchon d’origine,
enfoncé au maillet, se trouvait dans un état
de conservation étonnant, révélateur de la
qualité des lièges utilisés à l’époque.
Le millésime 1906 a donné de tout petits
rendements. Le vin était intact, avec des
sucres résiduels qui ont permis sa conservation. La famille bichonne, dans le petit
caveau faiblement éclairé aux murs capitonnés par l’humidité, tout ce que le dernier siècle a produit de meilleur. De rares
La région mérite le déplacement pour ses vins
évidemment, mais aussi pour ses roches
spectaculaires ou encore l’architecture “sudiste”
des maisons vigneronnes.
bouteilles de 1937 dorment à côté des 1945,
des 1959, des 1983, et d’autres millésimes
moins réputés. “Ce flacon de 1906 est le plus
ancien que je connaisse, à une exception
près : la maison Jadot, à Beaune, possède
encore des 1877”, ajoute Frédéric Burrier.
Les vénérables bouteilles du Château de
Beauregard font rêver les clients du
domaine, pour lesquels le président du
syndicat fait parfois sauter un bouchon.
Mais elles expriment surtout la qualité des
terroirs méconnus du sud bourguignon,
qu’un groupe étoffé de vignerons s’attache
à mettre en valeur. À chacune de nos
dégustations, la bonne nouvelle se
confirme : pouilly-fuissé constitue une
source parmi les plus sûres d’approvisionnement en grands bourgognes blancs. Avec
près de 50% de vins sélectionnés, l’appellation a gagné trois points en deux ans (date
de notre dernier passage dans l’AOC).
Les vins maigres, manquant de maturité et
d’ambition, reculent au profit de bouteilles
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Appellation
pouillys
Témoins de la longue histoire géologique
bourguignonne, les roches de Solutré (à droite)
et de Vergisson dominent les vignobles
du pouilly-fuissé.
représentatives de ce vaste secteur (770 hectares) aux dents longues, mais aux profils
multiples. Car il n’existe pas un, mais plusieurs types de pouilly-fuissé. Un constat
qui renvoie à la géologie, aux situations,
aux expositions, bref, aux terroirs.
Pour éclairer les professionnels présents
lors des grands Jours de Bourgogne, les vignerons du cru ont édité une plaquette présentant “les cinq terroirs du pouilly-fuissé” :
du nord au sud, Vergisson, Solutré, Pouilly,
Fuissé et Chaintré. On oppose souvent, et à
raison, le premier et le dernier nommé.
À Vergisson, les vignes “d’altitude”, plantées sur des sols maigres et calcaires, sont à
l’origine des vins les plus minéraux.
Elégants et racés, ils peuvent manquer de
maturité de fruit les années froides. Mais
cette remarque s’applique surtout aux vins
issus de la “cuvette”, en contrebas du
village, les autres, exposés plein sud au
pied de la roche, conjuguant profondeur,
gras et minéralité lorsque la vigne est bien
conduite. À l’autre extrémité du vignoble,
Chaintré bénéficie d’un superbe coteau
exposé plein est où le raisin mûrit facilement. Les sols s’y révèlent plus profonds,
plus “colluviaux” (la Saône n’est qu’à deux
ou trois kilomètres). Ces calcaires argilosiliceux, avec quelques affleurements de
grès, fournissent des vins structurés, opulents, gras et fruités. Quelques domaines
réalisent là de somptueuses vendanges en
surmaturité. Entre ces deux extrêmes, Solutré, Pouilly et Fuissé se distinguent par une
palette complexe de crus issus de situations
diverses, dont les expositions peuvent
varier du plein sud jusqu’à l’ouest. La brochure du syndicat définit les vins de Fuissé
comme “puissants et de caractère”, et ceux
de Pouilly comme alliant “richesse et finesse”.
Quant au terroir de Solutré, très caillouteux et
traversé de veines d’argiles rouges, il est
réputé fournir des vins fins et minéraux (un
peu moins toutefois que Vergisson). Dénominateur commun à toutes les origines : une
chair de fruit en milieu de bouche qui signe
l’origine Bourgogne du sud...
Une trentaine de “climats” sont revendiqués sur les étiquettes. Préfigurent-ils la
délimitation de futurs premiers crus ?
Aujourd’hui, de nombreux vignerons semblent convaincus que l’avenir du pouillyfuissé passe par une hiérarchisation des
terroirs. Cela ne fut pas toujours le cas.
Le simple fait d’évoquer le dossier des premiers crus provoquait, il n’y a pas si longtemps, une levée de boucliers dans les
villages. “Il y a quelques années, le débat
était impossible. Aujourd’hui, on en parle
entre nous. L’idée fait son chemin, mais
je n’ai pas envie de brusquer les choses.
Je préfère la politique des petits pas”,
explique Frédéric Burrier. Alors ? Dans cinq
ans, dans dix ans, dans quinze ans ?
Les Ménétrières, les Vignes Blanches, le Clos,
les Carons et Vers Pouilly (sur Fuissé), les
Cras et les Boutières (sur Pouilly), la Roche
(sur Solutré), les Crays, la Maréchaude,
en Buland (sur Vergisson), le Clos Reyssié
et le Clos de M. Noly (sur Chaintré)...
la liste n’étant pas exhaustive, mériteraient
la reconnaissance de l’INAO.
