Numéro 109 - Si l`appel d`offres tourne mal, vers qui vous

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Numéro 109 - Si l`appel d`offres tourne mal, vers qui vous
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Bulletin
Bulletin no 109
Novembre 2005
Information Prévention
Architectes et ingénieurs
Assurance responsabilité professionnelle
Si l’appel d’offres tourne mal, vers
qui vous tournerez-vous?
contrats distincts : le contrat A et le contrat B. Le
contrat A, aussi appelé « contrat de soumission »,
régit la façon dont l’appel d’offres doit se dérouler.
Quant au contrat B, il s’agit du contrat portant sur
la façon dont les travaux de construction visés par
la soumission seront effectués.
par John Singleton, c.r.
Singleton Urquhart LLP
Programme parrainé par
On a beaucoup écrit sur les règles de droit régissant
les appels d’offres au cours des 25 dernières années,
depuis la décision rendue dans l’affaire Ron
Engineering1, qui a donné lieu à un grand nombre de
causes dans lesquelles on interprétait les documents
d’appel d’offres et on précisait ce qui peut et ne peut
être fait dans le cadre du processus d’appel d’offres. Il
est essentiel que les architectes et ingénieurs aient
une bonne connaissance pratique de l’évolution des
règles de droit régissant les appels d’offres, et tout
aussi essentiel qu’ils sachent que lorsqu’un problème
survient au cours du processus d’appel d’offres, ils
doivent, tout comme leurs clients, se tourner vers des
avocats, plutôt que vers d’autres architectes et
ingénieurs, pour obtenir des conseils et de
l’assistance.
Le présent bulletin donne un bref aperçu de
l’évolution des règles de droit dans ce domaine et
présente certaines des règles les plus importantes que
les architectes et ingénieurs responsables de la
préparation des documents d’appel d’offres, ou de
leur évaluation, devraient connaître.
A.
La présente publication est destinée
à un usage informatif seulement.
Elle ne doit pas être utilisée comme
s’il s’agissait d’un conseil ou d’une
opinion juridique sur des
circonstances ou des faits en
particulier.
Le modèle des deux contrats
Dans l’arrêt Ron Engineering, la Cour suprême
du Canada introduisait le modèle des « deux
contrats » dans les règles de droit régissant les
appels d’offres. Selon ce modèle, le processus
d’appel d’offres consiste en la formation de deux
1
Les instructions aux soumissionnaires et le
formulaire de soumission établissent les modalités
et conditions précises du contrat A. Une des
modalités du contrat A crée une obligation selon
laquelle le soumissionnaire est tenu
contractuellement de passer le contrat de
construction, soit le contrat B, si le propriétaire
accepte sa soumission. En outre, le contrat A est
résilié dans les cas où le propriétaire 1) conclut le
contrat de construction avec un autre
soumissionnaire; 2) rejette la totalité des
soumissions; ou 3) lorsque la période
d’irrévocabilité des soumissions (le cas échéant)
expire.
B.
L’importance des conditions d’appel d’offres :
les règles du jeu
La source principale des modalités explicites du
contrat de soumission réside dans les instructions
données aux soumissionnaires. En règle générale,
ce document renferme les modalités
fondamentales de l’appel d’offres, y compris
quant à l’irrévocabilité de la soumission, au
moment où l’appel d’offres prend fin, au pouvoir
du propriétaire d’accepter ou de rejeter des
soumissions (y compris les clauses de réserve ou
discrétionnaire) et aux exigences procédurales
relatives au formulaire de soumission et à la
La Reine du chef de l’Ontario c. Ron Engineering and Construction (Eastern) Ltd., [1981] 1 R.C.S. 111
© 2005 Singleton Urquhart
AE-LCB-109-F Novembre 2005
Architectes et ingénieurs
Si l’appel d’offres tourne mal, vers qui vous tournerez-vous?
garantie de soumission. On peut trouver d’autres
modalités et conditions explicites dans d’autres
documents formant le dossier d’appel d’offres,
notamment des addenda à la soumission, des
dessins, des devis, des rapports d’ingénierie et le
formulaire de soumission. Le contrat de
soumission peut également comprendre, au
moyen d’un renvoi spécifique dans le dossier
d’appel d’offres, les règles relatives aux normes de
l’industrie.
