Dits et écrits - Global Local Forum

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Dits et écrits - Global Local Forum
« Dits et écrits :
les processus de
décentralisation et leurs
actualités dans les
Suds »
Actes du Symposium International
14 - 15 décembre 2011
Centre de Conférence International Ivato
Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
Nous tenons à remercier toutes les personnes, autorités et techniciens, qui ont permis à cette
rencontre de se tenir dans les meilleures conditions. En premier lieu notre principal contributeur,
l’Ambassade de France sans qui nous n’aurions pu organiser ces deux jours. Nous ne saurions oublier Boss
Corporation qui nous accompagné tout au long de cette aventure et à qui nous devons les crédits
photographiques des présents actes.
Enfin nous tenons à féliciter toutes les personnes qui ont participé à la rédaction et aux relectures
de ces actes à commencer par messieurs RAJAOFERASON Jean Christophe, RABETALY NIRHY LANTO Fanja,
RANAIVOSON Andriarimalala Rija, et RASOLOFONIRINA Jean Baptiste (pour notamment les tables-rondes
et débats), et la Direction du Service Communication, Recherches et Documentation de l’INDDL en la
personne de Mme RAKOTOBE Beby Vololona.
Cette version électronique est divisée en deux parties séparant productions orales et écrites, ces
actes s’inscrivent ainsi entre traditions orale et écrite. Nous espérons que ces actes relatent fidèlement les
échanges de ces deux jours et qu’ils permettront de capitaliser les expériences présentées pour poursuivre
le débat.
M. Gabhy Rajaonesy, Directeur de l’INDDL
Direction de la documentation, de la Recherche et de la Communication de l’INDDL
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
Sommaire
« Les Dits » du Symposium International -Conférences et débats __________________5
Ouverture du Symposium
Présentation du Directeur de l’INDDL ________________________________________________________________ 6
M. Gabhy RAJAONESY
Discours d’ouverture de Mme le Ministre de la Décentralisation _________________________________________ 8
Mme Ruffine TSIRANANA
Mercredi 14 décembre - Conférences
Décentralisation et développement local : liens entre territoires et populations ?
Introduction « Quelle Décentralisation pour Madagascar ? » ___________________________________________ 10
Gabhy Rajaonesy, Directeur de l'INDDL (Madagascar)
« La décentralisation contre le développement local ?» ________________________________________________ 12
_Toc316653340Christophe Mestre, Ciedel (France) et_Toc316653341 Jean-Baptiste Rakotozafy Harison, FFF
(Madagascar)
Echanges avec la salle____________________________________________________________________________ 15
Mercredi 14 décembre - Débat
Choisir le bon échelon d’intervention ?
Introduction « Échelles d’expériences malgaches »____________________________________________________ 17
Tiana Randrianasoloarimina, Directeur Général de l'Aménagement du Territoire (Madagascar)
Table ronde : Choisir le bon échelon d’intervention : vers plus d’intercommunalité et de régionalisation ? ______ 21
Intervenants des coopérations franco-malgaches (France-Madagascar)
Echanges avec la salle____________________________________________________________________________ 23
Jeudi 15 décembre - Conférences
Action locale : comment aborder la problématique de l’appropriation et de l’identité ?
« Les interactions langagières prises comme passerelles vers la participation des acteurs locaux » ____________ 24
Langage et développement local___________________________________________________________________ 31
Lucie Raharinirina Rabaovololona et Baholisoa Simone Ralalaoherivony, Professeurs à l'Université d'Antananarivo
(Madagascar)
«Le concept de gouvernance appliqué à la maîtrise foncière d’un micro territoire insulaire» _________________ 34
Arlette Pujar, chercheuse dans le domaine Foncier (Martinique, French West Indies)
Echanges avec la salle____________________________________________________________________________ 36
Jeudi 15 décembre - Conférences
« Le transfert de compétences : quels moyens pour quels rôles ? »
Introduction « Enjeux des transferts de compétences » _______________________________________________ 37
Tantely Falinirina Ravelojaona, Directrice général des Services fonciers (Madagascar)
« La pratique camerounaise du transfert des compétences et des ressources de l’État »_____________________ 39
Jean-Claude Tcheuwa, Chercheur et professeur à la Faculté de Yaoundé 2 (Cameroun)
« Décentralisation et gouvernance locale au Sénégal » ________________________________________________ 45
Cheikh Tidiane Sall, Réseau Faglaf (Sénégal)
« Innovations et gouvernance locale : le cas de la commune de Manjakandriana » _________________________ 46
Eva Ravaloriaka, Maire de Manjakandriana (Madagascar)
Echanges avec la salle____________________________________________________________________________ 49
Jeudi 15 décembre - Débat
Quel bilan et quelles perspectives pour la gouvernance locale à Madagascar ?
Introduction « Atouts et horizons malgaches » _______________________________________________________ 50
Anjara Manantsara, Directrice Générale de Décentralisation (Madagascar)
Table ronde « Quel bilan et quelles perspectives pour la gouvernance locale à Madagascar ? » _______________ 54
Intervention collective (Madagascar, Cameroun, Niger)
Direction de la documentation, de la Recherche et de la Communication de l’INDDL
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« Les Ecrits » du Symposium International - Articles et réflexions _________________56
Le Territoire : siège de la pensée collective et de l’impulsion coopérative _________________________________ 57
Abdoulaye Sene, GLOBAL LOCAL FORUM (Sénégal)
« Pour une Autorité Organisatrice des Transports Urbains du Grand Tana ? » ______________________________ 62
Marion Sybillin et Jean-Jacques Helluin, IMV (France)
Quelle décentralisation pour Madagascar ? __________________________________________________________ 67
Gabhy Rajaonesy, INDDL (Madagascar)
Les organes d’accompagnement du processus de décentralisation au Cameroun ___________________________ 77
Anatole Maïna, Expert gouvernemental (Cameroun)
Note Conceptuelle sur le Label de Bonne Gouvernance et Certification Citoyenne __________________________ 80
Cheikh Tidiane Sall, expert FLAGAF (Sénégal)
La Décentralisation contre le développement local ? __________________________________________________ 86
Christophe Mestre, CIEDEL (France)
Tribune pour l’Institut National de la Décentralisation et du Développement Local _________________________ 91
Jacques Tanchoux, CNFPT-INDDL (France)
Direction de la documentation, de la Recherche et de la Communication de l’INDDL
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
« Les Dits » du Symposium International
-Conférences et débats-
Direction de la documentation, de la Recherche et de la Communication de l’INDDL
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
Mercredi 14 décembre : ouverture du Symposium
Présentation du Directeur de l’INDDL
Monsieur le Premier Ministre, Chef du Gouvernement
Madame la Ministre de la Décentralisation,
Mesdames et Messieurs les membres du Gouvernement,
Monsieur le Président du Conseil Supérieur de la Transition,
Monsieur le Président du Congrès de la Transition,
Mesdames et Messieurs les membres du Parlement,
Excellences Mesdames et Messieurs les Représentants du Corps Diplomatique,
Mesdames et Messieurs les Chefs de Région,
Mesdames et Messieurs les Maires,
Mesdames et Messieurs les Secrétaires Généraux, Directeurs Généraux, Directeurs et Chefs de Service
Chers participants, d’ici ou d’ailleurs, Honorables invités
C’est un immense honneur que de prendre la parole devant vous aujourd’hui lors de ce
symposium international sur les processus de décentralisation et leurs actualités dans les Suds. Ainsi, au
nom de toute l’équipe de l’Institut National de la Décentralisation et du Développement Local et en mon
nom personnel, je vous souhaite la bienvenue à cette rencontre pour partager deux jours de réflexions et
d’échanges sur la décentralisation et le développement local.
La Décentralisation se voit de deux manières différentes mais complémentaires ; de l’intérieur et
de l’extérieur. En sollicitant le haut patronage de Monsieur le Premier Ministre, Chef du Gouvernement,
qui a représenté Madagascar sur la scène internationale, l’INDDL a voulu mettre en avant la Coopération
décentralisée. L’INDDL reflète pleinement la continuité de l’Etat car, initié par un ancien maire d’une
commune rurale, actuellement Vice Premier Ministre chargé du Développement et de l’Aménagement du
Territoire et adoubé par une ancienne Sénatrice, Administrateur Civil, Ministre chargée de la
Décentralisation, ce symposium n’aurait pas pu trouver meilleurs parrainages, car tous les deux ont une
expérience avérée dans la conduite ou l’assistance des CTD. L’INDDL est fidèle à sa vocation : celle de
former les élus et responsables des CTD. Créé par le décret n°2011-230 du 10 mai 2011, l’INDDL
commence à peine à prendre ses marques. « TranoBe ou maison des élus » l’INDDL fait sienne cette
philosophie malgache remontant aux temps immémoriaux où le TranoBe servait de lieu de rencontre,
d’échange et de conseil, réunissant toute la population du village autour de vieux sages pour délibérer sur
l’avenir, disserter sur le présent sans jamais perdre de vue le passé. Ailleurs c’est l’arbre à palabres ou
encore l’agora mais ce qui les rassemble c’est d’incarner un lieu où chacun peut trouver une réponse à ses
questions.
Nous avons choisi comme devise « …atsipy ny teny » (on lance un conseil) qui est la seconde partie
d’un proverbe malgache « atsipy ny tady an-tandroky ny omby, atsipy ny teny am-pon’ny mahalala » (on
lance un lasso sur les cornes d’un zébu et on lance un avis dans le cœur du connaisseur). Cette devise,
BOSS Corporation, notre partenaire en communication l’a traduite par cette maison des élus symbolique,
que nous avons sur scène, l’idée nous a d’autant plus séduit en cette veille de noël, symbole d’espoir et de
Direction de la documentation, de la Recherche et de la Communication de l’INDDL
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
renouveau. Mais cette devise nous l’avons traduite en français par « sa seule limite…notre imagination. ».
En effet, la seule limite de l’INDDL est notre capacité à innover. Car il faut des idées pour pallier le
manque de moyens chroniques dont sont victimes les CTD.
Excellences, Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, Je saisis cette occasion pour remercier nos
amis du CNFPT, nos partenaires depuis la création de l’INDDL, venus en forte délégation aujourd’hui. Ces
remerciements s’adressent également à l’Ambassade de France à travers le Service de Coopération et
d’Action Culturelle qui a financé cette rencontre.
Merci pour votre aimable attention
Direction de la documentation, de la Recherche et de la Communication de l’INDDL
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
Discours d’ouverture de Mme le Ministre
Messieurs les représentants de la Vice Primature,
Mesdames et messieurs les membres du Gouvernement,
Messieurs les Chefs de Région,
Mesdames et messieurs les représentant du Parlement de la Transition,
Madame le Médiateur de la République,
Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et messieurs les représentants des Organismes Internationaux,
Honorables invités,
Mesdames et messieurs,
C’est pour moi un insigne honneur, un immense plaisir que de prendre la parole devant vous,
éminentes personnalités d’horizon divers venus honorer de votre présence la séance d’ouverture du
Symposium international sur la décentralisation et ses actualités dans les suds. Aussi, mes premiers mots
s’adressent-ils à toutes celles et ceux qui ont traversés les océans animés de la haute volonté de partager
leurs expériences avec les responsables malgaches dont une grande partie a rallié la capitale avec la
détermination de contribuer de façon effective à la réussite de cet évènement grandiose.
Ce symposium constitue un cadre idéal d’où émergera une nouvelle dynamique qui, une fois favorisée,
devra être vécue et convertie en source d’échanges concrets. A vous tous venus de loin, je souhaite la
bienvenue et un excellent séjour en terre malgache. Bienvenue au Centre International de Conférence
d’Ivato qui sera pendant deux jours un haut lieu de débat, de réflexion et d’échanges. Les résultats de ce
symposium ne manqueront pas d’inspirer bon nombre de responsables malgaches soucieux d’acquérir
une nouvelle vision dans la perspective de la mise en place de politiques aptes à résoudre les difficultés
actuelles que connaissent leurs régions respectives.
Excellences, mesdames et messieurs, honorables invités, le parti pris de l’Etat malgache pour une
décentralisation réelle nous semble intéressant et ce à plus d’un titre. La nouvelle Constitution a consolidé
l’option pour la gouvernance locale à travers l’inscription de la Fonction Publique Territoriale et la refonte
du code des collectivités. Par ailleurs, en se dotant d’instruments pertinents tels le Fond de
Développement Local, la Commission Nationale de la Coopération Décentralisée et surtout l’Institut
National de la Décentralisation et du développement Local, principal artisan de ce symposium, l’Etat et les
Collectivités Territoriales Décentralisation ont aujourd’hui acquis la certitude d’être à même de répondre
aux enjeux d’un développement intégré et malgache.
En effet l’Institut National de la Décentralisation et du développement Local constitue un cadre
idéal de mutualisation des savoirs et de capitalisation des expériences. Faut-il rappeler que mettre en
valeur les compétences nationales, c’est aussi pouvoir constituer un pool d’experts, d’intervenants et
d’acteurs divers capables de traiter les différentes dynamiques de développement local ? Dans la
perspective d’un meilleur accompagnement de ces processus le Ministère de la Décentralisation, que j’ai
l’honneur et la fierté de diriger, a inscrit dans ses priorités, l’élaboration d’une stratégie qui consiste à
apporter de manières concrètes les solutions nécessaires capables de répondre aux attentes des
Collectivités Décentralisées. Les élus et les populations ont toujours été confrontés à des nombreuses
difficultés. Une telle situation est due à la faiblesse des ressources propres et au manque de ressources
humaines performantes.
Direction de la documentation, de la Recherche et de la Communication de l’INDDL
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
Etant une ancienne sénatrice de Madagascar dont la mission principale était d’accompagner et de
conseiller les Collectivités dans le cadre de la mise en valeur du processus de développement, j’ai été
personnellement confrontée et à plusieurs reprises à de nombreux problèmes. Aujourd’hui il me tient
toujours à cœur de pouvoir apporter des réponses concrètes aux attentes des collectivités et des
populations. En dépit d’un contexte national difficile et d’un environnement mondial plutôt morose, le
Ministère de la Décentralisation entend plus que jamais s’ouvrir davantage afin d’acquérir les expériences
de capitalisation des manifestations à l’image de ce symposium international. Aussi ces deux jours
doivent-ils être l’occasion pour le Ministère de la Décentralisation ainsi que pour tous les acteurs
malgaches de tirer les enseignements utiles dans la perspective d’une gouvernance locale efficace et
soucieuse de ses responsabilités et des ses objectifs.
Dans le contexte actuel dans lequel il n’est plus question d’échelle unique mais de jeux d’échelles,
la prise en compte du local devient impérieuse. Le contexte malgache s’y prête et peut fournir le temps
aux innovations, aux dynamiques territoriales et locales. Mais sans la volonté politique des dirigeants, sans
acteurs de proximité pleinement maîtres de leur compétences, sans ressources financières, humaines et
matérielles conséquentes parler de la Décentralisation effective et réelle reste au stade de slogan
politique.
Aussi envisageons-nous au sein du Ministère de la Décentralisation, l’élaboration d’une stratégie qui vise
réellement à garantir l’autonomisation et la bonne gouvernance locale. Cela se concrétisera à travers un
transfert et une appropriation concrète des nouvelles compétences permettant aux Collectivités de
fournir aux populations, un service public digne de ce nom, gage d’une décentralisation effective.
Avant de terminer j’aimerais saisir cette occasion pour exprimer les vifs remerciements du
Ministère de la Décentralisation à tous ceux et à toutes celles qui de près ou de loin, ont contribué à faire
de ce symposium une réussite. C’est ainsi que je voudrais rendre hommage à son excellence Jean-Marc
Chataigner, Ambassadeur de France à Madagascar, pour son soutien personnel à la création de l’Institut
National de la Décentralisation et du développement Local sans oublier le Service de Coopération et
d’Action Culturelle pour sa précieuse contribution à l’organisation et au financement de ce symposium
international.
Enfin mes remerciements vont particulièrement à l’endroit de M. Jean Omer Beriziki pour avoir
bien voulu patronner cette manifestation.
Je déclare officiellement ouvert le symposium international sur les processus de Décentralisation
et leurs actualités dans les suds.
Merci pour votre aimable attention.
Direction de la documentation, de la Recherche et de la Communication de l’INDDL
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
Mercredi 14 décembre - Conférences
Décentralisation et développement local : liens entre territoires et populations ?
Introduction « Quelle Décentralisation pour Madagascar ? »
Aujourd’hui je vais présenter brièvement quelle décentralisation pour Madagascar ? Une question
un peu provocatrice me direz-vous, quand l’on sait que cela fait déjà 50 ans que l’on parle de
décentralisation à Madagascar.
Nous pouvons identifier trois phases essentielles dans la mise en oeuvre de la Décentralisation à
Madagascar, celles des 1ère, 2ème et 3ème républiques.
La première République a été une réelle phase de décentralisation au cours de laquelle les
Collectivités Territoriales avaient vraiment des moyens. A l’époque, nous connaissions deux niveaux de
Décentralisation : les provinces et les communes. Les communes étaient autonomes. Certes il y avait des
subventions, mais elles n’étaient qu’annexes.
La deuxième République comptait 4 niveaux de décentralisation : les Fokontany (l’équivalence de
quartiers), les Firaisampokontany (communes), les Fivondronampokontany (l’équivalence des
départements) et enfin les Faritany (régions). A l’époque, la Décentralisation qui était sensée distribuer le
pouvoir aux CT, a été confisqué par le centralisme démocratique : « ce que l’Etat donnait de la main droite,
l’état le reprenait doucement de la main gauche ». Donc finalement la deuxième République a été plutôt
une phase de recul de la Décentralisation.
Durant la troisième République, nous parlions beaucoup de Décentralisation effective, nous
imaginions qu’avec trois niveaux ce serait l’idéal : Région, Département et Communes. Finalement seuls
deux niveaux, ceux des régions et des communes ont pu être mis en place. Dans la deuxième phase de la
troisième République ont été mises en place les provinces autonomes mais cela n’a duré qu’un an, la crise
de 2002 arrêtant le processus. Dernièrement nous avons donc remis en place deux niveaux de
décentralisation, mais nous n’avons finalement que peu de recul. Est-ce que les systèmes précédents
auraient pu marcher ? Que de questions...
De nombreuses difficultés ont pu être identifiées, au premier titre desquelles, le double langage
des hommes politiques et la confusion qui existe dans la vision des hommes politiques en ce qui concerne
la décentralisation. Cette vision est entravée par le manque de moyens matériel et humain et renvoie la
Décentralisation aux calendes grecques.
Les processus de Décentralisation et de Déconcentration sont-ils un simple slogan politique ou une
réelle volonté ? La Déconcentration et la Décentralisation sont en déficit de portage politique. Les
orientations des programmes sectoriels, impulsés par les partenaires étrangers, négligent souvent les
Collectivités Territoriales. La logique du faire faire a fait place à celle de faire à la place. Ainsi pris par le
temps, et pour des questions de décaissements, les opérateurs et bailleurs ne prennent pas le temps de
travailler réellement avec les Collectivités.
Pour l’Etat, seuls quatre grands ministères sont vraiment représentés au niveau territorial
(jusqu’au niveau des Fokontany): les ministères de l’Intérieur, de la Santé Publique, l’Education Nationale,
et enfin celui de la Défense. Les autres sont seulement représentés aux niveaux des Districts, des Régions
ou même des Provinces. De plus, les relations restent balbutiantes entre les institutions déconcentrées et
décentralisées, les unes se méfiant des autres et réciproquement.
La capacité de maîtrise d’ouvrage est tributaire des programmes des bailleurs, en ce qui concerne
la transparence de la gouvernance par exemple. L’administration territoriale de l’Etat peine à assurer une
Direction de la documentation, de la Recherche et de la Communication de l’INDDL
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
coordination de l’ensemble des actions publiques, les représentants locaux ne rendent pas tous compte
et/ou n’en n’ont pas les moyens.
Ce constat nous permet d’imaginer des solutions qui sont aussi autant d’ambitions :
• relancer les processus des 2D (Décentralisation/Déconcentration) c’est-à-dire lier la mise en œuvre
de la 2D aux grandes réformes de l’Etat, comme par exemple l’administration territoriale (gestion de
l’espace), les finances publiques (avec la LOLF qui fut un changement total)... Ces nouveautés
subissent l’inertie d’un personnel souvent âgé qui a du mal à se remettre en cause dans ses
habitudes et ses organisations,
• concrétiser les moyens et les ressources des textes, et éviter les fréquents effets d’annonce des lois
sans décret d’application...,
• territorialiser la mise en oeuvre des politiques publiques,
• donner plus de latitude aux Services Techniques Déconcentrés, pour apprécier et répondre aux
réalités du terrain,
• accompagner les Collectivités Territoriales dans la décentralisation. En effet même les élus ne sont
pas toujours convaincus par la Décentralisation,
• mettre en place des plateformes multi-acteurs, pour favoriser les capitalisations et partenariats,
• consolider le Fonds de Développement Local,
• opérationnaliser l’INDDL, et mettre en place la Fonction Publique Territoriale prévue par la
Constitution qui rendrait plus attractive une carrière au sein des Collectivités territoriales
Décentralisées. On peut passer, par exemple, 30 ans dans une Collectivité sans augmentation, sans
carrière, ni sans quelquefois de retraites (faute de cotisation aux caisses),
• élaborer le Code des Collectivités Territoriales Décentralisées,
• mettre en cohérence les interventions des Partenaires Techniques et Financiers, les inciter à recourir
à l’intercollectivité plutôt qu’à des structures créés ex nihilo par les partenaires (ex : CAC),
• appuyer la maîtrise d’ouvrage des Collectivités territoriales Décentralisées.
En conclusion, la Décentralisation est un défi politique et par conséquent à la fois une volonté, un
impératif technique (l’élaboration des textes) et un défi financier (les ressources) :
Comment opérationnaliser la Constitution de la quatrième République avec ces 3 niveaux Province, Région
et Commune ? Comment délimiter le nombre et les limites des Collectivités territoriales Décentralisées ?
Comment transférer leurs compétences par blocs de compétences ou par compétences générales ?
Comment améliorer les ressources propres : en augmentant la fiscalité locale ou les subventions ? Comme
vous le voyez la décentralisation est encore à faire.
M. Gabhy RAJAONESY (Madagascar)
Expert en politiques publiques, chercheur et enseignant permanent à l’Ecole Nationale de l’Administration
Malgache. Il est consultant et formateur à Madagascar et à l’International. Instigateur du projet d’Institut
National de la Décentralisation et du Développement local, il en est le Directeur depuis juillet 2011.
Direction de la documentation, de la Recherche et de la Communication de l’INDDL
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
« La décentralisation contre le développement local ?»
Cf. article in les Ecrits du Symposium
M. Christophe MESTRE (France)
Christophe Mestre est enseignant au Centre International pour le Développement Local de l’Université
Catholique de Lyon (CIEDEL), il travaille notamment à l’ingénierie du Développement Local, il est responsable de
nombreux modules dont les « évaluations des actions de développement », « plaidoyer et lobbying, stratégies
d’influences ». Ses réflexions se nourrissent d’une grande expérience de terrain dans les projets de coopération
décentralisée et de développement local.
« La décentralisation contre le développement local ?»
Merci à monsieur Christophe Mestre qui vient d’introduire la thématique « la décentralisation
contre le développement local ».
Si nous prenons le cas de Madagascar, il n’est pas nouveau de parler de développement local, de
prise de responsabilité locale que nous traduisons volontiers par initiative communautaire ou
« fandraisana andraikitra avy ifotony », celle-ci est présente depuis l’époque royale, durant la période
coloniale, et jusqu’à aujourd’hui.
L’initiative communautaire est souvent cachée derrière le concept de « Fokonolona » dont nous
entendons souvent parler. Cependant le fokonolona revêt de multiples sens si nous nous attachons à ce
qui a été écrit à son propos, tant à Madagascar qu’ailleurs. Ainsi d’après la littérature spécialisée, pourraiton dire que les malgaches connaissent a priori le fokonolona, cependant nous n’avons pas tous la même
opinion sur ce que l’on entend vraiment par fokonolona, ni sur les idées qui s’y rapportent réellement.
Pour ma part, le fokonolona est le biais par lequel se manifeste la prise de responsabilité locale. Si
elle existe c’est parce qu’il y a ce qu’on appelle des leaders communautaires. Ces dirigeants sont de deux
sortes :
• d’abord il y a les dirigeants locaux qui ont une responsabilité particulière sur place dans chaque
région ou communautés, tels les « ray-amandreny », les « tangalamena », etc. Outre leur
caractère sacré, c’est vers eux que nous nous tournons lorsqu’il y a des problèmes à résoudre
au sein du village ou de la communauté,
• ensuite il y a les dirigeants locaux qui ont un caractère spécifique, un savoir-faire, un savoir
convaincant. Chacun de nous est capable d’en identifier sur son territoire et nous pouvons en
donner plusieurs exemples. Cependant il est bien délicat de citer le nom d’une personne en
particulier.
Les différents gouvernements qui se sont succédés ont toujours fait des efforts pour prendre leur
responsabilité et valoriser l’importance du fokonolona dans le gouvernement de l’Etat. Pendant l’époque
coloniale, pour ceux qui s’en souviennent, il y eu ce que l’on appelait le cas des « collectivités autochtones
rurales » ou CRAM (collectivités rurales autochtones modernisés). Vers la fin de la colonisation, elles
avaient la charge d’organiser les tâches des individus au sein de la société, et lors de l’Indépendance une
des premières lois établie par le gouvernement malgache fut de mettre en place des structures ou
« rafitra » pour permettre au fokonolona de travailler par le biais de l’ordonnance n°62-004 du 14 juillet
1962 (qui soulignait précisément la responsabilité et le travail incombant aux fokonolona). Plus tard
lorsque la Décentralisation a été mise en place, cette préoccupation est restée présente. En effet, il était
édicté par la loi sur la Décentralisation datant de la deuxième république en 1976 (Article 15) que c’est au
Direction de la documentation, de la Recherche et de la Communication de l’INDDL
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
fokonolona qu’appartient le pouvoir local sans qu’il soit précisé clairement la nature de son pouvoir, son
étendue et ses limites.
Ainsi dans toutes les Constitutions successives de Madagascar, nous avons presque tout le temps
constaté l’inscription du fokonolona, c’est donc une manière de dire que nous acceptons, que le
gouvernement accepte et reconnaît son existence, même si dans les écrits aucune précision concrète le
concernant n’a été apportée pour définir légalement ce qu’il est vraiment.
Au sein des territoires, les initiatives communautaires ont de tout temps oeuvrer dans la gestion
de la société. Plusieurs exemples peuvent être pris, tels la préservation de la salubrité et l’hygiène
publiques ou la défense et la valorisation de l’environnement, de la biodiversité. Ces initiatives sont
toujours accompagnées de mesures garantes de leur bonne application. Ces mesures sont ainsi suivies de
« dina» (lois traditionnelles ou coutumières) équivalentes donc à des lois ordinaires qui régissent la société
localement. Il y a certains dina qui ont seulement une vocation locale (dans un quartier, une communauté),
mais d’autres sont de véritables lois applicables édictées, gérées et appliquées par un comité. C’est là
souvent que réside une première source d’incompréhension car souvent la loi du dina s’oppose à la loi de
l’Etat. Plusieurs exemples peuvent illustrer cela. Les journaux se font l’écho régulièrement des problèmes
que pose l’application simultanée de ces deux types de lois. Plusieurs fois dans l’histoire, des lois
nationales ont reconnu les dina mais par la suite la Haute Cour Constitutionnelle les a décrétées contraires
à la Constitution.
Ainsi donc se termine la première partie de mon développement. En guise de résumé, le
développement local à Madagascar se comprend en tant qu’initiative communautaire, en tant que prise
de responsabilité qui s’étend sur de nombreuses thématiques. Ce développement local est une réalité qui
existe depuis fort longtemps et plus tard avec la mise en place de la Décentralisation, un effort fut
consenti pour mettre en cohérence la Décentralisation et les initiatives communautaires. Seulement cela
n’a pas été une franche réussite car ces deux moteurs du développement local ne fonctionnent pas selon
les mêmes besoins ni les mêmes nécessités.
Ma deuxième partie porte sur une présentation concrète de la réalité, autour de quatre
problématiques. Premièrement, je vais citer des exemples sur l’étendue de la manifestation de cette
initiative communautaire. Nous avons vu précédemment les différents usages des projets de
développement à Madagascar, et le rôle des structures locales au sein de la société afin de faire avancer
les structures qu’elles veulent mettre en place. Nous savons tous par exemple qu’en ce qui concerne la
planification des projets communaux, elle commence obligatoirement par une étape de planification
participative. Nous connaissons ce que l’on appelle VOI ou Vondron’olona ifotony (communauté locale)
comme base du développement. Dans le domaine de l’environnement, il y a ce que l’on appelle COBA ou
association des VOI locales. Ces associations sont régulièrement subventionnées afin de réaliser des
projets de développement. Ces associations sont donc reconnues comme partenaires officiels, ce qui
correspond à l’acceptation tacite de leur légalité. L’existence du COBA ne s’arrête donc pas dans les faits
seulement à des secteurs informels.
Sur le plan de l’enseignement, nous connaissons tous l’existence des associations des parents des
élèves qui participent énormément au progrès et à la gestion quotidienne des écoles et le plus souvent ce
sont elles qui garantissent la raison d’être des écoles. Il y a dix ans, l’Etat a créé au sein des établissements
scolaires le FAFY, qui sert de caisse d’Etat afin de subventionner les maîtres FRAM.
Nous constatons, dans tout le pays, tous les travaux réalisés par les fokonolona : constructions de
routes, assainissement des quartiers, mise en place de puits ou de points d’accès à l’eau et bien d’autres
encore... L’exemple le plus marquant concerne la sécurité, la protection des lieux où vivent les êtres
humains, surtout dans les brousses et les campagnes, mais aussi la préservation de l’ordre public. Nous
savons tous ou avons déjà tous entendu parler de fokonolona qui poursuivent les voleurs et organisent la
sécurité dans leur territoire.
J’aimerais ici développer un exemple particulier que j’ai pu observer il y a dix de cela : il s’agit de la
commune d’Andranomadio, district de Tsiroroamadidy, région de Bongolava. Il y régnait une forte et
Direction de la documentation, de la Recherche et de la Communication de l’INDDL
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
exemplaire initiative communautaire. L’Etat à cette époque faisait visiter cette commune-vitrine aux
experts étrangers venus étudier l’initiative communautaire malgache. Les visiteurs étaient étonnés et
ébahis par tout ce que pouvait réaliser l’initiative communautaire et la responsabilisation des villageois. Ils
assuraient ainsi, en même temps, la sécurité, l’éducation, la santé, ainsi que le développement des
campagnes.
Le deuxième point que j’aimerais développer est que ces initiatives communautaires peuvent se
trouver en concurrence avec l’action des CTD et les compétences décentralisées. Il ne s’agit pas ici de
remettre en cause la place des élus locaux mais plutôt l’inadéquation des processus et structures de la
Décentralisation dans leur articulation avec les réalités locales. Je vais donner l’exemple d’un village dont
je ne mentionnerai pas le nom sur la RN4 qui mène à Mahajanga. Nous savons tous à quel point les
voitures empruntant cette route roulent à vive allure et dans ce village l’école se trouve au bord de la
route. Depuis la mort d’un enfant du village, les parents refusent à raison d’envoyer leurs enfants à l’école
et demandent auprès de la circonscription scolaire la construction d’une autre école au sein du village.
Leur demande a été longtemps mise en attente car la loi interdit la construction d’une seconde école
publique dans un même lieu. Ici encore s’opposent logiques locale et nationale. Mis à part cela, il y aurait
de nombreux autres exemples dont on pourrait parler, tels le problème des maires qui sont à la fois sous
la pression du dina_pokonolona (lois coutumières locales), du pouvoir de l’Etat, et de celui de la loi.
Pour poursuivre avec les exemples de projets issus de l’initiative communautaire, quelquefois avec
l’aide des bailleurs de fonds, nous pouvons parler des constructions d’établissements scolaires, de
bibliothèques qui ont pour but l’apprentissage de lecture et d’écriture, de foyers des jeunes... Toutes ces
infrastructures réalisées par l’initiative communautaire sont gérées par la commune (qui est en même
temps propriétaire des lieux). Ainsi propriétés de la commune ces projets ne sont pas gérés comme ils
devraient l’être ; ils deviennent par exemple des lieux de cérémonies dont on tire un loyer et sont donc
détournés de leur but premier communautaire. Souvent la commune et le maire s’immiscent dans les
projets de développement de la communauté et en tirent avantage. Ainsi de nombreuses initiatives
tombent à l’eau à cause de ce qu’en font les maires. Il ne s’agit pas une fois de plus de remettre en cause
la bonne foi des maires, mais seulement de constater que les choses ne sont pas là où elles devraient être ;
ici les logiques de la Décentralisation s’opposent dans la gestion des infrastructures à l’initiative
communautaire. Autre exemple, les marchés construits selon les normes et procédures du FID, qui une
fois les travaux finis, et ce malgré les efforts de la commune et les sommes investies, restent vides. De
nombreux autres cas de non appropriation par la population des projets pourraient être donnés.
Nous nous devons cependant de citer des cas de collaborations fructueuses où la commune établit
et renforce l’initiative communautaire par des structures légales en lui procurant importance, force et
pérennité. C’est le cas notamment dans le secteur de l’enseignement qui constitue un des plus grand
handicap de Madagascar ; en effet entre 50% et 80% de la population de moins de 45 ans ne sait ni lire ni
écrire. Dans ce secteur très délaissé, les initiatives communautaires sont souvent appuyées par des projets
des bailleurs de fonds par la construction d’écoles ou de foyers. Lorsque les bailleurs se retirent, certaines
communes (ces cas sont rares mais existent) reprennent à leur compte les projets et les inscrivent à leur
budget. Ainsi le soutien de la commune permet la pérennité du projet initial issu des réalités locales et des
besoins des populations.
Pour finir, je souligne une fois de plus que l’initiative communautaire est une chose qui ne date
pas d’aujourd’hui à Madagascar. Si l’Etat a mis en place la Décentralisation, il devrait toujours exercé un
suivi afin de s’assurer de la bonne marche malgré les difficultés, de cette dernière avec toutes les forces et
pouvoirs locaux et ce même si c’est vrai qu’il y a un proverbe malgache qui dit : « Tanin’Andriana tiako
honenana ka satan’andriana tsy tiako arahina » (je veux bien habiter sur le territoire d’un roi mais ne veux
pas être soumis à ses lois). La Décentralisation se trouve au-dessus du peuple mais en est une expression
directe et nous disons aussi « Aleo alan’andriana toy izay ala bahoaka » (il vaut mieux être haï par le roi
que par le peuple) et c’est ici qu’un effort doit être fait, afin de rapprocher la Décentralisation des attentes
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14
Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
des populations. Si nous avons donc un conseil à donner aux centres de formation qui vont éduquer les
élus, c’est de leur montrer ce qu’il faut faire afin de ne pas répéter les mêmes erreurs, car il faut noter
qu’au sein de la société, toutes les structures qui émanent de l’unanimité des populations locales doivent
être respectées qu’elles soient légales ou non.
