Maupassant, La Parure : quelques pistes / compléments au cours
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Maupassant, La Parure : quelques pistes / compléments au cours
Maupassant, La Parure : quelques pistes / compléments au cours Incipit de la nouvelle = moment clé où tout se joue : ton de la nouvelle, amorce de l'intrigue (de l'action), statut du narrateur par rapport au personnage... Questions à se poser / problématique : dans quelle mesure le RECIT est un moyen d'argumenter indirectement, de pousser le lecteur à discerner un problème dans le personnage qu'on met en jeu. → Le personnage comme reflet d'un mécanisme (individuel, social...) qu'on cherche à mettre en évidence (Cf exposés sur le réalisme et le naturalisme)... → des procédés narratifs propres à l'argumentation par le récit... Mouvement du texte : §1 : présentation immédiate du personnage / de sa situation modeste + mariage §2 : son malheur / thèse sexiste : les femmes n'ont pas d'autre classe sociale que leur grâce ou leur charme, quelle que soit leur classe sociale. LA DISTINCTION §3 : ce à quoi rêve la jeune fille... : rêves d'apparat §4 : la triste réalité §5 : introduction du problème : l'absence de parure §6 : nouvel élément pour l'intrigue + mise en évidence de son envie. Quelques remarques au fil du texte 1er § L’univers du conte : présentatif initial à l'imparfait (« C'était ») → une réécriture de Cendrillon (pour l'évocation de la misère) et/ou de la belle au bois dormant (l'erreur du destin...), mais dans une optique critique = pastiche à visée critique. Comparaison : « comme par une erreur du destin » → notion de tragique + ironie : paroles rapportée ? Point de vue : pensées du personnage ou du narrateur ? C'est le personnage qui se voit comme un personnage de conte de fées, ou c'est le narrateur qui le voit ainsi ? Sorte de cohésion dans le ton... On suggère en tout cas son point de vue à elle... Voir infra... L’insistance sur le personnage en tant que représentant d’une catégorie à travers la combinaison du pronom + groupe prépositionnel avec adjectif démonstratif : « une de ces… ». Distanciation immédiate : elles nous sont supposées connues, ces « charmantes filles » = désigne d'emblée une CATÉGORIE de personne, pas le personnage en particulier. Mise en évidence de la fausseté de son jugement : affaire de « destin », alors qu’elle se « laiss[e] marier » = fatalisme inconscient... cette opposition entre ses aspirations et la réalité de sa vie doublement soulignée : point virgule (qui souligne le fait qu'on établit une corrélation entre les deux phrases), : « et elle se laissa marier »... conjonction « et » qui souligne à la fois la succession temporelle et la conséquence + l'opposition (et malgré tout...). Opposition marquée aussi dans le 1er paragraphe entre le début (monde féérique) et la fin (triste réalité) : met en évidence les deux extrêmes entre lesquels elle évolue sans parvenir à les concilier... Procédés liés au point de vue : focalisation interne qui donne à voir la façon de penser de Mme Loisel : • associations (dot → espérance) qui montrent qu’elle tient l’argent comme la clé de tout espoir social. • Gradation lourde de sens : connue → comprise → aimée → épousée par un homme riche et distingué : la dimension intime du mariage est « encadrée » par des préoccupations d'ordre social... Cela met en évidence sa conception du mariage comme occasion d’être socialement distinguée ou vue = exister comme un être de rang supérieur dans le regard d’autrui = jouir du prestige = préférence donnée à l'apparence plutôt qu'à l'essence. • Effets accumulatifs des négations (pas de dot, pas d'espérances, aucun moyen...) qui traduisent à la fois la frustration du personnage et son accablement. ==> la thématique « naturaliste » semble donc déjà se révéler dès ce 1er § : cette jeune bourgeoise, illustration d'une catégorie sociale frustrée, souffre d'envie. Elle rêve d'être « distinguée », d'être « à part », d'être un objet de convoitise. Le personnage se berce d’illusions et subit son sort comme un « destin », sans prendre conscience des progrès réels qu'il devrait faire pour évoluer : détermination de la classe sociale ? Dès le départ, les illusions que se fait le personnage apparaissent comme une donnée qui le constitue. 2e § Un narrateur omniscient et juge... Opposition avec la (probable) focalisation interne dans le 2e paragraphe où le narrateur omniscient exprime son point de vue (sexiste) sur ce qui est supposé constituer une hiérarchie propre aux femmes : la grâce, la beauté, ll'instinct d'élégance... En gros la « distinction » non pas comme donnée sociale, mais comme capacité innée, naturelle, qui serait propre aux femmes et rien qu'à elle. Présent de vérité générale, et pseudo-vérités à l'emporte-pièce... Le narrateur n'est donc pas du tout dans une posture empathique par rapport à son personnage, mais dans celle d'un jugement. Les rêves d'élévation de la jeune femme n'en paraissent que plus illusoires : pour être distinguée (à la fois au sens passif et au sens actif : remarquée / capable de se distinguer des autres), d'après ce narrateur (ne pas oublier que la nouvelle paraît aussi dans un journal, où l'on véhicule les préjugés du temps), il lui faudrait non pas un mari riche, mais un travail sur sa (supposée) féminité. On retrouve la question de l'apparence / l'être (ou l'essence). 