Produits de charcuterie et salaisons

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Produits de charcuterie et salaisons
Produits de
charcuterie et
salaisons
Cours LaSalle
V.BERNARD (J.-P. BONHOURE)
2009 - 2010
Filière ancestrale dédiée à la conservation
des viandes et produits carnés
Charcuterie = produit destructuré, plus ou
moins reconstitué
 Salaisons = pièce entière, conservée à
l’aide du sel

Plan du cours
Introduction
les bases techniques de la conservation
l’impact actuel des procédés traditionnels
L’industrie et ses bases
données économiques
définitions et réglementation
Les matières premières carnées
les espèces animales
la viande = le maigre
le tissu conjonctif
le gras
les abats
Plan du cours
Les ingrédients non carnés
Les produits séchés maturés
le saucisson sec
Pièces séchées : le jambon sec
Le fumage
Les produits déstructurés/restructurés
les jambons cuits
les autres produits de charcuterie
Les procédés de conservation doivent préserver

Des dégradations microbiologiques

Des dégradations physico chimiques

Des attaques climatiques  emballage étanche

Des attaques physiques  emballage résistant
Introduction
1. Bases techniques de la conservation
 Obstacle
essentiel à la conservation : les microorganismes
 Conserver
= empêcher leur développement
1.1 : désinfection
Méthode physique (stérilisation) = méthode thermique
effet obtenu transitoire.
Méthodes chimiques présentant un danger logique pour
le consommateur
1.2 : rendre le milieu nutritif inapte au
développement des micro-organismes
Résultat pouvant être obtenu par abaissement
de la quantité d ’eau disponible (aw = activité de
l ’eau).
Grande sensibilité des micro-organismes à ce
paramètre
 Les
bactéries ne se développent pas pour des
aw < 0,86 (en fait 0,90 pour la majorité des
espèces)
 Moisissures
beaucoup plus résistantes,
tolèrent bien les milieux jusqu ’à 0,80 (et
même bcp moins pour certaines d ’entre
elles)
1.2.1 : Voie la plus simple d ’abaissement de
l ’activité de l ’eau = séchage
séchage n ’est cependant pas une méthode
« facile »
 Les produits secs à la valeur adéquate sont
largement dénaturés, et souvent difficilement
consommables, car à une aw de 0,80
correspond en fait une teneur en eau beaucoup
plus faible : problèmes de texture
(exemple : chips de pomme)
 Le
Traditionnellement applications limitées à des cas
favorables :
•
•
•
fort ensoleillement,
forts mouvements d ’air alliés à une hygrométrie
basse,
séchage complémentaire à d ’autres méthodes
d ’abaissement de l ’activité de l ’eau, « boucanage »
des viandes.
1.2.2 : recours à des agents dépresseurs de
l ’activité de l ’eau
Agent dépresseur de l ’activité
de l ’eau =
substance susceptible d ’induire, en solution,
une baisse d ’aw
 Le
sel et le sucre ont cette capacité, et sont des
molécules consommables
 Avec le sel, en solution saturée à 250g/l
on atteint une aw de 0,75,
 Avec le sucre, on a des valeurs proches, mais à 670 g/l
 Historiquement,
le sel était le seul disponible,
d ’où un poids ancestral important de la
salaison.
 Le
sucre est réservé à des applications plus
spécifiques (fruits, produits de saveur sucrée)
intervenir à proprement parler sur l ’aw,
on peut influer sur l ’acidité du milieu
 Sans
 Les
micro-organismes ne se développent pas
à des pH < 4,2
valeur assez facile à obtenir
 technique
de la marinade,
par le vinaigre, très ancienne
possède de bonnes dispositions à
l ’attendrissement des viandes, paramètre
important pour les gibiers ;
mais les effets sur le goût ne sont pas
négligeables
 Acidification
choucroute
possible par la voie fermentaire
1.3 : l ’isolement du produit vis-à-vis du milieu
extérieur
pourvu qu’il ait préalablement été assaini
procédé précurseur des méthodes modernes
d ’emballage
1.4 : Techniques de confisage dans la graisse
la phase grasse jouant le rôle de barrière visà-vis des micro-organismes extérieurs au
produit
 Nombreuses
applications :
confits de viande, rillettes, fromages
conservés dans l ’huile…
 Méthode
sympathique, mais coûteuse dans
sa mise en œuvre, et nécessitant une bonne
préparation du produit
2. Impact actuel des procédés traditionnels
’expérience ancestrale a permis la mise au
point de méthodes complexes, résultant de la
combinaison de plusieurs techniques
 Au final, les résultats sont souvent
performants, et satisfaisants sur le plan
sensoriel, où ces techniques représentent une
vraie alternative de préparation
L
 Les
salaisons, et tout particulièrement la
charcuterie, constituent actuellement un pan
important des activités agro-alimentaires
 Le
confisage au sucre demeure utilisé, mais
n’est plus une technique en développement
 Les
marinades et confisages à la graisse
ont une portée largement artisanale, mais
jouissant d ’une bonne image de marque
’émergence au XX siècle des techniques de
réfrigération, la maîtrise des traitements thermiques
ont joué en défaveur de ces méthodes, parfois
contestées sur le plan diététique
l
souci de « l ’authentique », ou leur ancrage dans
les pratiques alimentaires ont permis de les maintenir
 Le
 Le
développement de nouveaux produits a également
permis d ’en accroître la diffusion
L’industrie et ses bases
1 - Introduction
 Porc
= animal omniprésent depuis l ’Antiquité
 Animal
omnivore, facilement domestiqué, se
nourrissant de tout ce qu ’il trouve : glands,
châtaignes, pommes de terre, son, farine, déchets
ménagers…
 Animal
sociable, intelligent, malheureusement
rentable seulement après sa mort !
d ’une forte présence artisanale (7000
artisans-charcutiers qui fabriquent pour partie leurs
produits)
 Forte évolution de la filière dans la seconde moitié du
XX siècle, pour répondre aux préoccupations
diététiques :
 Maintien



