HAMBURGER Jean Entretien avec Jean Hamburger, président de l
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HAMBURGER Jean Entretien avec Jean Hamburger, président de l
HAMBURGER Jean Entretien avec Jean Hamburger, président de l'Académie des Sciences, février 1991 De février 1991 Interviewer : Noelli de Luna L’Académie des sciences : plus jeune et plus efficace Entretien avec le nouveau président, le Pr Jean Hamburger Le Quotidien du médecin, lundi 18 février 1991 C’est un médecin qui préside désormais l’Académie des sciences. Longtemps, les hommes de sciences ont pensé que la médecine n’avait pas assez de rigueur pour être élevée au rang de discipline scientifique. La récente élection du Pr Jean Hamburger à la plus haute responsabilité de la compagnie créée par louis XIV montre que les temps ont changé. Le nouveau président explique au « Quotidien » l’influence croissante de l’Académie dans les affaires scientifiques et techniques du pays. QM - Pouvez-vous définir la mission de l’Académie des sciences ? Pr J H - Quand l’Académie royale des sciences fut créée le 22 décembre 1666, Louis XIV lui fit savoir qu ‘elle aurait à aider ses ministres à prendre des décisions « promptes et utiles ». Cela reste encore aujourd’hui la principale mission de l’Académie. Ainsi, nos gouvernants nous ont demandé, dans les toutes dernières années, plusieurs dizaines de rapports sur des sujets aussi divers que le programme européen de recherches spatiales, les sciences mécaniques et l’avenir industriel de la France, le génie génétique, l’effet de serre, les applications de l’informatique à la médecine, les problèmes de l’éducation et bien d’autres. On peut dire que l’Académie des sciences a une fonction d ‘expertise, de conseil et de vigilance. 126 membres dont 15 en médecine L’Académie des sciences compte 13 membres dans la section de mathématique, 36 dans les sections de physique et de sciences mécaniques et informatique, 18 dans celle des sciences de l’univers, 11 en chimie, 15 en biologie cellulaire et moléculaire, 18 en biologie animale et végétale, enfin, 15 dans la section de biologie humaine et sciences médicales. Il y a, en outre, 120 associés étrangers choisis parmi les savants les plus éminents de 16 pays différents. Et aussi des correspondants français, dont le nombre ne peut dépasser 180. Parmi ceux-ci, plus d’une douzaine de médecins. Pour répondre à cette tâche, l’Académie s’est profondément transformée depuis quelques années. D’abord, elle s’est rajeunie : les règles actuelles d’élection exigent qu‘au moins la moitié des membres nouvellement élus aient moins de 60 ans et même, dans certains cas, moins de 55 ans. En 1982, nous avons élu le mathématicien Alain Connes, alors qu‘il était âgé de 34 ans. L’arrivée d’un plus grand nombre d’hommes jeunes, en pleine activité scientifique, a donné à l’Académie des forces nouvelles. D’autre part, nous avons considérablement étendu notre champ de réflexion à un domaine qui nous paraît essentiel aujourd’hui : celui des applications de la science. QM - Vous avez créé, je crois, un comité des applications de l’Académie des sciences ? Pr J H - Oui. Nous l’appelons familièrement le CADAS. Il fêtera l’an prochain son dixième anniversaire. Il est formé pour moitié de membres ou correspondants de l’Académie et pour moitié des meilleurs ingénieurs, agronomes, géologues, biologistes, médecins, économistes de notre pays. Son efficacité est grande, parce que jamais l’application des progrès de la science n’a soulevé autant de problèmes graves, moraux, techniques, industriels, économiques, politiques. Le CADAS a déjà adressé aux autorités gouvernementales un grand nombre de rapports et de recommandations. QM - Je crois que ce n’est pas le seul comité de l’Académie ? Pr J H - Vous avez raison. Nous avons, par exemple, un comité de l’environnement, un comité de la recherche spatiale, un comité d’histoire des sciences, un comité de philosophie des sciences. Un comité de défense des droits de l’homme de science (CODHOS) a permis d’exercer une pression efficace sur des gouvernements étrangers qui retenaient abusivement des savants en prison ou en résidence surveillée. Le comité français des unions scientifiques internationales (COFUSI) et la délégation aux relations internationales (DRI) assurent une liaison très active avec les groupements scientifiques du monde entier. L ‘Académie compte encore d’autres comités ou commissions. Elle est devenue aujourd’hui une institution capable d’intervenir avec une efficacité croissante dans la conduite des affaires scientifiques et techniques de la France. QM - Apportez-vous une aide aux chercheurs ? Pr J H – Oui, nous attribuons chaque année des prix, récompenses, bourses et fonds d’assistance aux chercheurs scientifiques français ou étrangers. Quatre de nos grands prix annuels attribués grâce à de généreuses fondations dépassent chacun 250 000 F. QM - Un mot peut-être sur les séances, colloques, publications de l’Académie ? Pr J H - Il y a une séance publique tous les lundis à 15 heures. L ‘un de nos membres ou une personnalité extérieure présente un exposé, suivi d’un débat, sur une question scientifique ou technique de grande actualité. L‘Académie organise également d’importants colloques internationaux : l’an passé, nous avons invité 35 des plus grands savants étrangers, venus à Paris de seize pays différents, pour débattre de l’avenir de la science ; les actes de ce colloque vont incessamment paraître. Les Comptes rendus de l’Académie des sciences, par leur bilinguisme (français et anglais), ont acquis un très haut renom international et, grâce à eux, l’Académie est au premier rang de la lutte des savants francophones pour la survie de leur langue dans un monde qui tend à devenir totalement anglophone. Nous publions également « La vie des sciences», rassemblant des exposés de synthèse, des prises de position sur des questions de politique scientifique et des textes d’histoire et de philosophie des sciences. QM - L’administration d’une académie chargée de tant de responsabilités ne doit pas être une petite affaire ! Pr J H - Certes. Les difficultés ne manquent pas. Nous avons encore bien besoin d’affermir nos moyens de travail et d’action. Avec les autres membres du bureau, je compte m’ y consacrer, animé par l’ardeur que me donnent un attachement très fort à cette grande institution et la certitude qu ‘elle jouera un rôle des plus importants dans les temps périlleux qu‘aborde aujourd’hui notre pays. Propos recueillis Par le Dr Noelli de Luna