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Dossier Viabilité hivernale
AUTEURS
Gérard Specklin
Ingénieur technico-commercial
ROCK
Michel Matrat
C. Lheur / CSME
Responsable Environnement
SALINS
Un bel exemple de développement durable dans le domaine des fondants routiers
Expédition par train, depuis le Midi de la France, du sel de mer pour le déneigement
Empreinte environnementale
Influence du mode de production et de transport du sel
de déneigement
Le sel est actuellement produit partout dans le monde selon trois procédés : la méthode agricole pour le sel de mer,
la technique minière pour le sel gemme et le process thermique pour le sel raffiné (aussi appelé sel « igné »). Salins
est le seul groupe européen à produire du sel selon ces trois technologies : sel de mer sur le pourtour du bassin médi-
terranéen avec, en particulier, le salin de Salin de Giraud (Bouches-du-Rhône) pour la production de sel de déneigement, sel
gemme produit en Lorraine à la mine Saint Nicolas à Varangéville (Meurthe-et-Moselle), entièrement destiné au marché du
déneigement, et sel igné produit également à Varangéville et à Dax (Landes). Du fait de l'absence d'utilisation du sel raffiné pour
la viabilité hivernale en France (hormis pour la production de saumure pour la technique dite de la « bouillie de sel »), seuls les
impacts sur l'environnement de la production du sel de mer et de celle du sel gemme sont traités dans cet article. Les termes
« empreinte environnementale » ou « impact sur l'environnement » se réfèrent à la quantité et à la qualité de ressources directes
nécessaires à ces productions, ainsi qu’aux conséquences de ces productions sur l'environnement avec, en particulier, les émissions de gaz à effet de serre (GES).
La production de sel de mer
(saliculture)
Elle est caractérisée par trois aspects
environnementaux significatifs présentant
la particularité exceptionnelle d'être positifs :
• Utilisation d'une ressource minérale
renouvelable
Le sel présent dans la mer est constamment
renouvelé par le jeu des cycles combinés
de l'eau et de l'érosion terrestre.
• Utilisation d'énergies renouvelables
solaire et éolienne
La production de sel de mer est obtenue
en faisant majoritairement appel
aux énergies renouvelables apportées
par le rayonnement solaire et par le vent
pour l'évaporation naturelle de l'eau
de mer et pour la cristallisation
du sel à partir des saumures marines
saturées en chlorure de sodium (NaCl).
• Création de richesses écologiques
La production salinière par Salins occupe
de vastes territoires de zones littorales
humides méditerranéennes et en assure
en permanence la préservation
et la conservation en créant
et en maintenant ces milieux naturels
remarquables pour leur intérêt floristique
et faunistique. Ces espaces ont été
successivement distingués
par les principaux labels attribués
pour la protection de la nature : désignation
comme ZNIEFF (Zone naturelle d'intérêt
écologique, floristique et faunistique),
insertion dans le Parc naturel régional
de Camargue, inscription à l'inventaire
de la Convention de Ramsar, désignation
comme sites Natura 2000 pour l'application
des directives européennes « Oiseaux »
et « Habitats ».
La production de sel gemme
En ce qui concerne la production de sel
de déneigement à partir de techniques
minières, (production de sel gemme),
d'importants progrès ont été réalisés
pour en minimiser l'impact
sur l'environnement.
Son impact écologique est néanmoins réel,
ne serait-ce qu'au niveau de la ressource
exploitée non renouvelable
contrairement au sel de mer,
même si cette ressource est tout à fait
considérable.
L'impact de ce type de production
est beaucoup plus limité que d'autres
productions minières : absence de maladie
professionnelle comme la silicose en mine
de charbon, quasiment pas de terrils,
ni de rejets très impactants.
Son effet est également plus faible
que la production d'une autre évaporite
qu'est le chlorure de potassium
ayant fréquemment généré des pollutions
salines liées au stockage du chlorure
de sodium résiduaire (cas de l'exploitation
historique de la potasse en Alsace,
par exemple).