Fabrications moins grasses
Elaboration de nouveaux produits plus légers
Innovation par élargissement du champ d ’application des
techniques
2. Données économiques de la filière
 Porc
= 37 % de la viande consommée,
(contre 29 aux bovins, 27 aux volailles, 6 aux ovins et
1 aux équidés)
 Consommation de charcuterie stable :
19 kg/an pour les hommes,
12 kg/an pour les femmes,
les agriculteurs étant les plus gros consommateurs
 La France est une petite consommatrice de porc
(35,8 kg/an), par comparaison au Danemark (62,5), à
l ’Espagne (55,5), à l ’Allemagne (55,1) ou à
l ’Autriche (54,4)
2. Données économiques de la filière
Production française de charcuterie en
constante progression
Salaisons (Jambons cuits, secs, lardons,
poitrines) = 38 % de la production
Plats cuisinés : 16 %
Charcuteries (saucisses, saucissons cuits,
pâtés ) = 35 %
Saucissons secs = 8 %
Produits traiteur en hausse constante avec
plus de 15 % du tonnage
3. Définitions et réglementation
 1ere
définition en 1912
 1969 : les fabricants, conscients du vide légal
autorisant toutes les dérives, définissent les
produits dans le
Code des usages de la charcuterie, de la
salaison et des conserves de viandes
3. Définitions et réglementation
Code n ’est pas une réglementation, mais
un consensus entre fabricants, qui estiment
que le respect du Code garantit l ’absence de
tromperie pour le consommateur
 Le
 Seuls
produits définis par décret : les foies
gras et préparations « à base de » (décret
93/999)
3. Définitions et réglementation
 Code
revu régulièrement depuis 1969,
s ’adaptant aux nouvelles demandes des
consommateurs
 Code reprend la législation en vigueur, et y
rajoute des règles complémentaires :
d ’étiquetage, non définies par les textes
 des règles de composition des produits de
charcuterie, salaisons et conserves de viande
d ’origine française comme étrangère

3. Définitions et réglementation
A
côté de ce Code, les produits de
charcuterie et de salaison sont soumis à
l ’ensemble des textes pouvant les concerner,
notamment ceux relatifs aux viandes
hachées, préparations de viande et
préparations de viandes hachées
Pack Hygiène (règles spécifiques pour les
denrées alimentaires d’origine animale hors
commerce de détail)
3. Définitions et réglementation

Les règles applicables aux PCS sont les
réglementations usuelles :
La composition permet de distinguer 3
classes d ’ingrédients :
Matières premières fondamentales : maigre, abats,
gras…
 Ingrédients autres qu ’additifs : lait, œufs, gelée,
épices et aromates..
 Additifs, à fonction exclusivement technologique

4. Classification des PCS
Code des usages définit 16 classes :








1, 2, 3 : Pièces et morceaux
1 : Pièces crues, salées, saumurées, étuvées et/ou fumées
2 : Pièces crues maturées / séchées
3 : Pièces et morceaux de viandes cuits
4, 5, 6 : Saucisses et saucissons
4 : Chair à saucisse, saucisses et saucissons cuits ou
précuits
5 : Saucisses et saucissons secs
6 : Saucisses et saucissons cuits
4. Classification des PCS