Reconnaissant les efforts consacrés et les frais
engagés par l’entrepreneur qui prépare une
soumission, les tribunaux imposent certaines
obligations au propriétaire aux termes du contrat
de soumission afin d’assurer l’intégrité du
processus. Les tribunaux ont imposé ces
modalités implicites en se fondant 1) sur les us et
coutumes de l’industrie, ou 2) sur l’intention
présumée des parties d’assurer l’efficacité du
contrat sur le plan des affaires. Les tribunaux ont
reconnu plus particulièrement l’existence d’une
obligation implicite d’agir de façon juste et
objective, habituellement appelée « obligation de
bonne foi », imposée à ceux qui lancent des
appels d’offres dans le cadre de leurs
négociations avec les soumissionnaires. En vertu
de cette obligation de bonne foi, les propriétaires
sont tenus de traiter tous les soumissionnaires de
façon juste et équitable (sans avoir de préférences
ou de critères d’évaluation des soumissions non
divulgués), de s’abstenir de marchander des
soumissions et de s’abstenir d’accepter des
soumissions non conformes. (Au Québec, on a
également conclu qu’une telle obligation pouvait
exister sur la base des principes de la
responsabilité extra-contractuelle.)
C.
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La clause de réserve – Le propriétaire jouit-il de
tous les pouvoirs?
Lorsqu’il évalue et accepte ou rejette une
soumission, le propriétaire doit se conformer aux
modalités expresses du contrat de soumission
ainsi qu’à l’obligation implicite d’équité
procédurale et de bonne foi. Dans la quasitotalité des cas, les instructions données aux
soumissionnaires comprennent une « clause de
réserve » conférant un pouvoir élargi au décideur
de l’appel d’offres en rapport avec l’acceptation
ou le rejet des soumissions. Bien que cette clause
puisse revêtir différentes formes, elle réserve
habituellement au propriétaire le pouvoir
discrétionnaire d’accepter ou de rejeter la
soumission la plus basse, ou à ce titre, n’importe
quelle autre soumission.
Lorsque la clause de réserve constitue une
modalité du contrat de soumission, le propriétaire
n’est généralement pas tenu d’attribuer le contrat
de construction au soumissionnaire le plus bas.
Cette disposition permet au propriétaire d’adopter
une vision plus nuancée à l’égard des coûts et de
privilégier d’autres facteurs que le simple prix de
la soumission. Ainsi, par exemple, le propriétaire
a le droit de tenir compte de l’expérience et de la
capacité de l’entrepreneur dans son évaluation de
la qualité relative des soumissions.
Malgré l’existence d’une clause de réserve dans le
dossier d’appel d’offres, les tribunaux ont statué
que le propriétaire ne jouit pas d’un pouvoir
discrétionnaire absolu lorsqu’il accepte ou rejette
des soumissions. Les clauses de réserve et
discrétionnaire n’éliminent pas l’obligation
suprême de bonne foi qui s’applique à la
procédure. De même, le pouvoir discrétionnaire
que confère au propriétaire une clause de réserve
doit être exercé de façon « juste et objective ». On
conclura vraisemblablement que le propriétaire
qui a une préférence secrète au moment d’évaluer
une soumission ou qui s’adonne au marchandage
de soumissions a violé les modalités du contrat de
soumission, et ce, même en présence d’une clause
de réserve.
Les tribunaux ont également statué que la clause
de réserve ne permet pas au propriétaire
d’attribuer le contrat de construction à un
soumissionnaire dont la soumission n’est pas
conforme.
D. Quand est-ce que la soumission est non
conforme?
