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Tribunes
INSTITUT DU LEADERSHIP BPI group
Mars 2012
Le leadership a-t-il un avenir ?
Le développement des modèles de leadership
Michel Bré – Coach chez Leroy Dirigeants
Dans cette seconde partie, Michel Bré présente l’évolution de différents courants
de pensée qui, des origines du XXème siècle aux années 70, ont conduit à la
formulation de modèles de leadership bien connus des entreprises (Blake &
Mouton, management situationnel...). Durant cette période, la prise de conscience
s’est faite peu à peu que le management n’était pas une science exacte, comme
on aurait aimé le croire initialement avec Taylor, mais que devant les évolutions
des organisations, des modalités de la production et des mentalités, le manager
devait adapter ses façons de faire aux situations et aux particularités humaines des
équipes.
juillet 2010
L’idée qu’il y ait des connaissances requises pour la direction des entreprises est apparue
très tôt au début du XXème siècle. A l’initiative du Darthmouth College, New Hampshire,
fut créé le premier diplôme de management (graduate school of management) en 1900. En
France, c’est en particulier sous l’impulsion d’Henry Fayol, qui publie en 1916 Administration
industrielle et générale – Prévoyance, Organisation, Commandement, Coordination et
Contrôle, qu’une prise de conscience s’opère sur la nécessité de former les futurs dirigeants.
1900 – 1932 : De la formation des dirigeants à la
prise en compte du facteur humain
Bernard Girard propose l’hypothèse, dans Une histoire du management en France de 1800 à
1940, que cette prise de conscience s’inscrit dans le contexte historique d’un malaise profond
de l’autorité relevée par de nombreux dirigeants de cette époque, ainsi qu’en sociologie, par
Emile Durkheim. Ce malaise trouve sa source dans la défaite de 1870, dans le renforcement
des luttes ouvrières et de leurs organisations, dans le renouvellement de la composition
sociale de l’encadrement et dans l’inadaptation des méthodes de commandement dans des
entreprises dont l’organisation se complexifie progressivement.
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L’intérêt de cette analyse est de souligner les relations souvent occultées entre l’état
de la société et les pratiques de leadership. La plupart du temps en effet, la demande
en compétences de leadership est exprimée par les entreprises en termes d’efficacité
managériale immédiate et d’acquisition des fameux « basiques » et perd ainsi de vue que
le leadership reste un art. Comme tout art, il s’inscrit dans les visions et la culture de son
temps. Déjà Fayol recommandait aux dirigeants d’acquérir une large culture générale. A
notre époque incomparablement plus complexe, les exigences de l’hyper efficacité ne
devraient pas nous faire oublier que pour penser celle-ci, la curiosité et la culture demeurent
des moyens incontournables.
Jusque dans les années trente, la pensée managériale dominante est que le management
consiste à mettre en place des solutions techniques qui, par le seul fait de leur rigueur
méthodologique, répondent aux exigences de la productivité. Cela ne signifiait pas que les
dirigeants et les ingénieurs étaient aveugles au facteur humain. Grèves, absentéisme, faible
motivation du personnel, défauts de qualité, n’étaient pas absents de leurs préoccupations.
Mais ces phénomènes étaient compris comme des dysfonctionnements, des illogismes.
Les personnels d’exécution, socialement contrôlés par une stricte organisation hiérarchique,
étaient sensés ne pas avoir d’alternative rationnelle que de se plier à une organisation du
travail conçue selon des principes réputés scientifiques, parce qu’explicités, logiques et
mesurables.
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Michel Bré
Coach chez Leroy Dirigeants
depuis 2008. Une expérience de
plus de 25 années dans différents
secteurs de l’industrie et des
services passées à participer à
des projets de transformation ou
à les diriger. Auteur d’un blog sur
l’identité professionnelle. http://
www.michelbre.fr/
Diplômé en psychologie sociale
de l’Université Paris V.
