Opération «Paludisme

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Opération «Paludisme
Opération «Paludisme»
Indicateurs environnementaux du risque
de transmission du paludisme
Le paludisme reste un problème de
santé publique majeur dans la région
du plateau des Guyanes. En
particulier, la zone frontalière entre la
Guyane et l'Amapá rassemble le
plus grand nombre de cas et les taux
d'incidence les plus élevées de la
région.
Parmi les facteurs environnementaux
associés au risque de transmission
de la maladie, l'occupation/usage du
sol s'est avéré être un élément clé qui, de plus, peut être caractérisé par télédétection à des
résolutions spatiales compatibles avec des échelles d'étude très locales.
L'occupation/usage du sol permet non seulement de caractériser les habitats des vecteurs mais
également d'identifier et de caractériser des modes de gestion et/ou d'exploitation de
l'environnement par les populations considérés « à risque ».
Le groupe de travail « indicateurs environnementaux du risque de transmission du
paludisme » a pour objectif de définir une typologie d'occupation/usage du sol pertinente pour
l'étude du risque de transmission de la maladie en milieu amazonien, de construire des indicateurs
de risque de transmission et de les spatialisés afin d'obtenir des cartes de risque.
Ces travaux s'appuient sur un réseau scientifique pluridisciplinaire et international associant les
spécialistes de la question dans cette région d'étude.
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1- Contexte & problématique
Le paludisme représente un enjeu de santé publique majeur en Amazonie. Dans les foyers d’épidémie
guyanais, les indices parasitaires annuels sont les plus élevés d'Amérique du Sud, avec, cependant,
une évolution rapide dans le temps. Le nombre de cas reportés en Guyane est ainsi passé de 3450
cas/an dans les années 2000 (Tarantola et al. 2011) à environ 1400 cas/an en moyenne entre 2010 et
2011, pour atteindre environ 900 cas actuellement. Il existent cependant de grandes disparités sur le
territoire guyanais, avec des foyers de transmission persistants et instables : à Camopi, un village
amérindien situé sur les rives guyanaises de l'Oyapock, le taux d'incidence annuel dépassait les 50%
chez les enfants de moins de 7 ans dans les années 2000 (Carme et al. 2009 ; Stefani et al. 2011b) et
est en forte régression depuis 2010 ; dans le même temps, le nombre de cas a diminué de manière
beaucoup moins significative dans les villes de Saint-Georges de l'Oyapock et d'Oiapoque, situées
respectivement en Guyane et en Amapá en aval du fleuve Oyapock. Cette baisse peut être expliquée
par plusieurs facteurs concomitants (distribution massive de moustiquaires pré-imprégnées,
campagnes de prévention, lutte contre l’orpaillage illégal, modifications environnementales, etc.).
Cependant, la part relative de ces facteurs dans l'explication de la baisse du nombre de cas est
inconnue, pour la simple raison que les mécanismes de transmission du paludisme dans la région
(rôles des différents vecteurs, des conditions environnementales, des facteurs socio-démographiques,
etc.) restent méconnus. En Amapá, c'est le municipio d'Oiapoque, frontalier avec la Guyane, qui paie
le plus lourd tribu à la maladie, avec 3940 cas en 2011 et une augmentation de 12% par rapport à
2010, contre 1677 cas dans le municipio de Macapá et une diminution de 28% par rapport à 2010.
Ainsi, la région frontalière entre la Guyane et le Brésil fait l'objet d'une attention particulière dans la
lutte contre le paludisme, de la part des deux pays. De plus, comprendre les mécanismes de
transmission du paludisme dans la région reste un enjeu majeur de la recherche, car cela permettrait :
de déterminer les impacts relatifs des facteurs protecteurs contre la maladie et de définir des actions
de lutte ciblées et efficaces ; d’anticiper une recrudescence possible de la maladie au regard des
changements environnementaux et socio-démographiques observés dans la région, et des
développements probables de résistances (du parasite et du vecteur).
Les études antérieures dans cette région amazonienne montrent que les facteurs de risque de
nature environnementale sont primordiaux (Hustache et al. 2006, Stefani et al. 2011). Ils
conditionnent en effet la présence et la densité des vecteurs. En particulier, l'occupation et l'usage
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du sol influencent directement la distribution et la densité des anophèles vecteurs et peuvent servir
d’indicateurs du risque de transmission du paludisme. Sous certaines hypothèses, les relations
directes entre paramètres environnementaux obtenus par télédétection et incidence de la maladie
peuvent être étudiées, y compris à une échelle très locale (Stefani et al. 2011a, Roux et al. 2012).
