Il n`aime pas lire ! Ce n`est pas grave

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Mercredi 02 avril 2014
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Rappelons-nous nos premières approches de ces signes
barbares appelés « lettres » ! Il n’est pas sûr que notre
propre période d’apprentissage de la lecture soit
fondamentalement associée à un souvenir de plaisir extrême.
Certes, nous avons, en tant qu’adulte, dépassé ce stade mais
pour nos enfants, élevés en pleine période de la civilisation
audiovisuelle, les choses ne sont pas si évidentes…
Autrefois, pour communiquer, il était en effet essentiel de
lire. Le téléphone portable, Internet et sa web cam, le DVD
ont désormais avantageusement remplacé la lettre du
camarade, le roman, le quotidien d’actualités ! Aussi, si votre
enfant n’aime pas lire, c’est un peu normal vu d’un point de
vue sociétal.
Vivre avec son temps
La psychanalyste Françoise Dolto dans son essai intitulé
«L’échec scolaire», publié chez Pocket, écrivait déjà il y a
plus de vingt ans : Je me demande, si j’avais été enfant à
cette époque de l’audiovisuel que nous vivons actuellement,
si j’aurais eu le courage et la persévérance d’apprendre à
lire, même avec une maîtresse aussi crédible qu’était celle
qui m’a enseigné la lecture… C’est dire toute la relativité qu’il
faut accorder au fait qu’un petit d’Homme n’aime pas lire. Et
d’ajouter dans le même ouvrage : À quoi sert de savoir lire et
de savoir écrire, si ce n’est pour communiquer à distance ?
De son côté, le psychanalyste Jacques Lévine précise, dans
l’ouvrage collectif « Comprendre et aider les enfants en
difficulté scolaire », publié chez Retz, que nous
méconnaissons trop le fait que l’un des secrets de la lecture
vraie tient à la qualité des dialogues imaginaires que l’enfant
engage avec la lecture… Or, l’imaginaire étant lié au plaisir, si
celui-ci n’est pas au rendez-vous, il ne sert à rien de forcer
un enfant. La civilisation de l’image ayant suppléé le texte, le
livre n’est plus cet objet mystérieux et fascinant qu’il pouvait
être par le passé. On peut éventuellement le regretter mais il
s’agit ici aussi de vivre avec son temps. Nous voudrions
pourtant, en toute bonne foi, que notre « héritier » découvre
les mêmes satisfactions que nous éprouvons en compagnie
d’un bon auteur. Le problème, c’est que nous risquons
justement d’aller à son encontre si nous en faisons une
obsession.
La faute à personne !
On a tôt fait de trouver un bouc émissaire à une situation qui
semble être une catastrophe nationale. Le plus exposé est le
milieu enseignant. Méthode globale, méthode syllabique,
méthode mixte, chacun y va de ses projections par rapport à
sa propre histoire. On en revient même à republier des
méthodes de lecture datant du début du siècle comme si,
avant, l’école jouait son rôle. C’est oublier qu’il y avait
autant de non-lecteurs, sinon plus, et que l’école n’était pas
obligatoire jusqu’à seize ans. Le fait de ne pas aimer lire,
voire de ne pas apprendre à lire facilement, n’est nullement
une pathologie relevant de la faute des parents ou des
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enseignants. Ce qu’un discours ambiant voudrait nous faire
croire. Il serait pourtant beaucoup plus opportun d’en parler
avec ceux qui sont directement concernés, c’est-à-dire nos
enfants. De la même manière qu’il est bon de savoir marcher
avant de savoir courir, la parole devrait être le préalable à la
lecture qui ne peut être que lettre morte si l’envie n’est pas
au rendez-vous.
Le désir avant tout
Quoi que l’on puisse en penser, l’engouement pour Harry
Potter est bien le signe que la lecture n’est pas moribonde. Le
coup de génie de l’auteur a été de susciter le désir en
imaginant une histoire en adéquation avec nos bambins, en
tenant ceux-ci en haleine, créant même une frustration en
donnant envie de lire la suite. Si la lecture perdait cette
dimension et était reléguée au niveau d’un simple devoir
insipide, inodore et sans saveur, lirions-nous nous-même.
Ainsi, il est bon, en tant que parents, de revisiter notre plaisir
ou notre aversion quant à nos propres lectures. En parler avec
nos enfants peut déclencher des interrogations, des échanges
autrement plus essentiels que le fait d’ingurgiter un texte sans
prise directe avec la vie. L’enfant s’identifiant à l’adulte, si
nous prenons un réel plaisir à lire et surtout si nous savons
transmettre, sans jugement de valeur, ce qui nous fait vibrer
dans cette activité, il est fort à parier que des déclics se
produiront. La lecture n’est pas un but en soi. Elle est
simplement un outil possible pour stimuler le désir. Alors, si
malgré toute votre bonne volonté, il n’aime pas lire, ce n’est
pas vraiment grave !
Gilbert Pradat
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