3e § Champ lexical de la souffrance, mais une souffrance que le personnage semble attribuer, comme une victime, au monde extérieur à lui et non pas à lui-même, comme si le personnage était dans son bon droit : « souffrait sans cesse » l. 1, « souffrait » l. 2... « torturaient » l. 13 « indignaient » « regrets » Dans le même temps, effets d'accumulation et de reprises qui renforcent l'idée qu'on perçoit l'accablement du point de vue du personnage lui-même : • Reprise de « souffrait » (on peut même y voir une amorce de discours indirect libre) • Déterminant « tout » : « toutes les délicatesses », « tous les luxes » = insistance sur l'envie, la tentation. • énumération : de la pauvreté / de la misère / de l'usure / de la laideur Le narrateur maintient la distance : • 1e phrase : « se sentant » née : modalisation d'une distance du narrateur. • Proposition subordonnée relative : « dont une autre femme de sa caste ne se serait même pas aperçue » qui signale explicitement l'erreur de jugement du personnage... Parallélismes : regrets nom pl. = adj ==> désolés p. passé LA RÉALITÉ petite adj antéposé Bretonne N / / rêves nom pl. = adj / LE RÊVE / humble adj antéposé éperdus p. passé ménage N ==> on voit qu'elle ne fait pas elle-même le ménage, mais on voit aussi que son ménage est « humble » : traduction concrète de sa situation de supériorité relative + de frustration. Hypallage : l'adjectif « humble », qui traduit la modestie, aurait pu s'appliquer à la petite Bretonne... Point de vue interne : développement d'une rêverie fascinée pour les objets de luxe à partir de la l. 15, introduite par « elle songeait »... Répétition de « elle songeait », strictement parallèle à « elle souffrait ». Pas un seul élément du décor imaginaire qui ne soit pas expansé : valeur d'usage / valeur d'échange... On pourrait opposer élément par élément chaque partie du paragraphe, l'un renvoyant à l'autre. Cadre strictement matériel de ses rêves : ses ambitions ne vont pas au-delà de son logement et de ce qu'il contient. Son rêve de luxe n'est qu'un prolongement de cet « intérieur », mais sublimé. Univers de « salon » du XVIIIe, animé par une femme célèbre... + orientalisme : étoffes, tentures... Univers onirique : pièces multiples « salons », toutes au pluriel // château de conte de fées. Confort : chaleur, parfum Décor ancien ≃ château de conte de fées : tentures, torchères Dimension éminemment sociale : le superlatif « les plus » intimes suppose une rigoureuse sélection, un jeu social plus ou moins sincère / hypocrite. Hommes « connus et recherchés » → évoque les célèbres salons fréquentés par les Lumières au XVIIIe. Relative finale qui traduit la revanche du rêve sur la réalité : « dont toutes les femmes envient... » = projection de sa propre envie, mise en abyme de sa propre situation... §4 : la féerie VS le prosaïsme du mari Même jeu d'oppositions entre réalité et rêve. Eléments banaux, triviaux : soupière, nappe de 3 jours, bonheurs simples mais un peu vulgaires du mari (manger) pot-au-feu VS chair rose d'une truite ou ailes de gélinotte. Énumération // progression du désir... Une seule phrase qui met en place la continuité de la rêverie // point de vue interne : on s'échappe de la réalité dans un seul mouvement, qui traduit la rêverie du personnage. Dimension érotique : « galanteries chuchotées », « sourire de sphinx » = initiée aux mystères, aux secrets qui ne s'avouent pas // univers des romans libertins du XVIIIe (Ex. Laclos) + plaisirs sensuels, mais d'une catégorie supérieure : manger, se séduire... §5. Enumération de négations à nouveau, révélant ce qu'elle convoite : toilettes, bijoux, « rien », proche d'un discours rapporté // focalisation interne. Pronom indéfini qui marque l'absolu, donc la distrosion de son jugement : elle estime n'avoir rien, alors qu'elle a une vie confortable... Restriction : elle n'aimait que cela : narrateur toujours aussi ironique. Eût aimé : subjonctif plus que parfait = souligne que c'est irréel et souhaité en même temps. Gradation : Plaire → être enviée → être séduisante → recherchée... : dépendance totale à autrui, elle n'existe en rien par elle-même, mais uniquement dans le regard d'autrui (plaire à autrui, être enviée par autrui, être séduisante pour autrui, être recherchée par autrui). Dimension symbolique du bijou : représente la parure (Cf le titre) : l'apparat ? N'être intérieurement rien, mais afficher une apparence de mystère... §6 : l'impossible amitié Introduction d'un élément d'intrigue : un nouveau personnage... Associé à l'envie + hyperboles (chagrin tellement exagéré qu'il en devient ridicule pour le lecteur : pourquoi un tel attachement au prestige ?) Souligne l'égalité d'éducation (le couvent pour toutes les deux...), et l'inégalité de statut : on devine que ce qui distingue l'amie de Mme Loisel aux yeux du lecteur, c'est précisément sa « souplesse d'esprit »... Tandis que Mme Loisel, à travers toutes ces oppositions dans le texte, se révèle dans son simplisme et son matérialisme. Cl : la détresse du personnage est certes pathétique, mais le lecteur n'est pas explicitement invité à faire preuve d'empathie. On le pousse davantage vers une prise de conscience, une distance critique : dimension didactique plutôt, voire franchement satirique. Le personnage comme illustration d'une observation sur les déterminations sociales : matérialisme, absence de vie spirituelle, envie et jalousie... → dimension « naturaliste ».