7 : Pâtés, mousses, terrines, crèmes,
galantines, ballotines et confits de foie

8 : Rillettes, frittons et grattons

9 : Produits à base de tête et/ou de langue

10 : Andouilles, andouillettes

11 : Tripes, tripoux, pieds
4. Classification des PCS

12 : Boudins noirs

13 : Boudins blanc, quenelles

14 : Conserves à base de viande bovine

15 : Foie gras et produits à base de foie gras

16 : Autres produits (préparations
d ’assemblage)
Matières premières carnées

1. Définitions
Décret 84/1147 du 7/12/84 :
ingrédient = « toute substance, y compris les
additifs, utilisée dans la fabrication ou la
préparation d ’une denrée alimentaire, et qui
est encore présente dans le produit fini,
éventuellement sous une forme modifiée »
1. Définitions
Viande (arrêté du 22/1/93) : « toutes les parties
d ’animaux domestiques, de lapins
domestiques, de gibier d ’élevage et de gibier
sauvage susceptibles d ’être livrés au public
en vue de la consommation »
2. Espèces animales
a) Porc
En France, les Large White et les Landrace
dominent (+ qq races hybrides)
 Toutes les parties sont consommées (« Dans le
cochon, tout est bon »)
 20 % seulement consommés en viande fraîche
(longe, jambon découpé (rouelles), en rôtis et
côtelettes)

2. Espèces animales
Porc charcutier : mâle ou femelle, non
reproducteur, ayant achevé sa période
d ’engraissement. Abattu vers 6 mois, poids de
100 kg environ. Au-delà, la production de gras
l ’emporte sur le maigre.
 Truie ou coche : porc femelle après la mise bas
 Verrat : porc mâle reproducteur
 Porcelet ou cochon de lait

2. Espèces animales
Seuls les porcs charcutiers sont utilisés, la
coche pouvant toutefois l ’être pour les
saucissons secs et les rillettes.
 Pas d ’utilisation des verrats, à cause de
fortes odeurs sexuelles
 Verrassons utilisables en faible proportion,
s ’ils n ’ont pas d ’odeur sexuelle

2. Espèces animales

b) Bœuf, veau
Bœuf autrefois matière première complémentaire
du porc. L ’utilisation optimisée de l ’ensemble de
la carcasse a rendu économiquement
inintéressante cette pratique, entretenue
seulement dans quelques produits typiques.
 Utilisation courante dans les produits Halal et
Kasher


c) Mouton, chèvre

Utilisation sans intérêt technique ou sensoriel…
2. Espèces animales

d) Cheval, âne, mulet
Usages dans la fabrication de saucissons secs
typiquement régionaux
 Arles = transformation en saucissons secs
d ’animaux tués aux arènes
 Intérêt sensoriel tout à fait réel

2. Espèces animales

e) Lapins, volailles
 Usage
ancestral dans la fabrication des
pâtés, terrines et galantines
 Oie dédiée essentiellement aux rillettes
 Fort développement aujourd ’hui de la dinde
et du poulet ( chipolatas et merguez )
 Oies et canards gavés : foie gras, magrets et
confits ; reste de la carcasse en rillettes
2. Espèces animales

e) Gibier
 Protection
des espèces animales sauvages :
la viande de gibier provient essentiellement
soit d ’importations, soit d ’élevages
 Essentiellement pour la fabrication des pâtés,
terrines et galantines
 Quelques fabrications de saucissons secs de
sanglier
3. La viande : Le maigre
 Maigre
= ensemble des muscles striés de la
carcasse, après désossage, découennage et
parage (séparation des masses graisseuses,
tendons, aponévroses, nerfs)
Unité de base = fibre musculaire, qui n ’est
conservée que dans les pièces, morceaux,
rillettes
réduction en morceaux et parage de la viande
désossage, découpage, filetage, piéçage …
réduction en morceaux et parage de la viande
désossage, découpage, filetage, piéçage …
3. Le maigre
 Caractéristique
fondamentale =
PRE ou Pouvoir de Rétention d ’Eau
 Conditionne
le rendement, mais aussi la
qualité sensorielle du produit : plus le PRE est
bas, plus la texture est « sèche »
 En
pratique, les maigres sont toujours traités
dans la période de post-rigor
3. Le maigre