Enfin je souhaite attirer votre attention sur le « Guide du Maire » rédigé en 2000 par l’Etat avec le
soutien du PNUD, dans ce livre de plus de 700 pages aucune mention n’est faite du « fokonolona», des
pouvoirs locaux ou des aspirations qu’ils représentent ; évidemment ces centaines pages sont consacrées
uniquement à la gestion des affaires de l’Etat.
Merci beaucoup.
M. Jean-Baptiste RAKOTOZAFY HARISON (Madagascar)
Enseignant chercheur à l’Université de Fianarantsoa, monsieur Rakotozafy est un « touche à tout » de talent
puisqu’il enseigne les mathématiques, la culture scientifique, la sociologie du développement, l’initiation
économique, la statistique... Il est également un membre actif de l’Institut Supérieur FFF Malagasy Mahomby.
Ses activités l’ont amené à échanger lors d’ateliers et de séminaires internationaux et à participer à des
programmes importants menés par les Nations Unies notamment.
Echanges avec la salle
Le souci des participants a surtout porté sur des constatations de fait dans les CTD et des
questions relatives à leur fonctionnement. Ainsi, notamment la continuité de la gestion des affaires de la
commune qui devrait être érigée en règle générale en cas de changement de maire.
De même, durant la Première République, l’autonomie financière était relative du fait de
l’existence du budget provincial pour le paiement des agents du ministère de l’enseignement et de la
santé.
Pour régulariser les arriérés des communes vis-à-vis de la CNaPS, une convention a été signée,
étant donné que le paiement de la CNaPS fait partie des charges obligatoires des communes. Mais aux
yeux de beaucoup il sera difficile pour toutes les communes de se « mettre à jour ».
L’Etat est souvent vu comme la cristallisation des rapports de force à un moment déterminé. Par
conséquent, les francophones ont toujours pensé que la décentralisation et la déconcentration allaient de
pair, mais ce n’est pas toujours le cas. Dans ce système l’évolution de l’Etat dépend de ces rapports de
forces.
De nombreux auditeurs sont revenus sur l’inapplication des lois relatives aux CTD comme la non
application des lois sur l’élection des Chefs de Régions qui ont toujours été désignés par le pouvoir central,
alors que la décentralisation est la manifestation de la démocratie par les élections.
Il en est de même pour le reclassement des catégories des communes qui se fait à partir des
critères d’éligibilité établis par le ministère.
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
Cependant il existe une dynamique réelle dans le milieu rural de développement local, le
problème est de savoir comment appuyer ces initiatives sans les disqualifier ou priver les populations de
leurs propres programmes, c’est le cas par exemple avec la construction des routes.
Une certaine nostalgie de la Ière République apparaît au travers de nombreuses interventions.
Cependant l’assistance reconnaît qu’avec la création du Fonds de Développement Local, il existe une
volonté politique palpable à travers la Politique Nationale de la Décentralisation et de Déconcentration
(PN2D).
Au Cameroun, il existe une charte de la Déconcentration qui lie l’Etat et les collectivités. Il en
résulte que l’Etat qui transfère ses compétences aux collectivités doit faire un suivi de leur application, et
les reprendre éventuellement en cas de non-respect des règles.
La mise en place d’un cadre juridique légal a été avancée avec de nombreux exemples, comme
l’existence d’une chambre spéciale au niveau du tribunal judiciaire, destinée aux collectivités pour
permettre aux communes un meilleur recouvrement fiscal auprès des contribuables locaux. Cette
chambre spéciale sera un outil de pression aux mains des communes.
Le contrôle de légalité n’est pas une entrave au développement des CTD, car le chef de district
représente le Premier Ministre et l’ensemble du Gouvernement. Il est là pour s’assurer de la bonne
gouvernance des CTD.
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
Mercredi 14 décembre - Débat
Choisir le bon échelon d’intervention ?
Introduction « Échelles d’expériences malgaches »
Une revue historique rapide de la modalité d’intervention à Madagascar avant la Décentralisation.
Le pays n’a pas échappé au mode classique de gouvernance avec la pratique de la politique
centralisatrice que nous avons vécue durant plusieurs décennies. Une politique privilégiant les
orientations nationales dans les modalités d’intervention : autrement dit, les interventions, mêmes si elles
sont réalisées localement, sont formulées, gérées et pilotées par le niveau central, en reléguant les
acteurs locaux (responsables locaux, population locale et services déconcentrés) à la place de simples
bénéficiaires et spectateurs. Ce centralisme a même eu des conséquences au niveau de la structuration de
l’armature urbaine du pays, avec la concentration des fonctions d’encadrement au niveau de quelques
villes.
Fort de ces constats et d’une approche de la complexité, des questions s’interposent sur les
héritages laissés au pays à l’issue de la période centralisatrice :
Est-ce qu’elle n’a pas facilité le développement des échelons territoriaux décentralisés avec les
infrastructures conçues suivant une logique nationale?
Est-ce qu’elle n’a pas façonné un territoire malgache interdépendant à l’échelle intercommunale et
interrégionale (?)
Décentralisation : vers la multiplication des échelles.
Depuis près de 20 ans, au moment où le pays s’est engagé dans le processus de Décentralisation,
on assiste à l’apparition de nouvelles échelles correspondant aux nouvelles structures de proximité : les
« Collectivités Territoriales Décentralisées » (CTD). Ces nouveaux échelons résultent en fait de la
répartition du Territoire National en plusieurs territoires géographiquement emboîtés mais
administrativement et financièrement autonomes (en principes).
Ces CTD disposent désormais des compétences dans les domaines clés du développement,
désigné en général par le terme : mission de développement économique et social. Par contre,
l’insuffisance de ses moyens, qui traduit encore l’ineffectivité de la décentralisation, les pousse à recourir
à l’Etat central. Par conséquent, l’Etat central continue à intervenir aux niveaux décentralisés.
Décentralisation : vers la démultiplication des acteurs
L’engagement dans le processus de décentralisation a entraîné l’émergence à coté de l’Etat,
d’acteurs locaux. La multiplication des échelles explique le choix, un choix qui se pose, a priori, aux acteurs
externes de la Collectivité comme :
• l’Etat ;
• les opérateurs privés ;
• la société civile,
• les organismes internationaux,
• la communauté locale,
•…
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
D’où la pertinence de notre thème : choisir le bon échelon d’intervention?
D’une part on assiste à l’apparition de multiples niveaux de Décentralisation et d’autre part, on constate
l’émergence de groupe d’acteurs favorisant le développement des CTD : mais quels sont les critères de
choix ?
Ils sont très variables et complexes à définir.
S’agit-il en effet d’envisager :
• La logique des acteurs,
• La nature de l’intervention (sa portée, sa durée, …),
• Les impacts voulus et les attentes au niveau local,
• L’existence d’interlocuteurs responsables,
• L’existence d’un cadre référentiel commun de développement et d’aménagement?
Quels sont les autres critères impulsant les interventions au niveau intercommunal et régional?
• Le phénomène d’urbanisation,
• Les facteurs environnementaux ou le changement climatique,
• L’approche géographique et spatiale,
• La délimitation administrative,
•…
Les échelles d’expériences malgaches.
Ces multiples échelles et leurs multiples acteurs amènent à un nécessaire besoin de coordinations
(horizontale et verticale). Ce besoin s’exprime dans la volonté politique de doter, chaque échelon
d’intervention d’un outil de planification et de développement, ainsi en partant du national vers le local :
• le Schéma National d’Aménagement du Territoire,
• le schéma Régional d’Aménagement du Territoire (horizon 15 ans) et le plan Régional de
Développement (5ans),
• le Schéma d’Aménagement Communal (15 ans) et le Plan Communal de développement (5ans)
• les Plans d’urbanisme.
Tous ces outils de planification devraient être cohérents et complémentaires entre eux.
Le Projet des Pôles Intégrés de Croissance (PIC)
Cet exemple nous donne à voir la volonté politique de miser en intervenant à une échelle donnée
en espérant avoir des impacts sur une échelle élargie, avec pour la première tranche (PIC 1) 3 sites : PIC
Nosy Be, PIC Fort-Dauphin, PIC Tana-Antsirabe.
Cette approche a été reprise dans le Schéma National d’Aménagement du Territoire qui prévoit en
plus, 7 nouveaux espaces de croissance. C’était la première fois qu’un projet de la sorte était financé -par
la Banque Mondiale- et il est maintenant répliqué dans d’autres pays d’Afrique.
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
Projets classiques
Projet PIC
Territoire cible
Envergure nationale
Approche Pôles (Nosy Be,
Antananarivo-Antsirabe, Tolagnaro)
Thématique
Focalisés sur un seul secteur
Multi sectoriel
Montage financier
Financement Public
Financements Public & Privé (PPP
et matching grant scheme)
Approche parfois partielle
Approche intégrée
- Sept 2005 :
Crédit initial de 128 Millions
USD (92% de taux de décaissement à
mars 2011)
- 2007:
WB Regional Excellence Award
- Août 2008
: Crédit additionnel de 40
Millions USD
- Mars 2009 : Suspension des
décaissements (OP 7.30)
- Novembre 2009 : Quelques mesures
exceptionnelles autorisées
- Fin avril 2011 : ~ 45 millions USD non
Axe 1
Construction et réhabilitation d’infrastructures
socio-économiques (> 70% du budget du PIC)
Axe 2
Amélioration du cadre d’activités des entreprises
pour stimuler le secteur privé
Axe 3
Renforcement de la gouvernance locale
Axe 4
Mesures d’accompagnement social et
environnemental
décaissés
Les nouveaux Espaces de Croissance
Parmi les nouveaux projets priorisés :
• Espace de croissance polarisé de Toamasina,
• Espace de croissance autour d’un aménagement hydro-agricole : la relance du lac Alaotra,
• Espace de croissance et de développement urbano-rural en Haute-Matsiatra,
• Espace de croissance autour d’un axe routier : le cas de la Route Nationale 7 (d’Antananarivo à
Tuléar),
• Espace de croissance métropolitain d’Antananarivo
• Bassin fluvial comme “espace de croissance” : l’exemple du bassin versant de l’Ikopa-Betsiboka, avec
l’aménagement intégré du bassin de l’Ikopa-Betsiboka (et Mahajamba)
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19
Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
En guise de conclusion, quels défis et perspectives ?
• S’assurer que tout ce qui a été (ou sera) construit sera pérennisé,
• Prioriser les activités et accompagner les partenaires et bénéficiaires (publics et privés) pour
accélérer les impacts au niveau de la population,
• Mettre à jour les schémas de développement locaux,
• Aider l’administration publique locale à prendre les rennes plus rapidement,
• Restaurer la confiance du secteur privé.
Tiana RANDRIANASOLOARIMINA (Madagascar)
DG de l'Aménagement du Territoire, depuis Avril 2009, M. Randrianasoloarimina est Aménageur urbaniste et
Ingénieur en BTP de formation. Diplômé des Ponts et Chaussées français, il a une grande expérience de
l’élaboration d’outils de planification spatiale et d’opération d’aménagement, notamment à Madagascar
(schémas régionaux, plans d’urbanisme, zone d’aménagement sectoriel, …). Impliqué dans les différentes étapes
du renouveau de l’Aménagement du Territoire à Madagascar depuis 2003, il rejoint en avril 2009
l’administration publique en tant que Directeur Général de l’aménagement du territoire (ceci consacre sa
carrière). Il est un expert national du développement Local et de la Planification.
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
Table ronde : Choisir le bon échelon d’intervention : vers plus d’intercommunalité
et de régionalisation ?
M. ISSARD Yann a mis l’accent sur l’OPCI (Organisme Public de Coopération Intercommunale) Volamena
de Maevatanana qui a reçu l’appui de l’IRCOD (Institut Régional de Coopération-Développement, Alsace).
Il s’agit d’une structure regroupant 14 communes rurales de Maevatanana sur les 17 existantes. Elle a été
créée en 2008. Le Ministère de l’Aménagement du Territoire et de la Décentralisation (MATD) a mis en
place le Centre d’Appui aux Communes (CAC) pour une amélioration des retombées fiscales et l’IRCOD a
apporté son appui à cette politique par la mise à sa disposition d’un poste de volontaire français et une
équipe multidisciplinaire. La stratégie était de prévoir à termes un retrait progressif de l’appui pour une
pérennisation des actions effectuées. Depuis deux ans, les 14 maires ont été encouragés à proposer des
projets susceptibles d’intéresser les communes rurales ; car les besoins des communes urbaines et rurales
ne sont pas identiques. En milieu urbain, le besoin d’installation des infrastructures est beaucoup plus
évident, ce qui n’est pas le cas en milieu rural.
M. RAKOTONDRASOLO Michaël a traité des réalisations et des problématiques sur des actions concrètes
dans le cadre de l’intercommunalité ont été abordées. Quatre volets ont été précisés :
• l’appui à la valorisation des ressources communales,
• l’appui à l’administration et à la gestion communale,
• l’appui à la sécurisation foncière et à l’aménagement du territoire,
• l’appui à la maîtrise d’ouvrage communale.
La faiblesse des recettes communales caractérise la problématique de la réalisation des activités.
La solution serait d’appliquer une quote-part sur la recette fiscale allouée à l’organisme public de
coopération intercommunale (OPCI). D’autre part, il existe un flou juridique dans le cadre des
interventions de l’OPCI. Ainsi, les interventions des STD ne sont pas explicites bien que le gros des actions
de l’intercommunalité passe à travers les actions des STD. Il importe donc de restructurer l’OPCI afin de
mobiliser les ressources financières et les compétences au sein des communes de manière plus efficace et
normative.
M. CHALVIN et M. RISY ont parlé de « l’association TIA SAVA » son cadre, les enseignements et les limites
du programme. Cette association réunit les quatre communes urbaines de la Région SAVA.
L’association entre dans le cadre d’un programme de développement local urbain, dont le champ
d’action s’étend sur quatre communes urbaines de la SAVA et appuie la maîtrise d’ouvrage communale, la
fiscalité locale et le développement de l’animation du territoire. Il s’agit surtout d’une plate-forme de
concertation pour la pérennisation des actions entreprises par le programme en 2003.
Monsieur le maire a mis en exergue l’association TIA SAVA créée en 2010, et constituée d’acteurs
communaux tels que les organisations de la société civile et les Fokontany qui sont les bases même de
l’association. C’est une plate-forme de concertation, de dialogue économique et culturel pour créer des
services et des biens communaux. Elle appuie la collaboration entre les associations et le développement
économique social pour un meilleur accès aux biens et les services, notamment un meilleur recouvrement
de la fiscalité locale.
M. HELLUIN a axé son intervention sur la coopération décentralisée entre la Région Ile-de-France et la
commune urbaine d’Antananarivo dont le premier volet consiste à améliorer la mobilité urbaine et de
mieux gérer et d’accompagner le territoire dans son programme de développement. Un constat : à
Madagascar, il n’existe pas de nomenclature de description de fonctionnement du territoire, ce qui
aboutit à donner une représentation seulement statistique du fonctionnement des diverses activités dans
le territoire. C’est un zonage qui reflète la polarisation du centre d’un territoire vers la périphérie et qui
met l’accent sur l’implantation géographique de l’emploi et des habitats. Pour Madagascar, la solution
idoine serait d’adapter les zonages sur les activités du territoire.
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21
Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
Mme SYBILLIN a insisté sur la dualité du système de gestion des transports dans la commune urbaine
d’Antananarivo. Alors que la commune urbaine ne gère son transport que sur son propre territoire,
l’Agence de Transport Terrestre (ATT) s’occupe des zones suburbaines, ce qui a rendu impossible le
système de tarification unique sur un même axe. Une même entité unique rendrait la chose faisable d’où,
la nécessité de la mise en place des réformes dans la législation du mode de transport urbain et une
refonte des délimitations territoriales.
M. Gaston MANANJARA et M. Juslin JAONOSY : « Rôle de la Région DIANA dans la promotion du
développement économique de son territoire »
M. MANANJARA
Dans quelle mesure la Région peut-elle :
• stimuler le dynamisme économique local ?
• favoriser la cohérence économique territoriale?
• développer le rapprochement et les alliances des acteurs économiques du territoire, publics et privés ?
• motiver les acteurs régionaux à être autonomes dans le choix des réorientations techniques,
économiques et sociales ?
• enfin la Région a-t-elle la capacité sur les plans technique et financier d’assumer son rôle de pilote de
coordination économique et social ?
Ces questions trouveront leurs réponses dans l’élaboration et la mise en œuvre d’un Schéma Régional de
Développement Economique (SRDE), à intégrer dans le cadre d’un Schéma Régional d’Aménagement du
Territoire (SRAT), et la mise en place d’un outil financier tel que le fonds de développement économique
local et l’accompagnement des acteurs économiques locaux.
M. Juslin JAONOSY, Directeur du Développement Régional de la Région DIANA a surtout parlé de
l’accompagnement des acteurs économiques locaux, par la mise en place d’un dispositif financier qui est
un fonds de développement dont l’objectif est de créer une dynamique entre les CTD et les opérateurs
économiques dans le cadre d’une stratégie globale. Elle répond aux attentes des Régions dans leur
développement économique et constitue un espace de concertation piloté par la Région et réunissant la
société civile, les associations et les acteurs économiques locaux.
M. Yann ISSARD (France)
Représentant de l’Institut Régional de Coopération Développement (IRCOD) à Madagascar, en charge des
actions de coopération décentralisée des collectivités alsaciennes, auprès des Communes de Mahajanga,
Ambato Ambarimay, et de l’OPCI Volamena à Maevatanana, il a par le passé, exercé des fonctions de
développeur et médiateur dans le domaine social auprès des publics précarisés. Son expérience l’a mené entre
autres de Romans sur Isère (France) à Taroudant (Maroc).
M. RAKOTONDRASOLO Michaël (Madagascar)
Chef d'équipe CAC de Maevatanana
Arnaud CHALVIN (France)
Spécialiste des questions de développements et particulièrement des questions économiques, monsieur Chalvin
est conseiller technique au Centre International de Développement et de Recherche (CIDR) et responsable des
programmes menés dans la Région SAVA.
M. Aimé RISY (Madagascar)
Maire de la Commune urbaine d’Antalaha depuis 2007, monsieur Risy est le président de l’Association
Intercommunale TIA SAVA.
M. Jean-jacques HELLUIN (France)
Ingénieur des Travaux Publics de l'Etat et Urbaniste, monsieur Helluin après avoir été chercheur puis chargé
d'études en urbanisme et expert de la Politique de la Ville au Ministère Français du Développement Durable, a
travaillé au Headquarter du secteur urbain de la Banque Mondiale à Washington sur les stratégies de
développement des villes du Sud. Il est actuellement représentant de la Région Ile-de-France à Madagascar et
Directeur de l'Institut des Métiers de la Ville.
Mme Marion SYBILLIN (France)
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
Urbaniste spécialisée sur la question des services urbains en réseaux dans les pays en développement, madame
Sybillin après une expérience au sein de cabinets de Consulting, est en charge de la coordination du Programme
d’Amélioration de la Mobilité Urbaine (PAMU) au sein de l’Institut des Métiers de la Ville d’Antananarivo.
M. Gaston MANANJARA (Madagascar)
Expert en management des collectivités territoriales et en gouvernance des territoires, Gaston Mananjara est
conseiller technique et Directeur du programme de coopération décentralisée de la Région Picardie (France)
avec la Région Diana (Madagascar).
M. Juslin JAONOSY (Madagascar)
Directeur du Développement Régional de la Région Diana, il est un membre actif des réseaux nationaux et
internationaux de travail et de réflexion qui lient les cadres territoriaux du sud-ouest de l’Océan Indien.
Echanges avec la salle
Pour la Région DIANA, il a été demandé s’il ne serait pas judicieux de combiner SRAT et SRDE (Schéma
régional pour le développement économique). Le SRDE, c’est l’émanation économique du SRAT et il n’y a
pas de séparation entre les deux entités.
L’intercommunalité est un engagement des élus pour des objectifs précis, comme un bon taux de
recouvrement fiscal afin d’augmenter les recettes fiscales.
Il existe une stratégie pour la pérennisation de l’OPCI : l’Union Européenne a déjà prévu un fonds pour la
construction d’un marché et dont la gestion est en cours d’étude actuellement.
Il y a urgence de la refonte de la territorialité pour la commune urbaine d’Antananarivo (espace grand
Tanà), sinon, d’ici une vingtaine d’années, Antananarivo sera un des plus vastes bidonvilles d’Afrique. Car
le destin de la commune d’Ivato est lié à celui de la commune urbaine d’Antananarivo. Mais le
regroupement pour un grand Tanà est surtout un débat qui pour l’heure est dans la sphère politique.
Parmi toutes les thématiques, avec celle du Grand Tanà, ce fût celle de l’intercommunalité qui fît le plus
débat. De l’avis de tous les participants, les textes étaient à revoir et à appliquer afin de rendre plus
efficaces les OPCI malgaches.
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23
Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
Jeudi 15 décembre - Conférences
Action locale : comment aborder la problématique de l’appropriation et de
l’identité ?
« Les interactions langagières prises comme passerelles vers la participation des
acteurs locaux »
Nous allons parler des interactions langagières comme dispositif d’interconnexion pouvant
amener les acteurs locaux à une participation effective à la gouvernance et au développement1. Il est
conçu dans le but de contribuer à la recherche d’une meilleure appropriation des concepts liés aux
processus de décentralisation et au développement local.
La présentation du rôle et de la place des langues et langages commencera par un bref rappel
théorique sur la langue, le langage et l’interaction, puis se poursuivra par la mise en évidence de la
corrélation interaction/participation pour se terminer par des réflexions sur les problèmes de
l’appropriation des concepts relatifs à l’action locale.
1. Langue, langage et interaction
Bref éclairage notionnel
Sans vouloir faire un exposé théorique sur le langage humain, il semble indispensable d’apporter
d’abord quelques remarques y afférentes.
La langue, en plus de distinguer la société humaine de celle des animaux, y assure plusieurs
fonctions qui ne seront pas énumérées ici. Toutefois, il est important de relever que c’est elle qui permet à
l’homme de développer ses idées et de les partager de manière directe ; c’est également elle qui permet
d’exercer les pouvoirs politiques et de diriger les affaires de la cité. En tant qu’outil de communication
humaine, elle est constituée par un ensemble de codes2. Pour son décryptage, il faut des repères
communs à ses utilisateurs sinon, il y a incompréhension.
Le langage peut être appréhendé comme la faculté humaine d’utilisation de la langue mais aussi
comme l’utilisation de différentes conventions et références pour «signifier» (donner du sens). Cette
deuxième acception est forcément en relation non seulement avec une langue et une certaine vision du
monde mais aussi avec un contexte complexe notamment sociolinguistique et culturel. Un certain langage
est utilisé par les membres d’une certaine communauté qui fait usage d’une certaine langue ou par les
membres d’une certaine communauté d’initiés pour s’échanger entre eux les informations (au sens large)
nécessaires à l’appréhension de la réalité évoquée et pour agir les uns sur les autres de façon à pouvoir
continuer à vivre en groupe (quel que soit la taille du groupe).
La langue et le langage jouent un rôle prépondérant dans l’intercompréhension humaine qui, dans
une large mesure, conditionne l’intérêt pour telle ou telle action concrète ou symbolique, individuelle ou
collective. C’est en effet dans l’activité langagière qu’on érige un énoncé de savoir, lequel renvoie
1
La partie, Langage et développement local, présentée par le Pr Lucie RAHARINIRINA RABAOVOLOLONA met en
évidence les différentes logiques langagières et les référents géoculturels qui peuvent présider à l’engagement des
acteurs locaux.
2
Code : « système conventionnel de relations rigoureusement structurées entre signes. La langue constitue un code
qui permet de communiquer des idées. Les danses sacrées sont souvent de véritables codes où le moindre geste est
chargé de significations.» (Dictionnaire Antidote)
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
implicitement ou explicitement à de multiples énoncés formulés antérieurement ou à venir pour les
évaluer, les reformuler, les négocier ou les contester.
L’influence réciproque entre les participants dans une conversation orale où alternent les
moments de production et de réception de parole est indéniable. En sciences du langage, le terme
«interaction» renvoie à une situation complexe où les participants à une action sont en mesure de se
parler et de s’écouter mutuellement jusqu’à ce qu’ils arrivent à une lecture convergente de la situation, à
une co-élaboration et une co-construction.
Ainsi, peut-on apprécier les interactions entre interlocuteurs à partir de l’examen des
comportements et des productions langagières.
Fonctionnement langagier et interaction
L’interaction résulte d’un mode de fonctionnement langagier ; elle se différencie de plusieurs
manières de la simple juxtaposition des activités de parole et d’écoute en ce sens que, au fur et à mesure
que l’interaction avance, les participants à l’échange oral, adoptent une attitude d’expectative en
élaborant des attentes et en se concentrant sur les points qu’ils trouvent pertinents. Autrement dit,
l’interlocuteur traite l’énoncé sans attendre qu’il soit achevé et planifie sa réponse sur la base
d’hypothèses quant à la nature de cet énoncé, de son sens et de son interprétation. Dans d’autres
conditions d’échanges qui ne permettent pas aux interlocuteurs de s’exprimer et de réagir
instantanément (par exemple, par des documents écrits), ils sont appelés à réaliser successivement des
tâches communicatives clairement identifiables sans qu’ils soient obligés d’abandonner les principes de
l’interaction.
Dans la pratique, décrire, exprimer son point de vue, expliciter un raisonnement, reformuler,
résumer…dans la langue adaptée à la situation et dans un langage partagé constituent des actes
importants pour toutes les personnes entrant en interaction langagière. En plus de ces compétences
communicatives, l’interaction requiert d’autres compétences plus générales ; entre autres savoirs être
réceptif et réactif, ainsi que des compétences plus spécifiques telles que savoir poser des questions et
donner des informations volontaires ou en réponse, suivant l’appréciation de la progression de l’échange
verbal3 oral ou écrit.
En interaction, « pouvoir entendre » (saisir le langage) et « pouvoir prendre la parole » (agir en
langage) sont des moments essentiels mais ces opérations sont impossibles si on ne partage pas le langage
utilisé. En outre, les interactions langagières ne se réduisent pas aux aboutissements des caractéristiques
sémantiques attribuées à l’avance aux différentes formes linguistiques mais sont tributaires du contexte
socioculturel de l’échange ainsi que d’une certaine réalité particulière à la situation. A ce propos,
l’exemple pris par Raharinirina Rabavololona (op.cit.) sur le eny ou « oui » prononcé par un paysan
malgache devant des intervenants extérieurs est significatif en ce sens où il peut s’agir d’un indice
d’inexistence d’interactions langagières que les responsables d’opérations de développement ne décèlent
pas toujours.
2. Corrélation «interactions/participation»
La décentralisation et l’implication des collectivités territoriales décentralisées dans le
développement supposent un investissement immatériel dans la coopération et le dialogue. Ce sont les
interactions langagières directes (en face à face) ou indirectes (par différents canaux et supports) entre
tous les porteurs d'enjeu ou stakeholders qui conditionnent les changements structurels et la mobilisation
collective pour l’action locale. Ces dernières occasionnent à leur tour des échanges verbaux, ne serait-ce
qu’en vue de la coordination des diverses activités à entreprendre.
3
Un outil tel que Fanjarivoary (adaptation linguistique et culturelle du jeu de rôle « Stratagème » conçu par l’équipe
du CIRAD Montpellier en 1999) permet de développer l’ensemble de ces compétences.
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
En guise d’illustration, des participants monolingues ne peuvent pas saisir les propos d’un
animateur d’atelier sur la mise en œuvre d’un programme de décentralisation si ce dernier a recourt
régulièrement à d’autres langues que la leur pour soi-disant « ne pas dénaturer les concepts ou ne pas
déformer la réalité»4. Ce n’est pas en procédant d’une telle manière que l’animateur va arriver à interagir
avec les participants ; il s’agit là d’un comportement langagier à travers lequel l’animateur manifeste son
égoïsme en préférant se soucier de son propre confort intellectuel au détriment de l’interaction. Dans le
cas où les animateurs parlent exclusivement dans la langue habituelle des participants mais utilisent un
langage technicien qu’ils ne peuvent pas « entendre » faute de repères, ils ne sauront pas entrer en
interaction. Donc, dans l’un ou l’autre cas, il ne participe pas pleinement à l’atelier qui, à la différence des
autres formats d’événements, est censé être un espace de (co-)production ou de création collective. Cette
illustration permet d’affirmer une fois encore que les interactions langagières et la participation sont
fortement corrélées. L’importance accordée au partenariat et à l’appropriation locale appelle vraiment à
une intense interaction en vue de la co-élaboration et la co-construction de savoirs et de nouveaux
concepts requis par les réformes en faveur de la décentralisation.
D’autre part, l’ensemble formé par les responsables de la décentralisation et des opérations de
développement ainsi que les acteurs au niveau des CTD peut être mis en parallèle avec une corporation.
Cette dernière est considérée comme « une structure contractuelle permettant aux acteurs de se
coordonner dans le cadre des relations (économiques) » (BERTRAND Nathalie, MOQUAY Patrick 2004)5
dont les entités constitutives sont déterminées par l’analyse des rapports de places. Pareillement, les
relations entre les partenaires destinés à être parties prenantes dans les processus de la décentralisation
sont décisives dans l’orientation des actions en fonction des objectifs. L’interaction y importe beaucoup,
non seulement dans la co-construction de savoirs mais aussi dans la co-interprétation des rapports et
l’analyse les relations verticales (avec la hiérarchie) et horizontales (à un même niveau d’intervention).
Ainsi, en plus d’être un procédé d’ajustement mutuel propice à l’appropriation, l’interaction langagière est
profitable aux processus de décentralisation et à la mise en œuvre de la gouvernance locale, en tant que
méthode d’identification et d’orientation des actions.
C’est en voulant avancer dans ce sens qu’une équipe composée d’experts en foncier,
d’anthropologues du droit, de linguistes et de langagiers6 a mené une recherche-action auprès de la
population de Miadanandriana (Manjakandriana, Région Analamanga) où un des premiers guichets
fonciers a été mis en place en 20057. En effet, même si l’initiative locale en matière foncière est louable,
elle serait vouée à l’échec si les acteurs de différents niveaux n’ont pas la volonté de co-élaborer et de coconstruire les savoirs y afférents. Le lexique élaboré par l’équipe citée (ci avant) tient compte de la
terminologie des services techniques (souvent en français, mais aussi en malgache), du vocabulaire du
foncier local et la première version a été présentée à l’Atelier National Bilan à 1 an de la réforme foncière
et élaboration du manuel d’opérations de gestion foncière décentralisée (les 7, 8 et 9 février 2006 à
Antananarivo). Ce n’est qu’après différents ajustements qu’il a été publié, et ses utilisateurs sont encore
encouragés à s’investir dans des interactions langagières avant un usage localisé de cet ouvrage pour
éviter autant que possible les malentendus culturels du genre de ce que renferme « ara-dalana » dont le
sens juridique « légal » risque de ne pas du tout être pris en compte par un paysan qui dit « Fananako aradalana io tany io » pour faire savoir qu’une terre lui appartient légitimement parce que la transmission de
sa propriété s’est faite de génération en génération.
4
De nombreux techniciens malgaches utilisent volontairement des termes techniques en français en évoquant ces
raisons alors même qu’ils parlent avec des paysans qu’ils savent illettrés ou à la radio nationale dont l’auditoire est
constitué essentiellement par des monolingues.
5
Pour la théorie du contrat, les auteurs font référence à la théorie du contrat de Williamson O. E., « The Modern
Corporation : Origins, Evolution, Attributes », Journal of Economic Literature, vol. 19, décembre 1981.
6
Le langagier est aussi appelé «localisateur» vu que sa principale fonction est d’adapter des contenus au contexte
linguistique et culturel local.
7
Il s’agit d’une intervention dans le cadre du projet régional INTERREG SFAT en collaboration avec le PNF.
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26
Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
Cependant, on ne devrait pas ignorer le cas évoqué par Chantal Blanc PAMARD et Emmanuel
FAUROUX 20048 où, à force de participer à des séances de formation, des séminaires et des ateliers,
certaines personnes « ont fini par acquérir, avec le temps, un style, un langage, une façon de comprendre
le discours du développement ». Elles deviennent des interlocuteurs privilégiés des animateurs sans pour
autant avoir pu s’approprier des concepts. Lors d’une expérience de terrain à Manjakatompo en 2002
l’équipe de la JEAI9 nous a présenté des représentants d’associations paysannes locales ayant un tel profil
mais pour qui un avenir meilleur à 20 ans était d’avoir des petits conforts ponctuels et qui ne formulent
pas leurs attentes en terme d’indicateurs de développement qu’ils connaissent pourtant par coeur (accès
aux infrastructures de santé, à l’éducation, implantation d’entreprises rentables ...). Ils se voient
propriétaires d’une charrette, se déplacer à bicyclette, manger leur plat de riz avec toujours de la viande,
avoir de quoi aller acheter tous les jours de marché.... Nous n’avons pu constater que quelques réactions
rares tendant vers des aspirations plus qualitatives comme avoir un camion, une grande maison (même
sans eau ni cuisine aménagée comme en ville), avoir un fils médecin. En tous les cas, la forêt de
Manjakatompo ne figure pas dans l’imaginaire du développement de demain de ces principaux
interlocuteurs et de nombreux porteurs de projet de développement intéressés plutôt par le projet minier
d’Ambatolampy et ses environs. Ces représentants d’associations avaient même fait remarquer qu’ils ont
participé à diverses séances de formation ainsi qu’à des séminaires et ateliers, qu’ils savent ce qu’est la
démarche participative ainsi que l’importance que relève la gestion durable de cette forêt pour le
développement de leur district. Mais l’étude de leurs productions langagières contrôlées (en séance) et
moins surveillées (en décrivant un avenir meilleur) recoupées par l’observation de leurs attitudes a révélé
que pour eux, la forêt est un seulement un site pour le bois de chauffe, les manches à balai, les plantes
médicinales et quelque fois pour les pratiques ancestrales.