Toutefois, ces relations sont encore mal comprises. L'imagerie satellitaire apporte une solution
partielle en fournissant des données relatives à des régions difficiles d'accès et en permettant de
caractériser l'espace de façon continue. Cependant, outre les problématiques liées aux résolutions
spatiales et temporelles de ces données, un effort doit être réalisé afin de déterminer les types
d'occupation du sol a priori pertinents dans ce genre d'étude. En effet, chaque auteur propose sa
propre typologie d'occupation du sol et les indicateurs de risque sanitaire associés, en fonction du
type d'image satellitaire exploité et du niveau de son expertise en télédétection et en traitement
d'image. En l'absence de référentiel commun, il est donc difficile de comparer les résultats des
différentes études et d'en tirer des connaissances générales quant à l'écologie des vecteurs et aux
facteurs de risque de transmission palustre.
2- Objectifs & Méthodes
Les objectifs généraux du groupe thématique « paludisme » sont de (i) définir une typologie
d'occupation du sol pertinente pour l'identification et la caractérisation de l'écologie des vecteurs
du paludisme ; (ii) construire des indicateurs spatialisés du risque de transmission palustre, en
priorité dans le bassin de l'Oyapock. L'enjeu d'un tel projet est de créer un partenariat régional
solide et d'excellence afin de générer des résultats de référence dans le domaine. La typologie et
les indicateurs seront déterminés à partir i) d'une revue de littérature systématique sur l'étude du
risque de transmission du paludisme au travers de l'occupation et de l'usage du sol, ii) des
connaissances expertes des principaux acteurs de la recherche sur le paludisme en Guyane, en
Amapá et au Surinam et iii) de résultats d'études mettant en exergue des spécificités locales
(Hiwat et al. 2010, Galardo et al. 2007, Girod et al. 2011, Stefani et al. 2011b).
Le projet s'appuie sur une équipe pluridisciplinaire (télédétection, mathématiques appliquées,
entomologie, épidémiologie, parasitologie) et internationale (Suriname, Guyane Française et
Brésil).
Le partage des connaissances s'effectue lors des séminaires d'équipe annuels, de réunions
techniques et de visites de terrain ayant pour objectif de générer une vision partagée des
écosystèmes et des types d'occupation du sol. Les travaux sont réalisés par les membres du
projet et des étudiants français et brésiliens.
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3- Résultats attendus
Un article de synthèse sur l'étude du risque de transmission du paludisme en milieu
amazonien, au travers de l'occupation et de l'usage du sol ;Une carte d’occupation des
sols des environnements à risque de transmission du paludisme ;
Des indicateurs de risque de transmission palustre liés à l'occupation/usage du sol en
milieu amazonien et en particulier sur le plateau des Guyanes, en étudiant à la fois les
aspects compositionnels et structurels du paysage au travers de métriques existantes ou
à définir ;
Une carte du risque de transmission palustre à la frontière entre la Guyane et le Brésil ;
Un article de synthèse proposant des indicateurs environnementaux et spatialisés de
risque de transmission palustre.
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Références bibliographiques
• Carme B, Ardillon V, Girod R, Grenier C, Joubert M, Djossou F, Ravachol F, Situation
épidémiologique du paludisme en Guyane, Med Trop, 2009, 69(1): 19-25
• Carme B, Substantial increase of malaria in inland areas of eastern French Guiana,
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• Carme B, Lecat J, Lefebvre P. Le paludisme en Guyne dans les foyer de l’Oyapock.
Incidence des accès palustres chez les amérindiens de Camopi. Med Trop (Marseille),
2005, 65 : 149-154
• Hustache S, Nacher M, Djossou F, Carme B. Malaria risk factors in amerindians
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• Galardo AKR, Arruda M, d’Almeida Couto AAR, Wirtz R, Lounibos LP, Zimmerman RH,
Malaria vector incrimination in three rural riverine villages in the Brazilian Amazon, Am
J Trop Med Hyg, 2007, 76(3): 461-469
• Hiwat, H, J Issaly, P Gaborit, A Somai, A Samjhawan, P Sardjoe, T Soekhoe, et R
Girod. Behavioral heterogeneity of Anopheles darlingi (Diptera: Culicidae) and malaria
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o
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means of remotely sensed data. Symposium of the Latin American Society for Remote
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• Stefani, Aurélia, Emmanuel Roux, Jean-Marie Fotsing, et Bernard Carme. Studying
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through the objective selection of buffer-based landscape characterisations.
o
International Journal of Health Geographics 10, n 1 (2011a): 65. doi:10.1186/1476072X-10-65.