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INSTITUT DU LEADERSHIP BPI group - Le leadership a-t-il un avenir ? chapitre 2 - avril 2012
C’est le concours presque fortuit des interrogations d’ingénieurs sur l’inefficacité relatives
de leurs méthodes d’amélioration de la productivité et le questionnement de chercheurs
en sciences sociales venus de la psychologie, de la psychanalyse et de la philosophie, qui
a ouvert une nouvelle voie, plus tard connue sous le nom d’Ecole des relations humaines.
Appelés entre 1923 et 1932 pour conduire en entreprise des recherches sur les facteurs
responsables des baisses de productivité, Elton Mayo et ses associés conduisent des
expériences qui ont ouvert des perspectives inattendues.
Peu à peu en effet, les résultats ont mis en évidence que l’organisation technique du travail
et les aptitudes des ouvriers/ères ne rendaient pas compte à elles seules des variations de
productivité. Des facteurs psychosociologiques entraient en jeu, telles que la composition
des groupes, l’existence de règles informelles internes à ceux-ci, la prise en considération
par l’encadrement des besoins des équipes.
Le leadership comme trait de la personnalité
Tandis que de nouveaux champs de recherches et de nouvelles représentations du
management vont ainsi voir le jour, portant sur l’environnement des conditions de travail, la
motivation des salariés et les modalités de management, d’autres courants de pensée vont
s’investir dans l’identification des traits propres au leader.
Quoi de plus intuitif en effet, que de s’imaginer que le leader se distingue des autres par des
traits de personnalité spécifiques ? A partir de la fin du XIXème siècle, le développement
des outils statistiques permet à la psychologie de se dégager des spéculations idéologiques
sur le leadership et de formuler des hypothèses sur les caractères récurrents de ce dernier.
Cette approche a été notamment développée dans le cadre de ce qu’il est convenu d’appeler
la Théorie des Traits. Sans entrer ici dans les détails, il est possible de définir un Trait comme
la propension d’une personne à agir d’une certaine manière dans toutes sortes de situations.
Ainsi par exemple, selon Zaccaro, Kemp et Bader (2004), le leadership se révèlerait au travers
d’une personnalité extravertie, motivée, dotée de capacités intellectuelles, de conscience
professionnelle, de stabilité émotionnelle, d’intelligence sociale, etc.
Pour découvrir ces Traits, les chercheurs procèdent à des analyses de données issues de
questionnaires dans lesquels il est demandé aux personnes interrogées de décrire leurs
comportements. Les corrélations statistiques entre les réponses permettent à leur tour de
faire l’hypothèse de facteurs psychiques sous-jacents qui en rendraient compte. Les Traits
sont déduits de ces hypothèses.
Néanmoins, les résultats obtenus à ce jour ne vont pas sans poser de problèmes. Dès
1948, Ralph M. Stogdill, reprenant les études réalisées depuis le début du siècle, aboutit
à la conclusion qu’il existe bien des traits de personnalité fréquemment associés aux
leaders, mais qu’ils n’ont pas de valeur prédictive sur les comportements. En dépit de très
nombreuses recherches depuis, aucune démonstration contraire n’a pu être véritablement
apportée.
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Comme le soulignent de nombreux auteurs (Lawrence A. Pervin - Personality, Theory and
Research -1993, 6ème éd. ; Peter Northouse -Leadership -2010 – 5ème éd), les recherches
ne parviennent pas à aboutir une liste claire des traits spécifiques au leadership. Tout au
contraire, elles continuent sans fin d’en créer de nouveaux.
L’origine de cette situation remonte sans doute au cadre conceptuel général dans lequel la
démarche a été conçue. L’un de ses initiateurs les plus célèbres, Gordon W. Allport, rapporte
qu’à l’occasion d’une rencontre avec Sigmund Freud, il fut interloqué (flabbergasted)
par la propension de Freud à rechercher des significations sous-jacentes inconscientes
aux évènements de la vie quotidienne les plus banals. Allport en tira la conclusion que
la psychologie des profondeurs allait trop loin et que les psychologues gagneraient à se
concentrer sur les comportements manifestes.
En faisant l’impasse de la dimension symbolique pour se concentrer sur le comportement, la
recherche allait pouvoir répondre aux exigences scientifiques du mesurable, sans trop savoir
cependant ce qu’elle mesurait, et se privait de comprendre la construction du sujet dans les
organisations.
