Le phare de Cordouan

Transcription

Le phare de Cordouan
PATRIMOINE
LA ROCHELLE
# Cordouan
Le phare
de Cordouan
400 ans au service des marins
de l’estuaire de la Gironde
Michel GRANGER
COLLECTION GALERIE L’HORIZON CHIMÉRIQUE
A
u large des côtes de Saintonge, l’année
1611 consomme la construction d’un
chef-d’œuvre architectural français.
Modifié et adapté par la suite, à l’occasion d’un grand chantier achevé en
pleine Révolution, le phare de Cordouan voit
désormais sa silhouette contemporaine en place.
Si le « premier » phare de Cordouan fête cette année
ses 400 ans et si son successeur « révolutionnaire »
pourra le faire en 2190, avant eux, pour la sécurité
des marins, une lumière veillait déjà en ces lieux
connus depuis longtemps pour leur dangerosité.
Les dangers de l’estuaire
En 1997, une vedette de pilotage y a disparu avec
deux hommes à bord. Au printemps 2009, une île1
est née dans l’embouchure de la Gironde. Cet accident tragique et ce curieux phénomène traduisent
bien les dangers de l’estuaire. Dans ce passage obligé
pour gagner Bordeaux, entre la côte du Médoc au
sud et la pointe de la Coubre au nord, se succèdent
sur une trentaine de kilomètres une série de bancs
de sable ou « mattes », à la géographie mouvante.
Sur ces barrières sous-marines se heurtent la
houle océanique, qui s’emporte parfois en vagues
« monstrueuses », et le puissant courant de la
Gironde, induisant des renversements alternatifs
et dangereux du sens de circulation des masses
d’eau. Il y a bien sûr toujours eu des passes, mais
étroites, tortueuses et peu profondes elles se déplacent aussi au fil des ans.
C’est au cœur de cette embouchure que se détache
une petite île rocheuse entourée de bancs de sable,
nommée « Ricordane » en 1545, puis île de Cordouan,
qui va participer à la sécurité des marins. C’est en
effet là que sont construites, depuis le Moyen Âge,
les tours de Cordouan. La tour médiévale se limite
à une simple plateforme où l’on allume chaque
soir un feu de bois que les phénomènes météorologiques rendent pour le moins aléatoire. Mais
déjà elle guide les navires et déjà elle a ses gardiens,
dont l’histoire, qui s’est achevée avec le départ de
Serge Andron2 en 2011, débute avec deux mystérieux ermites qui « alimentent le fanal pour la
sûreté des vaisseaux » tout « en vaquant jour et
nuit en oraisons envers Dieu ».
À partir de cette époque, modifiée selon l’évolution des besoins et des techniques, cette balise
géante ne cessera de servir de repère et de guide à
tous les navires entrant et sortant d’un estuaire
très fréquenté et qui compte parmi les plus dangereux d’Europe. Ce dont témoigne déjà un
mémoire de 1722 qui affirme « qu’il est de nécessité absolue de bien entretenir cette tour […] qui
soutient la navigation, sans quoi la plupart des
vaisseaux feraient naufrage. C’est elle qui sert le
| Le Picton n° 208 | Juillet Août 2011 | 53
Jacques-Raymond Brascassat,
Le phare de Cordouan, huile sur
toile, 1824.
1. Sur ce banc de sable à la
superficie capricieuse, situé sur
le plateau de Cordouan et à
trois kilomètres du phare, s’est
installée une maigre végétation.
Ce constat, fait au printemps
2009, prouvait qu’il n’était plus
recouvert par la mer et que nous
étions donc en présence d’une île.
2. Serge Andron quitte le phare
en 2011, mémoire vivante de
Cordouan mais aussi son meilleur
défenseur, il y aura vécu trente ans.