Une soumission est valide ou conforme
uniquement si elle répond à toutes les exigences
de l’appel d’offres, comme elles sont énoncées
dans les documents d’appel d’offres. Dans chaque
cas, les instructions aux soumissionnaires et les
Le propriétaire qui reçoit des soumissions qui,
bien que conformes, dépassent son budget peut
invoquer une clause de réserve appropriée pour
rejeter toutes les soumissions et n’attribuer le
contrat de soumission à aucun soumissionnaire.
Tel que précisé plus haut, ce sont les instructions
aux soumissionnaires et les documents connexes
qui fixent les modalités et conditions du contrat
de soumission. Si le dossier d’appel d’offres
renferme une clause de réserve rédigée
clairement, le propriétaire n’a aucune obligation
contractuelle d’attribuer le contrat de
construction au soumissionnaire le plus bas,
ni à aucun autre soumissionnaire.
autres documents formant l’appel d’offres sont
pris en considération pour déterminer la
conformité d’une soumission. Si une soumission
contient une erreur fatale, elle ne peut être
acceptée en raison de sa non-conformité.
Toutefois, la situation est moins claire lorsque la
soumission renferme une erreur mineure ou une
irrégularité.
En général, une soumission qui, d’apparence
valide, renferme une erreur latente ou cachée
(notamment dans les calculs ou les fondements
économiques menant à l’établissement du prix
de la soumission) ou une irrégularité sur le plan
technique (comme l’omission d’un sceau sur la
garantie de soumission) sera néanmoins valide
et susceptible d’être acceptée. Les tribunaux ont
indiqué que le fait de préserver la validité des
soumissions qui renferment des erreurs cachées
ou des irrégularités techniques ne porte pas
atteinte à l’intégrité du processus d’appel d’offres.
Par ailleurs, la soumission qui renferme une
erreur manifeste ou évidente à l’égard d’une des
exigences essentielles de l’appel d’offres pourrait
ne pas pouvoir être acceptée par le propriétaire.
Dans cette perspective, lorsque les documents
d’appel d’offres réservent expressément au
propriétaire le pouvoir discrétionnaire de passer
outre à la présence de défauts et d’accepter une
soumission non conforme, ce pouvoir
discrétionnaire n’est pas absolu. Même si ce
pouvoir discrétionnaire est conféré au moyen
d’une clause de réserve, le propriétaire doit
exercer celui-ci de bonne foi et d’une manière
qui permet un examen objectif afin de protéger le
caractère juste du processus d’appel d’offres. La
seule exception à cette règle concerne le cas où
les documents d’appel d’offres eux-mêmes
donnent au propriétaire le pouvoir
discrétionnaire d’attribuer le contrat à une
soumission non conforme.
E.
Quelle est l’importance du budget du
propriétaire?
Le propriétaire peut-il décider de ne pas attribuer
le contrat de construction si toutes les
soumissions dépassent son budget? Dans la
mesure où la clause de réserve a été formulée
soigneusement, la réponse est « oui ».
F.
L’expérience, un facteur important?
Dans nombre de cas, le prix de soumission le plus
bas ne correspond pas à la meilleure valeur pour
le propriétaire. Le projet initié avec une
soumission dont le prix est le plus bas peut se
révéler un désastre financier pour le propriétaire
si le soumissionnaire choisi n’a pas les habiletés
ou l’expérience nécessaires pour faire les travaux
de façon appropriée et dans les délais prévus.
À tout le moins, l’affaire pourrait entraîner une
poursuite onéreuse et longue devant les
tribunaux. La Cour suprême du Canada a affirmé
la même chose dans l’arrêt M.J.B. Enterprises,
comme suit :
« …(Cela) ne signifie aucunement que
la soumission la plus basse mènera
nécessairement aux travaux les moins chers.