Ce qui a été dit précédemment met en garde contre le danger de se fier juste au langage de
certains acteurs sans prendre le soin de vérifier s’ils ont eu ou pas du tout, différentes occasions d’entrer
en interactions langagières avec les porteurs de réformes structurelles et fonctionnelles ou de toute autre
innovation pour bien s’approprier des concepts que les mots et expressions utilisés sont censés véhiculer
dans le domaine concerné. On ne devrait pas non plus perdre de vue le fait que le contexte anthropoculturel doit être pris en compte dans l’appréciation des interactions langagières.
3. Appropriation des concepts et problèmes connexes.
Une des réalités communes aux pays du sud africain, est que les concepteurs et les bailleurs de
fonds spécialisés dans le développement ont souvent imposé leurs points de vue et leurs langages. Le vécu
dans le domaine du développement à Madagascar comme dans plusieurs autres pays a amené
sournoisement les protagonistes à ne plus accorder au terme « coopérer » le sens de « agir de concert ».
Pour les concepteurs et les investisseurs, un partenaire coopère quand il est « bon élève » et pour les CTD,
la coopération est associée à l’octroi de dons ou au financement et rarement à un travail conjoint 10. Par
conséquent, aucune des parties ne cherche plus à instaurer un dialogue véritable dans lequel la prise de
parole est un droit11 et l’écoute mutuelle un devoir. Si un effort de dialogue n’est pas fait, les citoyens
seraient hors coopération et ne pourront ni devenir des partenaires dans le développement, ni prendre
part à la décision au niveau. Subséquemment, il leur est impossible de s’approprier les mécanismes
8
L’article montre bien que si l’adhésion des pouvoirs locaux est essentielle pour les opérations de développement
dans le sud malgache, elle ne saurait se résoudre à l’occasion de réunions villageoises durant lesquelles les activités
langagières sont régies par la logique lignagère.
9
Il s’agit d’un atelier d’avenir organisé dans le cadre “Recherche – action sur les perceptions paysannes», par
l’équipe de la JEAI (Jeune Equipe Associée à l’IRD) du C3EDM.
10
C’est peut-être la raison qui a conduit les dirigeants malgaches à une certaine période à dé-composer fiarahamiasa (coopération) en le retournant en miasa miaraka qui impliquerait plutôt une activité entreprise ensemble
dans un but commun.
11
Notons que la parole n’est pas seulement un instrument au service de l’action, on peut aussi en faire un moyen
d’émancipation de l’acteur dans sa pratique réflexive.
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
participatifs et l’on sait qu’un semblant de participation est souvent à l’origine d’anomalies de procédures,
de grosses difficultés de réalisation et de résultats très peu pérennes des programmes de développement.
Si telle est la réalité, la participation tant prônée restera un vain mot parce que la chance pour les
citoyens de planifier et gérer leurs propres affaires est très mince.
Pour focaliser les propos sur les existants à considérer à Madagascar, les différents statuts
accordés par les Constitutions successives à la langue malgache12 semble ne pas avoir influencé les
pratiques, probablement faute de lois linguistiques claires. On assiste jusqu’à aujourd’hui à l’utilisation de
deux langues principales (malgache et français) et dans l’administration centrale et dans les secteurs
d’activités modernes, c’est plutôt le français qui prédomine bien que la grande majorité de la population
ne se sert exclusivement que du malgache. Cette situation favorise une interlangue13, c’est-à-dire une
variété d’une langue étrangère utilisée par un locuteur non natif qui n’arrive pas encore à maîtriser les
logiques de similitude et d’opposition linguistiques dans cette langue. Cette interlangue amène ses
locuteurs à faire jouer, dans les mots et expressions consacrés, les paires qu’ils connaissent dans leur
langue maternelle parce qu’ils n’ont ni les bons repères linguistiques ni les savoirs et pratiques qui
soutendent leurs emplois dans l’autre langue. Pour en prendre un exemple, le terme «développement
durable» et sa traduction en malgache fampandrosoana maharitra sont souvent employés en interlangue
sans la prise en compte de la gestion des ressources naturelles ni des droits de la génération future. La
compréhension se limite à l’idée de durée fondée sur la paire maharitra (« long ») vs vetivety (« peu
long »). En plus, l’adoption de fampandrosoana au détriment de fandrosoana qui signifie aussi
«développement» ne facilite pas l’appropriation du concept de «développement durable». Décomposable
morphologiquement en f-amp-an-droso-ana, le terme malgache utilisé pour «développement» comporte
le morphème -amp- marquant l’intervention de quelqu’un ou quelque chose de l’extérieur qui serait
l’agent causateur du progrès. Ce qui fait dévier le sens de fampandrosoana maharitra en « longue
présence des développeurs, appui perpétuel des bailleurs de fonds », un sens plus rassurant quand on est
dépendant et en situation d’extrême pauvreté. Il en est de même pour « participation » ou fandraisana
anjara parce que ce mot est interprété par un certain nombre de Malgaches relativement à leur univers
culturel et cognitif comme « apport de son obole, contribution modeste » et non pas au sens d’implication
dans le développement en tant qu’acteur bénéficiant également des résultats de l’action. Tout cela est
loin de favoriser les initiatives locales et conforte la position passive qu’on reproche souvent à la
population.
Les conséquences de la situation linguistique nationale évoquée ci-dessus ne se limitent pas aux
problèmes d’appropriation des concepts mais vont bien au-delà. Un bon nombre de termes utilisés par les
bailleurs de fonds et les « développeurs » sont repris par les dirigeants notamment lors de leur discours en
public. Ainsi, les expressions telles que mandray andraikitra « prendre ses responsabilités », ou
fifampiraharahana « négociation, compromis », ou fikambanan’ny mpahazo tombontsoa « association des
bénéficiaires », … sont devenus des expressions à prononcer pour paraître. A force d’être entendues dans
de telles circonstances, ces expressions sont réutilisées comme des slogans dont la signification ne sera
plus à construire ensemble lors d’interactions entre les acteurs locaux14. Il faut noter ici que les concepts
clés dans un domaine déterminé comme la décentralisation ou le développement local, qu’ils soient
exprimés en malgache ou en français, ne s'approprient autrement qu’en interactions langagières.
12
Pour les statuts des langues à Madagascar, voir ANDRIAMISE Lakoarisoa et RANAIVOSON Jeannot Fils (2010).
D’origine didactique, la notion d’interlangue est inscrite dans le domaine des contacts de langues et y est définie
comme « un système linguistique productif par référence aux deux autres systèmes linguistiques que constituent la
langue maternelle de l'apprenant et la langue étrangère ».
14
Des actes condamnables vis-à-vis de la loi comme le fait de brûler des petits voleurs ont même été rapportés à la
radio comme étant le résultat du fandraisana andraikitry ny fokonolona «prise de responsabilité par la population
locale».
13
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28
Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
En guise de conclusion
Les désavantages causés par les choix linguistiques et langagiers des hauts responsables et des
techniciens sont manifestes au point d’amener à parler d’une forme de discrimination fondée sur la
langue quand on pense à la majorité monolingue. En outre, les préférences langagières des techniciens et
autres intervenants participent ainsi à l’exclusion de nombreux participants potentiels qui,
paradoxalement, peuvent percevoir les langues et les langages qu’ils ne comprennent pas comme
socialement valorisant. La population n’est pas motivée à s’exprimer et n’arrive pas de ce fait à saisir les
possibilités de progrès économiques.
Comme conséquence, les intervenants dans les processus de développement connaissent souvent
de mauvaises surprises faute d’avoir eu une compréhension « située » du fonctionnement langagier de la
communauté supposée bénéficiaire des actions menées. De l’autre côté, très peu de citoyens se sentent
concernés par le développement local faute d’interactions langagières suffisantes sur la question et de
communication appropriée.
La décentralisation génère des discours spécifiques qui organisent, structurent fortement sa raison
d’être, ce qui ne veut pas dire pour autant qu’il ne s’agit que d’un objet linguistique. Les textes de
références publiés doivent être le résultat d’une remise en ordre, d’une interprétation et d’une
reconstruction des événements, en fonction des critères de pertinence acceptés dans les CTD. Ainsi, les
différents responsables impliqués dans les processus de décentralisation et d’autonomisation de la
population locale sont encouragés à libérer la parole et à privilégier la langue des acteurs car cela
constitue une condition des interactions langagières.
Bibliographie à partager
˓ ANDRIAMISE Lakoarisoa et RANAIVOSON Jeannot Fils (2010). « Ny teny malagasy tao anatin'ny 50 taona
nahaleovana tena » (La langue malgache durant les 50 ans d’indépendance). Colloque
international Madagascar : 50 ans d’indépendance. Antananarivo, décembre 2010.
˓ ANDRIANANTOANINA F., AUBERT S., RAHARINIRINA RABAOVOLOLONA L.R., RAKOTONDRASOA F.,
RALALAOHERIVONY B. S., 2006 : Lexique foncier franco-malgache, publication imminente par le CITE
antananarivo. Voir www.interreg-sfat.org et www.foncier.gov.mg
˓ RAHARINIRINA RABAOVOLOLONA, L. (2008). « De l’insécurité linguistique à l’insécurité de l’espace
public ou les enjeux d’une déconstruction linguistique pour le développement de Madagascar ». Actes
du colloque Les mots du développement : genèse, usages et trajectoires. Université Dauphine-Université
Sorbonne nouvelle. Paris.
˓ BERTRAND Nathalie, MOQUAY Patrick.(2004) « La gouvernance locale, un retour à la proximité ».
Économie rurale. N°280, 2004. Proximité et territoires. pp. 77-95.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ecoru_0013-0559_2004_num_280_1_5474,
DOI : 10.3406/ecoru.2004.5474.
˓ BIDOU Jean-Etienne, DROY Isabelle, FAUROUX Emmanuel. Communes et régions à Madagascar. De
nouveaux acteurs dans la gestion locale de l’environnement, Mondes en développement, vol 36, 2008/1
n° 141, pp 29-46
˓ PAMARD Chantal Blanc, FAUROUX Emmanuel. (2004). « L’illusion participative. Exemples ouestmalgaches ». Autrepart 3/2004 (n° 31), p. 3-19.
URL : www.cairn.info/revue-autrepart-2004-3-page-3.htm. DOI : 10.3917/autr.031.0003.
˓ LANGLOIS Michel., MÉRAL Philippe., RAHARINIRINA RABAOVOLOLONA Lucie, RALALAOHERIVONY
Baholisoa (dir.), (2002) « La Gouvernance locale à Madagascar : Représentation, Modélisation,
Participation », Actes de l’Atelier du C3EDM, Fac DEGS, IRD, Université d’Antananarivo. Cahier du
C3EDM n°3, IRD-Université d’Antananarivo, 2003.
˓ RAHARINIRINA RABAOVOLOLONA, L (2006). Traduction et médiation, les incontournables de
l’intercommunautaire : cas du lexique foncier franco-malgache dans la sécurisation foncière à
Madagascar, colloque Traduction et communautés, Université de Bretagne Sud, France.
Direction de la documentation, de la Recherche et de la Communication de l’INDDL
29
Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
˓ RAHARINIRINA RABAOVOLOLONA, L (2010). « Crise malgache et approche langagière de l'information :
un enjeu pour la formation en communication » in Actes du colloque GRESEC, Université Grenoble 3 sur
Communication et changements sociaux en Afrique, 27, 28 et 29 janvier 2010.
RALALAOHERIVONY Baholisoa Simone (Madagascar)
Professeur et Directrice de Recherches, madame Ralalaoherivony est responsable du Centre Interdisciplinaire de
Recherche Appliquée au Malgache (CIRAM) et du Laboratoire des Sciences du Langage à l’Université
d’Antananarivo. Elle a travaillé à de nombreux projets ayant trait à la gouvernance locale, aux représentations
locales ainsi qu’à la traduction et à l’appropriation des lexiques techniques, par exemple : contribution à la mise
en place et au programme de formation en intervention communautaire pour le développement, responsable de
l’équipe de réalisation du lexique franco-malgache du Foncier avec le CIRAD-Terra la Réunion et le Programme
National Foncier.
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30
Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
Langage et développement local (Diaporama)
1. Le « Développement local »
Ce terme appelle une référence, celle d’un accord volontaire, pour une gestion communautaire et une
action collective (paradigme de la confiance mutuelle, en matière d’éthique).
Alors la Gouvernance locale est la recherche de consensus, à la fois décision et action.
Question : le langage pour la recherche du consensus ?
Le consensus n’est pas un idéel marimaritra iraisana (« position intermédiaire » non satisfaisante pour les
parties) mais plutôt une décision collective d’action positive par le partage des enjeux locaux (véritables
et non ceux des technicistes du développement seulement).
Comment réussir à s’entendre, à se comprendre ?
Le concept à mettre en avant : l’investissement dans la coopération et le dialogue est un investissement
immatériel (fort différent des logiques mécanistes des projets),
Des pratiques à faire : déverrouiller la question du développement en évitant la perte des sens d’un
langage monosource et monodirectionnel (des développeurs) pour promouvoir une meilleure circulation
des informations (dans les deux sens, développeurs/locaux). Alors seulement, nous pourrons garantir un
partage et une réelle connaissance des besoins locaux,
Une stratégie : la mobilisation et le réseautage des personnes, des organisations et du pouvoir public,
notamment en utilisant des outils langagiers communs et identifiés.
2. Problèmes liés au langage
Des représentations et des perceptions non convergentes
Ex : Sens de fandrosoana ? : hanina isanandro « de quoi manger », sarety sy bisikilety, ……fianarana
(« instruction ») …, hoatra vazaha (« vivre comme un européen ») …
Un rapport avec la hiérarchie figé (fanjakana sy/na zoky ray aman-dreny)
Ex : Ambiguïté du eny (« oui ») prononcé par un paysan qui peut recouvrir les sens suivants : eny
(« acceptation »), tsia (« refus »), fisalasalasana (« hésitation »), tsy firaharahana (« pour avoir la paix »),
tsy fahazoana (« incompréhension »), leom-boananana (« blasé »), fialana andraikitra (« parole
d’irresponsable »)... !
La posture de développeur (savoir et développement local)
Ny tokony lava (les injonctions permanentes), ry zareo VS ny vahoaka, ny mponina (« eux » exclusifs vs. la
population).
3. Le langage comme solution au Développement Local
Il est nécessaire d’avoir un souci de communication (et pas seulement d’information qui ne fait
que renforcer le discours « top down » par le diffusionnisme).
Un principe directeur : la complémentarité et la combinabilité entre les langages des différents acteurs.
De la pédagogie :
Promouvoir les échanges,
Briser les résistances et les exclusions des diverses parties,
Prolonger les dialogues amorcés localement.
De l’écoute : pour libérer la parole, la compréhension, la transparence et, le partenariat d’animation
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31
Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
Exemple de concrétisation : Fihary
Qu’est-ce ?
Fihary est un générateur de scénarii réalisés après constat de la richesse (reconnue) des
ressources
naturelles dans la région d’Ankaratra et la forêt de Manjakatompo. Ces scénarios
alternatifs sont basés sur des expériences existantes (formalisées ou non). Le but est de permettre à la
population et aux autorités de discuter de l’avenir de l’utilisation convergente de ces ressources dans
une optique de développement local (donc autant pour le bien de chacun que pour celui de tous).
Configuration requise
Le support utilisé est soit sur connexion soit un CD-Rom. L’utilisation de Fihary nécessite un ordinateur PC
muni d’un système d’exploitation Windows 95 ou supérieur.
Etapes de la recherche action
- Baromètre personnel (entretien et enquête repère sur Access),
- Gestion de savoirs (mises en valeur et intégration des savoirs traditionnel, technique et
scientifique),
- Synthèse des scenarii (issus des diverses visions mais améliorée par d’autres savoirs actuels et/ou
actualisés),
- Etude du langage (contrastif, confiant et responsabilisateur) et de la communication interactive
(image/discours, aller/retour et lien),
- Réalisation technologique (programme Macromedia® Flash Player),
- Atelier-test auprès d’un échantillon d’acteurs « types ».
4. Question conclusive
Allons-nous enfin exploiter la recherche pour un PRDDP (Programme Régional pour le Développement et
le Développement de la Parole) et un PCDDP ?
Développer c’est libérer la parole dans l’espace public et dans tous les échanges sur le développement !
Bibliographie à partager
˓ LANGLOIS Michel., MÉRAL Philippe., RAHARINIRINA RABAOVOLOLONA, RALALAOHERIVONY Baholisoa
(dir.), (2002) « La Gouvernance locale à Madagascar : Représentation, Modélisation, Participation »,
Actes de l’Atelier du C3EDM, Fac DEGS, IRD, Université d’Antananarivo. Cahier du C3EDM n°3, IRDUniversité d’Antananarivo, 2003.
˓ RAHARINIRINA RABAOVOLOLONA, L (2006) Traduction et médiation, les incontournables de
l’intercommunautaire : cas du lexique foncier franco-malgache dans la sécurisation foncière à
Madagascar, colloque TRADUCTION et COMMUNAUTES, Université de Bretagne Sud, France.
˓ RAHARINIRINA RABAOVOLOLONA, L (2008), « De l’insécurité linguistique à l’insécurité de l’espace
public ou les enjeux d’une déconstruction linguistique pour le développement de Madagascar ». Actes
du colloque Les mots du développement : genèse, usages et trajectoires. Université Dauphine-Université
Sorbonne nouvelle. Paris.
˓ RAHARINIRINA RABAOVOLOLONA, L (2010), « Crise malgache et approche langagière de l'information :
un enjeu pour la formation en communication » in Actes du colloque Gresec, Université Grenoble 3 sur
Communication et changements sociaux en Afrique, 27, 28 et 29 janvier 2010.
˓ Extraits des outils développés
Le Lexique du foncier
La méthode de sélection d’équivalents adoptée par le CIRAM s’est inspirée de la « localisation » qui est
un procédé de transfert de contenu centré sur le destinataire. Cette méthode se caractérise par le
gommage des références géoculturelles du document (ou du discours) source au profit des références
locales, d’où la dénomination « localisation ».
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
LEXIQUE FONCIER
FRANCO-MALGACHE
Feno ANDRIANANTOANINA
Sigrid AUBERT
L. R. RAHARINIRINA RABAOVOLOLONA
Fetra RAKOTONDRASOA
Baholisoa Simone RALALAOHERIVONY
RAHARINIRINA RABAOVOLOLONA Lucie (Madagascar)
Professeure et chercheuse en communication et développement local à l’Université d’Antananarivo, madame
Raharinirina Rabaovololona est responsable du Master (DEA) CODYL (Communication et Dynamique locale) au
sein du DIFP (Département Interdisciplinaire de Formation Professionnelle), elle est également responsable du
Centre de Recherche en Communication (CERCOM), et membre du C3EDM (groupe de recherche
pluridisciplinaire en développement durable) et de la plateforme des chercheurs SLANDI (Société, Langues et
diversité). Son expérience dans la médiation des savoirs, la communication multilingue et le dialogue des
cultures, l’a conduite à travailler entre autres à la médiation pour le développement durable, à la gestion des
groupes multi acteurs, à l’animation et la vulgarisation en milieu multiculturel.
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
«Le concept de gouvernance appliqué à la maîtrise foncière d’un micro territoire
insulaire»
D’une superficie de 1 100 km² la Martinique est située en Amérique. Département région de
l’outre-mer français, région ultrapériphérique, appartenance européenne, configuration géographique
caribéenne, il s’agit de l’une des plus petites régions françaises ayant la plus forte densité de population
(355 hab. /km²) éloignée de plus de 8000 km du centre. Elle a une histoire caractérisée par quatre axes
majeurs de l’esclavage à la colonie, du département (loi de départementalisation de 1946) à la
décentralisation de 1982, de la réforme des collectivités de 2010 à l’évolution institutionnelle en cours (loi
du 27 juillet 2011 relative à la collectivité territoriale de Guyane et de la Martinique).
La problématique retenue dans cette communication vise à démontrer l’impérieuse nécessité
actuelle de gérer la question foncière de l’espace martiniquais sujet à de multirisques, hot spot de la
biodiversité, autrement que par l’application à l’identique des instruments liés au système juridique
continental français. Une nouvelle gouvernance est indispensable.
La Martinique a subi des mutations foncières très rapides par un passage de la ruralité à la
modernité en une trentaine d’années, de l’habitat traditionnel (la case en bois) avec son jardin créole
(plantes vivrières et médicinales), aux formes modernes (la durcification de l’habitation) et au
développement des quartiers d’habitat spontané. Mais c’est aussi l’apparition de « cités dortoirs » dotées
d’un nouveau mode de vie, venues d’ailleurs. Ces mutations sociétales ont été accompagnées d’évolutions
sociales et fiscales pour s’inscrire dans la mondialisation.
La situation juridique du foncier touche le droit de propriété (droit sacré) et la domanialité
publique. L’idée qu’un espace puisse être la propriété d’un individu au même titre que n’importe quel
objet est une idée toute récente à l’échelle historique. Avec la décentralisation, les collectivités
territoriales ont mis en œuvre des projets pour répondre aux besoins croissants des populations. La
réussite de ces projets passe par la prise de conscience que le foncier est situé entre enjeu public et
propriété privée. Il s’agit de lutter dans cette île-ville contre les constructions illégales, contre le mitage du
foncier, contre l’érosion du littoral et pour la mise en valeur de ce dernier.
La concertation s’est imposée ces dernières années comme un processus incontournable pour les
aménageurs des collectivités locales en charge de projet d’urbanisme et d’aménagement. Cette
dynamique se renforce sous le double effet d’évolutions sociologiques et de la règlementation (loi
Solidarité et Renouvellement Urbain, loi démocratie de proximité, loi urbanisme et habitat, évolution du
Code de l’environnement, développement des débats publics) et coïncide avec la recherche identitaire des
populations ultramarines (année des outre-mer, « panthéonisation » d’Aimé CESAIRE, états généraux de
l’outre-mer…).
La décentralisation a entraîné une triangulation urbanistique, c'est-à-dire la multiplicité des plans,
des fonds et des acteurs là où un document unique et un référent unique auraient été plus efficaces pour
un développement local.
L’exiguïté de l’espace martiniquais n’offre aucune possibilité de création de villes nouvelles sauf à
opter pour l’extension du territoire sur la mer ; le choix des constructions en hauteur est une solution
d’avenir faute de foncier disponible dont la plupart des surfaces se situent en hauteur et au niveau des
dents creuses situées dans les centres-bourgs.
En résumé, on peut affirmer que les outils permettant la maîtrise du foncier existent, ils ne sont
pas suffisamment utilisés par les décideurs et ils sont parfois inadaptés aux réalités locales. L’urgence de la
question foncière est exacerbée par le fait que la majorité des populations résident sur le littoral et qu’il
s’avère impossible d’imaginer, un jour, l’évacuation de cette zone des 50 pas géométriques pour anticiper
la survenue d’un tsunami. Qui serait alors responsable du relogement des populations concernées ?
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
Des perspectives s’ouvrent en lien avec la révision des PPRN (plans de prévention des risques
naturels) qui déterminera des enjeux forts pour l’évolution du droit à construire sur le foncier martiniquais.
En effet, les zones classées en aléas forts (mouvement de terrain, inondation) augmenteront ou
diminueront les espaces constructibles.
L’aspect anthropologique du foncier est à étudier pour comprendre la réaction de certains
habitants qui confèrent une forte valeur sentimentale au legs d’une parcelle par un parent. Les démarches
de déclassement de terrain ne se font jamais de façon collective auprès d’un maire mais de façon
individuelle sur des terrains agricoles ou des terrains non constructibles.
Le concept de gouvernance appliqué à la maîtrise foncière d’un micro territoire insulaire renvoie à
une triple dimension de la gestion publique ; un enjeu d’efficacité de l’action publique (construire des
logements, développer l’activité économique, protéger les espaces sensibles pour les générations futures
et préserver les terres agricoles), un enjeu démocratique (démocratie participative des citoyens à la mise
en place d’un projet, référendum, appel à la mémoire oubliée) et à un enjeu identitaire (respect du cadre
de vie, de l’histoire et de l’anthropologie foncière).
Confrontées à des besoins en logement difficiles à satisfaire (entre 8 000 et 12 000) confrontées à
l’habitat indigne -dépourvu des commodités primaires (eau, électricité, hygiène)- les collectivités se sont
dotées d’outils et de moyens, conscientes que la maîtrise foncière d’un micro-territoire insulaire est
indispensable à son développement endogène. Elles ont mis en place par exemple le LLTS (logement
locatif très social : pour loger les plus démunis) et l’aménagement des quartiers d’habitat spontané.
La diversité des statuts, la spécificité des territoires, l’interpénétration des lieux de pouvoirs
rendent la problématique de la gouvernance particulièrement complexe outre-mer.
Même les spécialistes de la question de gouvernance ne s’accordent pas sur le contenu de cette
notion. On peut dire que c’est une vieille notion venant du secteur privé. Il s’agit du processus de prise de
décisions collectives à l’échelle d’un territoire, du partage des connaissances et de la participation des
profanes, on peut également dire que c’est la co-construction commune d’objectifs collectifs.
Plusieurs modèles de gouvernance territoriale existent, la maîtrise foncière est un axe
fondamental à prioriser pour développer un territoire dont le foncier agricole est en voie de disparition. Si
rien n’est fait, il n’existera plus de foncier agricole dans vingt ans. Les collectivités territoriales doivent
réfléchir dans l’urgence, à un véritable plan de développement du territoire qui le valorise en adoptant un
comportement et une approche pluridisciplinaire de sa maîtrise foncière pour le bien être des populations.
Actuellement 150 000 personnes vivent dans des logements « indignes » en outre-mer. Entre 6
000 et 10 000 en Martinique ont été recensés. Associer une démarche de développement durable aux
mutations prévisibles de l’espace martiniquais (biodiversité, espaces naturels) est une démarche que les
collectivités devraient retenir pour une gestion responsable du foncier. En clair, les martiniquais doivent
inventer collectivement des « normes » propres au développement de leur espace et faire preuve
d’imagination juridique. Il s’agit là d’un challenge que l’opportunité de la collectivité unique met à propos
dans un proche avenir. L’enjeu est tout simplement l’élaboration de politiques publiques propres aux
DROM. Dans un environnement soumis à tous les risques, la gouvernance doit donner un sens à l’action
publique vers plus de responsabilité et vers un ménagement du territoire. La nouvelle gouvernance doit
comporter un enjeu identitaire de reconnaissance et de valorisation des identités locales et régionales à
l’instar de la Bretagne, de la Corse ou de l’Alsace, sans complexe !
La notion de ménagement du territoire vise la prise en compte en amont du développement d’un
projet foncier, de l’historicité de l’espace concerné, de l’esthétique à la fois des paysages naturels, des
écritures et des relations humaines. Le développement durable et solidaire : c’est le vivre ensemble, c’est
le développement économique et l’insertion, c’est la manière de penser et d’organiser la mobilité, les
services publics, les écoles, l’architecture, l’énergie…C’est vous, c’est moi, c’est nous !
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
A l’heure où la Martinique célèbre les 50 ans de la disparition de Frantz FANON, je voudrais vous
inviter à méditer un extrait de son ouvrage intitulé Les damnés de la terre toujours d’actualité : … « la
terre est la matrice matérielle de notre patrimoine » et « pour le peuple colonisé, la valeur la plus
essentielle parce que la plus concrète, c’est d’abord la terre, la terre qui doit assurer le pain et bien sûr la
dignité. »
Les outre-mer sont situés à la convergence de la décentralisation, de l’intégration européenne et
de la mondialisation. Tous les champs du possible s’offrent à la Martinique !
Je vous remercie de votre attention.
Mme Arlette PUJAR (Caraïbes - France)
Fonctionnaire territoriale et chercheuse, elle est la première femme à diriger la délégation Martinique du Centre
National de la Fonction Publique Territoriale depuis le 1er septembre 2010. Après des débuts au service de l’Etat,
elle a opté pour les collectivités lors de la Décentralisation. Conseillère technique pendant plus de 10 ans dans le
premier cabinet installé auprès du président du Conseil Général, madame Pujar a également soutenu et publié
une thèse sur la « Gestion responsable du foncier et développement durable outre-mer : contribution à une
approche critique de l’espace martiniquais ».
Echanges avec la salle
La pertinence de l’utilisation de la langue locale et les dialectes pour une politique de
développement a été soulignée. Par ailleurs, une réforme au niveau de l’enseignement a été suggérée
pour une approche plurilinguiste comme c’est le cas en Europe.
Une meilleure appropriation des centres linguistiques dans le développement local, tels que le
CIRAM (Centre Interdisciplinaire de Recherche Appliquée au Malgache) et le CERCOM (Centre de
Recherche en Communication) constitue l’un des leviers pour la promotion de la langue locale dans la
politique de décentralisation.
Le cas martiniquais est spécifique mais probant ; il existe une relation sentimentale entre l’homme
et la terre. La propriété foncière a toujours été orale, donc, sans trace écrite. Il a fallu instaurer une
législation comme en France pour imposer le système cadastral et parfois le martiniquais ne comprend
pas la nécessité d’un permis de construire, d’où le recours à une éducation à long terme.
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
Jeudi 15 décembre - Conférences
« Le transfert de compétences : quels moyens pour quels rôles ? »
Introduction « Enjeux des transferts de compétences »
Nous allons décrypter les enjeux des transferts des compétences à travers l’exemple de la
Réforme Foncière. Cette réforme s’est imposée en raison d’un constat clair et sans équivoque. Les
éléments de constats sont la transition foncière avec un toujours fort recours à l’Etat, la faible capacité de
délivrance de titres, la rareté de l’enregistrement des mutations, le coût élevé de la sécurisation foncière.
Nous pouvons parler d’un dispositif en panne.
Les conséquences de la crise foncière sont nombreuses et au premier titre l’insécurité foncière
généralisée, le développement des conflits fonciers et la corruption omniprésente. Cette crise a de
nombreux impacts induits sur la vie économique et sociale des communautés. Elle dégrade le climat social
et réduit fortement les investissements. Les tribunaux se retrouvent surchargés, l’Etat perd de sa
crédibilité et tout comme la Décentralisation qui est bloquée.
Pourquoi cette crise foncière ?
Les causes de la crise foncière sont plurielles ; d’une part les usagers semblent ignorer la loi, face à
eux les services fonciers sont démunis et saturés. Les procédures d’immatriculation foncière sont longues,
complexes et coûteuses. Globalement la Décentralisation du système domanial et foncier est à repenser.
L’amélioration du service public foncier passe donc par un changement de l’approche et par l’adoption
d’un nouveau système de gestion foncière et domaniale. Dans l’attente de changements, les populations
ont eu une réponse citoyenne en adoptant un droit foncier local, et en développant un système de petits
papiers dont la portée juridique est faible. Il s’agit désormais de rapprocher le légal et le légitime.
La lettre de politique foncière
Le gouvernement malagasy a définit sa politique en matière foncière. Les orientations de cette
politique sont présentées dans la lettre de politique foncière. Cette politique s’est traduite par 4 axes
stratégiques :
• la restructuration, la modernisation et l’informatisation des conservations foncières et
topographiques,
• l’amélioration et la décentralisation de la gestion foncière,
• la rénovation de la réglementation foncière et domaniale,
• le programme national de formation aux métiers du foncier.
Le principe de la Décentralisation constitue l’axe stratégique de cette nouvelle politique. Il est
proposé de créer des services administratifs locaux, les « guichets fonciers », gérant le foncier et son accès
au niveau des communes. La mise en place de ces services permet de consacrer les droits encore non
écrits et nécessite un transfert de compétences au niveau communal et en conséquence un renforcement
de capacités. Il s’agit avec ce transfert de compétences de mettre en œuvre un dispositif juridique et
institutionnel local, renforçant les capacités des CTD, afin de répondre à la forte demande en documents
garantissant la sécurité foncière de leur détenteur. Cette nouvelle administration foncière de proximité,
avec le guichet foncier communal et/ou intercommunal est chargée de la délivrance et de la mutation de
certificats fonciers.
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
Ce transfert ne peut se faire sans accompagnements, les guichets fonciers sont équipés et leurs
agents -conservateur municipal et médiateur municipal- sont formés à la manipulation d’une interface
« SIG » et à l’utilisation d’un manuel de gestion foncière décentralisée. Des Plans Locaux d’Occupation
Foncière (PLOF) devront être réalisés pour chaque commune, ils consisteront en une carte numérisée des
limites territoriales et du patrimoine foncier de l’Etat, de la Commune et de ses habitants. Cette carte des
statuts juridiques de la terre porte sur les espaces utilisés par des individus ou des communautés. Elle doit
être mise à jour par le guichet foncier et le service topographique régional, et se substituera
progressivement au plan de repérage. Elle est désormais accessible à chacun.
Ce transfert doit permettre l’amélioration de la fiscalité locale par la rationalisation des
perceptions sur la base d’une cartographie foncière rénovée. Ce système permet également de sécuriser
les ressources exploitées de manières collectives (pâturages, forêts...) et parfois gérées par une autorité
communautaire. Les guichets fonciers sont compétents pour la mise en oeuvre pratique de la gestion
locale sécurisée.
Certains écueils de la Décentralisation foncière ont été constatés :
• le manque de contrôle de légalité quant à la régularité d’un acte en matière de gestion foncière
décentralisée,
• l’instrumentalisation politique du dispositif,
• la prise de décision unilatérale et l’impartialité des responsables locaux,
• l’amplification des problèmes sociaux nés par la délimitation physique d’un terroir ou d’une
collectivité.
La Décentralisation foncière ainsi que le transfert des compétences sont des processus longs qui
nécessitent une responsabilisation et une appropriation de tous, et la confiance et la participation de tous
à cette nouvelle administration foncière de proximité.
Tantely Falinirina Ravelojaona
Directrice générale des Services fonciers DG (ministère de l’Aménagement du Territoire et de la
Décentralisation).
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
« La pratique camerounaise du transfert des compétences et des ressources de
l’État »
La décentralisation peut être définie comme le processus par lequel l’Etat transfère à certaines
collectivités la gestion des affaires propres. Elle peut être fonctionnelle ou territoriale. La décentralisation
procède d’une volonté politique et d’un certain projet de société qui met le citoyen au premier rang des
préoccupations. A cet égard il importe de souligner que cette nouvelle mutation politique et
institutionnelle constitue l’un des acquis majeurs de la politique de libéralisation et de démocratisation de
la vie politique camerounaise. A ce sujet le Président de la République, dans son message à la nation du 31
décembre 2009 affirmait « qu’il ne s’agit rien de moins que de donner aux camerounais, au niveau local, la
possibilité d’être associés à la gestion de leurs affaires propres ».
La décentralisation fait en outre partie des cinq secteurs identifiés par les pouvoirs publics
camerounais pour la mise en œuvre du programme national de gouvernance dont le but ultime est
d’assurer le bien être des citoyens.