RGRA | N° 879 • octobre 2009
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Dossier Viabilité hivernale
Sel de mer
Salin d’Aigues-Mortes
Explosif
101
Electricité
203
Electricité
Fioul
390
Propane
13
Gazole
140
Gazole
309
Total
834
Total
424
Deux leviers sont à disposition
pour l'optimisation environnementale
du transport d'un pondéreux :
la distance et le mode de transport.
102
Tableau 1
Emissions de GES liées à la production du sel
en grammes équivalent Carbone par tonne de sel
Le principal poste de consommation
d'énergie pour la production
de sel de mer est l'électricité
pour le pompage des eaux.
Mais du fait du mode de production
de l'électricité en France, en termes
d'émission de GES, c'est la consommation
des carburants (gazole, en particulier)
qui représente le premier poste d'émission.
La production de sel gemme à la mine
de Varangéville est plus consommatrice
en carburants et en électricité que celle
de sel de mer. Le mode d'exploitation
du gisement, à l'aide d'explosifs
(300 g de nitrate-fioul par tonne de sel),
fait qu'au total la production d'une tonne
de sel gemme génère environ deux fois plus
de GES que celle d'une tonne de sel
de mer. Toutes choses égales
par ailleurs, cette même tonne de sel
gemme produite en Allemagne génèrerait
1 873 g d'équivalent carbone
du simple fait du mode de production
de l'électricité dans ce pays,
selon les données de l'Agence
de l'environnement et de la maîtrise
de l'énergie (ADEME) [1].
Distance
L'optimisation économique joue
en faveur de l'écologie : la mine de sel
gemme de Varangéville est idéalement
située au centre d'un important bassin
de consommation de sel de déneigement.
Cela n'est pas le cas des sites de production
de sel de mer ; mais la nécessité d'anticiper
l'approvisionnement du sel est
une opportunité pour utiliser des modes
de transport moins émissifs en termes
de GES, tels que le transport ferroviaire
ou le transport fluvial (photo 1).
Photo 1
Barge de sel de déneigement sur le Rhône,
au déchargement au port de Solaize
Origine
France
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RGRA | N° 879 • octobre 2009
L'influence du mode de transport
sur les émissions de GES est résumée
dans l'encadré « les émissions
des principaux modes de transport »
utilisés actuellement en France
pour l'acheminement des fondants routiers,
toutes origines confondues
(pour le vrac uniquement, représentant
environ 95 % du marché).
A la tonne de sel transportée, les écarts
sont considérables, allant pour le transport
terrestre de 0,4 g de carbone (C) par tonne
et par kilomètre pour un transport
ferroviaire sur une ligne électrifiée,
à 23 g pour un transport par camion
complet (27 tonnes de charge utile),
dans le cas d'un « brouettage »
(rotations sur une relativement
courte distance entre un stock avancé
et un point de livraison, le retour
s'effectuant alors à vide). Dans le cas
du transport fluvial, fluvio-maritime ou maritime,
les écarts sont là aussi considérables.
Importations
Le poste « transports » des fondants utilisés
en France (hors épandage proprement dit)
représente une émission globale
de l'ordre de 5 800 t d'équivalent carbone
(= 21 500 t exprimé en CO2), soit 5,8 kg C /
tonne de sel, pour un hiver « moyen ».
Type de sel
Quantités
(ktonnes)
Emissions par
le transport :
(tonnes de C)
Emissions par
le transport :
(kg C/t de sel)
Sel de mer
300
937
3,1
Sel gemme
300
699
2,3
Sous total
Distance et mode de transport
Deux éléments clés sont à prendre
en compte pour une optimisation
environnementale de l’approvisionnement
en sel de déneigement.
Du fait de son caractère pondéreux
le transport depuis les sites de production
jusqu'à l'utilisateur revêt
Mode de transport
A partir de ces éléments, a été calculé
l'ordre de grandeur des émissions de GES
dans le cas d'un hiver théorique moyen
consommant 1 million de tonnes de sel
sur l'ensemble de la France, en fonction
de l'origine du sel (produit en France
ou importé) et des modes
de transport utilisés. La synthèse
de ce calcul figure dans le tableau 2.
