Numéro 109 - Si l`appel d`offres tourne mal, vers qui vous
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Numéro 109 - Si l`appel d`offres tourne mal, vers qui vous
Groupe ENCON inc. Téléphone 613-786-2000 Télécopieur 613-786-2001 Sans frais 800-267-6684 www.encon.ca Bulletin Bulletin no 109 Novembre 2005 Information Prévention Architectes et ingénieurs Assurance responsabilité professionnelle Si l’appel d’offres tourne mal, vers qui vous tournerez-vous? contrats distincts : le contrat A et le contrat B. Le contrat A, aussi appelé « contrat de soumission », régit la façon dont l’appel d’offres doit se dérouler. Quant au contrat B, il s’agit du contrat portant sur la façon dont les travaux de construction visés par la soumission seront effectués. par John Singleton, c.r. Singleton Urquhart LLP Programme parrainé par On a beaucoup écrit sur les règles de droit régissant les appels d’offres au cours des 25 dernières années, depuis la décision rendue dans l’affaire Ron Engineering1, qui a donné lieu à un grand nombre de causes dans lesquelles on interprétait les documents d’appel d’offres et on précisait ce qui peut et ne peut être fait dans le cadre du processus d’appel d’offres. Il est essentiel que les architectes et ingénieurs aient une bonne connaissance pratique de l’évolution des règles de droit régissant les appels d’offres, et tout aussi essentiel qu’ils sachent que lorsqu’un problème survient au cours du processus d’appel d’offres, ils doivent, tout comme leurs clients, se tourner vers des avocats, plutôt que vers d’autres architectes et ingénieurs, pour obtenir des conseils et de l’assistance. Le présent bulletin donne un bref aperçu de l’évolution des règles de droit dans ce domaine et présente certaines des règles les plus importantes que les architectes et ingénieurs responsables de la préparation des documents d’appel d’offres, ou de leur évaluation, devraient connaître. A. La présente publication est destinée à un usage informatif seulement. Elle ne doit pas être utilisée comme s’il s’agissait d’un conseil ou d’une opinion juridique sur des circonstances ou des faits en particulier. Le modèle des deux contrats Dans l’arrêt Ron Engineering, la Cour suprême du Canada introduisait le modèle des « deux contrats » dans les règles de droit régissant les appels d’offres. Selon ce modèle, le processus d’appel d’offres consiste en la formation de deux 1 Les instructions aux soumissionnaires et le formulaire de soumission établissent les modalités et conditions précises du contrat A. Une des modalités du contrat A crée une obligation selon laquelle le soumissionnaire est tenu contractuellement de passer le contrat de construction, soit le contrat B, si le propriétaire accepte sa soumission. En outre, le contrat A est résilié dans les cas où le propriétaire 1) conclut le contrat de construction avec un autre soumissionnaire; 2) rejette la totalité des soumissions; ou 3) lorsque la période d’irrévocabilité des soumissions (le cas échéant) expire. B. L’importance des conditions d’appel d’offres : les règles du jeu La source principale des modalités explicites du contrat de soumission réside dans les instructions données aux soumissionnaires. En règle générale, ce document renferme les modalités fondamentales de l’appel d’offres, y compris quant à l’irrévocabilité de la soumission, au moment où l’appel d’offres prend fin, au pouvoir du propriétaire d’accepter ou de rejeter des soumissions (y compris les clauses de réserve ou discrétionnaire) et aux exigences procédurales relatives au formulaire de soumission et à la La Reine du chef de l’Ontario c. Ron Engineering and Construction (Eastern) Ltd., [1981] 1 R.C.S. 111 © 2005 Singleton Urquhart AE-LCB-109-F Novembre 2005 Architectes et ingénieurs Si l’appel d’offres tourne mal, vers qui vous tournerez-vous? garantie de soumission. On peut trouver d’autres modalités et conditions explicites dans d’autres documents formant le dossier d’appel d’offres, notamment des addenda à la soumission, des dessins, des devis, des