Au titre des lois et règlements en vigueur, la décentralisation consiste en un transfert par l’Etat,
aux Collectivités territoriales décentralisées, de compétences particulières et de moyens appropriés. Elle
constitue l’axe fondamental de promotion du développement, de la démocratie et de la bonne
gouvernance au niveau local (article 2 de la loi n° 2004/017 du 22 juillet 2004 d’orientation de la
décentralisation).
C’est dire, en d’autres termes, que les populations locales doivent pouvoir prendre en main leur
propre destin sous la forme juridique de la gestion des affaires locales par des autorités élues localement.
L’objet de notre communication est de présenter aux acteurs malgaches et aux homologues
d’autres pays la pratique camerounaise en matière de transfert de compétences et de ressources en
identifiant à la fois les institutions impliquées dans le processus, les procédures et les défis.
Il n’est pas sans intérêt de relever que le Cameroun est actuellement parvenu à la deuxième
génération des transferts, et que la troisième est envisagée pour l’exercice 2012, avec la capitalisation des
expériences issues de la mise en œuvre des deux premières. La problématique retenue sera celle de
démontrer comment s’opère pratiquement le transfert des compétences et des ressources dans l’ordre
juridique camerounais
Il est important en effet de relever que les lois de 2004 et notamment celle n°2004/018 fixant les
règles applicables aux communes, ont déterminé clairement les compétences transférées aux communes
et aux communautés urbaines. Les articles pertinents des lois de 2004 sont sans équivoques sur les
transferts. Le style utilisé par lesdites lois est d’ailleurs éloquent à cet égard. En effet ils disposent que
« les compétences suivantes sont transférées aux communes et aux communautés urbaines… » (Voir les
articles 15, 16, 17, 19, 20, 21, 22 et 110). La loi a clairement posé le principe des transferts, les textes
règlementaires les ont complétées dans le sens de la mise en place d’un encadrement juridique clair de la
pratique des transferts.
Les lois de décentralisation ont en outre précisé les principes directeurs qui sous tendent la mise
en œuvre des transferts, tout en instituant des organes de suivi et d’accompagnement.
S’agissant d’abord des principes, la loi en a prévu quelques uns sur lesquels il n’est pas important
de s’attarder outre mesure. Il s’agit du principe de subsidiarité, du principe de complémentarité, du
principe de progressivité et du principe de la concomitance du transfert des compétences et des
ressources.
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
S’agissant ensuite des organes de suivi, la loi d’orientation en a prévu deux, l’un opérationnel et
présidé par le ministre en charge des collectivités territoriales décentralisées à savoir le CISL, et l’autre
stratégique, présidé par le Premier Ministre, Chef du Gouvernement, à savoir le CND.
S’agissant enfin des organes d’accompagnement de la décentralisation, les pouvoirs publics ont
mis en place deux importantes structures dont la mission est d’accompagner la mise en œuvre de cette
politique publique. Il s’agit du FEICOM dont la principale mission est d’apporter l’assistance technique,
l’appui-conseil et une assistance financière aux collectivités territoriales décentralisées et du CEFAM,
établissement public de formation du personnel et des élus locaux. Au regard des nouvelles missions
dévolues aux collectivités territoriales décentralisées et de nouvelles sollicitations en termes de formation,
cette dernière institution est appelée à connaître une véritable mutation dans son organisation et son
fonctionnement.
En somme et au-delà de ce qui précède, dans le propos il s’agira d’échanger avec les participants sur le
champ couvert par les transferts (I), les techniques d’encadrement (II) et le financement des compétences
transférées (III). Cette occasion du donner et du recevoir permettra un enrichissement mutuel dans
l’intérêt bien compris de la gouvernance, de la démocratie et du développement au niveau local.
I. Le champ couvert par les compétences transférées
Les grands domaines concernés par les transferts
La loi n° 2004/018 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux communes détermine en son
titre III les compétences transférées aux communes dans les domaines du développement économique,
du développement sanitaire et social et dans le domaine du développement éducatif, sportif et culturel.
Dans le domaine du développement économique, les secteurs concernés par les compétences
transférées sont, l’action économique, l’environnement et la gestion des ressources naturelles et la
planification, l’aménagement du territoire, l’urbanisme et l’habitat.
Dans le domaine du développement sanitaire et social, un seul grand secteur est concerné, à savoir celui
de la santé, de la population et de l’action sociale.
Dans le domaine éducatif, sportif et culturel enfin, la loi singularise les secteurs de l’éducation, de
l’alphabétisation et de la formation professionnelle, le secteur de la jeunesse, des sports et des loisirs ainsi
que le secteur de la culture et de la promotion des langues nationales.
Tous ces grands domaines et secteurs sont eux-mêmes subdivisés en compétences transférées par
la loi aux communes. C’est le cas notamment dans le secteur de l’action économique de la mise en valeur
des sites touristiques communaux, de l’organisation d’expositions commerciales locales et de l’appui aux
micro-projets générateurs de revenus et d’emplois.
La programmation des transferts, l’identification des compétences à transférer
La loi ayant clairement transféré certaines compétences antérieurement exercées par l’Etat aux
communes, il devenait plus qu’urgent d’identifier celles susceptibles d’être en l’état actuel des communes
être exercées efficacement. Le processus d’identification desdites compétences implique non seulement
les organes de suivi qui les valident en dernier ressort, mais aussi les départements ministériels concernés
par la compétence à transférer. Il s’agit d’une démarche participative qui permet la concertation de
certains acteurs de la décentralisation. Matériellement cette concertation se fait au sein du Secrétariat
Technique Permanent du CISL.
La mise en place d’un chronogramme des transferts
Les réflexions au sein du CISL ont finalement orienté la démarche vers la mise en place d’un
chronogramme des transferts. En effet la pratique antérieure suivie jusque-là avait laissé observer une
réticence de la part des départements ministériels qui semblaient encore attachés à « leurs
compétences » ; bref il y avait comme une sorte de résistance. Aussi à l’occasion d’une session du CND,
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
une directive allant dans le sens de la mise en place d’un chronogramme des transferts a été édictée. Elle
demandait en clair au Ministre en charge de la décentralisation de proposer un chronogramme fixant un
transfert total des compétences aux communes à l’échéance 2015. Ledit chronogramme validé par le CND
a programmé les transferts en tenant compte à la fois de la complexité de la compétence à transférer et
du niveau de qualification des ressources humaines des CTD, étant entendu que les plus complexes ne
seront transférées qu’en 2015.
La méthode ayant conduit à son élaboration a été aussi participative et concertée, avec un apport
déterminant des représentants des CTD. Il faut cependant relever que la validation de ce chronogramme
n’épuise pas la question de la stratégie de mise en œuvre de la décentralisation. Il reste en outre à poser
la question du financement de la décentralisation et celui du suivi de la mise en œuvre des compétences
transférées. Certes les textes d’encadrement de l’exercice des compétences transférées mettent en place
des mécanismes de suivi, mais il reste que lesdits mécanismes ne sont pas encore suffisamment
appropriés par les différents acteurs de la mise en œuvre que sont, les communes, les services
déconcentrés de l’Etat et les autorités de tutelle.
II. Les techniques d’encadrement juridique de l’exercice des compétences transférées
Il est clair que les compétences ayant été transférées par les lois de 2004, il semblait ne plus être
nécessaire la production d’autres textes juridiques. Mais on courait cependant le risque d’un désordre
dans leur mise en œuvre si les communes les exerçaient sans autre encadrement juridique. Aussi pour
éviter ce chaos et parvenir à une mise en œuvre maîtrisée et méthodique, il s’est avéré nécessaire de
produire des textes d’encadrement, à savoir un décret et un arrêté.
Le décret fixant les modalités d’exercice des compétences transférées
L’intérêt d’un tel instrument juridique n’est plus à démontrer. Il est indéniable que les
compétences transférées étaient antérieurement exercées par l’Etat à travers ses départements
ministériels compétents. Il était dès lors de bonne pratique qu’un texte juridique vienne donner un
contenu clair à la compétence ciblée. Le décret fixant les modalités d’exercice des compétences
transférées est signé par le Premier Ministre, Chef du Gouvernement et Président du Conseil National de
la Décentralisation.
Ledit décret est clair sur la place qu’il occupe dans la pratique des transferts au Cameroun. Il ne
s’agit point de procéder aux transferts, la loi l’ayant déjà fait. Il est question tout simplement de fixer les
modalités suivant lesquelles les communes exercent à partir de la date de transfert certaines compétences
dans certains domaines ou dans certaines matières.
Il précise en outre les responsabilités et prérogatives qui restent dans le portefeuille de l’Etat,
nonobstant le transfert de compétences. C’est le cas notamment, en matière d’alimentation en eau
potable, de l’élaboration des plans de développement durable en matière d’eau et d’assainissement, de la
définition des orientations, des politiques et des stratégies nationales en matière de gestion de l’eau.
Bien plus, il précise les conditions d’utilisation des ressources financières transférées en faisant
obligation aux communes d’orienter exclusivement les ressources transférées à l’exercice de la
compétence correspondantes, tout en les inscrivant au budget de la commune.
Il a aussi une portée pédagogique puissante en ce sens qu’il décline aussi la compétence
transférée sous la forme d’activités pratiques. Ainsi par exemple la compétence en matière de création et
d’entretien des routes rurales non classées se traduit à travers les activités suivantes :
• l’ouverture des routes rurales non classées ;
• la construction des ouvrages de franchissement ;
• la surveillance du réseau de routes concernées ;
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
• le curage des fossés sur les routes en terre ;
• la construction, l’entretien et la gestion des barrières de pluie.
L’arrêté portant cahier de charges précisant les conditions et modalités techniques d’exercice des
compétences transférées
Toujours dans l’optique de permettre aux communes et tout particulièrement aux maires
d’exercer efficacement les compétences transférées, la pratique camerounaise accorde une place capitale
aux cahiers de charges. Techniquement ce sont des arrêtés qui précisent les conditions et modalités
techniques d’exercice des compétences transférées aux communes. Ce sont de véritables notices
d’utilisation ou des modes d’emploi qui indiquent les conditions et spécifications techniques relatives à
l’exercice efficace de la compétence transférée. Ces arrêtés portant cahier de charges sont signés par les
chefs de départements ministériels concernés par la compétence.
Dans leur contenu, ils déclinent les obligations de la commune et celles de l’Etat. Ils mettent en
place un mécanisme de suivi évaluation. Il s’agit en substance d’un encadrement opérationnel ou mieux
d’une notice explicative permettant aux maires de comprendre le contenu matériel de la compétence
transférée afin de l’exercer de manière optimale.
Les maires ont eu quelques difficultés à exercer pleinement et avec satisfaction la première
génération des compétences transférées en 2010 du fait de l’indisponibilité à temps des arrêtés portant
cahier de charges. Ces difficultés sont aujourd’hui partiellement écartées car lesdits arrêtés sont
désormais signés en début d’exercice ou plus exactement courant janvier.
III. Le financement des compétences transférées
La loi d’orientation de la décentralisation a prévu un chapitre portant spécifiquement sur les
implications financières du transfert des compétences. Son contenu n’est en effet que le reflet de ce que
les compétences transférées étaient antérieurement exercées par l’Etat, en conséquence de quoi il est
nécessaire de doter des communes de ressources conséquentes. Trois sources de financement sont dès
lors identifiées, à savoir le transfert de fiscalité, les dotations et la Dotation Générale de la
Décentralisation.
Le transfert de fiscalité
L’article 22 de la loi d’orientation du 22 juillet 2004 pose clairement que les ressources nécessaires
à l’exercice par les collectivités territoriales de leurs compétences leurs sont dévolues soit par le transfert
de fiscalité, soit par dotations, soit par les deux à la fois. Tirant conséquence de cette disposition deux
importantes lois sont venues compléter l’arsenal juridique applicable à la décentralisation.
Il s’agit de la loi n° 2009/011 du 10 juillet 2009 portant régime financier des collectivités
territoriales décentralisées et la loi n° 2009/019 du 15 décembre 2009 portant fiscalité locale. C’est dire
que comme pour l’Etat, l’impôt ou plus généralement la fiscalité demeure le moyen privilégié de
financement des CTD pour au moins deux principales raisons. D’une part, le produit des recettes fiscales
qui fait partie des « recettes de fonctionnement » est pérenne et se renouvelle chaque année, permettant
ainsi de réaliser les dépenses de fonctionnement courant et les dépenses d’investissement. D’autre part,
ce produit représente environ 70 à 80% des ressources financières des collectivités territoriales.
La loi n° 2009/019 du 15 décembre 2009 portant fiscalité locale a été élaborée dans le respect de
l’autonomie financière, de la légalité de l’impôt et de la solidarité entre CTD à travers la péréquation. Elle
renforce le panier des impôts locaux par le transfert de nouvelles fiscalités, et la solidarité à travers les
recettes d’intercommunalité, clarifie le régime de certaines taxes communales et met d’avantage de
transparence dans les procédures fiscales, et enfin pose les bases de la fiscalité des régions. La loi portant
fiscalité locale détermine les impôts, taxes et redevances prélevés au profit des collectivités territoriales
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
décentralisées ; conformément au principe de la décentralisation qui veut que les compétences
transférées soient suivies de l’affectation des moyens financiers conséquents. Ladite loi reconduit en
outre les taxes et impôts traditionnellement dévolus aux CTD et leur transfère certains impôts
antérieurement collectés au profit de l’Etat. Il s’agit notamment :
• de la taxe foncière sur les propriétés immobilières ;
• de la taxe sur les jeux de hasard et de divertissement ;
• des droits de mutation d’immeubles ;
• des droits des timbres automobiles.
Au cours de l’année 2010, la loi portant fiscalité locale n’a pas été appliquée dans certaines de ses
dispositions. C’est le cas notamment des produits des impôts locaux transférés qui ont été reversés au
Trésor public, au détriment de leurs bénéficiaires que sont les CTD et le FEICOM. Certaines raisons ont été
évoquées pour justifier cette situation, à savoir :
• l’absence de paramétrage des applications informatiques par la Direction Générale des Impôts ;
• l’absence du décret fixant les modalités de répartition des impôts et taxes soumis à péréquation ;
• la budgétisation dans la loi des finances de l’exercice 2010 du produit des impôts transférés aux
CTD.
Les anciennes taxes communales directes (taxe d’eau, taxe d’enlèvement des ordures ménagères,
taxe d’éclairage public, taxe d’électrification, taxe d’ambulance) ont été remplacées par une taxe
synthétique dénommée taxe de développement local. Celle-ci est assise comme par le passé sur les
salaires des personnels du secteur public et du secteur privé, ainsi que sur les activités soumises au
paiement de la patente, de la licence et de l’impôt libératoire.
En plus des anciennes taxes communales indirectes reprises intégralement, le législateur a créé
quatre nouvelles taxes à savoir :
• les droits de parkings ;
• la taxe sur les produits de récupération ;
• la taxe d’hygiène et d’assainissement ;
• la taxe sur le transport des produits de carrière.
Les dotations budgétaires prévues par des départements ministériels
Il convient tout d’abord de présenter quelques repères juridiques avant de structurer la
répartition des crédits transférés par l’Etat suivant le principe de concomitance. Le cadre juridique
applicable à ce type de crédit est déterminé tant par les lois qui en posent le principe, que par des
circulaires et instructions. Il s’agit notamment de :
• la loi n°2004/017 d’orientation de la décentralisation ;
• la circulaire n° 10/001/MINFI du 08 janvier 2010 portant instructions relatives à l’exécution et au
contrôle de l’exécution du budget de l’Etat et des organismes subventionnés pour l’exercice 2010 ;
• l’instruction n°10/061/MINFI/SG/DGTCFM/DT/DER du 08 avril 2010 portant comptabilisation et
répartition des CAC sur TVA retenues à la source ;
• l’instruction n°10/00000060/MINFI/SG/DGTCFM/DT/DER du 08 avril 2010 portant procédure de
comptabilisation des vignettes automobiles ;
• l’instruction n°10/00000061/MINFI/SG/DGTCFM/DT/DER du 08 avril 2010 portant comptabilisation
des dépenses transférées aux CTD.
La loi d’orientation de la décentralisation édicte dans l’alinéa 1 de son article 25 que : « Les
charges financières résultant, pour chaque région ou commune, des transferts de compétences, font
l’objet d’une attribution par l’Etat de ressources d’un montant au moins équivalent auxdites charges ».
L’alinéa 2 ajoute que « Les ressources attribuées sont au moins équivalentes aux dépenses effectuées par
l’Etat, pendant l’exercice budgétaire précédent immédiatement la date du transfert de compétences ».
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
Conformément aux dispositions de la circulaire n° 10/001/MINFI du 08 janvier 2010 portant instructions
relatives à l’exécution et au contrôle de l’exécution du budget de l’Etat et des organismes subventionnés
pour l’exercice 2010, reprises par l’instruction n°10/00000061/MINFI/SG/DGTCFM/DT/DER du 08 avril
2010 portant comptabilisation des dépenses transférées au CTD, les dépenses correspondantes aux
compétences transférées, s’effectuent de la manière suivante :
• inscription dans les budgets des ministères concernés ;
• transfert automatique des crédits aux exécutifs municipaux ;
• inscription aux budgets des CTD ;
• engagement des dépenses par les Chefs des exécutifs municipaux ;
• assignation des dépenses transférées aux recettes municipales assignataires ;
• respect de la nomenclature budgétaire de l’Etat et des CTD en vigueur.
De manière générale, l’ordonnateur des dépenses relatives est le Chef de l’Exécutif municipal. A ce
titre, il procède aux passations des marchés et aux opérations d’engagement, de liquidation et
d’ordonnancement. La fonction de contrôleur financier est assurée par le Receveur municipal qui prend en
charge les dépenses et joue également le rôle de payeur.
La dotation Générale de la Décentralisation.
Aux termes de l’article 23, alinéa 1 de la loi d’orientation de la décentralisation, « il est institué
une Dotation Générale de la Décentralisation destinée au financement partiel de la décentralisation ».
L’alinéa 2 précise que « La loi de finances fixe chaque année, sur proposition du Gouvernement, la fraction
des recettes de l’Etat affectée à la Dotation Générale de la Décentralisation ».
Deux textes réglementaires complètent cette disposition générale, à savoir :
• le décret n° 2009/248 du 05 août 2009 fixant les modalités d’évaluation et de répartition de la
Dotation Générale de la Décentralisation ;
• le décret n° 2010/0165/PM du 23 février 2010 fixant la répartition de la Dotation Générale de la
Décentralisation au titre de l’exercice budgétaire 2010.
Le montant global des ressources affectées à la DGD au titre de l’exercice 2010 s’élève à 9,694 milliards de
francs CFA, réparti en deux principales composantes, à savoir :
• Dotation Générale de Fonctionnement : 5 milliards ;
• Dotation Générale d’Investissement : 4,694 milliards de francs.
Ce montant a été revu à la baisse pour l’exercice 2011 et correspond à 7 milliards de Francs CFA
soit 5 milliards pour la DGF et 2 milliards pour la DGI. Pour l’exercice 2012 il est estimé à 7,5 milliards de
francs soit 2,5 milliards en DGI et 5 milliards en DGF.
La mise à disposition des ressources issues de la dotation générale de la décentralisation obéit aux
modalités et procédures fixées par les lois et règlements en vigueur. Les quotes-parts correspondantes de
la DGD sont mises trimestriellement à la disposition des communes, des syndicats de communes et des
communautés urbaines par l’intermédiaire du FEICOM.
Les versements sont effectués sur les comptes bancaires des CTD bénéficiaires, ouverts auprès des
établissements bancaires agréés. Par ailleurs, des arrêtés conjoints des Ministres des Finances, des
Investissements et chargé des collectivités territoriales portent déblocage desdits fonds. Ces textes
précisent les montants affectés à chaque commune, ainsi que les emplois auxquels les ressources
correspondantes sont destinées.
Il convient cependant de distinguer l’exécution de la Dotation Générale de Fonctionnement de
celle de la Dotation Générale d’Investissement. Quelques difficultés liées à l’institutionnalisation de la
dotation Générale de la décentralisation et à sa mise à disposition effective méritent d’être soulevées. Il
s’agit notamment:
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
de la modicité de l’enveloppe par rapport au nombre de communes et à leurs besoins en termes de
développement ;
de la lourdeur des procédures de déblocage et de mise à disposition des ressources aux communes
bénéficiaires.
L’actualité de la question réside aujourd’hui dans la détermination de la fraction des recettes de
l’Etat à affecter à la dotation générale de décentralisation. Une réflexion portant sur la détermination de
ladite fraction est actuellement en cours dans les Services du Premier Ministre.
M. TCHEUWA Jean-Claude (Cameroun)
Maître de Conférences à l’Université de Yaoundé II -Soa, chercheur au Centre d’Etudes et de Recherche en Droit
International et Communautaire, et Secrétaire Permanent du CEDIC, monsieur Tcheuwa est chef de la Cellule
des Etudes et de la Réglementation à la Division des Affaires Juridiques au Ministère de l’Administration
Territoriale et de la Décentralisation du Cameroun. Spécialiste en droit et réglementation, ses travaux et
publications portent sur les sphères camerounaises et internationales. Il s’est notamment attaché à traiter de la
nature de la gouvernance locale au travers des jurisprudences en matière de contentieux électoraux, ou sur les
questions juridiques liées à l’Environnement.
« Décentralisation et gouvernance locale au Sénégal »
Cf. article in les Ecrits du Symposium
Cheikh Tidiane SALL,
Sénégalais, Expert en Environnement, spécialiste en décentralisation et gouvernance locale. Il travaille depuis
une dizaine d'année dans le domaine de l'environnement, de la gestion des ressources naturelles et de
l'adaptation au changement climatique, du développement rural, de la décentralisation et de la gouvernance
locale. Depuis 3 ans, chargé de programme à l'ONG IED Afrique basée à Dakar, il coordonne actuellement le
programme sous régional Forum d'Action pour la Gouvernance Locale en Afrique Francophone (FAGLAF) qui
regroupement le Sénégal, le Mali, le Burkina Faso, le Bénin, la Guinée, la Mauritanie et le Niger.
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
« Innovations et gouvernance locale : le cas de la commune de Manjakandriana »
Diaporama
Monographie succincte de la commune de Manjakandriana (commune urbaine)
Elle figure parmi les 25 Communes du District Manjakandriana - Région Analamanga
• Superficie : 71 Km2
• à 45 Km de la capitale, vers l’Est sur la RN2 reliant Antananarivo à Toamasina
• Population : 90 % de paysans (vivant de petite agriculture, d’élevage et de l’exploitation forestière)
• Repartie en 24 Fokontany (quartiers) de 25 000 habitants
Budget
Années
IFT/IFPB
IS
Recettes
Dépense
Solde
Réalisation (%)
2008
13 883 877
3 763 264
188 197 108
86 682 202
101 514 906
88
0
155 623 019
65 645 874
89 977 144
48
28 314 770
313 168 296
96 134 465
217 033 831
83
6 367 512
2009
3 969 321
2 788 897
2010
10 362 016
4 353 877
Recettes non fiscales
Années
Recettes
2008
33 816 218
2009
2010
Principales sources
Actes administratifs,
Droit d’exhumation,
33 395 282
Abattage et
poinçonnage et Taxes
37 446 323
diverses
Objectifs
• Participation citoyenne pour le développement et à la vie de la commune,
• Sensibilisation et incitation face aux devoirs fiscaux,
• Transparence et bonne gouvernance dans la gestion des affaires de la commune,
• Prise de décision à partir de la base (des hameaux vers les quartiers, des quartiers vers la commune et
ainsi de suite),
• Budget participatif : valorisation de 5 priorités par quartiers,
• Promotion de la notion genre.
Stratégie 1
• Conception du budget : approche participative par tous les acteurs,
• Collecte de données relatives aux besoins de la population en A.G.,
• Priorisation des actions à entreprendre,
• Délibération au niveau des conseillers municipaux,
• Mise en œuvre des résolutions en tenant compte des priorités des quartiers,
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
• Contrôle et suivi : recherche d’écart,
• Mise en œuvre des mesures correctives.
VALORISATION ET OPTIMISATION DES RESSOURCES LOCALES DISPONIBLES
Stratégie 2
• Formation et nivellement des intervenants,
• Transparence dans la prise de décision,
• Implication de toutes les forces vives,
• Application du principe de redevabilité envers la population,
• Obligation de compte rendu envers la population,
• Transversalité des relations inter-acteurs,
• Recherche de l’efficacité et de l’efficience,
• Etablissement d’un climat de confiance.
Modèle de pratique
Exemple 1 : exécution du FDL
Projet : construction de 4 escaliers raccourcis piétonniers sur 4 quartiers au bénéfice de toute la
population (année 2011).
Les étapes :
1. Sensibilisation
2. Rémunération des bénéficiaires – recrutement en nombre égal homme/femme
3. Mise en place d’un comité de suivi
Exemple 2 : utilisation des subventions exceptionnelles
Les projets :
1. Toiture de 3 Ecoles Primaires Publiques
2. Toiture bureau quartiers
3. Acquisition mobilier de bureau de la commune (salle de mariage….)
4. Construction nouveau marché de la ville
5. Construction d’un terrain de basket
Partenariats principaux
• Population locale,
• Chefs de quartier et leurs collaborateurs,
• Conseillers communaux,
• Employés de la Commune,
• Associations et ONG,
• Services Techniques Déconcentrés,
• Communes voisines,
• Association des maires,
• Etat (Ministère, Région, District…).
Freins à la gouvernance locale
• Concentration des pouvoirs en une seule main ou monopole du maire,
• Diligence irraisonnable de certains chefs,
• Ignorance et manque de civisme des responsables et de la population (par rapport à l’impôt,
réunion, respect des biens communs…),
• Insuffisance des moyens,
• Faiblesse des décideurs locaux : otage des enjeux politiques.
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
Type d’habitat objet de coopération
Commune – ONG HPH (Habitat Pour l’Humanité)
Aperçu global du Projet et détail d’une habitation
« L’eau ne se sépare jamais de la vie »
13 bornes fontaines ont été construites pour les
tâches ménagères quotidiennes
140 maisons desservis
Conclusion
• Prise de conscience générale sur le rôle de chaque citoyen
• Partage égal des tâches entre hommes et femmes
• Prose en considération de la notion de genre dans chacune des activités
• Engagement et implication de tous les acteurs
« On peut si on veut ! »
Contacts et partenaires
• Echo Communication : A S B L . 28, Rue Coleau B 1410 Waterloo – Belgique
• Ecolo Muriel Gerkens : Présidente de la commission finance et budget de la chambre – Palais de la
Nation 1008 Bruxelles
• Damien Thierry : Maire de Linkebeek - Belgique
• Abdellah President de la Commune rurale de FASK - Maroc
• Maataoui Moustapha : Président de la Commune de Sidi Boumedi - Maroc
• Mamadou Kane Maire de Ngor - Dakar
• Moussa Mara Maire de Bamako - Mali
Concours et Prix
Décembre 2011 : Lauréate du « concours HARUBUNTU
porteur d’espoir et créateur de richesse Africaine »
Bruxelles - Belgique
Mai 2011 : Commune rurale 1ere Catégorie devenue
Commune Urbaine
Mars 2011 : Prix "Winner in the center of excellence
category" prix décerné par l'ONG Gender Links
Johannesburg - Afrique du Sud
Mars 2011 : Représentante femmes-maires malgaches
au forum du CGLUA "Cités et Gouvernements Unis pour
l'Afrique" Tanger - Maroc
Mars 2009 : Sélectionné "Centre d'excellence" par l'ONG
international Gender Links parmi 10 Communes
qualifiées
2008 : 2ème place au concours de la meilleure
commune organisé par la Primature et le Ministère
chargé de l'Economie du Commerce et de l'Industrie
Mme RAVALORIAKA Eva (Madagascar)
Maire de la commune de Manjakandriana, Mme Ravaloriaka est habituée aux rencontres internationales dans
lesquelles elle défend la politique de sa collectivité. Lauréate Harubuntu 2011, pour le Prix des Porteurs d'Espoir
et Créateurs de Richesses Africains de ECHOS Communication, elle était invitée à Bruxelles du 27 novembre au
04 décembre afin de participer à la finale avec 4 autres Autorités locales d’Afrique (Cameroun, Côte d'Ivoire,
Sénégal et Rwanda).
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48
Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
Echanges avec la salle
Une précision a été apportée ; au Cameroun, il existe deux niveaux de collectivités : la Commune
et la Région. Entre les deux, le Président de la République a la prérogative d’ériger par décret une
communauté urbaine pour les agglomérations urbaines. Le nombre exact de communes est de 360 et 14
pour les communes urbaines [pour rappel, la superficie du Cameroun équivaut à 80% de celle de
Madagascar pour une population totale équivalente]
L’appropriation des guichets fonciers par les communes se fait par la prise en charge du
fonctionnement par la commune. Il existe 416 guichets fonciers ouverts à ce jour.
Une confusion existe entre le certificat foncier et le titre foncier, or, les deux documents ont les
mêmes valeurs juridiques, et sont sur un même pied d’égalité. Cependant la valeur du certificat n’est pas
encore entrée dans les esprits de tous (exemple : banque ou microcrédit...).
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
Jeudi 15 décembre - Débat
Quel bilan et quelles perspectives pour la gouvernance locale à Madagascar ?
Introduction « Atouts et horizons malgaches »
Je souhaite vous rappeler tout d’abord quel est le cadre réglementaire, administratif et territorial
de la Décentralisation à Madagascar. J’aborderai ensuite le Programme National de Décentralisation et de
Déconcentration (ou PN2D), pour terminer par le bilan de la période 2009-2001.
Il est important de rappeler les deux processus à l’œuvre :
• La Déconcentration qui est la délégation de compétences, de pouvoir de décision et de moyens de
l’administration centrale vers des services régionaux ou départementaux.
« Rapprocher le service public de l’usager »
• La Décentralisation qui constitue le transfert de compétences, de pouvoir de décision et de moyens
vers des collectivités territoriales autonomes dotées d’une personnalité juridique.
« Rapprocher la décision du citoyen par l’exercice de compétences transférées sur un territoire
donné »
La décentralisation dans la Constitution
Article 3.- La République de Madagascar est un Etat reposant sur un système de Collectivités
Territoriales Décentralisées composées de Communes, de Régions et de Provinces dont les compétences
et les principes d’autonomie administrative et financière sont garantis par la Constitution et définis par la
Loi.
Article 139.- Les collectivités territoriales décentralisées, dotées de la personnalité morale et de
l’autonomie administrative et financière, constituent le cadre institutionnel de la participation effective
des citoyens à la gestion des affaires publiques et garantissent l’expression de leurs diversités et de leurs
spécificités.
Article 141.- Les Collectivités Territoriales décentralisées assurent avec le concours de l’Etat,
notamment la sécurité publique, la défense civile, l’administration, l’aménagement du territoire, le
développement économique, la préservation de l’environnement et l’amélioration du cadre de vie.
Dans ces domaines, la loi détermine la répartition des compétences en considération des intérêts
nationaux et des intérêts locaux.
Les échelles des 2D à Madagascar
Collectivités Territoriales Décentralisées
22 Régions
119Districts
1 549 Communes
18 000 Fokontany
Circonscriptions administratives
Collectivités Territoriales Décentralisées
Subdivisions administratives
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50
Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
Les Provinces assurent théoriquement la coordination et l’harmonisation des actions de
développement et d’intérêt provincial, à la planification de l’aménagement du territoire. Elles veillent au
développement équitable et harmonieux des collectivités territoriales décentralisées dans la province.
Elles mettent en œuvre la politique de développement d’intérêt provincial définie et arrêtée en conseil
provincial. Elles dirigent, dynamisent, coordonnent et harmonisent le développement économique et
social de l’ensemble de la province et assurent, à ce titre, la planification, l’aménagement du territoire et
la mise en œuvre de toutes les actions de développement.
Le Chef de Province est élu au suffrage universel. Fonction délibérante exercée par le Conseil
provincial dont les membres sont élus au suffrage universel.
[Bien qu’inscrites dans la Constitution les Provinces n’existent pas pour l’instant]
Les Régions ont une vocation essentiellement économique et sociale. Elles dirigent, dynamisent,
coordonnent et harmonisent le développement économique et social de l’ensemble de leur ressort
territorial. Elles assurent la planification, l’aménagement du territoire et la mise en œuvre de toutes les
actions de développement. La fonction exécutive y est exercée par un organe dirigé par le Chef de Région,
élu au suffrage universel. Fonction délibérante exercée par le Conseil régional dont les membres sont élus
au suffrage universel.
[A ce jour les chefs de région sont nommés et non élus au suffrage universel]
Les Communes, divisées en communes urbaines et rurales, constituent les collectivités
territoriales décentralisées de base. Elles concourent au développement économique, social, culturel et
environnemental de leur ressort territorial. Elles peuvent se constituer en groupements
(intercommunalité ou association). Les fonctions exécutives et délibérantes sont exercées par des organes
distincts et élus au suffrage universel direct.
Les Domaines réservés de l’Etat sont la Monnaie, la Défense nationale, la Justice, l’Ordre et la
sécurité, et enfin la Diplomatie. Les vocations de chaque CTD sont d’une part d’assurer la cohérence et
l’intégration économique et sociale au niveau de la province et la région et d’autre part le service de
proximité pour les communes.
Le Programme National de Décentralisation et de Déconcentration ou PN2D
Il s’agit tout d’abord d’une vision ; celle de « collectivités efficaces au service des citoyens
responsables. »
Ces finalités sont doubles :
• l’accroissement des capacités institutionnelles, administratives, sociales, économiques et techniques,
• l’amélioration des conditions de vie, du bien-être social et du développement économique.
Ces finalités doivent être atteintes par deux stratégies principales adaptées aux CTD qui sont :
• faire des Régions des échelons stratégiques de coordination et des centres d’impulsion du
développement ;
• améliorer la capacité d’intervention institutionnelle, technique et financière des Communes en tant
que base du développement.
Le PN2D permettra d’améliorer la gouvernance locale, de rapprocher les citoyens de l’exercice du
pouvoir, d’optimiser l’allocation des ressources et l’utilisation de l’espace, de favoriser une approche
spatiale intégrée dans un souci d’efficacité et d’économie d’échelle. Ainsi chaque CTD sera dotée d’une
ambition particulière : à la commune d’assumer son rôle d’élément moteur du développement local, et à
la région de veiller à l’articulation des politiques de développement selon une logique d’aménagement
spatial cohérente et d’assurer une coordination de toutes les actions de développement socioéconomique de la région. Elles pourront ainsi concevoir et mettre en œuvre un plan de développement
intégrant les programmes et l’aménagement du territoire (en phase avec l’aide des STD -Services
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51
Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
Techniques Déconcentrés de l’Etat- et associant largement les différents acteurs), assumer la maîtrise
d’ouvrage du développement, et enfin assurer la fourniture de services de proximité satisfaisants.
