A l essai - Communauto

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A l essai - Communauto
À L’ESSAI
Communauto au Québec :
au service des transports
R. MASSON
Communauto est une entreprise
d’auto-partage, née en 1994 au
Québec, dont le principe est
simple : constituer un pool de
véhicules et le mettre à disposition
des adhérents dans différents
stationnements.
Une voiture Communauto sur un stationnement municipal payant
’idée est que l’adhérent puisse, sur réservation préalable,
utiliser une voiture pour de courts, moyens, ou même de
longs trajets. Communauto prend en charge tous les frais
inhérents à l’utilisation d’une voiture, tels qu’assurances,
immatriculation, réparations, stationnement et essence.
L’adhérent, lui, s’acquitte d’un prix de location pour chaque
utilisation, variant en fonction du kilométrage et du temps
d’utilisation. Ce coût reste faible en comparaison des tarifs
pratiqués par les loueurs conventionnels.
L
CITIMAGES/P. LEBRUN
R. MASSON
L’auto-partage favorise les transports
collectifs
42 ◗ Techni.Cités ◗ 8 09 2004
Communauto a acquis la reconnaissance des institutions et
administrations intéressées aux questions de transport et de
développement durable au Québec. L’auto-partage comporte
en effet de nombreux avantages pour les individus, en termes de choix modal, en termes financiers aussi, puisque l’adhésion à Communauto
permet d’éviter l’achat d’un véhicule personnel.
Mais c’est surtout pour la société que le bénéfice
s’avère important : en limitant le nombre de voitures, l’auto-partage contribue à la réduction de la
pollution atmosphérique, des nuisances sonores,
de la congestion et de l’occupation de l’espace
public, ces dernières posant problème de manière de plus en plus aiguë dans les centres-ville.
Plusieurs études ont montré que les utilisateurs du
système d’auto-partage empruntaient davantage
les autres modes de transport, et notamment les
transports collectifs. L’auto-partage a en effet la
vertu de faire sentir à l’usager le « juste prix » de l’utilisation
d’une automobile, tandis que le propriétaire d’un véhicule
aura tendance à ne prendre en compte que le coût marginal de
son déplacement (c’est-à-dire le coût de l’essence). La complémentarité de l’auto-partage et du transport collectif est
donc forte, ce qu’illustre d’ailleurs la répartition des stations
de Communauto dans Montréal : beaucoup sont situées à
proximité des stations de métro. Par ailleurs, plus de 70 % des
trajets effectués par les usagers de Communauto font plus de
20 km, distance difficilement couvrable par les autres moyens
de transport (vélos, taxis ou transports collectifs).
La collectivité doit s’investir
dans le stationnement
Initialement entreprise coopérative, Communauto s’est rapidement transformée en une entreprise privée, à but lucratif et
« à vocation sociale et environnementale ». Elle est aujourd’hui rentable, et emploie 26 personnes, qui officient dans les
centres de réservation téléphonique, la maintenance des
véhicules, le site web ou le développement de l’offre. Elle a
cependant eu besoin de l’appui des collectivités territoriales,
dont l’investissement s’est avant tout traduit dans les questions de stationnement.
En effet, l’instauration d’un tel système rencontre plusieurs
difficultés, et la plus sensible d’entre elles est le stationnement. Communauto estime ainsi dépenser annuellement
600 dollars canadiens (environ 360 euros) pour le stationnement de chacun de ses véhicules. Le contexte hivernal du Québec est l’une des explications de cette situation : l’organisation
l’auto-partage
durables
des campagnes de déneigement des rues rend difficile le stationnement sur rue permanent, et oblige Communauto à trouver des solutions hors rue, beaucoup plus onéreuses. À
Montréal, l’appui de la ville et de ses arrondissements a été
sollicité pour obtenir des places sur des stationnements municipaux payants, sur des stationnements d’institutions diverses
(presbytères, centres communautaires, parcs publics, etc.).
Parfois, ce sont des stationnements commerciaux (stationsservice notamment) ou des stationnements en ouvrage privés
qui sont utilisés. Mais la recherche de nouveaux emplacements
demeure la problématique
majeure pour la poursuite du
développement du système.
Gérer une demande
fluctuante
Les usagers
d’auto-partage
utilisent
davantage les
autres modes de
transport, et
notamment les
transports
collectifs
Une autre difficulté réside dans
le déséquilibre de la demande
de véhicules au cours de l’année. Les usagers de Communauto utilisant peu ce service pour
leurs trajets domicile-travail
(pour lesquels ils préfèrent les
transports publics, le vélo ou la
marche), la demande est forte
au cours des week-ends, et notamment pendant la période
estivale. Il n’est pas rare, en juillet par exemple, de ne pas
trouver de véhicules dans une station proche de son domicile.
Afin de pallier ces déficits occasionnels, Communauto a
engagé un partenariat avec plusieurs loueurs conventionnels
de véhicules, qui acceptent de louer aux adhérents un véhi-
> Un succès dû à la simplicité
Communauto, système d’auto-partage, a parié sur la
souplesse d’utilisation : réservation téléphonique ou
par Internet rapide, déploiement des véhicules dans
de nombreux quartiers, facturation unique et mensuelle, rendent l’usage des voitures très simple.
Demeure cependant la contrainte des aller et retour
pour les usagers, puisque chaque véhicule doit toujours être ramené au même emplacement.
La formule rencontre un vif succès au Québec, notamment à Montréal. Plus de 5 000 adhérents se partagent quelque 311 véhicules, répartis dans 129
stationnements. Le nombre d’abonnés ne cesse de
croître, à un rythme proche de 50 % par an. Ces usagers sont avant tout des urbains, à majorité des
hommes entre 30 et 50 ans, dont le niveau d’études
est élevé. 32 % ont des enfants (une voiture sur dix
est d’ailleurs équipée de sièges pour enfants).
cule au même prix que celui pratiqué habituellement par Communauto. Les loueurs bénéficient ainsi d’une clientèle supplémentaire nombreuse en échange de prix très
concurrentiels. Le seul inconvénient de la formule réside dans
l’obligation faite à l’abonné de se rendre au bureau du loueur
pour retirer son véhicule et remplir des formalités administratives dont il est exonéré habituellement.
Si la formule de l’auto-partage n’est pas une exclusivité québécoise, elle trouve néanmoins ici l’une de ses applications les
plus réussies : dans le contexte automobile nord-américain,
les freins pouvaient pourtant sembler nombreux au développement d’une telle offre. Mais le succès croissant de Communauto, ainsi que le développement de l’auto-partage dans
d’autres villes d’Amérique du Nord, montre que la formule
n’est pas l’apanage de quelques villes européennes à la
longue tradition environnementaliste, et qu’elle peut constituer une réelle alternative aux difficultés rencontrées par les
villes face à la croissance du trafic automobile.
Estelle Beauchemin
Urbaniste, ingénieur territorial
La croissance du nombre d’usagers de Communauto depuis 1995
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