Tracté par ses locomotives -les Cordier,
Vessigaud, Melin, Burrier, Château des
Hier tabou, le sujet des premiers crus
revient de nouveau sur la table
Rontets et autres Valette-, par ses domaines
historiques comme le Château Fuissé ou
Ferret, et par le groupe actif des vignerons
de Vergisson (Guffens, Saumaize et
Saumaize-Michelin, Barraud...) pouillyfuissé tire bien son épingle du jeu sur le
plan commercial. Les vins s’exportent à
plus de 50% (notamment aux USA), et les
vignerons qui vendent leur production en
bouteilles ne souffrent pas de la crise. Raison de plus pour vous précipiter sur les
vins réussis, dont les prix n’ont pas bougé
depuis deux ans. Comptez 15 € en moyenne
la bouteille départ propriété, avec une fourchette allant de 10 à 20, voire 25 € pour les
cuvées les plus “luxueuses”. Vous paierez
moins cher les pouilly-vinzelles et les
pouilly-loché, jusqu’ici moins ambitieux, et
dont la réputation stagne à l’ombre de leur
vaste voisine. Mais les frères Bret, du
domaine de la Soufrandière, sont en train
de faire bouger les choses. À Vinzelles, leur
climat les Quarts a tout d’un grand terroir.
À Loché, les Mûres, au sol très caillouteux,
ne manque pas de potentiel. ■
Jean-Philippe Chapelon
Photographies : Lionel Georgeot,
David Clémencet, Thierry Gaudillère
L’avis de
Damien Gâteau,
sommelier des Caves Malleval, à Lyon (69)
“Les pouilly-fuissé sont de grands vins, qui représentent une synthèse du bourgogne blanc.
Les meilleurs conjuguent la minéralité et une certaine opulence, rappelant à la fois Chablis et les
vins de la côte de Beaune. Les Lyonnais connaissent bien cette appellation toute proche, et beaucoup d’amateurs s’approvisionnent en direct à la propriété. Pour notre part, nous travaillons avec
le Château des Rontets, le Château de Beauregard et le domaine Robert-Denogent.”
Damien Gâteau est le sommelier des Caves Malleval (700 références de bourgognes)
11, rue Emile-Zola - 69002 Lyon. Tél. 04 78 42 02 07.
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Bourgogne Aujourd’hui 59 • 31
Appellation
Terroirs des pouillys
Cap plein sud
À l’abri des roches
de Vergisson et de
Solutré, le chardonnay
trouve un dernier
berceau de choix
avant de céder sa
place au gamay.
L
es 860 hectares qui forment les
trois appellations s’étalent
comme un long serpent, de
Vergisson au nord, à Chaintré
complètement au sud. L’ensemble du vignoble s’organise autour
d’une exposition est ou sud qui offre des
nuances de sol d’un village à l’autre.
Les vignes se déploient sur des coteaux
plus ou moins raides en fonction des secteurs, à une altitude variant de 250 à plus
de 400 mètres. En quelques kilomètres
seulement, les sols évoluent considérablement. On franchit plusieurs aires géolo-
hors appellation viré-clessé
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giques, en passant du jurassique supérieur au jurassique moyen puis inférieur
pour finir sur l’apparition de formations
cristallines. L’AOC pouilly-fuissé constitue le cœur de la trilogie. Elle s’agence
autour des villages de Pouilly et Fuissé
bien sûr, mais aussi de Vergisson, Solutré
et Chaintré.
Dans la partie nord, sur Vergisson, la forte
proportion de calcaires que contient le sol
confère aux vins un caractère fin, délicat
et très minéral.
Sur Solutré, le terroir forme un amphithéâtre naturel qui s’évanouit vers l’est.
Le mélange d’argiles fines et d’un épais
cailloutis calcaire octroie aux vins de
l’opulence tout en leur conservant de la
délicatesse notamment sur des terroirs
comme les Boutières, les Chailloux ou les
Rinces. Les pentes assez fortes permettent
également un bon drainage des vignes et
favorisent ainsi un bon état sanitaire.
Plus au sud, Fuissé et Pouilly se trouvent
au centre de l’AOC. Les terroirs prennent
également place autour d’un croissant de
terres qui offre des expositions sud et sudest. On retrouve des similitudes avec les
vins de Solutré notamment sur des terroirs de haute qualité comme les Clos,
les Menestrières ou encore les Perrières.
Le long serpent se termine sur Chaintré,
où les sols changent d’aspect. Les formations du jurassique disparaissent pour
laisser place à des terres argileuses qui
reposent sur un socle de granite en
décomposition. Les vins s’imposent par
leur rondeur et leur charme mais ne possèdent pas toujours la complexité et la
finesse. Les finages de Loché, et de Vinzelles s’appuient sur les milieux et bas des
coteaux. Jusqu’alors, les vins de ces appellations n’avaient pas vraiment brillé.
Les frères Bret, en pouilly-vinzelles,
C. Cordier, A. Delaye et Jadot, en pouillyloché, révèlent désormais des potentiels
intéressants.■
François Laborier