Outre le cadre institutionnel, réglementaire et leurs enjeux, il est nécessaire cependant de prendre
en compte les éléments de contexte suivants :
• la fusion Décentralisation, Aménagement du Territoire et Foncier en un seul Ministère, et leur
séparation récente à nouveau,
• la suspension des programmes d’appui internationaux aux CTD ou via les Ministères sectoriels suite à
la crise,
• les mesures d’austérité prise par le gouvernement,
• les textes d’application des Régions toujours en dispositions transitoires,
• les exécutifs communaux plus ou moins stables,
• la difficulté à mobiliser la population pour la fiscalité locale au niveau des Communes,
• la non appropriation de la transversalité de la Décentralisation,
• la définition et la mise en œuvre des 3 niveaux de CTD prévus par la Constitution de le 4è République.
• les entrées fiscales suite aux exploitations minières, forestières,
• les outils de planification régionale et de gestion du territoire qui font défaut au niveau des Régions
(SRAT = Schémas Régionaux d’Aménagement du Territoire).
Afin de répondre aux enjeux et au contexte actuel, la Direction général de la Décentralisation s’est
dotée des 3 outils :
Le Fonds de Développement Local (FDL)
Créé par le décret N° 2007-530 du 11 juin 2007, il assure le développement socio-économique équitable
de toutes les CTD en général, et des communes de Madagascar en particulier.
Ses dimensions sont politique (favoriser l’instauration de nouvelles relations entre Etat /CTD et citoyens),
économique (accompagner l’essor territorial) et sociale (participer à l’amélioration des services aux
populations via le financement d’infrastructures répondant aux besoins de ces populations).
L’Institut National de Décentralisation et de Développement Local (INDDL)
Créé par le décret N° 2011-230, du 10 mai 2011, il doit permettre à Madagascar de relever le défi d’un
développement national, original et adapté à travers :
• l’amélioration des capacités des responsables des CTD, pour qu’ils puissent assurer de manière
efficace et efficiente leurs missions ;
• la stabilisation des cadres et techniciens des CTD, condition primordiale pour l’effectivité de la
décentralisation. [La mention de fonctionnaires territoriaux a été évoquée pour la première dans la
nouvelle Constitution]
Article 3.- L’INDDL assure la formation initiale, continue ainsi que la recherche et la promotion de
la décentralisation et du développement local. A ce titre, il assume également la veille informationnelle et
le suivi de la mise en œuvre de la décentralisation et du développement local.
DG de la Décentralisation (Madagascar)
La Commission Nationale de la Coopération Décentralisée (CNCD),
Créée par le décret N°2011-0033, relatif à la coopération décentralisée et aux relations extérieures des
CTD malagasy et leurs groupements. Un Délégué National chargé de l’animation, du suivi et du
développement de la coopération décentralisée a été nommé. Un site Internet sur la coopération
décentralisé à Madagascar, permettant de promouvoir, coordonner, diffuser les actions de coopération
décentralisée : www.coopdecmada.mg
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52
Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
Les acquis 2009-2011 par axes stratégiques :
Axe Stratégique 1 : Consolider la Décentralisation
• 1. Le cadre institutionnel et juridique de la décentralisation est révisé.
• 2. Le FDL est lancé et opérationnel.
• 3 L’INDDL et la CNCD sont mis en place et opérationnels.
• 4. La fiscalité locale est relancée.
• 5. Le système de dotations et de subventions est redynamisé.
• 6. Les procédures dans la gestion des services publics sont transparentes. (Budget participatif)
• 7. Formation et renforcement des capacités des communes et régions ;
• 8. Harmonisation des outils et des dispositifs d’accompagnement des Communes.
• 9. Un système de suivi des activités est mis en place.
Axe Stratégique 2 : Les STD en appui aux CTD
• 1. Protocoles de partenariat signés entre le Ministère chargé de la Décentralisation et les Ministères
sectoriels.
• 2. STD impliqués dans le processus Budget Participatif ou dans la coopération décentralisée.
Axe Stratégique 3 : Participation citoyenne et développement de partenariat (processus BP)
• 1. Des mécanismes favorisant le dialogue et la concertation entre les élus/responsables locaux et la
population sont instaurés.
• 2. Les citoyens participent à la planification et à la mise en œuvre du développement sectoriel local.
• 3. Le principe pour les élus et les responsables locaux (communes) de rendre compte périodiquement
sur leur gestion aux citoyens est acquis mais encore faible.
• 4. Le droit d’interpellation et de contrôle des citoyens est instauré mais encore très faible concernant
notamment la gestion des services publics par les Communes.
Nous terminerons par quelques chiffres :
Le budget Total de la Direction Générale de la Décentralisation (DGD) en 2011 était de 95 701 296 310
Ariary soit moins de 5% du Budget de l’Etat. Les engagements réalisés sont de 72,23 % du crédit alloué.
Répartition de l’engagement
Part du Budget
Taux de réalisation
CTD et FKT: 80,48%
73%
EPA (FDL, INDDL) : 12,06%
59%
DGD 2,25 %
78%
TVA 5,21%
83%
Enfin je souhaite pouvoir participer au débat en proposant quelques éléments de débats dont :
• la Gouvernance locale : sur quelle base juridique, structurelle... ?
• La nécessaire prise en compte des 2D ?
• Les transferts budgétaires ?
• Les Ressources fiscales ?
• La coordination des acteurs internationaux par rapport aux priorités du pays ?
• La pérennisation des outils FDL, INDDL?
• Le Financement du processus de la Décentralisation?
Mme Anjara Manantsara
Chef de la Région Diana de 2007 à 2009, puis Directrice Générale de la Décentralisation de 2009 à 2011, elle est
aujourd’hui Coordonnateur Général de la Cellule Nationale de Concertation sur la Décentralisation au sein du
Ministère de la Décentralisation.
Direction de la documentation, de la Recherche et de la Communication de l’INDDL
53
Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
Table ronde « Quel bilan et quelles perspectives pour la gouvernance locale à
Madagascar ? »
M. Claude RAKOTOARISOA (Représentant ACORDS Madagascar)
Coordonnateur du programme ACORDS de l’Union Européenne (programme d’Appui aux Communes et
Organisations Rurales pour le Développement du Sud) depuis son démarrage, monsieur Rakotoarisoa a définit
les options stratégiques du programme en référence à la convention de financement et en tenant compte de
l’Etat des lieux des collectivités. Il en a assuré la coordination et la mise en œuvre. Pour lui, la maîtrise d’ouvrage
communal n’est pas une mission mais une obligation et la commune qui devrait être redevable vis à vis de ses
administrés.
Son intervention était axée sur la présentation de l’ACORDS (Appui aux Communes et Organisations
Rurales pour le Développement du Sud). Il s’agit d’un appui aux Communes apporté par l’Union
Européenne pour trouver la bonne solution notamment par rapport à la politique sectorielle PN2D, et qui
est en phase de clôture actuellement. Il a visé notamment la mise en place de CAC (centre d’appui aux
communes), mais a aussi travaillé dans d’autres domaines du développement local participatif.
M. RANDRIANATOAVINA Parfait (SAHA Madagascar)
Expert conseil international en gouvernance et développement local, pour le Programme SAHA (Helvetas Swiss
Intercooperation, Madagascar et Mali), monsieur Randrianitovina est spécialiste de l’ingénierie du
développement local. Son champ d’expériences recouvre la décentralisation, l’économie locale, la gouvernance
locale, le marketing social, l’aménagement de territoire, et le développement local. Ses travaux et publications
portent sur la capitalisation des programmes menés par Saha et notamment sur le budget participatif et les
schémas régionaux d’Aménagement du Territoire.
Il a débuté son allocution par la présentation du programme SAHA qui est financé par la coopération
Suisse. C’est un programme de développement rural qui intervient au niveau des collectivités, notamment
les communes. Pour lui, la gouvernance locale est une vision systémique qui entre dans un système de
gestion politique élargie et tenir compte des expériences vécues pour adapter les futures lois relatives aux
CTD.
M. Robert Gaby (SAHA Madagascar)
Spécialiste international en décentralisation et planification régionale pour le Programme SAHA (Helvetas Swiss
Intercooperation, Madagascar et Mali), ses domaines d’intérêts s’étendent à la décentralisation, l’économie
locale et la gouvernance locale, l’aménagement du territoire, le développement local, le marketing territorial, le
management et la planification stratégique, les finances locales. Outre les capitalisations des actions
programmées par Saha (budget participatif...), il a également travaillé et publié sur le niveau de développement,
la capacité financière et de gouvernance d’une commune.
La décentralisation étant un processus à long terme, son cadre juridique doit être stable et clair car les
obstacles physiques et culturels sont innombrables. Ainsi, ce concept se heurte à la faiblesse du niveau
d’instruction de la population des collectivités locales. Par ailleurs, l’enclavement des diverses communes
constitue un frein à la vulgarisation du concept même, ce qui nécessite le recours au NTIC.
David RAJAONA (Président de l’IEP Madagascar)
Président du Collectif des Experts et Formateurs en Développement (CEFD) de l’Institut d’Etudes Politiques -I.E.PMadagascar-, monsieur Rajaona, consultant international, a été Directeur Général du Fond d’Intervention pour
le Développement / FID rattaché à la Banque Mondiale (Madagascar) et Ministre de l’Industrie, du
Développement, du Secteur Privé et de l’Artisanat (Madagascar). Ses travaux et son expérience internationale
l’ont amené à traiter de sujets aussi divers que le concept AGR ou Activités Génératrices de Revenus en milieu
rural (FID), la gestion des Risques et Catastrophes (Washington, Beijing) ou les nouvelles technologies au service
du Développement (Sommet Mondial, Monaco).
Il a axé son intervention sur la mise en place d’un observatoire de la décentralisation apte à capitaliser
toutes les expériences acquises auparavant et l’utilisation des Nouvelles Technologies d’Informations et de
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54
Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
Communication pour mieux gérer les informations en provenance des communes et que les populations
locales y aient un libre accès, pour une bonne gouvernance locale.
Mme RAZAFINDRAKOTO Yolande (ONG EFA Madagascar)
Directrice exécutive de l’ONG EFA (Ezaka ho Fampandrosoana any Ambanivohitra), membre du Comité Exécutif
de la Solidarité des Intervenants sur le Foncier (SIF) et du Groupe d’Action pour la Décentralisation (GAD),
madame Razafindrakoto est Vice Présidente du Conseil National des Femmes de Madagascar (CNFM). Experte
Internationale, notamment pour la Banque Mondiale, des questions de l’accès à la terre et de réforme foncière,
elle a participé à de nombreux ateliers et séminaires internationaux de l’International land Coalition (ILC) sur
l’accès à la terre, à la gouvernance foncière avec la FAO au Burkina Faso ou à Rome avec le FIDA. Elle a
participé à la rédaction de « décentralisation de la gestion des terres à Madagascar : processus, enjeux et
perspectives d’une nouvelles politique foncière » (Edition Karthala, 2009).
Cette ONG travaille en étroite collaboration avec le Programme National Foncier (PNF) pour faciliter la
mise en place de la politique de décentralisation foncière qui a été depuis 2005. Deux outils ont été
utilisés à savoir le BIF (Birao Ifoton’ny Fananantany) et le PLOF (Plan Local d’Occupation Foncière). Le BIF
délivre les certificats fonciers, et répond à une sécurisation foncière massive et résout en partie les conflits,
alors que le PLOF délimite les terrains privés publics ainsi que les aires protégées et les infrastructures
routières, facilitant ainsi le recouvrement le recouvrement de la fiscalité locale.
M.MAÏNA Anatole (Cameroun)
Chargé d’Etudes au Secrétariat Général des Services du Premier Ministre -Yaoundé- Cameroun
Il a mis l’accent sur l’existence au Cameroun d’un fonds spécial d’équipement intercommunal qui finance
les projets communaux et qui constitue une sorte de banque des Communes.
M. NIANDOU Hamidou (Niger)
Maire de la commune urbaine et minière de Téra, il fait partie du réseau Faglaf.
Cet intervenant a mis l’accent sur le financement de la décentralisation au Niger par la constitution d’un
fonds de péréquation issu des redevances minières. Cette situation a abouti à des avantages et des
contraintes : la création d’emplois, génération de ressources fiscales, création d’infrastructures la
dégradation de l’environnement et la gestion de déchet.
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55
Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
« Les Ecrits »
du Symposium International
Articles et réflexions
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
Le Territoire : siège de la pensée collective et de l’impulsion coopérative
Depuis au moins deux décennies, la conception et les stratégies de développement ont
considérablement évolué dans le monde et particulièrement en Afrique où la gestion des affaires
publiques n’est plus l’apanage exclusif des Etats centraux.
A l’évidence, les Etats ne sont plus les seuls acteurs de changement. Ils ne se considèrent d’ailleurs
plus comme tels. Avec la redécouverte du Territoire, - notamment local -, ils consacrent de plus en plus, en
leur sein, des collectivités locales qui émergent, et qui s’affirment chaque jour davantage dans la
définition et dans la mise en œuvre de politiques publiques. La société civile connaît aussi un
développement extraordinaire, et poursuit l’objectif de faire évoluer la gestion des affaires politiques,
économiques, culturelles et sociales dans les différents pays, et à travers le monde. Le secteur privé n’est
pas en reste au regard de sa capacité de régulation économique, mais aussi sociale, politique, culturelle et
territoriale. Enfin, la coopération internationale a également connu un développement fulgurant à travers
le monde, avec un intérêt sans cesse grandissant en Afrique. Mais au-delà de l’aspect quantitatif qui
considère le nombre de partenariats, cette coopération en plein essor emporte des conséquences sur
l’approche du développement et les méthodes de gestion des affaires publiques.
Dans le cadre de ces nouvelles approche et stratégies, il n’est pas exagéré de soutenir que le
« Territoire » lui-même est devenu aujourd’hui un acteur d’importance dans la mesure où les processus de
développement dans les différentes parties du monde sont intimement liés à l’émergence de pôles locaux
de développement. Le « Territoire » est, lui-même, largement tributaire de la capacité des acteurs,
notamment à travers leur conscience et leur capacité à se projeter dans le long terme, et à nouer des
relations partenariales très fortes.
Le consensus fait que le territoire a un rôle essentiel et irremplaçable dans les mutations
qualitatives attendues dans le champ de la gouvernance et du développement en général. Dans cette
perspective, le « Local » est aujourd’hui présenté comme l’échelon territorial de renouvellement et
d’impulsion de la gouvernance et du développement.
Dès lors, ces Etats africains élaborent et essayent renforcer des initiatives de valorisation des
échelles territoriales infra-nationales pour tenter de répondre à des défis communs, en l’occurrence la
cohésion et la prospérité de leurs sociétés. Ils proclament de plus en plus leur volonté – notamment à
travers l’adoption de politiques publiques de base – de faire du Territoire la matrice de leur
développement politique, social, économique et culturel. C’est certainement une orientation de bon sens !
Cette perspective commande une pleine valorisation du point d’ancrage de tout le potentiel et des
ressources de tous ordres, c'est-à-dire le Territoire, « brique de base » à partir de laquelle le Continent
doit définir ses modes de régulation, sa vision du développement, arrêter sa stratégie, mobiliser ses
ressources et puiser l’essentiel des moyens de réalisation de son projet de modernité.
Mais alors, la condition devient celle de renouveler la compréhension et l’approche des relations
entre acteurs et entre territoires. Certainement le Territoire ne peut être perçu comme une simple aire
géographique, physique d’inspiration administrative ou politique. Il ne saurait davantage se réduire à des
institutions formelles. Il est le « nœud local d’un système de relations », et en tant que tel il est le siège de
la pensée collective et de l’impulsion coopérative du développement et de l’endogène ; il est le lieu de
projection de toute la complexité du monde. Il s’ensuit qu’il met en présence une diversité d’acteurs et
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57
Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
d’échelles dont il importe de reconnaître les interdépendances, et de les assumer dans un esprit de
solidarité.
Globalement donc, ces nouvelles conceptions et stratégies resituent les problématiques de
gouvernance et de développement dans des liens de concertation et de coopération de plus en plus
complexes, entre territoires et entre acteurs, à toutes les échelles.
Territoires et gouvernance : l’impératif de concertation
La gouvernance s’entend ici comme mode de régulation et de gestion des cohérences dans les
sociétés. Déterminant fondamental de la stabilité et de la prospérité des sociétés humaines, la
gouvernance s’intéresse particulièrement au décloisonnement et à la régulation de réalités qui fondent la
diversité et la complexité des territoires ; réalités diverses et complexes qui ne peuvent être ni ignorées, ni
séparées les unes des autres.
En conséquence, l’enjeu de gouvernance suppose une entrée en intelligibilité entre différentes
catégories, et subséquemment un impératif de concertation entre acteurs au sein d’un territoire, mais
aussi un impératif de dialogue entre différents territoires.
Cela est essentiel dans la mesure où le Territoire est un espace public très complexe avec une
diversité d’acteurs. Il met inévitablement en présence - et relie - des enjeux sociaux, politiques,
économiques et culturels importants. Par conséquent, il ne peut être abordé avec un regard simplificateur.
Il est un espace de cohabitation entre une diversité d’acteurs aux imaginaires très souvent divergents,
avec des vocations tout aussi différentes. Il est le lieu de projection des effets dérivant d’autres échelles
de décision et d’action. Dès lors, une insuffisante prise en compte de l’ensemble des acteurs, de leurs
intérêts et de leurs missions, de leurs actions et interactions, concourent à faire du « Local » un champ de
rivalités et de conflits, une zone d’exclusion et d’accaparement.
Même si les textes de décentralisation, parce que trop orientés sur les aspects institutionnels, ne
font pas expressément cas de ces enjeux de gouvernance, il reste que de tels enjeux structurent tout
l’esprit et la démarche des politiques publiques de base.
En effet, l’esprit de ces politiques doit amener aujourd’hui à s’élever au dessus des particularismes
catégoriels et des territoires balkanisés pour évoluer vers des espaces à la fois de maîtrise et d’orientation
d’une gouvernance légitime, d’un développement global, vers des espaces propices à la construction de
projets collectifs, vers le développement de liens de partenariat très forts entre acteurs, et entre
territoires, vers la gestion et la conciliation stratégique des court, moyen et long termes. Pour au moins
trois raisons majeures.
• D’abord, les territoires sont imbriqués. Un territoire n’est jamais isolé, inscrit qu’il est dans des relations
complexes avec d’autres territoires voisins. C’est pourquoi, il faut développer une approche intégrée des
différents espaces territoriaux à travers leur articulation. Il peut s’agir à la fois d’articulations horizontales
et/ou verticales. En effet, chaque territoire s’insère dans un contexte qu’il faut nécessairement considérer
car sa « maîtrise dépend, pour partie au moins, de la faculté de repérer et d’intégrer l’ensemble des
facteurs qui déterminent son devenir particulier et général »1.
• Ensuite, les compétences des acteurs sont liées. Dès lors, il faut, ici encore, articuler les responsabilités
des divers acteurs aux différents niveaux territoriaux. Il faut penser et construire des passerelles entre
tous les dépositaires institutionnels et non institutionnels de l’action publique de sorte à parvenir à des
interventions communes, ou au moins concertées. Autrement dit, l’action publique doit être conçue et
mise en œuvre dans une perspective territoriale.
• Enfin les résultats des différentes interventions des acteurs et des projets des territoires sont
interdépendants. C’est effectivement une question d’objectif global. Dans une approche territoriale, le
développement ne peut être porté individuellement par une catégorie d’acteurs, ou réalisé dans les
limites étroites d’un territoire donné.
1
Michel Bouvier et Marie-Christine Esclassan, Le système communal, LGDJ 1981, p. 27
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
Ces différentes raisons fondent donc la légitimité de chaque acteur à contribuer à la réflexion et à
agir sur les affaires qui conditionnent directement son existence -mais qui concernent par ailleurs le bien
être de tous. Mais, faut-il en convenir, cette consécration de la pluralité peut compromettre la
performance de l’action publique. Avec comme conséquence une chaîne de responsabilités tout aussi
obscure que longue, un enchevêtrement de compétences inévitablement générateur de tension et
d’inertie, un éclatement des rares moyens disponibles, elle peut être effectivement préjudiciable à la
gouvernance.
En légitimant donc chacun à agir, le Territoire s’expose potentiellement à des incohérences, à des
conflits et au « désordre ». Or, le véritable défi est que le Territoire et l’inter-territorialité deviennent un
lieu de régulation, d’arbitrage et de cristallisation d’enjeux divers.
Dans ce sens, la concertation entre toutes les catégories d’acteurs au sein d’un territoire, mais
aussi la concertation entre différents territoires, sont posées comme modalité de réalisation de ce dessein.
Elles s’attachent à la contribution de tous les acteurs tout en poursuivant la construction de consensus
autour d’une vision et de valeurs partagées, autour de projets collectifs.
La concertation réfère donc à une approche positive de la cohabitation entre acteurs et entre
territoires. Elle consiste fondamentalement pour les différentes catégories d’acteurs, et pour des
territoires divers à être ensemble, dans un processus de travail collectif pour élaborer et mettre en œuvre
des règles et des projets de partenariat.
Par ailleurs, même dans ce dialogue entre acteurs et entre territoires, il convient de garder
constamment à l’esprit que les réponses aux questions cruciales de gouvernance qui interpellent l’Afrique
ne proviendront pas de l’application de recettes miracles qu’il suffirait de s’approprier, mais d’un
processus d’examen minutieux des pratiques, de mise en commun des expériences pouvant servir à la
construction d’une volonté commune de changement, à une relocalisation optimale de la gouvernance
conforme aux spécificités nationales, régionales et locales.
Un Forum multi-acteurs sur la gouvernance peut alors être organisé pour servir de cadre à
l’émergence de cette volonté commune et au suivi de la mise en œuvre des actions de changement
convenues, entre acteurs et entre différentes échelles.
En effet, la gouvernance doit s’inventer et se construire en s’enracinant dans la culture et dans le
contexte du pays. Simultanément, elle doit se projeter dans l’avenir et s’alimenter d’expériences et de
réflexions internationales. Pourtant, il est aisé de constater aujourd’hui que la gestion publique est
fragmentée entre des institutions cloisonnées et des acteurs isolés. Elle est écartelée entre le discours
convenu à l’intention de la « communauté internationale » et la réalité des pratiques quotidiennes. Face
donc à ce mode de gestion des affaires publiques calqué sur des modèles importés et plaqués sur les
sociétés, un Forum multi –acteurs peut être un espace collectif de réflexion, de confrontation d’idées,
d’invention et d’apprentissage. D’un tel Forum pourrait donc résulter un processus de changement
engageant tous les acteurs qui jouent un rôle dans la gestion de la société et qui désirent y contribuer, par
leur réflexion, leur expérience et leurs actions, et ainsi inventer le mode de gouvernance dont chaque pays
a besoin.
Territoire et développement : l’impératif de coopération
La concertation entre acteurs et entre territoires est aussi devenue inévitable dans les sociétés qui
veulent véritablement avancer. Simplement parce que le développement ne saurait prospérer dans un
contexte où chaque acteur est isolé des autres et agit selon sa propre logique, et pour ses intérêts
immédiats exclusifs. Elle l’est davantage lorsque l’on considère le développement local qui est
nécessairement co-construit dans une démarche inclusive de partenariat.
Dans la pratique, le positionnement et les interventions des acteurs sur le Territoire – et entre
Territoires – sont souvent vécus de façon parallèle ou antagonique. Dans le même temps, il y a un manque
flagrant d’articulation entre les différents niveaux territoriaux, et une quasi-absence de systèmes efficaces
d’équilibre et de complémentarité entre eux.
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
Très souvent, le partenariat entre acteurs et la coopération entre territoires achoppe
fondamentalement sur une ignorance mutuelle ou une tension soutenue entre les différents
protagonistes de l’action publique territoriale. Or, de toute évidence, les liens politiques, économiques,
sociaux, culturels ou environnementaux transcendent les catégories d’acteurs et les échelles territoriales.
Si au niveau local, les collectivités locales ont la responsabilité légale de concevoir, de programmer et de
mettre en œuvre le développement économique, social, sanitaire et culturel, il va de soi que ces
compétences s’exercent absolument avec la contribution de l’ensemble des acteurs.
Cela est surtout évident si l’on sait que le développement local renvoie globalement au processus
par lequel se valorise et se transforme l'espace territorial de base à travers ses atouts réels et ses
contraintes objectives. Il postule dès lors, que les acteurs - tous les acteurs - s'accordent et s'engagent
avec une conscience commune, et une volonté réelle, dans une démarche collective de progrès au niveau
local. Plus exactement, le développement local renvoie à une «intervention structurée, organisée, à visée
globale et continue dans un processus de changement des sociétés locales»2.
L’intervention structurée et organisée poursuit l’objectif de mettre de l’ordre et de la cohérence
dans les acteurs et dans leurs actions, et d’assurer ainsi un fonctionnement optimal du « jeu local » et du
développement territorial. Elle renvoie précisément à l’idée d’une multitude d’acteurs, tous légitimes à
agir, mais dont les actions, les positions et les rôles respectifs doivent être définis, puis harmonieusement
agencés. Elle implique alors la solidarité et la coopération entre tous les acteurs.
La visée globale renvoie justement à ce projet collectif pour la réalisation de l’intérêt local
spécifique. Elle postule des cadres de régulation et de coordination de l’action publique locale, accessibles
à tous les acteurs, et garantissant la pleine expression et la saine confrontation de toutes les aspirations.
Le caractère continu de l’intervention emporte la permanence de la concertation et de la coopération
entre les acteurs et entre les territoires. Il s’ensuit que ni la concertation, ni la coopération ne sauraient
s’organiser de façon ponctuelle, et par à-coup.
A la vérité, il fait reconnaître que la démarche de coopération et de solidarité n’est pas
automatique surtout pour les collectivités locales. Confrontées aux contraintes de temps et de moyens,
aux obligations de résultats tangibles circonscrites à un territoire local déterminé, les collectivités locales
développent plus naturellement le réflexe du repli sur soi. A l’exclusion de toute option coercitive, la
coopération repose fondamentalement sur la volonté des collectivités locales souvent en proie à des
préoccupations urgentistes. Or, la coopération, et plus encore, la solidarité appellent, de la part des
acteurs, un dialogue sur l’avenir et une vision à long terme pour un projet collectif.
En même temps, la démarche de coopération ou de solidarité n’est pas spontanée. Naturellement,
toute collectivité locale qui entre en partenariat avec ses pairs se pose la question, du reste légitime, de
savoir ce qu’il lui en coûte et ce qu’elle en tire. Dès lors, l’enjeu majeur doit être de dépasser les
appréhensions et les contraintes.
Pourtant, il est impératif de décloisonner les territoires pour répondre aux défis actuels de la
gouvernance et de développement en considérant fort justement que désormais « l’essentiel se joue aux
interfaces » qui sont en définitive les lieux « de satisfaction simultanée des besoins d’unité et de diversité,
de cohérence de l’ensemble et d’autonomie relative des parties »3.
De ce point de vue, la régionalisation exprime grandement la coopération à la fois horizontale et verticale
entre les différentes échelles de territoire, et entre les différents acteurs, dans un objectif de
développement.
En effet, une telle politique poursuit généralement l’objectif de « mieux répondre à l’exigence du
développement économique en créant entre les administrations centrales de l’Etat et les collectivités
locales de base des structures intermédiaires, les régions destinées à servir de cadre à la programmation
du développement économique, social et culturel, et où puisse s’établir la coordination de l’action de
l’Etat et celles des collectivités ».
2
3
Jacqueline Mengin, Guide du développement local, L'Harmattan, 1989, p.7
Pierre Calame, Un territoire pour l’Homme, Editions de l’aube, p. 8
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
La régionalisation est une politique délicate qui suppose et organise une coopération entre territoires – du
local au national –, une articulation de politiques diverses, une collaboration entre acteurs et une mise en
commun d’un certain nombre de moyens. Et, en faisant de la région une « collectivité locale – pivot » dans
l’agencement territorial et dans la stratégie de développement économique de l’Etat la place au cœur
d’un « nœud de relations ».
C’est sous ce rapport qu’il faut percevoir la région comme un espace de concertation entre
territoires et entre acteurs, du local au national. La régionalisation doit reposer, à tout le moins, sur des
liens forts et permanents entre tous les acteurs qui s’engagent, dans un partenariat sincère, à promouvoir
un territoire « supra – local » et « infra-national ». C’est précisément cette dimension intégrative de la
régionalisation qui en fait un lieu de concertation entre tous, et in fine, une véritable politique de
développement socio-économique.
Pour conclure
Dans le fond, en croisant le regard de l’ensemble des acteurs sur le territoire – et entre territoires
– leurs savoirs et savoir-faire, en mutualisant leurs ressources diverses, la concertation et la coopération
peuvent générer de la plus value pour les processus de développement et la stabilité des sociétés.
A l’évidence, des acteurs qui se concertent et qui coopèrent, c’est une action publique plus
pertinente et plus performante, c’est un vivre ensemble qui s’améliore et qui se consolide, et c’est donc
des territoires qui se transforment et se développent !
Cette conviction fonde et structure deux grandes initiatives en Afrique et dans le monde, deux
grandes initiatives qui méritent une attention particulière, une adhésion massive et un soutien constant. Il
s’agit de l’Alliance pour refonder la gouvernance en Afrique (ARGA) et du Global local forum (GLF).
Initiatrice du Forum multi-acteurs, l’ARGA travaille à la mise en place et à l’animation d’espaces publics de
dialogue et de réflexion sur la gouvernance en Afrique pour l’élaboration et la mise en débat de
propositions de changement de la gestion des affaires publiques sur le continent. Dans cet objectif, elle
mobilise des acteurs étatiques et non-étatiques dans des initiatives de refondation effective de la
gouvernance en Afrique à toutes les échelles, du Local au Mondial. (www.afrique-gouvernance.net).
Quant au GLF, il se veut un « Think Tank » pour convaincre et inventer un nouveau développement mutuel
fondé sur le dialogue entre territoires. il regroupe des organisations et des personnes ressources
convaincues que les initiatives de développement des territoires ne peuvent prendre leur plein relief que
si elles sont mises en commun, par l’échange des bonnes pratiques et des solutions innovantes, et
accompagnées, par des acteurs institutionnels ou non-étatiques. (www.global-local-forum.com). Dans un
cas comme dans l’autre, il s’agit donc de mobiliser ceux qui, au-delà de leurs choix idéologiques et de leurs
réflexions personnelles ou collectives sur les modèles, leurs vertus et leurs limites, partagent le diagnostic
sur le rôle clé de toutes les catégories d’acteurs et des territoires comme lieu du progrès humain et de
développement économique, par le partage équitable des Biens publics mondiaux et une nouvelle
stratégie, plus dynamique et plus proche des réalités, du bien-être pour le grand nombre.
M. Abdoulaye SENE (Sénégal)
Haut fonctionnaire sénégalais, Monsieur Sene a occupé de nombreux postes, notamment dans les domaines
d’hydraulique et de développement rural. Président de Conseil Régional et d’association d’élus pendant
plusieurs années, il est désormais un député actif au parlement sénégalais, président de la commission
Développement et Aménagement du Territoire. Depuis 2009, il est également le Président du "Global Local
Forum - le dialogue des territoires", qui œuvre à la promotion de l'approche territoriale du développement, à la
coopération et au dialogue entre les territoires.
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
COMMUNE URBAINE
« Pour une Autorité Organisatrice des Transports Urbains du Grand Tana ? »
Les Autorités Organisatrices des Transports : comparaisons internationales
Le CETUD de Dakar
Le Conseil Exécutif des Transports Urbains de Dakar (CETUD) est l’Autorité Organisatrice des
Transports Urbains (AOTU) dans l’agglomération de Dakar. Il est sous la tutelle technique du Ministère des
Transports, mais la composition de son conseil d’administration (cf. figure 1) laisse une place importante à
la concertation entre collectivités territoriales, Etat central et transporteurs.
Autres (3); 15,80%
ETAT (6); 31,60%
Collectivités
locales (5);
26,30%
Secteur privé (5);
26,30%
Figure 1 : Composition de l'Assemblée plénière du CETUD
Le Périmètre de transport urbain (PTU) sur lequel s’étend la compétence du CETUD a été
déterminé suite à d’importantes études sur la demande et l’offre de transport dans l’agglomération
dakaroise. Ce PTU recouvre, outre le territoire de la Ville de Dakar, l'ensemble des communes
périphériques parmi lesquelles Pikine, Guedawaye, Thiaroye. Il intègre donc les besoins de mobilité d'une
agglomération de quelque 3 millions d'habitants.
TRAMOC à Hanoï
Dans le cas d’Hanoi, le TRAMOC, institution sous la tutelle du Comité Populaire de Hanoï (la
mairie), notamment du Department Of Transport (équivalent de la Direction des Déplacements Urbains de
la Commune Urbaine d’Antananarivo), assure la régulation des transports sur le territoire de la commune
d’Hanoi. La gestion des transports urbains pourrait donc sembler décentralisée, mais dans un Etat
communiste à parti unique, la tutelle du pouvoir central reste très forte sur les collectivités territoriales.
En août 2008, un vote de l'Assemblée Nationale a étendu son aire de compétence à l'ensemble de
la province de Hanoi, portant ainsi la taille de la zone de 920 km2 à 3 350 km2 (soit une augmentation de
la population de 3,4 millions habitants en 2008 à 6,4 millions en 2009). Cet élargissement va dans le sens
d'une gestion intégrée des services en réseau (eau, assainissement, transports, etc.) s'appliquant
notamment aux zones en fort développement en périphérie de la ville de Hanoi.
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
Figure 2 : En bleu le territoire rattaché en 2008
Le STIF en Région Ile-de-France
Le Syndicat des Transports d’Ile-de-France (STIF) assure la régulation des transports urbains de
Paris, sous la tutelle de la Région Ile-de-France. Depuis 2004, l’Etat central s’est complètement retiré du
Conseil d’Administration du STIF. La participation de la région est désormais majoritaire. La fonction
d’AOTU est donc complètement assurée par une collectivité territoriale décentralisée.
L’aire d’influence de Paris, très vaste en termes de bassin d’emploi, de services, etc., justifie la coïncidence
du périmètre de transport urbain et celui de la Région Ile-de-France, en accord avec la demande de
transport dans l’agglomération parisienne.
Quels enseignements pour le Grand Tana ?
La situation actuelle à Antananarivo
Les transports en commun sont gérés par deux entités distinctes dans le Grand Antananarivo :
• La Commune Urbaine d’Antananarivo, via la Direction des Déplacements Urbains (DDU), sur son
territoire,
• L’Agence des Transports Terrestres (ATT), sous la tutelle du Ministère des Transports, en zone
suburbaine.