• Stefani, Aurélia, Matthieu Hanf, Mathieu Nacher, Romain Girod, et Bernard Carme.
Environmental, entomological, socioeconomic and behavioural risk factors for malaria
o
attacks in Amerindian children of Camopi, French Guiana. Malaria Journal 10, n 1
(2011b): 246. doi:10.1186/1475-2875-10-246.
• Tarantola, A, F Eltges, V Ardillon, T Lernout, D Sissoko, E Kendjo, A Achirafi, et al.
o
Malaria in France: Mainland and territories. Médecine et maladies infectieuses 41, n 6
(juin 2011): 301 306. doi:10.1016/j.medmal.2011.02.004.
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Membres du groupe de travail
Brazil
Suriname
France
Allan Kardec Ribeiro
Galardo
IEPA, Laboratório de Entomologia
Alana Carine Sobrinho
Soares
ADAP
Ana Cristina da Silva
Ferreira Lima
IEPA
Ana Paula Sales de
Andrade Correa
IEPA
Clicia Denis Galardo
IEPA
Eduardo Stramandinoli
Moreno
DSEI
Helen Gurgel
UnB
José Nilton
SESA
Manoel do Carmo
Barbosa Cruz
SMS
Margarete do Socorro
Mendonça Gomes
LACEN-AP
Mario Alberto Silva do
Nascimento
SESA
Newton Marcelo
SEMA
Volmir Miguel Zanini
LACEN-AP
Hedley Cairo
MOH, MGFP
Dayanand Panchoe
MOH, BOG
Helene Hiwat
MOH, MGFP, Entomology
Emmanuel Roux
IRD/UMR ESPACE-DEV
Aurélia Stefani
UAG, EpaT, IRD/ESPACE-DEV
Benoit Van Gastel
ARS, Santé-Environnement
Bernard Carme
UAG/EpaT, INSERM/CIC-EC, CHC
Frank Berger
IPG, Epidémiologie
Isabelle Dusfour
IPG, Entomologie médicale
Jean-Marc Fischer
ARS, Coopération Internationale
Laurent Durieux
IRD/UMR ESPACE-DEV
Lise Musset
IPG, Parasitologie
Mathieu Nacher
UAG/EpaT, INSERM/CIC-EC, CHC
Matthieu Hanf
UAG/EpaT, INSERM/CIC-EC
Nadine Dessay
IRD/ESPACE-DEV
Romain Girod
IPG, Entomologie médicale
5
ADAP : Agência de Desenvolvimento do Amapá
ARS : Agence Régionale de Santé de la Guyane
CHC : Centre Hospitalier de Cayenne
CIC-EC : Centre d'Investigation Clinique - Epidémiologie Clinique
DSEI : Distrito Sanitário Especial Indígena
EPaT : Equipe d'Accueil Epidémiologie et Parasitologie Tropicales
IEPA : Instituto de Estudos e Pesquisas do Estado do Amapá
INSERM : Institut National de la Santé Et de la Recherche Médicale
IPG : Institut Pasteur de la Guyane
IRD : Institut de Recherche pour le Développement
LACEN : Laboratório Central de Saúde Pública
MGFP : Malaria Global Fund Program
MOH : Ministry Of Health, Suriname
SEMA : Secretaria de Estado do Meio Ambiente
SESA : Secretaria de Estado da Saúde
SMS : Secretaria Municipal de Saúde
UAG : Université des Antilles et de la Guyane
UnB : Universidade de Brasilia
Crédits photos
• Identification, sur le terrain, des futurs sites de capture d'anopheles, caractérisation
environnementale et partage de connaissances et d'expériences sur les écosystèmes
favorisant le développement des anopheles. Oiapoque (Amapá, Brésil), mars 2013. Photo N.
Dessay (IRD©)
•
Représentation schématique d'un modèle (partiel) de risque, associant forêt dense, végétation
secondaire et risque de transmission du paludisme : vers un indicateur de risque lié à
l'occupation et l'usage du sol. Source : Stefani et al. Land cover, land use and malaria in the
Amazon: a systematic literature review of studies using remotely sensed data. Malaria Journal,
12(1), 2013
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