Règle numéro un : être conscient

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Règle numéro un : être conscient
Entre vous et moi Rémi Tremblay est patron depuis l’âge de 22 ans. Ancien PDG d’Adecco Canada,
il a fondé La Maison des leaders, une firme qui accompagne les leaders et leurs
équipes. Son dernier ouvrage, J’ai perdu ma montre au fond du lac (2009), coécrit
avec Diane Bérard, indique aux gestionnaires la voie de la tranquillité.
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Règle numéro un :
être conscient !
Les premières années que j’ai passées à titre de patron, je
ne me connaissais pas bien. J’étais peu conscient du fait que
mes gestes ne coïncidaient pas avec mes valeurs. Je consacrais
peu de temps à évaluer l’impact de mes décisions sur mon
environnement et j’en reconnaissais rarement
les conséquences.
Avec la réussite, j’obtenais la
preuve de nos bons choix… Pourtant, j’étais inconscient des
impacts collatéraux de mes
décisions. J’étais obnubilé
par la croissance et par
notre objectif de devenir
numéro un.
Le jour où nous avons
atteint ce but, j’ai eu une
réaction tout à fait inattendue. J’ai eu l’impression de heurter un mur.
J’aurais dû avoir envie de
fêter, de célébrer l’atteinte
de cet objectif si cher à mes
yeux. Comme une prise de
conscience, ce choc m’a permis de voir les conséquences de
nos choix : l’insécurité et le choc
des valeurs engendrés par les fusions,
le stress résultant de la pression sur les
ventes et la rentabilité, ma présence trop rare
auprès de ma famille, les coûts environnementaux du nonrecyclage (nous avions d’autres enjeux plus importants), etc.
Je devenais enfin conscient et totalement responsable des
retombées de mes décisions. Ce réveil a été douloureux.
Pourtant, pendant toutes ces années « d’inconscience »,
j’étais passionné, et je me croyais heureux. Je comprends
aujourd’hui ce que mon père voulait dire lorsqu’il affirmait :
« Heureux les creux ». Aujourd’hui, j’ai adapté cette expression : « Heureux les inconscients, car ils ne comprennent pas
ce qu’ils font ».
J’ai donc pu plaider l’inconscience… et me pardonner.
Cependant, on ne peut se permettre d’être inconscient
qu’une seule fois. La conscience éveillée, on ne peut
plus reculer. Nous héritons donc d’une responsabilité
accrue. Ainsi, pour poursuivre ma carrière de leader, je
devais être conscient et continuer d’éveiller encore et encore
cette conscience.
Je comprends aujourd’hui que la
conscience est un choix que je n’avais
pas fait avant, car je n’étais pas prêt
à troquer des gains à court terme
ni à retarder l’atteinte de mon
projet. Cela m’aurait pourtant
évité de souffrir et de tomber
dans la culpabilité au réveil,
cela m’aurait permis de
rester cohérent face à moimême et d’éviter bien des
dégâts. À ma grande surprise, grâce à cette nouvelle lucidité, la croissance
s’est avérée encore plus
grande et plus durable.
J’ai également compris
que je devais m’entourer de
personnes plus conscientes que
moi, car la fougue et le rythme qui
me caractérisent me pousseraient
encore à agir trop vite sans mesurer les
impacts de mes choix. Aujourd’hui, la
conscience est devenue un critère de sélection pour
nos employés et une exigence pour la délégation du pouvoir.
J’ai longtemps pensé qu’il fallait des leaders visionnaires,
compétents, brillants, de grands guerriers pour développer
nos marchés… Mais je sais maintenant que nous avons
avant tout besoin de leaders conscients, qui visent le bien
commun et qui sont capables de prévoir les conséquences
de leurs choix en terme de bonheur et de souffrance pour le
plus grand nombre. C’est le type de leaders qu’on doit élire
et soutenir.
Et vous, pensez-vous que votre conscience est éveillée ?
Êtes-vous prêt à ajouter la conscience à vos critères
d’embauche ?
Illustrations : Martin Gagnon (R. Tremblay), Sébastien Thibault