Cette gestion duale complique considérablement la gestion du système de transport dans
l’agglomération. Il rend difficile la mise en place d’une tarification intégrée dans le Grand Tana, qui
permettrait par exemple la création d’un ticket permettant de prendre une correspondance sans devoir
repayer la totalité d’un nouveau ticket.
Cette situation pose également le problème de la structuration du réseau des lignes de taxis be,
qui manque aujourd’hui cruellement de cohérence. La création d’une Autorité Organisatrice des
Transports Urbains (AOTU) unique sur l’agglomération permettrait d’engager un processus de
rationalisation de l’offre des taxis be en fonction de la demande des usagers.
Territoire fonctionnel versus territoire administratif
Partout dans le monde, un enjeu crucial de la gouvernance des métropoles est de pouvoir prendre
des décisions et gérer les territoires urbains à la bonne échelle, c'est-à-dire celle qui permet de traiter les
questions dans leur ensemble. Par exemple on pourra difficilement prétendre promouvoir la mixité sociale
dans une commune si les populations les plus aisées vivent déjà en dehors du périmètre administratif dans
lequel les mesures sont prises. De même pour les transports, la question de l’étalement urbain ne peut
être traitée que par des mesures de réglementation d’urbanisme, de fiscalité locale, de tarification, d’offre
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
de transport en commun, de politique de stationnement, prises à l’échelle de l’aire urbaine. L’aire urbaine
est un concept statistique fort utile en France pour décrire la zone d’influence véritable d’une
agglomération, en se basant sur la notion de bassin de vie et d’emploi : une aire urbaine est un ensemble
de communes, d'un seul tenant et sans enclave, constitué par un pôle urbain (unité urbaine) de plus de 10
000 emplois, et par des communes rurales ou unités urbaines (couronne périurbaine) dont au moins 40 %
de la population résidente ayant un emploi travaille dans le pôle ou dans des communes attirées par
celui-ci. Malheureusement une telle nomenclature statistique n’existe pas encore à Madagascar et,
compte tenu du mouvement rapide d’urbanisation et de périurbanisation que connaît le pays, il serait fort
utile que l’INSTAT propose une telle approche dans le futur recensement de la population. Une meilleure
connaissance de la manière dont fonctionnent les territoires, en évolution dans le temps, permettra ainsi
d’adapter les politiques publiques et les zonages administratifs qui doivent gérer ces territoires. Cela est
crucial dans le domaine des transports urbains, mais également, et de manière liée, dans les domaines de
l’habitat urbain et périurbain, de la gestion des déchets, de la planification, de la protection de
l’environnement etc. La carte ci-dessous illustre bien la différence extrême qu'il existe souvent entre le
territoire tel qu'il fonctionne (la vaste polarisation par la ville) et le territoire administratif, posant ainsi de
nombreuses difficultés de gouvernance locale.
Figure 3 : Exemple de l’aire urbaine d’Amiens (France), en orange, en 1999,
avec une représentation des flux domicile-travail, qui dépassent largement toutes les frontières
communales et même intercommunales existantes.
Dépasser les limites administratives
Les exemples étrangers montrent des schémas de structuration très divers des différentes AOTU.
Ils démontrent en revanche la nécessité d’une gestion des transports urbains à l’échelle de l’aire
d’influence de la ville-centre, en accord avec la demande réelle de transport dans l’agglomération.
Ce sont en effet les limites administratives qui doivent s’adapter aux besoins de la population en
matière de services urbains, et pas le contraire. Les textes qui régissent actuellement les transports dans
l’agglomération d’Antananarivo, selon lesquels les lignes urbaines devraient s’arrêter aux limites
administratives de la CUA sont la fois contre-productifs et inapplicables. Ils impliqueraient l’augmentation
du nombre de changements nécessaires pour effectuer un trajet d’Antananarivo vers une commune
périphérique, avec pour corollaire une augmentation considérable du temps de transport et des frais
engagés par la population.
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
Figure 4 : La desserte de taxis be dans l'agglomération du Grand Antananarivo
Scenarii de structurations possibles pour l’AOTU Grand Tana
Ces scenarii ont été construits sur la base d’une étude de faisabilité pour une AOTU réalisée en
2010 à l’Institut des Métiers de la Ville et des évolutions du secteur. Ils représentent avant tout des pistes
de réflexion, sur lesquelles d’autres schémas de structuration pourraient émerger.
La mise en place d’une intercommunalité
L’existence de deux structures intercommunales dans l’agglomération d’Antananarivo (OPCI
FIFTAMA et OPCI GIDS pour la gestion intégré des déchets) rend crédible le scénario d’une régulation des
transports par une structure transport du Grand Tana associant la CUA et les communes périphériques.
La création d’intercommunalités proposait une solution originale à la faible intégration des
politiques publiques des différentes communes qui composent une agglomération à Madagascar (appui au
développement de la fiscalité des communes dans le cas du FIFTAMA, nécessité d’une gestion intégrée
des déchets pour l’OPCI GIDS).
Les statuts du FIFTAMA ne prévoyaient pas de pondération des voix en fonction de l’importance
démographique des communes, créant ainsi un conflit entre la commune-centre (la CUA est aujourd’hui
sortie de l’OPCI FIFTAMA) et les communes périphériques. L’OPCI GIDS propose une solution à ce conflit
en attribuant 6 sièges à la CUA, contre 2 pour les autres communes.
Cependant, l’évolution de ces deux structures intercommunales, le manque d’expérience des
communes en matière de gestion du transport urbain et leurs ressources financières limitées conduisent à
penser qu’un important travail de redéfinition de la représentativité des différentes communes et de
renforcement de capacités seraient à mener pour créer une AOTU Grand Tana sur le socle d’une structure
intercommunale.
Un renforcement préalable de la législation sur l’intercommunalité serait nécessaire, notamment
concernant la réglementation des conditions d’entrée et de sortie des OPCI et leurs ressources fiscales.
La création d’une agence locale de l’ATT
L’Agence des Transports Terrestres (ATT) est actuellement en charge de la régulation des
transports à l’échelle nationale, régionale et sur la zone suburbaine. Il s’agit d’une structure déconcentrée,
sous la tutelle du Ministère des Transports. Ses statuts prévoient la mise en place d’agences locales aux
prérogatives restreintes sur le territoire malagasy.
Une agence locale « Grand Tana » pourrait être structurée autour d’un conseil d’administration
composé de représentants de l’ATT et de la CUA et des transporteurs, à l’image du conseil
d’administration du CETUD.
L’ancrage institutionnel de l’AOTU « Grand Tana » au sein de l’ATT permettrait à la structure
nouvellement créée de bénéficier de l’expérience importante de l’ATT en matière de gestion des
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65
Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
transports. En revanche, cette expérience ne concerne pas le transport urbain, et l’ATT manque d’ancrage
local pour gérer la spécificité de ce sous-secteur (gestion des primus et terminus, prise en compte de la
fréquence des arrêts, impact des transports urbains sur la structure de la ville, etc.). L’ATT a en effet une
vocation plus régionale que locale, et les problématiques de déplacements à l’échelle de la région
Analamanga sont très différentes de celles de l’agglomération d’Antananarivo. Un important
renforcement de capacités des agents de cette agence locale devrait donc être mené, afin de les former
aux spécificités du transport urbain.
Une fusion des communes de l’aire « Grand Tana »
Un agrandissement du territoire de la Commune Urbaine d’Antananarivo pourrait également être
envisagé, à l’exemple de l’extension du périmètre d’Hanoi. L’exemple du rattachement de la commune
d’Ambohimanarina à la CUA par décret en 1975 montre qu’il existe un antécédent de fusion de communes
à Madagascar. Un tel processus permettrait la mise en place d’une AOTU sous tutelle de la CUA. Les
différents acteurs du secteur (ATT, transporteurs) seraient également présents dans son conseil
d’administration.
Ce scénario en accord avec le processus de décentralisation présente l’avantage de la
capitalisation de l’expérience de la CUA en matière de transport urbain. Au vu des faibles ressources des
collectivités territoriales à Madagascar, une importante réflexion sur les ressources financières d’une
AOTU-CUA devrait être alors menée.
Bibliographie
• Gobin L., Sybillin M., Définition d’une Autorité Organisatrice des Transports pour le Grand Antananarivo,
2010.
• Maubois R.-H., « Aide mémoire », Programme d’Amélioration de la Mobilité Urbaine d’Antananarivo,
2010.
• Thiam O., Renouvellement des minibus de Dakar, Présentation du 08/09/10, Antananarivo.
• World Bank, A study on Institutional, Financial and Regulatory Frameworks of Urban Transport in Large
Sub-Saharan African Cities, 2005.
M. Jean-jacques HELLUIN (France)
Ingénieur des Travaux Publics de l'Etat et Urbaniste, monsieur Helluin après avoir été chercheur puis chargé
d'études en urbanisme et expert de la Politique de la Ville au Ministère Français du Développement Durable, il a
travaillé au headquarter du secteur urbain de la Banque Mondiale à Washington sur les stratégies de
développement des villes du Sud. Il est actuellement représentant de la Région Ile-de-France à Madagascar et
Directeur de l'Institut des Métiers de la Ville.
Mme Marion SYBILLIN (France)
Urbaniste spécialisée sur la question des services urbains en réseaux dans les pays en développement, madame
Sybillin après une expérience au sein des cabinets de Consulting, est en charge de la coordination du Programme
d’Amélioration de la Mobilité Urbaine au sein de l’Institut des Métiers de la Ville d’Antananarivo.
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66
Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
Quelle décentralisation pour Madagascar ?
Introduction
Madagascar a fêté cette année le cinquantième anniversaire de l’Indépendance retrouvée.
Et périodiquement, chaque alternance à la tête du pays a toujours été une occasion pour les hommes
politiques malgaches de clamer haut et fort que le pays aborde un tournant historique et qu’il faut
dorénavant faire évoluer la mentalité et adhérer au changement. Bien que le contexte à l’origine de ces
bouleversements soit différent, les causes profondes de ces mutations sont restées les mêmes : un
malaise généralisé, une difficulté croissante pour affronter le quotidien et un écart trop flagrant entre les
malgaches tant sur le plan politique, qu’économique, social et culturel. Guy HERMER a une approche très
intéressante en développant le concept de « situations autoritaires » qui conçoit l’autoritarisme, non
comme un régime spécifique, ni même comme une forme d’exercice de pouvoir, mais plutôt comme une
logique de situation produite par un certain état des rapports sociaux et des pratiques de certains
dirigeants. Madagascar, depuis quelques décennies est dans cet état de situations autoritaires
permanentes.
Dans la préface sur l’étude faite par la Banque Mondiale intitulée : Madagascar : vers un agenda
de relance économique, son Country Manager, Adolfo BRIZZI affirmait d’entrée que « la réflexion se doit
d’être multiple et partagée pour conclure que notre (la Banque Mondiale) ambition est donc de provoquer
ce débat d’idées qui devrait permettre de construire le Madagascar du futur. Cette étude, composée
d’une série d’articles, montre, si besoin était, le désappointement de nos principaux partenaires par le
gâchis occasionné par les différents soulèvements populaires,« chevauchés1» systématiquement par une
figure charismatique entourée de spécialistes en tout genre, allant du tribun « harangueur » de foule, au
technicien concepteur d’idéologie en passant par les politiciens professionnels en mal de reconnaissance
au militant convaincu ou pas de l’opportunité de la lutte et pensant sincèrement ou non appliquer une fois
encore une recette miracle qui nous permettra enfin d’avoir une croissance à deux chiffres, voire même à
trois chiffres, on peut toujours rêver, et sortir Madagascar des abysses où l’a conduit des réformes
souvent imaginées par des techniciens, imbus d’eux-mêmes, mais incapables d’adapter leurs savoirs aux
réalités du pays, tant il est vrai que choisir, c’est renoncer à quelques choses.
En faisant le parallèle avec l’île Maurice, Jacques MORRISET, un économiste de la Banque
Mondiale, nous propose de comprendre pourquoi le décollage économique de Madagascar n’a pas encore
pu se réaliser. Certes, développer une île qu’on peut traverser d’un bout à l’autre en deux heures de
voiture n’est pas pareil que faire avancer un pays surnommé à juste titre « une île-continent », mais cela
n’excuse en rien notre retard par rapport à un pays, qui, il n’y a pas si longtemps, louait encore des avions
à Air Madagascar.
Les deux dernières crises2 ont vu pour la première fois l’intervention des organismes régionaux
dans la médiation pour la résolution de la crise. Cette intrusion du GIC, groupe international de contact, et
plus spécifiquement du continent africain à travers l’UA et le SADEC, dans la recherche de solution pour la
sortie de crise, a mis en relief un autre aspect de la particularité malgache : celui de l’endémisme. En effet,
avec un taux d’endémicité très élevé tant du côté faune que flore, on peut se poser la question de savoir si
cette particularité ne s’applique pas également à nos hommes politiques, toute tendance confondue
d’ailleurs. Il est vrai que la communauté internationale a habitué les malgaches à se sentir « différents » et
cela a commencé par la reconnaissance du royaume de Madagascar sans qu’il y ait réellement une
1
Une métaphore issue du monde de la course hippique et qui consiste à profiter d’un mouvement de protestation pour en prendre la direction et
en faire un instrument de prise de pouvoir. Misoavaly, mijapy train, misavika sont autant de synonymes dans le langage populaire.
2
Les crises de 2001 – 2002 et 2009 - 2010
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
unification effective de l’île par les souverains mérina ou encore pendant la colonisation en qualifiant de
« Madagascar et dépendances » les possessions françaises des îles de l’Océan Indien. Cela a continué avec
le retour à l’Indépendance avec l’OCAM, Organisation de la Communauté Africaine et Malgache. Et cette
prolifération d’organisme à vocation régionale nous a permis d’avoir notre « COI », Commission de
l’Océan Indien et donc d’une nouvelle identité « océan-indienne » bien commode pour se dissocier d’un
continent qui nous gêne car nous renvoie à notre propre image : celui d’un pays, qui cinquante ans après
une indépendance retrouvée, est toujours sur le « starting block ».
Mais sommes-nous si différent de l’Afrique, à laquelle la géographie physique et politique nous
rattache ? Comment avancer si les références nous viennent du nord et que leur application se fait dans le
sud ? Comment convaincre nos compatriotes si notre discours change selon que nous naviguons dans
l’oralité ou dans l’écrit3 ? Comment appliquer cette démocratie tant encensée quand le droit à la parole
est strictement réglementé et que pour parler, encore faut-il en avoir le droit ou la légitimité4 ? Mais audelà de ces questionnements, c’est surtout notre vision du monde qui pose problème, ou plutôt
l’identification de notre place dans ce « monde », défini de plus en plus comme un « village planétaire »,
qui nous divise. Pour les uns, Madagascar peut se passer des partenaires techniques et financiers tandis
que pour les autres, point de salut en dehors de la communauté internationale. Il est d’ailleurs intéressant
de souligner que nous faisons partie de cette communauté internationale et que si notre adhésion nous
donne des droits, elle nous confère également des obligations. Se prévaloir de l’un sans se plier à l’autre
nous conduirait irrémédiablement à l’impasse. « Un pays, une voix » constitue une autre mystification qui
ne résiste pas longtemps à l’analyse concrète des faits. Le « droit d’ingérence », cher au French Doctor5,
prouve, si besoin était, de la contextualité de cette notion. Selon que l’on soit riche ou pauvre, puissant ou
faible, notre voix est un veto ou une sollicitation sinon même une prière. Et c’est dans ce fouillis
d’idéologies, que, à l’instar de l’auberge espagnole, nos libres penseurs puisent leurs idées et les passent
dans la moulinette de la malgachitude pour en sortir un produit vita gasy6. La décentralisation n’a pas
échappé à ce processus. De la 1ère République à la veille de la 4ème République, le débat continue de
passionner les différents acteurs et en premier lieu, nos hommes politiques. De Zaikabe en conférences
nationales, en passant par des dinika santatra et autres conventions, qu’elles soient de Panorama, d’Ivato,
de Maputo ou de Dakar, la décentralisation est et reste toujours matière à polémiques. La question parait
pourtant simple : comment administrer le pays ? Chaque acteur voit ainsi la décentralisation à travers sa
propre lorgnette. Il n’y a jamais eu de vrai débat sur la politique nationale de la décentralisation. Et
régulièrement, chaque nouveau messie apporte sa vérité, une notion très ambiguë en malgache car
souvent traduite par fahamarinana7.
Et le peuple dans tout ça, il se tait, soit parce qu’il n’a rien à dire tant il est accaparé par sa survie
au quotidien, ou qu’il a délégué son droit de parole à ses représentants ou tout simplement parce qu’on
ne l’entend pas. Et le marimaritra iraisana tant vanté comme une philosophie malgache consiste en réalité
à choisir son camp, un concept que La Fontaine résumait en une formule lapidaire : la raison du plus fort
est toujours la meilleure8, mais que la sagesse malgache exprime à travers des proverbes, tels que : Tel
l’arbre et l’oiseau, celui qui a la nostalgie rejoint l’autre camp9 ou encore L’oeuf n’affronte pas la pierre10.
La difficulté de la résolution de la crise actuelle consiste tout simplement à définir qui est l’œuf ou l’oiseau
3
COPANS Jean, Un demi-siècle d’africanisme africain. Terrains, acteurs et enjeux des sciences sociales en Afrique indépendante. Paris, éd.
Karthala, 2010, 199p. L’auteur développe cette contradiction de l’intellectuel africain ballotté entre le savoir « occidental » ancré dans l’écrit
et la sagesse africaine confinée encore dans l’oralité
4
La légitimité n’est jamais définitive, elle est revendiquée, conquise et entretenue en permanence, car avant d’être un état, c’est avant tout un
processus. Les moments de crise politique offrent la possibilité d’imposer de nouvelles conceptions de la légitimité en redéfinissant les valeurs et
les croyances fondamentales
5
Surnom donné à Bernard KOUCHNER, ancien ministre français des Affaires Etrangère, membre fondateur de Médecins sans frontière, qui à
maintes reprises, a évoquée cette notion de droit d’ingérence pour inciter la communauté internationale à s’immiscer dans les affaires intérieures
d’un pays pour des raisons humanitaires
6
Fabriqué par un malgache
7
Stabilité, vérité sont autant de concept contenu dans ce mot.
8
Le loup et l’agneau, fable de La Fontaine
9
Foto-kazo sy vorona, izay manina no manatona
10
Atody tsy miady amam-bato
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
et qui est l’arbre ou la pierre. C’est ce qui a motivé certains d’ailleurs à dire que ce n’est pas la girouette
qui tourne, mais c’est le vent qui la fait tourner.
Cet article est une tentative d’apporter des réponses à ces différents questionnements afin d’éclairer le
public sur les enjeux de la décentralisation. On gouverne de loin et on administre de près disait Napoléon
III, c’est le même marteau qui frappe, mais on en a raccourcit le manche répond en écho Odilon.
«Quelle décentralisation pour Madagascar ?» est avant tout un point de vue. Il n’est pas question de
refaire l’état des lieux, beaucoup d’études en ont fait le tour11. Dans un premier temps, nous allons
essayer de trouver les points communs des trois républiques dans leurs manières de gérer l’espace.
Y.LACOSTE (1985, p.12) rappelait à juste titre que la géographie était initialement un savoir qui n’était pas
destiné à des jeunes élèves mais aux chefs de guerre et à ceux qui dirigent l’Etat12. A ce titre, la géographie
était et reste une composante essentielle de l’art de gouverner. Les théories économiques ont, par la suite,
introduit la notion de centre et de périphérie, chère aux pays anglo-saxons. Mais, comme le rappelle
Roger BRUNET (1992, p. 234) dans sa définition : la géographie s’intéresse à la façon dont les espaces sont
structurés et qu’ils le sont par des acteurs tels que l’individu, la famille, le groupe, l’entreprise, la
collectivité locale, l’Etat13. Les phénomènes politiques ou de polarisation (liés au pouvoir) sont donc
fondamentaux pour expliquer l’organisation de l’espace.
Quels niveaux d’administration les différents régimes ont-ils mis en place pour structurer le pays ?
Comment ont été organisés ces différents niveaux ? Et quels sont les moyens matériels, financiers et
humains disponibles pour gérer ces espaces ? Et, enfin, quelle stratégie appliquer pour que le processus
de mise en œuvre de la décentralisation ne soit plus un slogan politique mais vraiment une volonté
commune et consciente de l’application d’une décentralisation effective14.
Dans cet article, nous avons choisi d’axer notre démarche dans l’analyse de la gestion des services
publics dans les différents niveaux d’administration, du local au national en passant par les niveaux
intermédiaires. Le critère de subsidiarité nous servira de fil d’Ariane pour définir le niveau optimum de
gestion, tenant compte à la fois des infrastructures existantes, des moyens financiers aussi bien nationaux
qu’internationaux et enfin des compétences tant locales que nationales.
Essai de définition
La décentralisation et la déconcentration sont un héritage de toutes les administrations qui se
sont succédées dans ce pays, de la royauté en passant par la colonisation et les différentes républiques.
Tous les dirigeants sont venus enrichir l’expérience apportée par les uns tout en imprimant sa marque de
fabrique15 sans pour autant initier de vrais changements susceptibles d’influer réellement le processus de
mise en oeuvre de la décentralisation.
Depuis la 1ère République, l’administration territoriale16 s’est toujours organisée en six niveaux, et
selon les régimes, ils sont tour à tour appelés : Quartier, Hameau, Village, Fokontany à l’échelon locale;
vient ensuite le Canton, l’Arrondissement, le Firaisampokontany, la Commune ; au troisième niveau se
situe le District, la Sous-préfecture, le Fivondronampokontany ; le 4ème niveau est constitué par la
Préfecture, la Région ; le 5ème niveau est la Province, le Faritany et le 6ème niveau est le niveau national.
Les cinq niveaux infranationaux sont incontournables pour un vaste pays comme Madagascar où le taux
d’enclavement est très élevé. La situation s’est beaucoup améliorée au fil du temps mais l’écart entre la
ville et la campagne ne cesse de grandir. La représentation des différents départements à chaque niveau
d’administration varie selon les ministères. Quatre grands ministères sont représentés à tous les niveaux :
11
LP2D Lettre de Politique de Décentralisation et de la Déconcentration ; Economie politique de la Décentralisation, Serge RADERT, Jean Eric
RAKOTOARISOA, Louis RAJAOBELINA et Gabhy RAJAONESY, Banque Mondiale, 2008.
12
LACOSTE Yves, (1985), la géographie, ça sert d’abord à faire la guerre, Paris, La Découverte, 215p. [1ère éd., Paris, F. Maspero, 1976, 190p]
13
BRUNET Roger (dir.), (1992), les mots de la géographie. Dictionnaire critique, Montpellier & Paris, GIP-RECLUS & La Documentation Française,
470p.
14
La notion de la décentralisation effective est apparue pour la première fois dans la Constitution de la 3ème République pour exorciser les échecs
de la décentralisation de la 2ème République, annihilée par le centralisme démocratique et maintenue par la suite lors des différents
amendements initiés par les 3 Présidents de la 3ème République
15
Ny ranomasina no valamparihiko la mer sera la limite de mes rizières. Une phrase attribuée au Roi ANDRIANAMPOINIMERINA, qui serait à
l’origine de la création de la nation malgache
16
L’administration territoriale est prise dans son sens général, incluant l’ensemble du système qui sert à gérer le pays
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
le Ministère de l’Intérieur à travers les fokontany qui relèvent en partie du Chef d’Arrondissement
Administratif, le Ministère de la Défense à travers la Gendarmerie Nationale et ses postes avancées, le
Ministère de l’Education Nationale par le biais des Ecoles Primaires Publiques (EPP) et le Ministère de la
Santé par l’intermédiaire des Centres de Santé de Base. Quatre domaines du service public sont donc
présents au niveau local, c'est-à-dire au niveau du fokontany : l’état civil, la sécurité des personnes et des
biens, l’éducation et la santé. Certains ministères sont représentés au niveau des districts : le Ministère
des Finances et du Budget à travers les services du Trésor, du Budget et des Impôts, le Ministère des
Travaux Publics, le Ministère des Postes et Télécommunication, le Ministère des Forêts et de
l’Environnement et le Ministère de l’Agriculture et de l’Elevage. Les autres départements sont représentés
partiellement au niveau des districts, mais la plupart le sont au niveau provincial. Le maillage du territoire
national s’est donc fait selon des priorités définies pendant la 1ère République et ont été adoubées par les
différents régimes qui se sont succédés. Mais c’est la 2ème République qui a le plus avancé dans la
définition de la décentralisation17, du moins la théorisation du concept.
La mise en œuvre de la décentralisation a toujours posé un problème. La plupart comprennent la
décentralisation dans son sens étymologique, c'est-à-dire l’opposition entre le centre et la périphérie.
Seuls, les spécialistes en sciences de l’administration (droit constitutionnel et droit administratif), en
sciences politiques et quelques hommes politiques font réellement la différence18. La décentralisation doit
donc être comprise comme le transfert de compétences et de ressources par l’Etat à des structures autres
que le Gouvernement central et ses démembrements19, à savoir les CTD et les établissements publics.
Cette précision est essentielle car la polémique sur la décentralisation tourne essentiellement autour du
mode de désignation20 des responsables à la tête de ces collectivités territoriales décentralisées et/ou ces
établissements publics. À la différence des CTD, dont l’objet est toujours identique (administration
générale d’une portion du territoire), les établissements publics ont des fonctions variées, chacun étant
spécialisé dans une activité particulière. De cette spécificité découlent les différents types de compétences
exercés par l’Exécutif des CTD : des compétences propres, des compétences déléguées par le Conseil et
des compétences déléguées par le pouvoir central. Ces différentes compétences21 sont définies par la loi
et explicitées par des textes d’application et/ou réglementaires.
Cet imbroglio a entraîné des nuances dans la qualification de la décentralisation, telle que la
décentralisation politique, la décentralisation budgétaire, la décentralisation administrative qui ne sont en
fin de compte qu’un aspect de la décentralisation, mais catégorisées en domaine spécifique pour une
analyse plus commode du concept. De là viennent également les notions d’administration de proximité,
de subsidiarité, de budget participatif, de partenariat public et privé et d’autres concepts théorisés dans
les pays du nord pour être appliqués, parfois sans discernement, dans les pays du sud.
Par ailleurs, ce qui différencie la décentralisation et la déconcentration des autres politiques publiques,
c’est leur caractère transversal, car à l’instar des finances publiques et de la fonction publique, elles sont
au centre de toutes politiques publiques sans exception. Répondre à la question quelle décentralisation
17
Toutes les dénominations actuelles des CTD (fokontany, Firaisampokontany, Fivondronampokontany, Faritany) sont issues de cette période.
Mais c’était une décentralisation de façade car elle était battue en brèche par le centralisme démocratique qui annulait de fait tous les acquis de
la décentralisation
18
Cette particularité tient du fait que dans le jargon juridique, chaque mot doit correspondre à une définition précise et sans ambiguïté pour
éviter une interprétation différente et abusive, voire même, contradictoire d’un même concept.
19
Les textes entretiennent également des ambiguïtés autour de ce mot car il peut définir à la fois les services déconcentrés des différents
départements ministériels ou les collectivités territoriales décentralisées. Les provinces autonomes étaient définies comme les démembrements
de l’Etat, tandis que les régions et les communes sont considérées comme les démembrements des provinces autonomes
20
Il est admis que la désignation des responsables à la tête des CTD se fait généralement à travers des élections au suffrage universel direct ou
indirect, c’est selon. Mais ce n’est qu’un choix politique car l’essentiel de la décentralisation peut se résumer à deux choses : l’attribution d’une
personnalité juridique à la nouvelle entité et au fait qu’il y a effectivement un transfert de compétences et de ressources pour concrétiser
l’autonomie administrative et financière des CTD. Raison pour laquelle les détracteurs des provinces autonomes les qualifiaient de coquilles vides
et ceux, qui ont dénié aux régions l’appellation de CTD, argumentaient par rapport au fait que les chefs de région étaient nommés par le
Gouvernement central et qu’ils étaient à la fois chefs de CTD et chefs de l’administration dans sa circonscription, donc représentant de l’Etat, c’est
le dédoublement fonctionnel, à la fois juge et partie. Certains chefs de Région en ont d’ailleurs profité pour exercer une tutelle directe sur les
Communes de leur circonscription respective
21
Le cas du Fokontany est très emblématique et illustre bien cette polémique issue de l’ambiguïté des textes aussi bien constitutionnel, que
législatif et réglementaire qui les régissent. Erigé en CTD durant la 2ème République, les Fokontany ont, par la suite, gardé certaines prérogatives
propres à une structure décentralisée telles que la faculté d’avoir des ressources propres (ristournes et redevances) et d’exercer les trois types de
compétences Il est donc logique que les responsables des Fokontany, voire même la population locale, revendiquent des procédures propres à des
entités décentralisées (élection, autonomie administrative et financière) pour l’administration des Fokontany
Direction de la documentation, de la Recherche et de la Communication de l’INDDL
70
Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
pour Madagascar ? Cela revient donc à parler des trois grandes réformes initiées à Madagascar pendant
cette dernière décennie, à savoir, la réforme de l’administration territoriale, la réforme des finances
publiques et la réforme de la fonction publique.
Forces et faiblesses du processus de mise en œuvre
La gestion de l’espace
La loi n° 93-005 du 26 janvier 1994 portant orientation générale de la politique de décentralisation
est l’exemple type d’un texte où l’idéologie, sinon même la démagogie, alterne en permanence avec le
pragmatisme des administrateurs de terrain et constitue de ce fait un modèle intéressant en matière
d’ambiguïté dans la définition d’un principe. En effet, l’article 2, alinéas 222 consacre la participation
citoyenne dans la gestion des affaires publiques et la notion de pôle de croissance comme vecteur de
développement. La participation effective des citoyens à la gestion des affaires publiques aurait été plus
adéquate dans l’exposé des motifs et explicité par affaires publiques locales dans le corps du texte et
détaillées ensuite dans les textes d’application. Ce qui aurait permis de lever le flou sur le rôle effectif du
citoyen dans le cadre de la participation citoyenne23 dans la gestion de la cité. L’article 3 de la même loi est
encore plus instructif dans la définition du nombre de niveau de décentralisation24. En effet, cet article
définit clairement et sans aucune ambiguïté trois niveaux d’administration : national, régional et local,
mais l’article 4 remet en cause cette philosophie en instaurant trois niveaux de décentralisation ramenant
ainsi à quatre les niveaux : national, régional, départemental et local, ce qui instaure donc deux niveaux
intermédiaires (Région et Département) et par la même occasion, une source potentielle de conflits de
compétence entre eux. Ce qui a été vérifié en permanence dans la mise en œuvre de la décentralisation et
a empêché les différents régimes25 d’optimiser le processus, sinon même de le stopper. C’était le cas
pendant la 1ère République avec les provinces et les communes, la 3ème République 1ère version avec les
communes comme seules CTD opérationnelles, la 3ème République 2ème version avec les provinces
autonomes et les communes, les régions étaient restées au stade de texte et la 3ème République 3ème
version qui a amendé la Constitution pour ne retenir que les régions et les communes. Et malgré toutes
ces évidences et à l’encontre des avis unanimes des techniciens et experts aussi bien nationaux
qu’internationaux, le projet de Constitution de la 4ème République remet au goût du jour les trois niveaux
(provinces, régions et communes). L’effectivité de la décentralisation est une fois de plus remise aux
calendes grecques. Et pourtant, le débat actuel sur la décentralisation en France26 concernant la «fusion»
des Régions et Départements aurait du interpeller nos hommes politiques sur l’opportunité ou non
d’instaurer un troisième niveau de décentralisation.
Les critères de délimitation des CTD sont également très bien définis dans cette loi. Mais son application
sur le terrain est une autre histoire. Dans son article 6, ces critères permettent effectivement une
délimitation optimum de chaque CTD car ils font référence à des critères socioculturels, des critères
géographiques en matière d’accessibilité et enfin des critères socioéconomiques. Mais il est très difficile
de l’appliquer systématiquement27.
22
A ce titre, elle vise à donner à l'espace géographique national une organisation rationnelle du territoire pour servir de cadre institutionnel de
participation effective des citoyens à la gestion des affaires publiques et de pôles de croissance économique.
23
Les assemblées générales au niveau des Fokontany attirent à peine 1% de la population locale, même lors des élections des Chefs de Fokontany
24
Par la mise en œuvre de la politique de décentralisation, l'Etat assure la promotion du développement national, régional et local par la
recherche d'une plus grande intégration et d'une mobilisation de la population dans les actions de développement et par la responsabilité de
celle-ci dans la définition et la réalisation de toute action à entreprendre
25
Aucun régime n’a d’ailleurs pu mettre en place plus de deux niveaux de décentralisation. L’épisode de la 2ème République s’apparente plutôt à
une déconcentration qu’à une décentralisation du fait du statut du Président du CTD qui bénéficie du dédoublement fonctionnel Chef de
l’Administration du CTD et Représentant de l’Etat donc Chef des services déconcentrés de l’Etat
26
C’est tellement polémique que la France, dont il ne faut pas oublier que c’est notre référence en matière de décentralisation, est contrainte de
le faire en deux étapes (acte 2 de la décentralisation): les mêmes élus pour représenter les régions et les départements pour ensuite supprimer un
niveau quand les esprits seront plus sereins
27
Le cas du District de Bealanana est très instructif à ce sujet. Bealanana est rattaché à la Province de Mahajanga et la Région Sofia alors que sa
vocation économique le destinait à être rattaché à la Région de SAVA, donc à la Province d’Antsiranana. En effet, la vallée de Sambirano est une
zone de pâturage traditionnel en saison sèche pour les éleveurs de zébus de Bealanana. La production de vanille de la partie nord du District est
acheminée naturellement vers le District d’Andapa, Région de la SAVA. Cette anomalie est également renforcée par l’inadéquation entre la
délimitation territoriale des CTD et le découpage administratif des différents départements ministériels. Bealanana relève du District d’Analalava
pour le Tribunal de 1ère instance et du District d’Antsohihy, pour les autres services publics. Et pour couronner le tout, c’est un District enclavé,
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
Et pourtant les solutions existent et sont même la plupart du temps prévues par les textes.
Pour le découpage administratif, il suffirait d’aligner le découpage administratif de tous les départements
ministériels avec celui du Ministère de l’Intérieur chargé de l’administration territoriale et au sein duquel
sont pris les Représentants de l’Etat, chefs des services déconcentrés de l’Etat. Une initiative qui ne relève
même pas d’un texte législatif mais d’un texte réglementaire portant organisation et fonctionnement d’un
département ministériel.