F. Lafaye / CSME©
©
ROCK / G. Specklin
Sel gemme
mine de Varangéville
Salin de Giraud étant situé en bord
du grand Rhône, ce site est en position
idéale pour utiliser la voie d'eau,
permettant de faire remonter, à des coûts
économiquement compétitifs, des barges
de grande capacité (2 000 tonnes)
seules ou en convois de 4 000 tonnes
jusqu'à la région lyonnaise
et même au-delà jusqu'en Bourgogne.
600
1 636
2,7
Sel de mer
200
2 207
11,0
Sel gemme
200
1 911
9,6
400
4 118
10,3
1 000
5 755
5,8
Sous total
Total
Tableau 2
Estimation des émissions de GES par le transport du sel de déneigement (hiver moyen en France)
ROCK / G. Specklin
Si l'on s'intéresse aux émissions de GES
(gaz à effet de serre) directement liées
aux énergies mises en œuvre
pour la production du sel de mer
et du sel gemme (c'est-à-dire sans prendre
en compte les émissions liées
à la construction et à l'entretien des sites
de production, ni celles liées
à la fabrication des matériels
et moyens servant directement
ou indirectement à la production),
de façon non surprenante la production
de sel de mer est nettement moins émissive
que celle du sel gemme (tableau 1).
une importance capitale, tant du point
de vue économique qu'écologique.
La consommation de fondants routiers
étant totalement climato-dépendante
et imprévisible au-delà de 5 jours, implique
qu'il est impossible de se baser sur
une logistique en flux tendu, d'autant plus
qu'en situation de forte demande, le risque
de se trouver face à des conditions
de circulation dégradées est important.
Il est donc indispensable de constituer
des stocks au plus près des lieux
de consommation, aussi bien de la part
de l'utilisateur du fondant (autoroutes,
DIR, conseils généraux, communes, ...)
que du fournisseur.
©
Emissions de GES
Emissions de GES des différents modes de transport
du sel routier en France
Seul le transport du sel en vrac a été pris en compte, car il représente environ 95 % du marché total. Pour
chaque mode de transport (seuls les principaux ont été retenus), est indiquée, à titre d'exemple, l'émission correspondant à un trajet significatif du transport des fondants en France. Ces valeurs sont toutes
exprimées en C et non en CO2. Ce sont des ordres de grandeur pour lesquelles nous n'avons pas indiqué
d'incertitudes. Nous nous sommes basés sur le document de l'ADEME (2007) [1].
Transport routier
Camions semi-remorques de 40 tonnes de poids total autorisé en charge (PTAC), et de 27 tonnes de
charge utile (vrac). Pour du transport « longue distance » (correspondant à des distances supérieures à
une cinquantaine de kilomètres mais sujet à de fortes variations en fonction des régions, des transporteurs, etc.) et un taux de retour à vide de 21 % (moyenne nationale) l'émission moyenne est estimée à
17,4 grammes de carbone par tonne de sel et par kilomètre (g C/t.km).
A titre d'exemple, le transport du sel depuis la mine de Varangéville (54) vers le département des Vosges
représente une émission moyenne de 2,0 kg de C/tonne de sel (distance moyenne de 85 km). Dans le cas
de transport courte distance (brouettage depuis un dépôt avancé), le retour s'effectuant alors en totalité
à vide, l'émission moyenne est estimée à 22,8 g C/t.km.
Transport par fer
Trains complets de 1 200 tonnes de vrac : 2,0 g C/t.km en moyenne, et 0,4 g C/t.km en cas de traction
électrique.
Par exemple, pour un transport de 443 km entre Aigues-Mortes (30) et Riom (63), cela correspond à
l'émission de 0,4 kg de C / tonne de sel.
Transport fluvial
Transport en barge de 2 000 tonnes sur le Rhône et la Saône : 5,7 g C/t.km.