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INSTITUT DU LEADERSHIP BPI group - Le leadership a-t-il un avenir ? chapitre 2 - avril 2012
Le leadership comme comportement
Curieusement, la notion de style de leadership n’est pas issue d’études réalisées en
entreprise ou dans le champ politique, mais d’expériences menées sur des groupes
d’enfants. Kurt Lewin publie en 1939 avec R. Lippitt et R. K. White dans Journal of Social
Psychology, une étude sur les effets du climat induit par les comportements des adultes
sur l’activité et l’agressivité des enfants. Les résultats laissent à penser que les groupes
d’enfants animés par des adultes au style democratic, c’est-à-dire qui encourage à la prise
de décision, produisent davantage d’interactions internes, obtiennent de meilleurs résultats
aux exercices et sont moins agressifs que dans les cas de deux autres climats : autocratic et
laisser-faire. En 1948, Lester Coch et John R.P. French expérimentent pour la première fois
en entreprise cette hypothèse.
D’autres recherches vont s’attacher à cerner les facteurs de la motivation des salariés.
Abraham H. Maslow, en 1954, énonce que la réalisation de soi passe par la satisfaction
successive de cinq types de besoins. Cette hiérarchisation a fait depuis l’objet de très
nombreuses critiques, tant théoriques qu’empiriques. Ainsi, par exemple, un besoin peut
évoluer en se transformant ou demeurer latent dès lors qu’il a été satisfait, et de nombreuses
situations illustrent qu’un besoin supérieur peut se manifester simultanément à la non
satisfaction d’un besoin inférieur.
Frederick Herzberg s’est rendu célèbre en distinguant facteurs d’insatisfaction liés aux
mauvaises conditions de travail, et facteurs de satisfaction en relation avec l’intérêt pour le
travail (The motivation to work – 1959). Douglas McGregor met en évidence l’existence, chez
les managers, de préjugés quant aux capacités des individus en général à trouver de l’intérêt
dans le travail (The human side of enterprise -1960), ce qui naturellement n’est pas sans effet
sur la responsabilisation des salariés. Le Tavistock Institute of Human Relations, fondé en
1947, démontre le caractère systémique des relations entre les dimensions techniques et
sociales des organisations des entreprises.
Le contexte est donc à la remise en cause des certitudes tayloriennes. A cette occasion,
deux approches vont s’entrecroiser et se nourrir mutuellement. L’une cherche à identifier
des dimensions qui sous-tendraient les comportements du leader ; l’autre consiste à bâtir
des grilles de lecture qui proposent au manager des styles de leadership à adopter dans
l’exercice de ses fonctions, avec leurs avantages et leurs inconvénients.
Les deux notions sont souvent employées l’une pour l’autre. Leurs constructions n’en
sont pas moins très différentes. Une dimension explicite un comportement caractéristique
du leadership. Peu importe dans ce cas, si ce comportement est un trait attaché à la
personnalité du leader comme il en allait pour la théorie des Traits. Une dimension suppose
une graduation des comportements sur un axe relatif au thème abordé. Ainsi par exemple,
la dimension Autorité peut-elle s’étendre du moins d’autorité possible avec le laisser-faire, à
un niveau où toute initiative serait bannie par le manager.
Tannenbaum et Schmidt ont avancé (1958) qu’une seule dimension, la dimension
Participation, était suffisante pour décrire tous les comportements de leadership. D’autres
chercheurs, notamment issus de l’Université d’Ohio, ont distingué dans les années 50 deux
dimensions, l’une en rapport avec le pouvoir d’organisation (Initiating structure), l’autre avec
l’attention portée aux subordonnés (Consideration). D’autres modèles encore se distinguent
par un nombre plus élevé de dimensions, généralement trois, quatre ou cinq.