La Constitution et/ou les textes législatifs prévoient également la possibilité pour les CTD de s’associer et
d’établir par convention une coopération entre CTD. Cette éventualité permet de réduire les niveaux de
décentralisation à deux tout en offrant aux CTD une opportunité de se constituer en association intercollectivité et permettre ainsi une mutualisation des moyens, donc une plus grande synergie tout en
tenant compte de la nécessité de coordination des différentes activités à un échelon intermédiaire sans
grever les ressources que l’Etat destine aux CTD à travers les subventions tant de fonctionnement que
d’investissement. Par la même occasion, cette disposition permet aux CTD de déléguer certaines de leurs
compétences à ces associations de CTD sans pour autant faire exploser le budget de fonctionnement
comme c’est le cas dans la mise en place d’un autre niveau de décentralisation : une même finalité mais
avec un autre moyen de mise en œuvre.
Le nombre excessif des CTD remet en question la viabilité des CTD. En comparaison, le Mali28, qui
fait trois fois la superficie de Madagascar, compte deux fois moins de communes. Mais là encore, la
solution existe. Les projections estiment qu’à l’horizon de 2050, les villes abriteront les deux tiers de la
population malgache, c'est-à-dire l’inverse de la situation actuelle. On sait également que l’aménagement
du territoire est au centre du développement d’un pays. Le problème du Grand Tana démontre, si besoin
était, de l’urgence de trouver une solution rapide et que si l’on n’y prend pas garde, le même problème va
s’étendre sur tous les chefs lieux de province et même de district. Là encore, il suffit de fusionner29 toutes
les communes limitrophes de chaque chef lieu de district pour réduire mécaniquement de moitié le
nombre des communes, les rendant du coup viables, donc d’atteindre l’objectif d’une autonomie
administrative et financière. C’est d’ailleurs un des défis auquel doit s’atteler le Ministre chargé de la
Décentralisation de la 4ème République car à partir de maintenant, le nombre et la délimitation de toutes
les CTD30 seront définis par la loi.
La dénomination des CTD complique parfois la situation sur le terrain. C’est le cas dans la
dénomination de certaines CTD. Les dénominations d’origine historique exacerbent parfois des rivalités
latentes et entraînent des conflits dans la désignation des responsables (choix des candidats à des
élections, nomination des responsables des services déconcentrés de l’Etat…). C’est le cas pour Anosy,
Vatovavy Fitovinany, Menabe… mais c’est aussi valable pour les circonscriptions administratives telles que
Lalangina, Isandra, Atsimondrano, Avaradrano… la Nation malgache existe pour le moment dans les textes
et sur la scène internationale mais elle n’est pas du tout effective dans la réalité malgache dont la
population s’accroche encore désespérément aux Foko et autres clans de toutes sortes. Ce qui,
périodiquement, est à la source de conflits observés au sein d’une communauté : estudiantine (exemple
étudiants du Sud-est et du Nord…), au niveau des villages (migrants et autochtones…), au niveau des
ministères (chaque nouvelle nomination de Ministre entraîne son lot de recrutement ethnique), et surtout
à chaque propagande électorale (nationale ou locale). Une dénomination liée à la géographie serait plus
appropriée comme c’est le cas avec Betsiboka, Sofia (des noms de fleuve) ou Sud-est, Sud-ouest (points
cardinaux), SAVA, DIANA (abréviation des noms des Districts qui la composent) Mahajanga, Fianarantsoa
surtout en saison de pluie et la route qui le relie à la Région de la SAVA est restée au stade de projet depuis l’indépendance à nos jours. Le cas de
Bealanana est très fréquent à Madagascar
28
Avec une superficie de plus de un million cinq cent mille kilomètres carrées, le Mali n’a environ que sept cent communes, alors que Madagascar,
avec un peu plus de cinq cent mille km2 totalise plus de mille cinq cents communes
29
C’est exactement le contraire qu’a fait Madagascar en 1996. En effet, l’Assemblé nationale de l’époque avait fractionné des communes, passant
ainsi de 1392 à 1557 communes, afin de doubler ou de tripler mécaniquement les subventions allouées à chaque commune fractionnée. Avant
1997, les subventions étaient identiques pour toutes les communes (six millions d’Ariary par commune). Une réforme qui n’a été appliquée qu’en
2003
30
C’est en anticipant l’apparition de tels conflits que les constituants ont pris le soin de définir dans les amendements à la Constitution de la 3ème
République le nombre et la délimitation des provinces autonomes à six et dans les mêmes limites territoriales que celles d’avant. Et à l’époque, le
Sud-est réclamait un statut de Province autonome, suivi immédiatement par le Menabe trop enclavé par rapport à la Province autonome de
Toliara
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
(du nom des chefs lieux des provinces). Ce sont des détails qui, mis bout à bout, favorisent des conflits ou
au contraire les préviennent.
La gestion des ressources
Le chapitre III de la même loi définit les principes fondamentaux devant régir les modalités de
répartition des compétences et des ressources de l’Etat vers les CTD. Un de ces principes évoque l’idée de
transfert de bloc de compétences dans son article 8 mais aussi et surtout dans l’article 11 et pourtant ces
deux articles sont contredits par l’article 7 qui attribue aux CTD des compétences générales. La tutelle
ainsi que la hiérarchie entre CTD, bases de la décentralisation dans la version 2ème République sont
définitivement supprimées et sont même élevées au rang de principe à partir de la 3ème République. Mais
les textes subséquents31 ne font que renforcer ces compétences générales, créant ainsi de sources
potentielles de conflits et entretiennent par la même occasion le flou sur les conditions d’exercice des
attributions découlant de ces principes.
L’état civil, une compétence régalienne déléguée à la Commune, constitue un exemple type de ce
transfert de charge plutôt que de compétences aux CTD de la part de l’Etat. En effet, Il se contente de
subventionner les salaires des Secrétaires d’état civil et laisse aux communes le soin de compléter les
salaires ainsi que la prise en charge de toutes les dépenses y afférentes. Il n’est donc pas étonnant que la
gestion de l’état civil laisse à désirer et que les jugements supplétifs et les audiences foraines organisés
régulièrement par différentes entités et/ou projets deviennent très vite des gouffres financiers qui
auraient pu être évités si l’Etat avait respecté intégralement les dispositifs de l’article 12 alinéas 3 de la loi
n° 93-00532. Les transferts de compétences en matière de santé et d’éducation de base sont cantonnés à
la construction, la réhabilitation et l’entretien des bâtiments et le Maire n’a aucun pouvoir d’affectation ni
même de notation des fonctionnaires (médecins, sages femmes, infirmiers ou instituteurs…) exerçant
dans leur circonscription respective.
A de rares exceptions, les CTD sont toutes dépendantes des subventions de l’Etat, aussi bien dans
leurs fonctionnements que dans leurs investissements et pour l’écrasante majorité d’entre elles, cette
dépendance avoisine les trois quart de leur budget. Un simple retard dans l’octroi des subventions
entraîne des difficultés dans la gestion du budget des CTD, allant même jusqu’au non-paiement des
salaires. Comment dès lors croire en une autonomie administrative et financière des CTD si elles n’arrivent
même pas à prendre en charge leur fonctionnement ? Comment rendre effective cette autonomie si le
recouvrement des impôts et taxes relève encore des services déconcentrés de l’Etat et que le reversement
dans les caisses des CTD pose des problèmes ?
Et pourtant, des solutions existent et elles sont en partie appliquées par des CTD, souvent dans le cadre de
projets pilotes33. Elles consistent avant tout en l’amélioration des ressources à travers la réforme de la
fiscalité locale qui constitue une des priorités du MATD.
La réactualisation de l’assiette et des montants des impôts et taxes est l’une de ces réformes. En
effet, les CTD n’ont pas les moyens ni même la volonté politique d’initier ces réformes qui, la plupart de
temps, sont très impopulaires, surtout à l’approche des élections. Et l’intervention de l’Etat est
incontournable, que ce soit par l’intermédiaire du Ministère des Finances et du Budget (recensement,
réactualisation des taux minimum et maximum…) car ces ressources sont définies par le CGI Code Général
des Impôts ou les autres départements (Ministère des Mines pour les ristournes sur les produits miniers,
31
Loi n° 94-007 du 26/04/1995 relative aux pouvoirs, compétences et ressources des CTD ainsi que la loi n° 94-008 du 26/04/1995 fixant les règles
relatives à l’organisation, au fonctionnement et aux attributions des CTD
32
Article 12 al.3 de la loi n° 93-005 stipulant que…Tout accroissement net de charges résultant des transferts de compétences effectués entre l'Etat
et les Collectivités territoriales sera compensé par un transfert de ressources que l'Etat consacre normalement à l'exercice des compétences
concernées. A cet effet, ces ressources attribuées sont équivalentes aux dépenses effectuées par l'Etat, à la date du transfert, au titre des
compétences transférées et assurent la compensation intégrale des charges y afférentes
33
Une expérience pilote initiée par la Banque Mondiale en 1997 à travers le projet PAIGEP Programme d’Appui Institutionnel à la Gestion Publique
a permis de multiplier par cinq au minimum les ressources propres des 12 communes pilotes en réactualisant le recensement fiscal et en
favorisant le recouvrement des impôts et taxes par la commune bénéficiaire. A l’issue de cette expérience pilote, d’autres PTF on emboîté le pas
dans leurs sites d’intervention (la coopération française, la coopération suisse, l’Union Européenne, le PNUD à travers DAPI, GTZ, FFE…)
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
le Ministère de l’Eau pour les taxes et surtaxes sur l’eau et l’électricité, le Ministère du Tourisme pour les
taxes de séjour, le Ministère de l’Intérieur pour les taxes sur les bovidés…).
Un impôt, un niveau doit être la règle et le partage des impôts et taxes entre deux, voire trois niveaux de
décentralisation une exception. En effet, la plupart des impôts et taxes sont partagés entre les différents
niveaux de décentralisation, ce qui entraîne des problèmes lors de la répartition des recettes.
Un produit pour une collectivité doit être envisagé pour éviter une double taxation des opérateurs ou un
partage des recettes entre deux niveaux de décentralisation.
Un système de recouvrement autonome pour chaque CTD permettrait de conscientiser les élus et pourrait
les motiver à optimiser le taux de recouvrement ainsi que leur redevabilité envers les contribuables qui
sont également leurs électeurs.
Pour les investissements, le MATD a mis en place le FDL ou Fonds de Développement Local qui est
opérationnel depuis 2008. C’est une initiative qui consiste à créer un fonds commun alimenté par l’Etat
malgache et les PTF afin de financer les investissements au niveau des CTD. La crise politique actuelle a
entraîné la suspension des contributions des PTF mais le rétablissement de l’ordre constitutionnel pourrait
relancer le processus, car pour le moment, seuls les fonds propres de l’Etat alimentent le FDL. Le
mécanisme est bien rodé et il était prévu à l’époque l’octroi d’un minimum de 35.000$ par commune, ce
qui est énorme pour une petite commune rurale dont le budget tourne autour de 4 à 5 milles $. Certes, la
gestion de ces fonds pourrait poser des problèmes mais le MATD ainsi que les PTF dispensent
régulièrement des formations pour renforcer les compétences des bénéficiaires.
La gestion des hommes
Un des problèmes récurrents de la mise en oeuvre de la décentralisation se situe dans le manque de
compétences locales. Les différents responsables qui se sont succédés à la tête du Ministère en charge de
la décentralisation se sont toujours heurtés à ce handicap majeur. Diverses propositions ont été avancées
pour tenter de résoudre ce problème. Il a été même question de subordonner la candidature au poste
d’élus locaux à des diplômes ou du moins à un minimum d’instruction : savoir lire et écrire, mais cette
proposition n’a jamais franchi le cap de la réflexion car la loi fondamentale n’autorise pas une telle
sélection de candidature. La solution adoptée consiste à renforcer la capacité des élus et des responsables
des CTD, mais cette stratégie a ses limites :
• Chaque élection emmène son lot d’alternance et chaque nouveau responsable pratique le spoil
system et oblige le Ministère à organiser régulièrement des formations à chaque nouveau mandat.
Des sommes faramineuses ont été injectées dans ces formations sans que des changements notoires
dans la gestion des CTD ne soient vraiment constatés.
• Les techniciens formés sont également très volatiles. Certains sont remplacés par les nouveaux
responsables et placés à des postes qui ne correspondent pas à leur formation. D’autres sont
débauchés par des projets de développement ou préfèrent partir ailleurs dès qu’une opportunité se
présente.
Les communes rurales de 2ème catégorie en sont les premières victimes. Il est déjà difficile de trouver des
compétences au niveau local et il ne faut donc pas s’étonner de la piètre performance des CTD.
La création d’une fonction publique territoriale pourrait être la solution la plus appropriée pour pallier à ce
problème majeur. Certes, cette alternative a toujours été évoquée mais elle n’a pas résisté à l’analyse des
faits et se heurte surtout à la réticence des décideurs et cela pour diverses raisons.
La première fait référence au manque de moyen financier des CTD qui peinent déjà à prendre en charge
son propre personnel pour ne pas s’encombrer d’une gestion de carrière de fonctionnaires territoriaux,
nettement moins malléables et obéissant à des critères de recrutement plus rigoureux donc moins
propices au népotisme et favoritisme de tout genre. La deuxième raison est relative au risque d’explosion
des recrutements mais surtout de l’intégration du personnel existant, pour la plupart non qualifié mais
impossible à écarter au risque de causer une crise institutionnelle grave pouvant même entraîner
l’implosion du système tout entier.
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
On pourrait aussi évoquer le problème lié à la mobilité des fonctionnaires qui ne ferait que compliquer
encore davantage la mise en place de la fonction publique territoriale. Et pourtant les solutions existent et
il est indéniable que, tôt ou tard, l’Etat devrait se résoudre à «légaliser» cette fonction publique
territoriale existante, d’une manière ou d’une autre, plutôt que de se complaire dans cette situation
hybride d’une fonction publique territoriale de fait, sans statut claire, voire même informelle34.
Lors de la mise en place de la 3ème République, certains fonctionnaires ont été mis à la disposition des
nouvelles communes. C’était le cas des secrétaires d’état civil et certains fonctionnaires ayant travaillé
dans les Fivondronampokontany, c'est-à-dire les communes rurales de 1ème catégorie et les communes
urbaines. Le reste, dont les ECD ou emploi de courte durée et les ELD emploi de longue durée, constituait
alors l’embryon de la future fonction publique territoriale. Mais à l’époque, Madagascar était sous
ajustement structurel et une des conditionnalités était le gel brut de recrutement dans la fonction
publique. La régularisation du statut de cette fonction publique territoriale naissante était alors renvoyée
à une date ultérieure qui perdure à ce jour. Cette même solution a été adoptée lors de la mise en place
des provinces autonomes et des régions dernièrement.
La création d’un institut national de la décentralisation et du développement local ou INDDL pourrait être
une des solutions. L’INDDL est avant tout un espace de rencontre entre tous les acteurs de la
décentralisation. A ce titre, sa vocation est d’être la Maison des Elus pour marquer cette volonté politique
de l’Etat et à son plus haut niveau de concrétiser cette ambition, annoncée dès le préambule de la
Constitution35 : assurer l’effectivité de la décentralisation. Pour y arriver, l’institut devra agir sur 3 axes :
• Espace d’échange et de rencontre, il doit avant tout être un outil efficace et fiable où les arguments
servent à animer le débat pour faire avancer les choses et non à casser l’élan de celui qui prend une
initiative. Forum, colloques, visioconférences, toutes les ressources de la communication moderne
devront être mobilisées pour permettre à chaque citoyen de donner son avis sur le meilleur moyen
d’asseoir la décentralisation effective.
• La formation continue sera le second axe. Elle concernera les nouveaux élus afin de les familiariser
avec les pratiques administratives et budgétaires d’une CTD. Mais elle s’adresse également au
personnel des CTD pour assurer la mise à jour de leurs connaissances, surtout à l’occasion de grandes
réformes engagées par l’Etat.
• La formation initiale s’adressera aux premiers contingents de fonctionnaires publics territoriaux. Dans
un premier temps, ils pourraient être pris en charge par le budget général de l’Etat car si on veut
vraiment décentraliser, on ne peut pas continuer à confier l’administration des CTD à des agents qui
ont appris l’administration sur le tas. Ils serviront de balise et de conseil aux élus dans la gestion de la
CTD. La formation proposera également des parcours plus axés dans le développement local
Conclusion
Quelle décentralisation pour Madagascar ? Je serai tenté de répondre plurielle car elle est faite de
multitude de choix d’élus dont la plupart sont arrivés par hasard à la tête d’une CTD sans jamais avoir fait
de la politique ni appris à la faire. La création d’une fonction publique territoriale en est la réponse car,
l’élu pourra concrétiser ses promesses électorales avec l’aide de techniciens formés pour gérer une CTD.
En cas de mésentente entre l’élu et le secrétaire général par exemple, on pourrait permuter avec d’autres
CTD. Cela permettra de garder des compétences.
Chaque niveau de décentralisation a un coût. L’administration communale est le niveau de proximité
idéale car elle synthétise en son sein tous les services publics de base, incontournables dans la vie au
quotidien. Elle fait également l’unanimité parmi les acteurs de la décentralisation. La création de deux
niveaux intermédiaires va singulièrement compliquer la tâche et freiner d’autant la mise en place d’une
décentralisation effective car cette initiative met en exergue une fois encore l’insuffisance chronique des
moyens matériels et financiers tout en stigmatisant le manque d’expériences et de compétences du
personnel des CTD. Dans un premier temps, la décentralisation devrait se faire à deux niveaux : local, qui
34
La plupart des communes rurales de 2ème catégorie ne versent pas leurs cotisations sociales privant ainsi son personnel du droit à la retraite
La mise en oeuvre de la décentralisation effective, par l’octroi de la plus large autonomie aux collectivités décentralisées tant au niveau des
compétences que des moyens financiers.
35
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
est le niveau d’exécution et régional qui est le niveau de coordination. Un niveau supplémentaire serait
plus un handicap qu’une solution.
Et c’est dans ce cadre que la création de l’INDDL et la mise place du FDL prennent toute leur importance.
En effet, ces deux institutions sont incontournables si l’on veut vraiment que la décentralisation ne soit
pas un simple prétexte pour mobiliser des fonds mais une stratégie réfléchie et planifiée pour asseoir un
développement réel du pays, tenant à la fois compte des aspirations de la population et des possibilités de
l’administration aussi bien décentralisée que déconcentrée. Alors l’atteinte des objectifs du millénaire
pour le développement ne sera plus un rêve mirifique mais une étape à franchir pour que chaque
malgache, où qu’il se trouve dans le monde, puisse dire avec fierté : je suis malgache et alors !
M. Gabhy RAJAONESY (Madagascar)
Expert en politiques publiques, chercheur et enseignant permanent à l’Ecole Nationale de l’Administration
Malgache. Il est consultant et formateur à Madagascar et à l’International. Instigateur du projet d’Institut
National de la Décentralisation et du Développement local, il en est le Directeur depuis juillet 2011.
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
Les organes d’accompagnement du processus de décentralisation au Cameroun
INTRODUCTION
Tirant son fondement de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 qui fait du Cameroun, un Etat
unitaire décentralisé et introduit à la faveur de la loi n°2004/017 du 22 juillet 2004 d’orientation de la
décentralisation, de la loi n°2004/018 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux Communes et de
la loi n°2004/019 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux régions, la décentralisation est mise en
œuvre au Cameroun par les CTD en liaison avec certains départements ministériels et accompagnée dans
cette tache par certains organes institutionnels dont les plus importants sont le Comité Interministériel
des Services Locaux ( CISL), le Conseil National de la Décentralisation (CND), le Comité National des
Finances Locales (CONAFIL), la Commission Interministérielle de Coopération Décentralisée, le Fonds
Spécial d’Equipement Intercommunale (FEICOM), le CEFAM (Centre de Formation de l’Administration
Municipale) et les CVUC (Communes et Villes Unies du Cameroun).
LES ORGANES ADMINISTRATIFS DE SUIVI- EVALUATION
Ils sont de deux ordres et tirent leur légitimité de la loi d’orientation de la décentralisation suscitée,
à savoir, le Comité Interministériel des Services Locaux (CISL) et le Conseil National de la Décentralisation
(CND)
Le Comité Interministériel des Services Locaux
Mis en place par le décret n° 2008/14 du 17 janvier 2008, le Comité est un organe de concertation
interministériel placé sous l’autorité du Ministre chargé de la décentralisation et qui a pour mission
d’assurer la préparation et le suivi des transferts de compétence et des ressources aux collectivités
territoriales décentralisées arrêtés par les autorités compétentes.
A ce titre, il est notamment chargé d’élaborer le programme de transfert de compétence et des
ressources, de préparer les projets de textes y afférents, d’évaluer les moyens humains et matériels
nécessaires à l’exercice des compétences transférées. Cet organe conduit également toutes les études et
analyses prospectives dans le domaine de la décentralisation. Enfin, il soumet toute proposition ou
question relative à la décentralisation au Conseil National de la Décentralisation.
Au regard de ce qui précède, le CISL apparaît donc auprès du CND comme un organe opérationnel
de proposition et de suivi composé de 27 (vingt sept) membres représentants la Présidence de la
République, les Services du Premier Ministre et les départements ministériels, 06 (six) membres
représentants les CTD, 02 (deux) membres représentants les chambres consulaires, (02) deux membres
représentants la société civile.
Mais dans les faits, la représentation des CTD s’enrichie généralement des représentants des associations
des communes.
Le Conseil National de la Décentralisation
Organisé par le décret n° 2008/13 du 17 janvier 2008, le Conseil National de la Décentralisation est
chargé du suivi et de l’évaluation de la mise en œuvre de la décentralisation. Organe de validation, il
soumet au Président de la République, le rapport annuel sur l’état de la décentralisation et le
fonctionnement des services locaux, émet des avis et formule des recommandations sur le programme
annuel de transfert de compétences et de ressources aux collectivités territoriales décentralisées, ainsi
que sur les modalités desdits transferts.
Présidé par le Premier Ministre, il est composé en outre de 15 (quinze) Ministres, de 02 (deux)
Sénateurs, de 02 (deux) Députés et de 02 (deux) représentants du Conseil Economique et Social.
Comme le CISL, les représentants des Associations des Communes prennent généralement part aux
travaux dudit Conseil qui dispose par ailleurs d’un Secrétariat Permanent qui est le sous organe technique
de préparation des travaux du Conseil et de suivi de l’exécution de ses recommandations.
Direction de la documentation, de la Recherche et de la Communication de l’INDDL
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
Au demeurant, le CND apparaît alors comme l’organe politique d’orientation, de validation et
d’évaluation du processus de décentralisation au Cameroun.
LES ORGANES DE MOBILISATION DES RESSOURCES AU PROFIT DES CTD
Ils sont également de deux ordres et tirent leur légitimité de la loi portant fiscalité Locale, pour
l’un et de la loi d’orientation de la décentralisation pour l’autre
Le Comité National des Finances Locales (CONAFIL)
Organisé par le décret n° 2009/011 du 10 juillet 2009, le CONAFIL est un organe de concertation
placé sous l’autorité du Ministre chargé de la décentralisation, chargé notamment de la mobilisation
optimale des recettes des CTD et de la bonne gestion des finances locales. A ce titre, il assure la liaison
permanente entre les différents départements ministériels, organismes et CTD impliqués dans l’assiette,
l’émission, le recouvrement et le reversement des impôts et taxes locaux, il veille au transfert effectif par
l’Etat, de la fiscalité locale, des dotations diverses et des ressources issues des compétences transférées,
formule des avis sur les projets de textes à caractère financier concernant les CTD, il élabore et suit la mise
en œuvre des stratégies appropriées de mobilisation des ressources, propose toute mesure visant
l’amélioration de la dépense locale et produit les statistiques et analyses sur les finances locales.
Présidé par le MINATD assisté du MINFI, ce Comité est composé en outre du DG/FEICOM, des
représentants des Services du Premier Ministre, du Ministre de l’Economie et de nombreux autres
responsables du trésor et du fisc.
Des Comités régionaux et départementaux sont également crées par le même décret.
Le Fonds Spécial d’Equipement Intercommunal
Réorganisé à la faveur du décret n° 2000/365 du 11 décembre 2000 modifié et complété par le
décret n° 2006/182 du 30 mai 2006, le FEICOM est la banque des Communes au Cameroun. A ce titre, il
finance les projets proposés par les Communes, centralise les centimes additionnels communaux et les
impôts et taxes péréqués en vue de leur répartition aux Communes, assure l’intermédiation entre le
Ministère des finances et les Communes en vue de la mobilisation et la répartition de la dotation générale
de décentralisation au profit des Communes.
A côté de ces organes pérennes, un programme limité dans le temps initié par le Cameroun avec
l’appui de la Banque Mondiale, dénommé le Programme National de Développement Participatif, (PNDP)
accompagne nos Collectivités locales dans le montage de leur plan de développement, des projets
bancables et dans le financement de ces plans. Ce programme opère notamment aux côtés de la
coopération Allemande et Française pour appuyer le processus de décentralisation au Cameroun.
L’ORGANE DE PROMOTION DE LA COOPERATION DECENTRALISEE
Le dispositif institutionnel du Cameroun en la matière en recense deux, à savoir, les Syndicats de
Communes et la Commission Interministérielle de Coopération Décentralisée.
Les Syndicats de Communes
Institué par la loi n° 2004/018 du 22 juillet 2004, le Syndicat des Communes est un établissement
public intercommunal, doté de la personnalité juridique et de l’autonomie administratives et financière
crée par une convention signée par des Maires des Communes concernées en vue de la gestion d’un
intérêt public local commun. Il dispose de deux organes, à savoir le Conseil Syndical et le Président du
Syndicat. Le conseil Syndical est composé des Maires concernés assistés chacun de deux conseillers
désignés au sein de chaque Communes Syndiquée. Il est dirigé par un Président élu parmi les membres du
Conseil syndical et est d’avantage tourné vers la coopération décentralisée interne au Cameroun.
D’autres formes de regroupement peuvent être crées par les CTD en fonction de leurs intérêts.
Commission Interministérielle de Coopération Décentralisée
C’est l’instrument à travers lequel l’Etat suit et évalue la coopération décentralisée. Cette
Commission tournée vers la coopération décentralisée extérieure, a entre autres vocation à s’assurer de
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
la synergie d’action entre les administrations impliquées dans la mise en œuvre de la coopération
décentralisée, d’établir et tenir à jour un fichier national des collectivités territoriales ou de leurs
regroupement ayant conclu des conventions de coopération, de s’assurer de la conformité des
conventions de coopération décentralisée avec la constitution ainsi que les dispositions légales et
règlementaires en vigueur, de s’assurer que les conventions de coopération ont préalablement été
approuvées par les organes délibérants compétents, de suivre la mise en œuvre des programmes et
projets envisagés dans les conventions de coopération décentralisées. Elle dresse un rapport annuel sur
l’état de la coopération décentralisée et l’adresse au PM/CG.
Présidé par le Ministre chargé de la décentralisation, cette Commission est en outre composée de
13 (treize) membres représentants certains départements ministériels dont 01 (un) du Ministère des
Relations Extérieures, 02 (deux) des Services du Premier Ministre et 05 (cinq) des CTD
LES ORGANES DE TUTELLE DES CTD
La tutelle sur les CTD est assurée au Cameroun par le Président de la République, le Ministre
chargé de la décentralisation, les Gouverneurs de Régions et les Préfets des départements.
En effet, suivant les dispositions de la loi d’orientation de la décentralisation suscitée, les pouvoirs de
tutelle de l’Etat sur les collectivités sont exercés, sous l’autorité du Président de la République, par le
Ministre chargé des CTD et par le représentant de l’Etat dans la CTD. Celui-ci est le Gouverneur de Région
qui assure la tutelle sur la Région ou alors le Préfet qui assure la tutelle sur les Communes.
Sous la loi d’orientation de la décentralisation actuelle, cette tutelle s’exerce d’avantage en termes
d’assistance et de conseil aux collectivités et privilégie le contrôle à posteriori desdites collectivités.
L’ORGANE DE FORMATION ET DE RENFORCEMENT DES CAPACITES
Il est essentiellement symbolisé ici par le CEFAM (Centre de Formation de l’Administration
Municipale), qui a été crée sous le régime de l’ancienne loi communale pour dispenser des formations de
base au personnel municipal et pour renforcer les capacités des élus locaux. Cet organe est en ce moment
promu à une reforme afin de l’arrimer aux exigences de la décentralisation.
L’ORGANE D’ACCOMPAGNEMENT CREE PAR LES COMMUNES
Seule structure associative émanant des collectivités territoriales décentralisées, les CVUC
(Communes et Villes Unies du Cameroun) est une association des Maires du Cameroun dont l’avis est dans
la pratique, systématiquement requis sur les matières concernant la décentralisation. En attendant la mise
en place des Régions qui pourrait éventuellement générer d’autres formes d’association, les CVUC
demeurent un partenaire et interlocuteur privilégie du Gouvernement dans la mise en œuvre de ce
processus au Cameroun.
CONCLUSION
Ainsi que nous l’indiquions d’entre de jeu, cet exposé n’a pas la prétention d’avoir recenser tous
les acteurs d’accompagnement du processus de décentralisation au Cameroun. Il a volontairement ignoré
les organes opérationnels de mise en œuvre de la décentralisation, notamment les organes délibérants et
les exécutifs des CTD qui sont des organes classique de gestion de nos municipalités. Au demeurant, il
était d’avantage question d’appeler l’attention des participants sur les spécificités institutionnels du
processus de décentralisation au Cameroun dont l’expérience encore très récente se consolide d’année en
année.
M. MAINA Anatole (Cameroun)
Expert et chargé d’Etudes au Secrétariat Général des Services du Premier Ministre -Yaoundé- Cameroun
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
Note Conceptuelle sur le Label de Bonne Gouvernance et Certification Citoyenne
INTRODUCTION
Le label de bonne gouvernance locale est un instrument de sanction positive de la gestion des affaires
locales. Il utilise l’engagement citoyen pour mesurer l’action des Collectivité locales (CL) à travers cinq
principes :
• La Transparence ;
• L’Efficacité ;
• La Participation ;
• L’Equité ;
• L’Obligation de rendre compte.
La mesure des indicateurs retenus permet de calculer un index par principe, qui agrégé, donne l’indice
composite de bonne gouvernance locale c’est à dire l’expression chiffrée du niveau de gestion des affaires
locales.
L'innovation majeure et la spécificité du projet restent l'expérimentation au niveau local d'un nouveau
modèle de gestion transparente reposant sur l’incitation, le renforcement des capacités des élus locaux,
de la participation citoyenne en vue de l'émergence au niveau local de véritables «espaces de
transparence et d'intégrité».
Le label sera valable durant un exercice budgétaire – jusqu’à la prochaine certification – et fera l’objet
d’une promotion au plan national et international afin de créer une base objective d’appréciation de la
bonne gouvernance.
Nous parlerons de Label de Bonne Gouvernance Locale (LBGL), associé à un Référentiel de Bonne
Gouvernance Locale (RBGL) devant servir de référence pour la Certification Citoyenne.
L’organe certificateur est dénommé Comité Locale de Certification (CLC). Ses membres seront choisis par
les citoyens parmi les membres d’associations locales représentatives et indépendantes.
Le projet de mise en place de la Certification Citoyenne se déroulera en deux phases : la phase pilote qui
va permettre de tester le modèle sur dix collectivités locales. La deuxième phase du programme concerne
l’extension du modèle de gestion à vingt autres collectivités.
PRESENTATION DU CONTEXTE INTERNATIONAL ET NATIONAL
La gestion des services publics a été pendant longtemps du ressort des pouvoirs publics. Après les
indépendances, les nouvelles autorités ont perpétué le centralisme étatique qui prévalait durant la
période coloniale. Tous les secteurs socio-économiques étaient contrôlés par une administration qui
établissait ses programmes et décidaient pour les populations. Les organismes internationaux ont, par la
suite, constaté que leur offre de coopération était souvent trop éloignée des préoccupations réelles des
gens et de leur aspiration (Barrette, 2000). Les besoins des populations sont généralement mal satisfaits.
Par conséquent, l’accès aux services sociaux de base devient de plus en plus difficile surtout en milieu
rural. L’absence d’intégration effective de la communauté au processus d’élaboration des politiques
locales et de gestion de leurs besoins pose problème. Il s’impose alors de revoir les politiques qui sont
menées jusqu’ici pour une meilleure implication des populations dans l’action publique. L’alternative est
trouvée à travers les politiques de décentralisation et de gouvernance locale.
Le Sénégal, depuis son accession à la souveraineté internationale, a opté pour une politique de
décentralisation progressive, prudente et irréversible, allant dans le sens de renforcer les pouvoirs des
conseils locaux et de favoriser une meilleure participation des populations à la gestion des affaires locales.
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
Malgré l’existence d’un cadre normatif fourni, la réalité du terrain montre des lacunes liées à l’absence
d’un modèle de gestion incluant des règles de bonne gouvernance dans la conduite des affaires locales et
aussi une absence d’implication des citoyens dans les processus de prises de décision.
Ainsi, l’institution d’une bonne gouvernance locale fondée la Transparence, l’Efficacité, la Participation,
l’Equité, l’Obligation de rendre compte et le doit passer par l’élaboration et la mise en place d’outils de
gestion, d'information et de communication appropriés, permettant à tous les acteurs — du citoyen au
partenaire financier en passant par les autorités administratives — de disposer de critères objectifs et
d'indicateurs vérifiables pour juger de l'avancée du développement local dans les collectivités locales.
OBJECTIFS ET RESULTATS ATTENDUS
La phase pilote du projet de certification citoyenne permettra d’élaborer des outils de gestion
transparente des collectivités locales, dans une démarche participative avec des collectivités locales
volontaires. Il s’agit principalement institutionnaliser un label reposant sur un référentiel de bonne
gouvernance locale et symbolisant la certification citoyenne.
Plus spécifiquement, il s’agit notamment :
• De favoriser une meilleure qualité de programmes plus en adéquation avec les attentes des
bénéficiaires
• D’aider les élus à maîtriser les outils d’une gestion transparente
• De créer des mécanismes de correction des dysfonctionnements qui se logent dans la gestion des
affaires publiques
• De présenter des garanties et des réponses appropriées aux exigences des bailleurs de fonds
• D'impulser un élan nouveau à la coopération décentralisée.
• D'assurer les conditions de la mise en place d'un audit citoyen (par les populations) de la
gouvernance locale et de placer les populations au coeur des processus démocratiques.
• De favoriser un meilleur emploi des ressources publiques.