Il arrive souvent que l’auteur d’une
soumission « basse » s’aperçoive qu’il a
fixé ses prix trop bas et qu’il éprouve des
difficultés financières, ce qui entraîne
inévitablement des coûts additionnels pour le
propriétaire, qui ne dispose que de droits bien
souvent théoriques pour se faire rembourser
par l’entrepreneur en défaut. Par conséquent,
le propriétaire prudent tiendra compte non
seulement du prix de la soumission, mais
aussi de l’expérience et de la capacité de
l’entrepreneur, et déterminera si la
soumission est réaliste dans les circonstances
en cause. »
Voilà pourquoi il est important que le
propriétaire, lorsqu’il soupèse la qualité relative
des soumissions rivales, tienne compte d’autres
facteurs, comme les habiletés, l’expérience, les
ressources financières et peut-être même les
antécédents en matière de sinistres des
entrepreneurs. Cette évaluation pourrait être faite
de deux façons : 1) avant l’appel d’offres dans le
cadre d’une détermination préalable de la
compétence des soumissionnaires, ou 2) dans le
cadre du processus d’appel d’offres, pendant
l’évaluation des soumissions.
4.
Même lorsque le libellé de la clause de réserve
faisant partie du dossier d’appel d’offres couvre
à peu près toutes les possibilités, le propriétaire
ne peut attribuer le contrat de construction à un
soumissionnaire dont la soumission n’est pas
conforme.
5.
Une soumission qui, d’apparence valide,
renferme une erreur latente ou cachée ou
une irrégularité sur le plan technique sera
néanmoins valide et susceptible d’être
acceptée. Une soumission qui renferme une
erreur manifeste ou évidente ou une autre
irrégularité et qui n’est pas conforme en
substance à l’appel d’offres ne peut être
acceptée. La norme qui prévaut est celle de
la conformité en substance plus que celle
de la stricte conformité.
6.
Le propriétaire qui reçoit des soumissions
qui, bien que conformes, dépassent toutes
son budget de construction peut invoquer
une clause de réserve appropriée pour
rejeter toutes les soumissions et n’attribuer
le contrat de soumission à aucun
soumissionnaire.
7.
Il pourrait être interdit au propriétaire
qui a recours à la détermination préalable des
compétences des soumissionnaires de
rejeter ensuite une soumission conforme au
cours de l’évaluation des soumissions au
motif que l’entrepreneur soumissionnaire
ne possède pas les habiletés, la capacité ou
l’expérience nécessaires au projet.
Résumé
Le processus d’appel d’offres est un outil d’affaires
essentiel pour l’industrie de la construction.
Toutefois, il demeure un domaine du droit fort
complexe qui donne lieu à de nombreux litiges.
Pour aider les architectes et ingénieurs à éviter les
poursuites onéreuses, voici quelques points à garder
à l’esprit.
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Lorsqu’il évalue et accepte ou rejette une
soumission, le propriétaire doit se conformer
aux modalités expresses du contrat de
soumission ainsi qu’à l’obligation implicite
d’équité procédurale et de bonne foi.
Lorsque la clause de réserve constitue une
modalité des instructions données aux
soumissionnaires, le propriétaire n’est
généralement pas tenu d’attribuer le contrat de
construction au soumissionnaire le plus bas.
Cette disposition permet au propriétaire
d’adopter une vision plus nuancée des coûts et
de privilégier d’autres facteurs comme
l’expérience et les habiletés de l’entrepreneur,
lorsqu’il soupèse la qualité relative des
soumissions.
L’existence d’une clause de réserve dans le
dossier d’appel d’offres n’élimine pas
l’obligation suprême de bonne foi qui s’applique
à la procédure et qui, selon les tribunaux,
constitue une modalité implicite du contrat de
soumission. Le pouvoir discrétionnaire que
confère au propriétaire une clause de réserve
doit être exercé de façon « juste et objective ».
Dans cette perspective, si le processus d’appel
d’offres tourne mal, vers qui vous tournerez-vous?
Nous espérons qu’après avoir pris connaissance des
points saillants du droit régissant les appels d’offres
vous répondrez : un conseiller juridique ayant de
l’expérience dans ce domaine. Ce ne devrait pas être
à vous de donner des conseils à vos clients sur la
façon d’interpréter les documents d’appel d’offres ou
sur la façon d’évaluer une soumission en particulier
en cas de problème. Le meilleur conseil que vous
pourriez donner à vos clients serait de s’adresser à
un avocat indépendant pour obtenir des conseils sur
la question.