Par exemple, pour un transport de 277 km entre Salin de Giraud (13) et Solaize (69), cela correspond
à l'émission de 1,6 kg de C / tonne de sel.
Transport fluviomaritime
Par bateaux de 1 300 tonnes de charge utile (vrac) : 2,2 kg C par tonne de sel et par 24 heures de navigation.
Par exemple, pour un bateau de sel en provenance de Sardaigne (Italie) et remontant le Rhône
jusqu'à Chalon-sur-Saône, cela correspond à l'émission de 10 kg de C / tonne de sel.
Transport maritime
La réduction des émissions de GES
du transport de fondants routiers
passe donc nécessairement
par le re-développement des expéditions
par train, alors que c'est exactement
le contraire qui s'est produit
depuis une dizaine d'années en France ;
la part de ce mode de transport
étant passée d'environ 20 %
(en tonnage, ramené sur un hiver moyen)
à 5 % en 2008, et cela pour des raisons
uniquement économiques.
Dans le cas des sels importés, l'augmentation
de la taille des navires ne favorise un gain
significatif que pour des gros vraquiers :
ainsi un Handymax (40 000 t) n'émet que
la moitié des GES à la tonne transportée
par jour de navigation par rapport
à ceux d'un tonner de 6 000 t (on gagnera
également un peu sur le temps de navigation).
La réduction des GES dépend aussi
(avant tout ?) de la pondération associée
dans le calcul de la note pour le jugement
des offres de fourniture de fondants routiers.
Cette pondération est à ce jour extrêmement
variable, le poids attribué aux critères
environnementaux ne dépassant
généralement pas 10 %, selon notre analyse
des appels d’offres de fondants routiers.
La marge de progrès potentielle
est énorme : une simulation à partir
du tableau 2, optimisant le mode
de transport et le site de production
dans l'optique de minimiser les GES,
montre qu'il est théoriquement possible
de réduire de près de 80 % les GES ! ■
Par bateaux de 3 000 à 6 000 tonnes de charge utile (vrac) : 1,4 kg C par tonne de sel et par 24 heures
de navigation.
Par exemple, pour un bateau de sel en provenance de Mohammedia au Maroc et déchargeant à Rouen,
cela correspond à l'émission de 7 kg de C / tonne de sel.
Ces données sont des moyennes, donnant lieu à des variations pouvant être importantes, en particulier
en fonction de l'âge du véhicule.
Cette moyenne cache une variabilité
importante : le transport des 300 kt de sel
gemme produits en France (mine
de Varangéville) n'émet que 2,3 kg / tonne
de sel, alors que les importations de sel
de mer émettent près de 5 fois plus
à la tonne de sel transportée.
Ces écarts importants s'expliquent
essentiellement par la distance entre le site
de production et le lieu d'utilisation,
mais aussi par le mode de transport.
Le transport par train, en traction
électrique (en France !), est « champion
toutes catégories » en termes d'émission,
alors que les importations fluviomaritimes,
du fait des bateaux de petite taille utilisés
pour cela, sont fortement émettrices.
Quelles sont les pistes
d'amélioration possibles ?
En termes d'émission de GES liée
aux transports de fondants routiers en France,
les émissions générées par le transport
par train électrique sont tellement faibles
(en France !) qu'elles supplantent
tous les autres modes de transport.
Ainsi, même pour les destinations
les plus éloignées des sites de production,
le remplacement d'une tonne
de sel importé par mer se traduit
par une réduction des émissions
de l'ordre de 20 fois sur le seul
transport primaire (7 à 8 kg C/t de sel
pour le bateau, 0,4 kg pour le train !).
L'écart se creuse encore si l'on ajoute
le « brouettage » terminal (compté
dans les deux cas par camion),
car dans le cas des sels importés par voie
maritime, ce brouettage est en moyenne
plus important qu'à partir d'une gare située
au centre de chaque département.
BIBLIOGRAPHIE
[1] ADEME (2007). Bilan Carbone™ : Guide des facteurs
d'émissions Version 5
RGRA | N° 879 • octobre 2009
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