La réussite du projet permettra donc d’asseoir un mode incitatif de bonne gouvernance. L’émulation
qu’elle devrait susciter entraînera des phases d’extension successives qui permettront un maillage fin du
territoire par la certification citoyenne. A terme, nous espérons que les collectivités locales pourront se
prévaloir d’une meilleure prise en compte des attentes de toutes les parties intéressées de la gouvernance
locale.
PLAN DE MISE EN OEUVRE
Une approche temporelle permet d’avoir une vue chronologique des actions à mener dans le cadre du
processus de certification citoyenne. Ce dernier peut également s’analyser sous l’angle dynamique du
PDCA de Deming. Le PDCA est un principe cher au management de la qualité qui prône l’idée que tout
projet, processus ou activité peut être optimisé en se déployant suivant ces quatre phases : la phase P
pour Plan (planifier), la phase D pour Do (mettre en application) la phase C pour Check (évaluer), la phase
A pour Act (réagir). Le déroulement de ces quatre phases correspond à la fin d’un cycle PDCA et marque le
début d’un nouveau. Ces cycles se suivent mais ne doivent pas se ressembler puisque qu’ils doivent
s’inscrire dans un processus d’amélioration continue.
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
La phase P : cette phase coïncide avec le début de la phase pilote ; il s’agit dans cette première étape de
créer un référentiel RBGL et le label associé LBGL. Cette tâche est confiée à un Comité Technique de
Pilotage (CTP) qui va travailler dans une approche collaborative avec tous les acteurs de la gouvernance
locale.
La phase D : cette seconde étape consiste en l’application du référentiel RBGL par la collectivité locale
volontaire.
La phase C : il s’agit d’évaluer l’action de la collectivité locale à travers l’action d’un tiers indépendant.
La phase A : elle représente une étape de capitalisation pour tous les acteurs du processus de certification
afin d’améliorer la démarche.
Ce premier cycle de PDCA correspond à la phase pilote. Le deuxième cycle correspondra à la phase
d’extension du projet de certification citoyenne.
PROCESSUS DE CERTIFICATION CITOYENNE
Le respect ou non des critères du référentiel par la collectivité locale doit être évalué à travers un audit.
L’audit doit être considéré comme un processus systématique, indépendant et documenté pour garantir la
fiabilité et l’efficacité du système mis en place dans le cadre de la bonne gouvernance. Il s’agit ici d’un
audit dit de tierce partie puisque réalisé par un organisme certificateur indépendant dénommé ici CLC
(Comité Local de Certification).
Les membres de ce comité seront choisis durant parmi les membres reconnus d’associations locales
représentatives. Ils doivent répondre aux critères d’indépendance, de crédibilité et de compétence. Le CLC
travaillera, conscient de la confiance placée en eux par des citoyens soucieux de la bonne gouvernance de
leur localité.
Le CLC doit être accrédité par un Comité National d’Ethique (CNE). Ce dernier sera composé de cinq
personnalités indépendantes reconnues pour leur intégrité et leur sens de l’éthique. Il jouera un rôle
d’arbitrage, installera les membres du CLC dans leurs fonctions et se portera garant du respect de la
déontologie.
La cartographie du processus de certification locale nous donne un aperçu des liens qui existent entre les
différents acteurs ; une procédure, faisant partie intégrante du référentiel, réglementera de façon précise
le fonctionnement CLC.
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
CONSTRUCTION D’INDICATEURS ILLUSTRATIFS
La phase pilote a débuté par un état des lieux succincte de la gouvernance dans les collectivités locales
pilotes. Lorsqu’on ajoute à cela les éléments de réflexion qui sont sorties des différentes réunions et
ateliers de partage menés dans le cadre de ce projet, on arrive à un ensemble de faiblesses caractérisant
la situation actuelle.
Les recommandations issues de cette analyse peuvent être considérées comme des objectifs à atteindre
pour arriver à une situation désirée. A chaque objectif fixé, il sera associé un indicateur.
Les indicateurs vont nous permettre de quantifier l’information mais aussi de la simplifier. Ce sont des
outils d’évaluation et surtout d’aide à la décision. En effet, au delà de l’information qu’ils fournissent,
explicitement, les indicateurs alertent et peuvent inciter à avoir une démarche proactive des différents
acteurs concernés. C’est pourquoi, toutes les informations fournies par les indicateurs sont à retourner
vers les acteurs du système.
Les indicateurs doivent répondre à un certain nombre de critères de qualité tels que la pertinence
politique donc l’utilité pour les utilisateurs, la fiabilité, la disponibilité des données, lisibilité.
En science politique, la gouvernance renvoie au système de décisions publiques préconisant une
diminution de l’intervention étatique et/ou une affirmation de la participation des acteurs privés à la
définition et à la mise en oeuvre de l’action publique. Elle considère l’espace comme un construit social et
non comme un simple réceptacle des relations économiques. C’est pour cela qu’elle est axée sur un
certain nombre de principes universellement reconnus.
Nous avons choisi d’identifier le triplet Faiblesse/Objectifs/Indicateurs à la lumière des cinq principes de
bonne gouvernance que sont : la Transparence, la Participation, l’Obligation de rendre compte, l’Equité, et
l’Efficacité.
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
Chaque principe sera associé à un index dont le poids est à dispatcher entre les différents indicateurs
associés à ce principe. L’indice de bonne gouvernance locale (IBGL), qui agrège les cinq index
représentatifs des cinq principes sera donc de nature composite.
PARTENAIRES DE L’INITIATIVE
Le projet de Certification Citoyenne est porté par la coalition Forum civil - Enda Graf. Le Forum Civil,
section sénégalaise de Transparency International et, Enda Graf se sont engagés pour l’amélioration de la
gouvernance publique au Sénégal. Ils promeuvent un changement politique et l’émergence d’un nouvel
ordre social qui mettra le citoyen au coeur choix politiques. La coalition a pu trouver un appui
institutionnel et financier en la coopération luxembourgeoise avec l’agence Lux Développement et en la
coopération américaine avec l’US-AID.
D’autres partenaires institutionnels accompagnent le projet. Il s’agit notamment du Ministère de la
Décentralisation et des Collectivités Locales, du Programme de Développement Local (PNDL), des Agences
Régionales de Développement, de l'Agence de Développement Municipal (ADM), de la cellule d'appui aux
élus locaux (CAEL), de la coopération allemande GTZ. Ils vont nous permettre de capitaliser à partir de
leurs propres expériences et nous aider dans le portage du projet au niveau local.
Parmi, les partenaires, il y a également les collectivités locales volontaires à la Certification Citoyenne.
Pour le programme BGL-CA/ Lux Dev, il s’agit des communes de Aéré Lao, Guéoul, Kanel, Kébémer, Louga,
Matam, Mpal, Richard Toll, Saint-Louis et des communautés rurales de Bandègne Wolof, Bokidiawé,
Mbane, Ndiayène Pendao, Nguer Malal, Oréfondé.
Quant au programme DGT/USAID, il compte dix collectivités locales dans les zones centre et sud du pays :
Bambey, Fatick, Mont Rolland, Ngohé, Thiès, Tivaouane, Ndiognic, Kaffrine, Koungheul, et Rufisque ouest.
En s’engageant dans cette démarche, ces CL se positionnent comme des collectivités locales pionnières et
montrent leurs intérêts pour les stratégies de bonne gouvernance.
CONCLUSION
Dans la Certification Citoyenne, il ne s’agit pas de faire un classement entre collectivités locales et de
distribuer des bons et des mauvais points en fonction des résultats obtenus.
D’autre part, l’ IBGL ne saurait être parfait ; il sera le résultat de compromis entre principes de bonne
gouvernance, objectifs, moyens disponibles, indicateurs etc.
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
Néanmoins, il devra posséder une double dimension :
• Une dimension analytique qui permet de dresser un état des de la gouvernance locale de la manière la
plus fidèle possible.
• Une dimension opérationnelle qui doit permettre aux acteurs de réagir pour une gouvernance locale
plus efficace et plus démocratique.
Cheikh Tidiane SALL (Sénégal)
Expert en Environnement, spécialiste en décentralisation et gouvernance locale. Il travaille depuis une
dizaine d'année dans le domaine de l'environnement, de la gestion des ressources naturelles et de
l'adaptation au changement climatique, du développement rural, de la décentralisation et de la
gouvernance locale. Depuis 3 ans, chargé de programme à l'ONG IED Afrique basée à Dakar, il coordonne
actuellement le programme sous régional Forum d'Action pour la Gouvernance Locale en Afrique
Francophone (FAGLAF) qui regroupement le Sénégal, le Mali, le Burkina Faso, le Bénin, la Guinée, la
Mauritanie et le Niger.
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
La Décentralisation contre le développement local ?
Le CIEDEL, un institut d’enseignement supérieur enraciné dans la pratique
Le CIEDEL (Centre Internationale d’Etudes pour le Développement Local) est un institut d’enseignement
supérieur qui forme des professionnels du développement français et étrangers dans le champ du
développement local et de la décentralisation.
Le monde du développement étant en permanente évolution, tant dans son contexte que dans ses
pratiques, le CIEDEL, pour alimenter sa formation développe des activités d’appui, d’accompagnement et
d’expertise tant en France que dans les pays du Sud.
C’est ainsi que le CIEDEL développe des appuis à des processus de décentralisation et de développement
local, forme des élus et des agents des collectivités territoriales en France, au Niger, au Burkina Faso, en
Namibie, au Mali et à Madagascar…
Une conviction : la décentralisation et la réforme de l’Etat sont des évolutions positives et inéluctables
En 2011, il n’est plus possible de nier l’importance du local. Comme le dit Pierre Calame, le territoire local
est la « brique de base de la gouvernance », et le monde de ce 21ème siècle se constitue en un gigantesque
mécano qui articule les différents niveaux du local à l’international.
Dans ce contexte, la décentralisation, « le retour de l’administration à la maison » comme le dit Ousmane
Sy est une « impérieuse nécessité » et la réforme de l’Etat est un processus tout à la fois positif et
irréversible.
Les collectivités territoriales sont ainsi devenues en moins de 20 ans des acteurs incontournables de la
gouvernance locale, nationale et internationale. Alors qu’en 1992, les collectivités n’étaient pas présentes
comme telles au sommet de Rio, elles sont devenues en 20 ans des acteurs majeurs de la lutte contre le
réchauffement climatiques.
Coopération décentralisée, réseaux de ville, associations internationales de collectivités les collectivités
territoriales développent aujourd’hui une intense activité internationale qui en font un acteur majeur des
processus de mondialisation articulant une action locale au service des populations (fourniture des
services de base, appui au développement économique…) à une action politique et diplomatique
internationale.
Mais une conviction qui n’exonère pas d’une vision réaliste des processus en cours
Il y a 15 ans, à l’aube des processus de décentralisation, Dominique Gentil (IRAM) et Bernard Husson
(CIEDEL) écrivaient un article déjà intitulé « la décentralisation contre le développement local ? »1.
1
Gentil D., Husson B. ; La décentralisation contre le développement local ? in Rapport de l'Observatoire permanent de la
coopération française, Paris, Desclée de Brouwer, juin 1996, pp. 51-92.
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
En 2011, 20 ans de pratique de la décentralisation dans la majeure partie des pays d’Afrique, à
Madagascar et dans beaucoup de pays latino-américains (Pérou, Bolivie, Equateur…) et 30 ans de pratique
en France (lois de décentralisation de 1982) montrent qu’alors que le message officiel des Etats et des
partenaires techniques et financiers est que décentralisation est synonyme de participation des
populations, de démocratie locale, de développement local ; le risque est réel qu’il n’en soit pas ainsi et
que la décentralisation puisse être un réel risque pour les dynamiques de développement local.
Le CIEDEL, en tant qu’institut d’enseignement supérieur, défend les processus de décentralisation, qu’il
pense positifs et inéluctables mais dans le même temps alerte sur les risques d’une vision angélique de la
décentralisation, qui serait vue comme une solution miracle aux dysfonctionnements des Etats.
Alerter sur les risques des processus de décentralisation et proposer des préconisations pour que ceux-ci
soient réellement des facteurs de développement local, telle est l’ambition de cette présentation.
Décentralisation et développement local : de quoi parle-t-on ?
Le terme décentralisation fait l’objet d’un relatif consensus. La décentralisation est ainsi généralement
entendue comme le « transfert de compétences et de moyens vers des collectivités territoriales
autonomes dotées d’une personnalité juridique ».
La décentralisation est donc bien un processus hiérarchique, institutionnel et juridique où l’Etat, décide de
la création des collectivités territoriales et leur transfère -et donc peut leur retirer- des compétences et
des moyens sur lesquelles il exerce un contrôle.
Le développement local est un terme beaucoup plus polysémique.
Pour certains, le « local » est entendu avant tout comme une surface physique, comme une surface
circonscrites par des limites administratives. Dans ce cas, le développement local est entendu avant tout
comme un développement localisé, comme l’expression locale de politiques d’aménagement du territoire,
qui se manifestent par la construction d’écoles, de routes, de réseaux d’eau… sur un support physique qui
est le territoire.
Pour d’autres, et c’est la position défendue par le CIEDEL, le « local » est entendu comme un système de
relations et d’échanges entre acteurs sur un territoire à la fois déterminé et fluctuant. Dans ce cas le
développement local est entendu comme étant « des dynamiques économiques, sociales, culturelles plus
ou moins concertées, impulsées par des acteurs individuels et collectifs sur un territoire donné qui n’est
pas fixe »
Le développement local est alors entendu comme une dynamique et caractérisé par des acteurs plus que
des infrastructures, des réseaux plus que des institutions et une conception globale du développement
plus qu’une vision sectorielle.
Le développement local est ainsi entendu comme des femmes et des hommes qui prennent des initiatives,
des responsabilités pour transformer leur monde, pour transformer le monde. Le développement local est
ainsi sous tendu par des notions de citoyenneté, de responsabilité, de prise de décision autonome…
Ces processus, ces dynamiques de développement local existent partout dans le monde, que ce soit en
France où des habitants s’organisent entre eux pour mettre en place par eux-mêmes des systèmes de
garde des enfants pour permettre aux parents de travailler ou d’avoir du temps pour faire leurs
démarches administratives, au Bénin où des organisations de producteur de coton s’organisent pour
acheter et gérer des logements dans la capitale pour que les enfants des villages puissent venir suivre des
études supérieures à l’université dans de bonnes conditions…
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
Pourquoi la décentralisation peut être contre le développement local ?
La décentralisation et le développement local sont des processus en tension, et ceci sur plusieurs plans
parmi lesquels nous vous proposons de mettre en exergue : la légitimité, la normativité, le leadership et la
gouvernance.
Tension en termes de légitimité
La décentralisation est basée sur les principes de la démocratie représentative, sur la légitimité politique
de l’Etat. Le citoyen, qui choisit ses représentants est électeur, contribuable et utilisateur des services
fournis par la collectivité publique.
Le développement local est basé sur les principes de la démocratie à la base, de la démocratie directe, et
sur la légitimité d’usage. Le citoyen qui s’implique dans une dynamique de développement local est acteur,
responsable et décideur direct.
Le risque est d’une part pour les nouveaux élus de ne pas prendre en compte les acteurs de
développement local, considérés comme illégitimes car ne représentant qu’eux-mêmes et d’autre part
pour les acteurs de développement local de ne pas reconnaître les élus comme légitimes car perçus
comme représentants de l’Etat, comme issus des « jeux politiciens »…
Tension en termes de normativité
La décentralisation est un processus ou l’Etat définit pour les collectivités territoriales :
• Un cadre juridique,
• Des compétences
• Un découpage territorial
• Des instances délibératives et exécutives
•…
Cette définition est quasiment toujours identique sur tout le territoire national d’un même pays.
Or, la réalité des habitants est généralement plus complexe. Les territoires de vie des habitants sont
multiples et ne correspondent pas aux limites administratives, les besoins de services ne sont pas les
mêmes d’une partie du territoire à l’autre, des spécificités existent dans la manière de concevoir et
d’exercer le pouvoir suivant les régions…
Il y a donc une tension entre une approche nationale qui vise à uniformiser le cadre normatif et des
réalités locales qui sont basées sur la diversité, l’adaptation permanente et la flexibilité.
Tension en termes de leadership
La décentralisation passe par la mise en place et le renforcement de collectivités territoriales. Celles-ci ne
sont pas exemptes des mêmes travers que ceux que l’on peut retrouver au niveau central de certains Etats.
Les élus des collectivités territoriales peuvent pratiquer le clientélisme et la démagogie, promettant de
tout faire sur leur territoire, amenant ainsi les acteurs locaux qui jusque là assumaient une partie des
compétences dévolues aux collectivités à s’en décharger (volontairement ou non) au bénéfice des
collectivités territoriales qui in fine n’ont pas les capacités (financières, humaines…) à assumer,
aboutissant ainsi à démobiliser les acteurs locaux et à ne pas rendre les services qui jusque là étaient
assumés tant bien que mal par les acteurs du territoire.
La lutte pour le « leadership local » abouti alors à une perte de leadership tant pour la collectivité
territoriale que pour les acteurs de développement local et à une perte de crédibilité de tous auprès des
citoyens.
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Il y a donc bien une tension sur le territoire en termes de leadership entre collectivité territoriale et
acteurs de développement local, tension qui peut amener à des pratiques de concurrence qui finalement
se retournent contre les citoyens.
Tension en termes de gouvernance
En termes de gouvernance, les collectivités territoriales ne sont pas non plus exemptes de reproduire les
travers que l’on peut trouver au niveau central dans certains Etats : confusion bien public – bien privé,
autoritarisme, inefficacité administrative…
Les élus des collectivités territoriales peuvent soit par ignorance, soit par une absence totale d’appui, soit
par un travail d’opposition permanente remettre en cause toute dynamique locale, vue comme une
concurrence ou comme un danger.
Il y a donc une tension entre des dynamiques de développement local, où il existe souvent des
mécanismes de gouvernance sans doute imparfaits, mais inventés et mis en place par les acteurs locaux ;
et les processus de décentralisation où les collectivités territoriales peuvent contribuer à balayer ces
pratiques.
Décentralisation et développement local ne sont donc pas des mouvements qui naturellement
s’appuieraient mutuellement, ou même des mouvements parallèles ; mais bien des mouvements qui sont
naturellement en tension, l’un -la décentralisation- étant un processus descendant, issu de la volonté de
l’Etat, l’autre un processus ascendant, issu de la volonté de certains citoyens. Il est donc normal que ces
deux processus soient en tension, l’enjeu étant de trouver et de mettre en place les mécanismes pour
qu’ils s’appuient mutuellement.
Des conditions pour que la décentralisation soit facteur de développement local
Les conditions pour que la décentralisation soit facteur de développement local sont nombreuses. Nous
en mettons ici en exergue quatre : la création d’un espace public local, le développement des capacités de
négociation, le développement d’initiatives institutionnelles et de pratiques démocratiques sur des objets
concrets.
Création d’un espace public local
La rencontre entre les deux processus que sont la décentralisation et le développement local demande de
reconnaître la légitimité de chaque processus (même si elle est de nature différente) et donc la création
d’un espace de débat politique (au sens de la gestion de la cité) local qui permette de coproduire des
politiques publiques entre la collectivité territoriale et les acteurs du territoire.
Il s’agit alors de négocier le rôle et les responsabilités de chacun dans une démarche partagée.
Créer un espace public local revient donc à accepter un certain niveau de partage du pouvoir entre acteurs
institutionnels et acteurs locaux, ce qui va avec la mise en place de réels mécanismes de concertation,
avec la définition de droits et devoirs des parties…
Développement des capacités de négociation
La création et le fonctionnement d’un espace public local demande aux différents acteurs de savoir
concerter, de savoir négocier, sans chercher à tout prix un accord sur tout.
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
Le développement de ces capacités de négociation peut se faire d’autant plus facilement qu’il sera réalisé
à partir de travaux sur des questions fonctionnelles qui intéressent les citoyens : gestion de l’école et du
centre de santé ; extension du réseau d’eau ; organisation du transport…
Développement d’innovations institutionnelles
Le processus de décentralisation s’applique à tous de manière égale ; le développement local -même si il
est au bénéfice de tout le territoire- repose sur l’implication volontaire des citoyens organisés. Les deux
processus ont des bases différentes.
Leur synergie passe par la recherche de solutions innovantes qui vont au-delà de la mise en place par la
collectivité territoriale de délégation de service public aux acteurs associatifs, et qui peuvent s’exprimer
par la recherche d’articulation entre impôt et cotisation, par la mise en place de système de cogestion de
services publics…
Développement de pratiques démocratiques
Enfin la recherche de solutions innovantes sur des objets concrets (éducation, santé, propreté…) articulant
implication publique (collectivité territoriale) et privée (associations de développement local) peut
permettre de développer des pratiques démocratiques : consultation des citoyens, choix basés sur un
diagnostic étayé, prise de décision concertée, redevabilité mutuelle et transparence…
Pour que la décentralisation et le développement local ne soient pas deux mouvements antagonistes,
mais bien deux dynamiques en synergie, il est fondamental que ces deux mouvements reconnaissent leur
spécificité et leur légitimité et soient en capacité d’identifier leurs points de désaccord et leurs points
d’accord, pour construire sur ces derniers des démarches de coproduction de politiques publiques,
réalistes et exigeantes.
M. Christophe MESTRE (France)
Christophe Mestre est enseignant au Centre International pour le Développement Local de l’Université
Catholique de Lyon (CIEDEL), il travaille notamment à l’ingénierie du Développement Local, il est responsable de
nombreux modules dont les « évaluations des actions de développement », « plaidoyer et lobbying, stratégies
d’influences ». Ses réflexions se nourrissent d’une grande expérience de terrain dans les projets de coopération
décentralisée et de développement local.
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
Tribune pour l’Institut National de la Décentralisation et du Développement Local
Le territoire malgache connaît, à l’instar de la sphère politique, une phase de transition qui se
concrétise notamment par l’adoption de la Constitution de la IVème République. Ces changements sont
significatifs, par l’intérêt renouvelé porté à la gouvernance locale par les autorités, l’inscription de la
Fonction Publique Territoriale dans la constitution (article 95 II - La loi détermine les principes généraux :
2°- du statut général des fonctionnaires civils et militaires de l’Etat et des fonctionnaires territoriaux) et la
refonte annoncée du Code des collectivités.
Ce tropisme fait résonance aux réflexions planétaires pour « des voies réformatrices
interdépendantes, des formes de pensées capables de saisir la complexité et les interactions » et ainsi
sortir d’un « développement conçu comme homogène, qui s’applique à des situations culturelles, sociales
techniques diverses »1. Partout sur notre planète, de telles initiatives se font jour, soutenus par le
paradigme d’une nécessaire articulation entre Local et Global. De nombreux pays d’Afrique et d’ailleurs se
font les échos pratiques de ces réflexions et souhaitent maîtriser davantage leurs dynamiques territoriales
à travers la rénovation de la gouvernance locale. L’essor des initiatives de proximité comme matrice de ces
nouvelles dynamiques territoriales devient un repère épistémologique. Les responsables, tant nationaux
que territoriaux, souhaitent avoir les moyens de mettre en place des politiques aptes à résoudre les
difficultés actuelles que connaissent leurs territoires mais aussi de se tourner vers l’avenir, et donner enfin
corps à des horizons trop souvent perçus comme lointains2.
Ce parti pris pour une décentralisation effective est souvent remis en cause. Certains perçoivent
ce phénomène comme totalement exogène ; arguant qu’il ne correspond pas aux réalités locales et ne fait
qu’être une preuve de plus de la (inter-)dépendance des malgaches vis-à-vis de l’extérieur. D’autres, y
voient un élément déstabilisateur à même de remettre en cause les hiérarchies « naturelles » actuelles.
Tout au contraire, il semble intéressant de renverser les perspectives et de voir qu’en se dotant
d’instruments pertinents, l’Etat et les collectivités peuvent répondre aux enjeux d’un développement
intégré et malgache. L’Institut National de la Décentralisation et du Développement Local (centre de
formation des personnels des CTD3, TranoBe -maison des élus-, espace d’observation et de recherche sur
la décentralisation) se veut être l’outil d’une appropriation réelle du processus de décentralisation en
offrant une interface pertinente aux PTF4, et en procédant d’une volonté claire et affichée, il sera l’outil de
concertation et d’organisation de toutes les expertises nationales.
Ces attaques, n’empêchent pas un phénomène déjà en route, la reconnaissance et la
patrimonialisation de ces logiques par les populations. Les fokontany5 qui ont subit les ires de certains
commentaires en leur temps, sont aujourd’hui des échelles de lectures et d’organisation de la vie locale
totalement intégrées et appropriées. De même, les communes, en tant que représentation locale élue
(1994-1995), sont elles aussi, déjà reconnues. La problématique du développement local ne peut
1
Propos d’E. Morin, tirés du colloque organisé en octobre 2009, par le conseil culturel de l’Union pour la Méditerranée.
De nombreux directeurs de collectivités, les exercices de planification le prouvent, se contentent de rêver leur territoire à 10 ou 20 ans…
3
Collectivités territoriales décentralisées, d’après la constitution de la IVème République : les Provinces, les Régions et les Communes (seule
échelle réellement décentralisée et autonome à ce jour). Les 3 types de CTD seront (re) définies dans leurs compétences et attributions avec les
lois organiques et autres textes réglementaires à venir.
4
Partenaires Techniques et Financiers, il s’agit des acteurs étrangers engagés dans l’aide et la coopération avec l’Etat et les CTD malgaches.
5
Le fokontany est le plus petit découpage administratif malgache, il peut s’apparenter à un découpage communautaire et/ou par quartier. C’est
auprès du fokontany que se font les premières démarches administratives.
2
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Les « dits et écrits » du Symposium International sur la Décentralisation – Antananarivo Décembre 2011
s’articuler sans prendre en compte la grande échelle, celle perçu par les populations dans leur quotidien,
celles des cheminements et histoires personnelles.
Certes, sans des acteurs de proximité pleinement maîtres de leurs compétences, et sans
ressources financières, humaines et matérielles, tout cela ne peut être envisagé. Cependant le capital
humain existe et œuvre de son mieux à faire vivre ses réalités. Ils n’ont besoin que d’un instrument
efficient, capable de répondre à leurs questionnements, de les outiller conceptuellement et de manière
opérationnelle. L’Institut National de la Décentralisation et du Développement Local, créé en mai 20116,
se veut être ce vecteur, ce tremplin. Il doit permettre à travers des programmes de formations choisis,
partagés et de proximité, de fournir les éléments propices aux renforcements des capacités des acteurs
locaux. Ses ambitions sont nationales, afin de fournir un cadre commun et équitable pour couvrir les
attentes de chacun. Il sera aussi dans un mouvement parallèle et contingent, l’agent de valorisation des
professionnels, de leurs métiers, de leurs carrières, à travers des modules de formation reconnus par tous
les ministères et des validations effectives des formations (attestation de stage et/ou diplôme national).
Trop de programmes de formation sont à ce jour sans suite, mis en place sans articulation avec les
précédents…combien de doublons de formation, de méthodes et d’outils gaspillés ? Combien d’énergies
et de temps sacrifiés ? 7 L’institut, dans sa lettre et son organisation porte un regard nouveau,
profondément ancré dans les réalités locales, et dans l’harmonisation et la capitalisation de l’existant au
profit des acteurs de terrain. A travers son observatoire, ses recherches et ses publications, il sera
mémoire, marchepied et espace d’expression des points de vue et expériences des collectivités.
Il ne substituera pas pour autant, aux logiques et revendications locales, une norme édictée par la
capitale. Il œuvrera au plus près des territoires, prenant en compte toutes les logiques, attentes et
ambitions. La prise en compte de ce rôle d’entre-deux, d’intermédiaire pourra permettre d’éviter un
écueil important, car comme le dit Ahmed Arafa : « force est de constater que la prise en compte de la
dimension territoriale dans les programmes de développement et les approches territoriales qui en
découlent est loin d’être mise en œuvre en tant que moteur d’un développement au profit des
populations, alors même que les autorités régionales et locales se voient confier, dans le cadre de la
décentralisation, des prérogatives et des responsabilités de plus en plus grandes »8. Cette dernière
remarque prend toute son importance et son actualité, si l’on questionne les tendances qui semblent se
dessiner, dans la réécriture actuelle du Code des collectivités, vers plus de compétences dévolues aux CTD
et notamment dans des domaines fondamentaux comme la Santé ou l’Education.
L’institut sera au service des dynamiques territoriales, dans son fonctionnement (délocalisation),
son ingénierie (enquêtes, articulation entre politiques nationales et vécus locaux) et à travers la plateforme de mutualisation des savoirs et la capitalisation des expériences (création d’un observatoire, d’une
TranoBe ou « maison des élus »)9. Ainsi, à travers des programmes fondamentaux et précis, il pourra
répondre par des grilles de lectures élémentaires (recensement et objectivation des compétences des
métiers, méthodologies professionnalisantes et accompagnement de projets) aux perspectives actuelles,
se nourrissant à la fois des expériences uniques et de leur capitalisation nationale. Il n’aura en aucun cas
vocation à remplacer les institutions existantes. Il n’agira que dans les sphères pratiques, opérationnelles
et disciplinaires. Il devra ainsi répondre à la diversité des situations administratives, aux contextes locaux,
mais aussi aux us et habitudes pluriels.
Articuler différentes échelles, c’est être en mesure de considérer chaque espace comme original
tout en favorisant la communication entre les territoires. Il faut ainsi appréhender les logiques urbaines,
rurales, endogènes, exogènes, les coopérations et partenariats, comme autant d’individu à prendre en
6
Selon le décret n°2011-230 du 15 mai portant création, organisation et fonctionnement de l’INDDL. L’institut a été inauguré officiellement en
juillet 2011, lors d’une formation internationale « les ateliers indo-océaniques » réunissant des cadres territoriaux malgaches, réunionnais et
mahorais, en présence de M. Hajo ANDRIANAINARIVELO, ministre de l’Aménagement du Territoire et de la Décentralisation, et M. Jean-Marc
CHATAIGNER, Ambassadeur de France à Madagascar.
7
Certains maires nous ont confié qu’ils avaient suivi 20 formations en 13 ans (!) pour un bénéfice quasi-nul.
8
Extrait tiré de l’atelier traitant des besoins de l’Afrique lors de la conférence de Ouagadougou en novembre 2009 sur le thème de la contribution
des autorités régionales et locales au développement économique, Ahmed Arafa, vice-président du Global Local Forum est expert auprès de l’UE
et du PNUD.
9
De nombreux pays se sont dotés de structures nationales d’accompagnement du développement local, on peut citer pour exemple le Maroc, le
Yémen, le Niger, le Mali, le Sénégal…
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compte et respecter. Mettre en valeur les compétences malgaches, c’est aussi pouvoir constituer un pool
d’experts et d’intervenants qui seront à même de traiter toutes les thématiques à l’œuvre dans les
dynamiques locales. Pour cela, il ne s’agit pas de réinventer quoi que ce soit, mais seulement de se donner
les moyens de créer du lien entre toutes les ressources présentes localement, qu’elles soient nationales
ou internationales.
Ses méthodes interactives et tenant compte de la complexité des réalités, des lieux et des
personnes, ne lui confèreront pas pour autant de rôle de décision ou d’orientation politique ou
administrative, tant à l’échelle des collectivités qu’à celle de l’Etat. Il restera à la place qui est la sienne,
comme centre de formation des professionnels des CTD et des fonctionnaires territoriaux prévus par la
nouvelle constitution. Pour cela il s’attachera à mettre en place les lois organiques et autre corpus
législatif de la décentralisation en cours de rédaction.
Il sera mobilisable par tous ceux qui souhaitent améliorer la création d’une administration locale
stable, à travers une gouvernance efficace et soucieuse de ses responsabilités et de ses objectifs :
ministères, institutions, acteurs privés économiques ou de la formation, PTF. Ainsi il mettra à disposition
des programmes de formations co-construits avec les professionnels concernés, mais pourra aussi
répondre à des demandes spécifiques institutionnelles et associatives, nationales ou étrangères. Il
fonctionnera comme intermédiaire entre les expertises et services existants qu’il ne souhaite pas occulter
mais plutôt fédérer, il ne viendra pas se surajouter aux programmes existants et se positionnera dans une
place laissée libre jusqu’à présent, celle de la prise en compte des professionnels locaux des CTD.
Enfin en se dotant de moyens d’observation et de communication pertinents, il pourra être un
puissant véhicule des expériences malgaches à l’international ; ses recherches et son observatoire
permettront aux programmes locaux de dialoguer avec leurs homologues dans le monde entier. On vante
souvent le rôle de laboratoire de Madagascar, sur de nombreuses thématiques ; décentralisation,
régularisation du foncier et de l’Etat-civil, etc. L’INDDL se positionne comme vitrine de Madagascar en
matière de décentralisation et de développement local, comme un des « acteurs » et un des « espaces »
d’échanges internationaux (formations internationales avec les ateliers indo-océaniques 10 , pool
international de formateurs, organisation d’un Symposium International en décembre 2011 sur les
décentralisations dans les Suds et leurs actualités et intégration de réseaux internationaux). Ces
dynamiques, ainsi que celles initiées par les échanges et partenariats nombreux avec les bailleurs
étrangers, doivent être davantage vécues, valorisées, et converties en sources d’échanges et d’horizons
avec nos homologues et voisins directs, et plus éloignés.
Dans un contexte international, dans lequel les grands paradigmes se sont heurtés au changement
de millénaire et dans lequel désormais, il n’est plus question d’échelle unique mais de jeux d’échelles, la
prise en compte du local devient un besoin impérieux. Le contexte national malgache s’y prête, il fournit le
temps aux innovations, aux lectures originales et aux dynamiques territoriales croisées. Assurer un service
public de proximité efficace, stable et conscient est un défi majeur et partagé par tous. L’INDDL sera un
des éléments de réponse.
M. Jacques Tanchoux (France - Océan Indien)
Conseiller Formation depuis 4 ans au Cnfpt de Mayotte où il est chargé de projets et notamment de
programmes de coopérations régionales avec les pays voisins (Comores, Madagascar) dans des domaines
divers : lecture publique, renforcements des compétences des collectivités ou des communautés,
décentralisation et gouvernance locale... Il participe activement à la construction de l'Institut National de la
Décentralisation et du Développement Local à Madagascar.
10
Organisés en 2011 autour des territoires de Mayotte, de La Réunion et de Madagascar, sur la thématique de la place du cadre territorial dans la
« gestion des projets de politique publique locale » (juillet 2011) et dans l’observation critique de sa collectivité avec les outils d’« analyses et
perspectives ; de l’intelligence territoriale au rôle d’aide à la décision » (octobre 2011), ils sont organisés comme des workshops réunissant des
cadres et directeurs des collectivités. Il est prévu de les ouvrir en 2012 aux autres territoires de l’Océan Indien : Maurice, Seychelles, Comores,
Afrique de l’Est...
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