Pendant l ’établissement de la rigor mortis, le pH
baisse plus ou moins rapidement, en 24 h
environ, puis remonte durant la maturation
3. Le maigre
Au plus bas pH,
les réserves de glycogène sont à peu près
épuisées,
l ’ATP est transformée et le calcium libéré : les
protéines sont soudées par des ponts entre
chaîne :
hydrogène
disulfures (détruits par la chaleur),
électrostatiques
formés par des ions divalents.
3. Le maigre

A ce moment, la structure est fermée : les
molécules d ’eau de constitution ont du
mal à rester accrochées aux protéines,
l ’eau ajoutée a du mal à les rejoindre
La rupture de ces liaisons conduit à une
structure dite ouverte, où l ’eau peut
atteindre les sites hydrophiles et s ’y
accrocher
3. Le maigre

presque tous les procédés font intervenir,
à un moment donné, une addition d ’eau
(saumure, bouillon, glace…)
apport de sel
apport d’aromates
laquelle précède souvent une opération
où l ’eau est retranchée (fumage, cuisson,
séchage…)
3. Le maigre
Structure fermée = couleur claire, car les
rayons lumineux ne pénètrent pas et sont
réfléchis
 Structure ouverte = coloration foncée :
la structure absorbe les rayons lumineux

3. Le maigre

Deux paramètres jouent un rôle vraiment
fondamental : le pH et la teneur en ions
calcium.
Le pH : aux abords du point isoélectrique,
les charges négatives et positives sont en
nombre à peu près égal :
l ’attraction électrostatique entre les
chaînes est maximale, le PRE au plus
bas.
3. Le maigre


Si pH > pHi (= 5,0 à 5,2), les formes COOprédominent, et les répulsions sont alors fortes :
plus le pH est élevé, plus le PRE est élevé
Si pH < pHi, il y a prédominance des formes
NH3+. La répulsion existe effectivement, mais la
gamme est moins facilement praticable, et
l ’intensité des répulsions moins grande
3. Le maigre

La teneur en ions Ca2+ est le second
paramètre important, car ceux-ci, même
en zone de pH élevé, vont « ponter » les
groupements COO- et diminuer
sensiblement le PRE
3. Le maigre

La modification du pH en vue
d ’augmenter le PRE est délicate : le
pouvoir tampon des protéines est
considérable, et l ’élévation du pH
compromet les aptitudes à la conservation
3. Le maigre
l ’ajout de sel est un bon moyen de
rompre les liaisons électrostatiques
 L ’ajout de polyphosphates, qui rompent
les liaisons calcium
 Ou encore l ’usage de liants,
susceptibles de retenir l ’eau avant qu’elle
ait migré
Les liants sont interdits pour la fabrication
des pièces cuites, attention alors au PRE
naturel des viandes !

3. Le maigre

Autre paramètre important : le pouvoir
émulsifiant = PE
le PE est dû à l ’existence de segments
lipophiles (chaînes hydrocarbonées)
 Rôle déterminant du sel et des
polyphosphates, répercussions
importantes sur la fabrication des pâtes
émulsionnées (mousses de foie,
saucisses à pâte fine…).

4. Viandes normales, défauts des viandes

Viandes normales :
Le pH est compris entre 5,6 et 6,2 dans les 24
heures suivant l ’abattage
le PRE et le PE sont bons, la couleur
homogène et agréable, la stabilité
microbiologique normale
4. Viandes normales, défauts des viandes

Viandes PSE :pale, soft and exsudativ
La chute de pH est très rapide à 5,2, la remontée
n ’excédant pas 5,4 - 5,5.
L ’échauffement des muscles est très important
(jusqu ’à 40 C).
La couleur est claire, le PRE très bas, avec une
forte exsudation corrélative, le PE est également
très faible
Ces viandes ne sont guère utilisables que dans des produits hachés
(avec ajout d ’additifs) ou dans des produits secs où la perte en eau
est recherchée
4. Viandes normales, défauts des viandes
Viandes acides :
La chute de pH est normalement lente, il n ’y a
donc pas d ’effet thermique comme pour les
PSE.
teneur initiale très élevée en glycogène = forte
production d ’acide lactique, ce qui abaisse le
pH à des valeurs très faibles (5,0 - 5,2).
Les rendements en pièces cuites sont très
mauvais (faible PRE).
A l ’origine des viandes « pommade », grisâtres et
spongieuses, d ’effet désastreux dans les
jambons (délitement à la découpe)

4. Viandes normales, défauts des viandes

Viandes DFD (Dark, firm, dry)
 Faible
potentiel en glycogène, baisse de pH
très limitée (souvent supérieur à 6,2).
 Excellent PRE et PE, coloration très sombre,
mais mauvaise stabilité microbiologique ;
nécessité de traitement rapide par la cuisson.