rapports d’ingénierie et le formulaire de soumission. Le contrat de soumission peut également comprendre, au moyen d’un renvoi spécifique dans le dossier d’appel d’offres, les règles relatives aux normes de l’industrie. Reconnaissant les efforts consacrés et les frais engagés par l’entrepreneur qui prépare une soumission, les tribunaux imposent certaines obligations au propriétaire aux termes du contrat de soumission afin d’assurer l’intégrité du processus. Les tribunaux ont imposé ces modalités implicites en se fondant 1) sur les us et coutumes de l’industrie, ou 2) sur l’intention présumée des parties d’assurer l’efficacité du contrat sur le plan des affaires. Les tribunaux ont reconnu plus particulièrement l’existence d’une obligation implicite d’agir de façon juste et objective, habituellement appelée « obligation de bonne foi », imposée à ceux qui lancent des appels d’offres dans le cadre de leurs négociations avec les soumissionnaires. En vertu de cette obligation de bonne foi, les propriétaires sont tenus de traiter tous les soumissionnaires de façon juste et équitable (sans avoir de préférences ou de critères d’évaluation des soumissions non divulgués), de s’abstenir de marchander des soumissions et de s’abstenir d’accepter des soumissions non conformes. (Au Québec, on a également conclu qu’une telle obligation pouvait exister sur la base des principes de la responsabilité extra-contractuelle.) C. No de la convention postepublications 40005147 Retourner toute correspondance ne pouvant être livrée au Canada au : Groupe ENCON inc. 500 - 1400, Blair Place Ottawa (Ontario) K1J 9B8 Adresse électronique : [email protected] La clause de réserve – Le propriétaire jouit-il de tous les pouvoirs? Lorsqu’il évalue et accepte ou rejette une soumission, le propriétaire doit se conformer aux modalités expresses du contrat de soumission ainsi qu’à l’obligation implicite d’équité procédurale et de bonne foi. Dans la quasitotalité des cas, les instructions données aux soumissionnaires comprennent une « clause de réserve » conférant un pouvoir élargi au décideur de l’appel d’offres en rapport avec l’acceptation ou le rejet des soumissions. Bien que cette clause puisse revêtir différentes formes, elle réserve habituellement au propriétaire le pouvoir discrétionnaire d’accepter ou de rejeter la soumission la plus basse, ou à ce titre, n’importe quelle autre soumission. Lorsque la clause de réserve constitue une modalité du contrat de soumission, le propriétaire n’est généralement pas tenu d’attribuer le contrat de construction au soumissionnaire le plus bas. Cette disposition permet au propriétaire d’adopter une vision plus nuancée à l’égard des coûts et de privilégier d’autres facteurs que le simple prix de la soumission. Ainsi, par exemple, le propriétaire a le droit de tenir compte de l’expérience et de la capacité de l’entrepreneur dans son évaluation de la qualité relative des soumissions. Malgré l’existence d’une clause de réserve dans le dossier d’appel d’offres, les tribunaux ont statué que le propriétaire ne jouit pas d’un pouvoir discrétionnaire absolu lorsqu’il accepte ou rejette des soumissions. Les clauses de réserve et discrétionnaire n’éliminent pas l’obligation suprême de bonne foi qui s’applique à la procédure. De même, le pouvoir discrétionnaire que confère au propriétaire une clause de réserve doit être exercé de façon « juste et objective ». On conclura vraisemblablement que le propriétaire qui a une préférence secrète au moment d’évaluer une soumission ou qui s’adonne au marchandage de soumissions a violé les modalités du contrat de soumission, et ce, même en présence d’une clause de réserve. Les tribunaux ont également statué que la clause de réserve ne permet pas au propriétaire d’attribuer le contrat de construction à un soumissionnaire dont la soumission n’est pas conforme. D. Quand est-ce que la soumission est non conforme? Une soumission est valide ou conforme uniquement si elle répond à toutes les exigences de l’appel d’offres, comme elles sont énoncées dans