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L’environnement des entreprises ne cessant de se complexifier, la tendance contemporaine
est à la définition de nouvelles dimensions à leur tour d’une plus grande complexité. Ainsi, un
programme d’enseignement d’une université américaine définit-il en 2007 les dimensions d’un
Méta-Leaderhip pour méta-leaders, c’est-à-dire un leadership de leaders de leaders. Dans
l’une de ces dimensions, le méta-leader, capable d’étendre son influence sur de très vastes
ensembles, manifeste l’aptitude à diriger la coordination de nombreuses organisations, par
ailleurs indépendantes, en vue d’une finalité commune. En cette période électorale, nous
pourrions avancer que la fonction de Président de la République est celle d’un méta-leader.
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INSTITUT DU LEADERSHIP BPI group - Le leadership a-t-il un avenir ? chapitre 2 - avril 2012
Les styles de leadership
Prenant appui sur ces dimensions, des chercheurs et des consultants se sont efforcés de
définir des styles de leadership. Un style est ici une façon de faire, d’organiser son rapport
aux autres. Selon que le style de leadership s’appuie sur une seule dimension ou plusieurs,
il indiquera la position du manager sur ces différents continuum. Dans le cas d’un style de
leadership construit sur plusieurs dimensions, le manager pourra être plutôt fort dans une
dimension et plus faible sur une autre.
Rensis Likert élabore un modèle composé de quatre styles de leadership : autocrate
exploiteur, autocrate paternaliste, consultatif et participatif (New patterns of management –
1961), d’où il ressort que les équipes les plus performantes sont conduites par des leaders
qui s’entourent d’un climat de confiance, de respect mutuel et qui associent leur équipe à la
définition des objectifs.
Blake et Mouton, sans doute parmi les auteurs les plus connus des entreprises, partent de
deux dimensions : l’intérêt pour la production et celui pour le facteur humain. Ils aboutissent
en 1964 à une grille composée de cinq styles de leadership : l’anémique, le social, l’autocrate,
l’intermédiaire et l’intégrateur.
Paul Hersey et Kenneth Blanchard, auteurs du leadership dit situationnel (1977), distinguent à
leur tour quatre styles de leadership : directif, persuasif, participatif et persuasif. Ils complètent
les modèles précédents par une prise en compte de la maturité des subordonnés subdivisée
en quatre niveaux et par la nécessité pour le manager de s’adapter en conséquence pour
adopter le style de leadership le plus efficace.
Avec le recul, les styles de leadership apparaissent comme une tentative d’apporter aux
managers des modes d’emploi simples à une situation qui ne fait que se complexifier
pour des motifs multiples : transformations du salariat, de ses modes de vie et de ses
aspirations, transformations des organisations et des processus de décision, transformations
technologiques avec l’arrivée de l’informatique, de l’automatisation et du microprocesseur,
transformations des marchés avec la fin des trente glorieuses, la financiarisation de
l’économie et les débuts d’une nouvelle donne géopolitique majeure.
Dans la troisième partie de cet article, nous envisagerons comment les termes d’une crise
du leadership sont en train de s’accumuler.
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Michel Bré
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L’Institut du Leadership est le think tank créé en 2009 par BPI group.
Espace de réflexion, d’échange et d’innovation, de débats d’idées
autour de trois domaines d’expertises : le leadership, le management
des hommes, la gouvernance des organisations.
L’institut du Leadership vise à :
ff contribuer au développement de l’innovation du management ;
ff capitaliser et promouvoir les meilleures pratiques en matière de
management des hommes, des organisations et des modes de
leadership ;
ff aider les dirigeants et les managers à appréhender l’évolution de
leur environnement.
Premier groupe indépendant de conseil en ressources humaines,
management et organisation.
Des consultants partout dans le monde pour qui la réussite des
entreprises et des organisations est indissociable de la réussite des
hommes et des femmes qui les font vivre.
BPI group intervient aux côtés des dirigeants de l’entreprise ou des
adminitrations publiques sur toutes les stratégies de changement
d’organisation, de management, d’emploi.
Les consultants de BPI group partagent les mêmes valeurs partout
dans le monde, leurs pratiques s’enrichissent d’expériences et savoirfaire qui ne connaissent pas de frontières, leurs services sont toujours
adaptés au contexte local et à la réalité spécifique de chacun de leurs
clients, individuel ou entreprise.
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