les documents d’appel d’offres. Dans chaque cas, les instructions aux soumissionnaires et les Le propriétaire qui reçoit des soumissions qui, bien que conformes, dépassent son budget peut invoquer une clause de réserve appropriée pour rejeter toutes les soumissions et n’attribuer le contrat de soumission à aucun soumissionnaire. Tel que précisé plus haut, ce sont les instructions aux soumissionnaires et les documents connexes qui fixent les modalités et conditions du contrat de soumission. Si le dossier d’appel d’offres renferme une clause de réserve rédigée clairement, le propriétaire n’a aucune obligation contractuelle d’attribuer le contrat de construction au soumissionnaire le plus bas, ni à aucun autre soumissionnaire. autres documents formant l’appel d’offres sont pris en considération pour déterminer la conformité d’une soumission. Si une soumission contient une erreur fatale, elle ne peut être acceptée en raison de sa non-conformité. Toutefois, la situation est moins claire lorsque la soumission renferme une erreur mineure ou une irrégularité. En général, une soumission qui, d’apparence valide, renferme une erreur latente ou cachée (notamment dans les calculs ou les fondements économiques menant à l’établissement du prix de la soumission) ou une irrégularité sur le plan technique (comme l’omission d’un sceau sur la garantie de soumission) sera néanmoins valide et susceptible d’être acceptée. Les tribunaux ont indiqué que le fait de préserver la validité des soumissions qui renferment des erreurs cachées ou des irrégularités techniques ne porte pas atteinte à l’intégrité du processus d’appel d’offres. Par ailleurs, la soumission qui renferme une erreur manifeste ou évidente à l’égard d’une des exigences essentielles de l’appel d’offres pourrait ne pas pouvoir être acceptée par le propriétaire. Dans cette perspective, lorsque les documents d’appel d’offres réservent expressément au propriétaire le pouvoir discrétionnaire de passer outre à la présence de défauts et d’accepter une soumission non conforme, ce pouvoir discrétionnaire n’est pas absolu. Même si ce pouvoir discrétionnaire est conféré au moyen d’une clause de réserve, le propriétaire doit exercer celui-ci de bonne foi et d’une manière qui permet un examen objectif afin de protéger le caractère juste du processus d’appel d’offres. La seule exception à cette règle concerne le cas où les documents d’appel d’offres eux-mêmes donnent au propriétaire le pouvoir discrétionnaire d’attribuer le contrat à une soumission non conforme. E. Quelle est l’importance du budget du propriétaire? Le propriétaire peut-il décider de ne pas attribuer le contrat de construction si toutes les soumissions dépassent son budget? Dans la mesure où la clause de réserve a été formulée soigneusement, la réponse est « oui ». F. L’expérience, un facteur important? Dans nombre de cas, le prix de soumission le plus bas ne correspond pas à la meilleure valeur pour le propriétaire. Le projet initié avec une soumission dont le prix est le plus bas peut se révéler un désastre financier pour le propriétaire si le soumissionnaire choisi n’a pas les habiletés ou l’expérience nécessaires pour faire les travaux de façon appropriée et dans les délais prévus. À tout le moins, l’affaire pourrait entraîner une poursuite onéreuse et longue devant les tribunaux. La Cour suprême du Canada a affirmé la même chose dans l’arrêt M.J.B. Enterprises, comme suit : « …(Cela) ne signifie aucunement que la soumission la plus basse mènera nécessairement aux travaux les moins chers. Il arrive souvent que l’auteur d’une soumission « basse » s’aperçoive qu’il a fixé ses prix trop bas et qu’il éprouve des difficultés financières, ce qui entraîne inévitablement des coûts additionnels pour le propriétaire, qui ne dispose que de droits bien souvent théoriques pour se faire rembourser par l’entrepreneur en défaut. Par conséquent, le propriétaire prudent tiendra compte non seulement du prix de la soumission, mais aussi de l’expérience et de la capacité de l’entrepreneur, et déterminera si la soumission est réaliste dans les circonstances en cause. » Voilà pourquoi il est important que le propriétaire, lorsqu’il soupèse la qualité relative des soumissions rivales, tienne compte d’autres facteurs, comme les habiletés, l’expérience, les ressources financières et peut-être même les antécédents en matière de sinistres des entrepreneurs. Cette évaluation pourrait être faite de deux façons : 1) avant l’appel d’offres dans le cadre d’une détermination préalable de la compétence des soumissionnaires, ou 2) dans le cadre du processus d’appel d’offres, pendant l’évaluation des soumissions. 4. Même lorsque le libellé de la clause de réserve faisant partie du dossier d’appel d’offres couvre à peu près toutes les possibilités, le propriétaire ne peut attribuer le contrat de construction à un soumissionnaire dont la soumission n’est pas conforme. 5. Une soumission qui, d’apparence valide, renferme une erreur latente ou cachée ou une irrégularité sur le plan technique sera néanmoins valide et susceptible d’être acceptée. Une soumission qui renferme une erreur manifeste ou évidente ou une autre irrégularité et qui n’est pas conforme en substance à l’appel d’offres ne peut être acceptée. La norme qui prévaut est celle de la conformité en substance plus que celle de la stricte conformité. 6. Le propriétaire qui reçoit des soumissions qui, bien que conformes, dépassent toutes son budget de construction peut invoquer une clause de réserve appropriée pour rejeter toutes les soumissions et n’attribuer le contrat de soumission à aucun soumissionnaire. 7. Il pourrait être interdit au propriétaire qui a recours à la détermination préalable des compétences des soumissionnaires de rejeter ensuite une soumission conforme au cours de l’évaluation des soumissions au motif que l’entrepreneur soumissionnaire ne possède pas les habiletés, la capacité ou l’expérience nécessaires au projet. Résumé Le processus d’appel d’offres est un outil d’affaires essentiel pour l’industrie de la construction. Toutefois, il demeure un domaine du droit fort complexe qui donne lieu à de nombreux litiges. Pour aider les architectes et ingénieurs à éviter les poursuites onéreuses, voici quelques points à garder à l’esprit. 1. 2. 3. Groupe ENCON inc. Téléphone 613-786-2000 Télécopieur 613-786-2001 Sans frais 800-267-6684 www.encon.ca No de la convention postepublications 40005147 Lorsqu’il évalue et accepte ou rejette une soumission, le propriétaire doit se conformer aux modalités expresses du contrat de soumission ainsi qu’à l’obligation implicite d’équité procédurale et de bonne foi. Lorsque la clause de réserve constitue une modalité des instructions données aux soumissionnaires, le propriétaire n’est généralement pas tenu d’attribuer le contrat de construction au soumissionnaire le plus bas. Cette disposition permet au propriétaire d’adopter une vision plus nuancée des coûts et de privilégier d’autres facteurs comme l’expérience et les habiletés de l’entrepreneur, lorsqu’il soupèse la qualité relative des soumissions. L’existence d’une clause de réserve dans le dossier d’appel d’offres n’élimine pas l’obligation suprême de bonne foi qui s’applique à la procédure et qui, selon les tribunaux, constitue une modalité implicite du contrat de soumission. Le pouvoir discrétionnaire que confère au propriétaire une clause de réserve doit être exercé de façon « juste et objective ». Dans cette perspective, si le processus d’appel d’offres tourne mal, vers qui vous tournerez-vous? Nous espérons qu’après avoir pris connaissance des points saillants du droit régissant les appels d’offres vous répondrez : un conseiller juridique ayant de l’expérience dans ce domaine. Ce ne devrait pas être à vous de donner des conseils à vos clients sur la façon d’interpréter les documents d’appel d’offres ou sur la façon d’évaluer une soumission en particulier en cas de problème. Le meilleur conseil que vous pourriez donner à vos clients serait de s’adresser à un avocat indépendant pour obtenir des conseils sur la question.