Introduction Comment examiner simplement un enfant strabique

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Introduction Comment examiner simplement un enfant strabique
à savoir
Comment examiner simplement
un enfant strabique ?
Conseils et méthodes
Dr Mitra Goberville *
Introduction
Face à un enfant consultant pour
un strabisme plusieurs questions
se posent : s’agit-t-il d’un vrai strabisme ? Si oui, existe-t-il un caractère d’urgence à sa prise en
charge ? Il faut en effet éliminer
rapidement l’existence d’une pathologie organique ophtalmologique
ou neurologique dont le strabisme
serait révélateur. L’existence d’une
amblyopie est aussi une urgence
et il est important que l’ophtalmologiste évalue ce risque le plus rapidement possible. La quantification de
l’angle du strabisme a peu d’intérêt
dans un premier temps mais savoir
si le strabisme est concomitant ou
incomitant et rechercher des signes
de paralysie lors de l’examen de la
motilité sont incontournables.
Strabisme or not
strabisme
La suspicion de strabisme constitue un des motifs fréquents de
consultation chez l’ophtalmologiste. Les parents décrivent souvent un strabisme qui se voit « surtout sur les photos » et qui est en
voie de diminution. La première
étape est l’interrogatoire détaillé
de la famille afin de savoir s’il
existe des facteurs de risque chez
* Ophtalmologiste, Paris
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Figure 1 - Impression de strabisme OG. Reflets centrés.
l’enfant : antécédents familiaux de
strabisme, d’amblyopie ou d’anisométropie, prématurité, petit poids
de naissance, anomalies neurologiques ou chromosomiques.
L’examen des reflets cornéens permet de voir rapidement si ceux-ci
sont bien centrés (Fig. 1). En cas de
strabisme, un des reflets se projette au centre de la pupille alors
que le deuxième est décentré
(Fig. 2). En effet l’épicanthus, fréquent chez le nourrisson, peut
faire croire à une ésotropie et ceci
d’autant plus qu’il est asymétrique.
Toutefois, face à des reflets centrés
il est impossible d’éliminer un microstrabisme ou un strabisme intermittent. Les autres éléments de
l’examen peuvent alors nous aider
grâce à un faisceau d’arguments
rassurants s’ils sont analysables.
en bi-oculaire ou en monoculaire
doit être soigneusement notée.
Lors de l’occlusion d’un œil, si l’enfant joue et attrape les objets sans
gêne quelque soit l’œil caché, les
risques d’amblyopie sont faibles.
S’il pleure quel que soit l’œil occlus, nous ne pouvons tirer aucune
conclusion. S’il existe un comportement très différent selon l’œil
caché il faut redoubler de vigilance
et chercher à mettre en évidence
une anomalie de l’œil suspect.
Les tests du regard préférentiel
peuvent aider à quantifier l’acuité
entre 4 et 15 mois environ mais il
faut savoir que ces tests n’ont pas
une grande sensibilité et ne sont
pas toujours réalisables. Leurs résultats doivent dans tous les cas,
être confrontés aux autres examens décrits.
Estimation de l’acuité
de chaque œil
Examen au biprisme de Gracis
Le comportement de l’enfant est
analysé d’abord en binoculaire et
ensuite après occlusion de chaque
œil afin de vérifier l’absence d’amblyopie. L’existence d’un torticolis
Le bébé assis sur les genoux d’un
des parents doit fixer un petit objet de près. Le biprisme (montage
de deux prismes de 6 dioptries, l’un
base temporale et l’autre base nasale, l’un au dessus de l’autre) est
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passé à plusieurs reprises de haut
en bas devant chaque œil et l’observateur analyse les mouvements de
saccade de l’autre œil. Si l’œil prismé neutralise (par amblyopie et/
ou microstrabisme), il n’y a aucun
mouvement sur l’œil découvert.
Evaluation du
comportement de l’enfant
au test de Lang
Ce test fait aussi partie des éléments de dépistage du strabisme
et des anomalies réfractives chez
l’enfant. Il peut être montré très
tôt, dès l’âge de 5 ou 6 mois. Si un
bébé essaye de pincer les 3 dessins
du Lang 1, le résultat est rassurant
mais s’il ne s’y intéresse pas aucune
conclusion ne peut être établie.
Examen sous cycloplégie
Il est indispensable que l’enfant
soit examiné sous cycloplégie et
ceci d’autant plus qu’il existe des
facteurs de risques ou qu’un des
éléments de l’examen précédant
était douteux.
Chez le nourrisson, le Mydriaticum® peut être utilisé pour visualiser le fond d’œil et avoir une idée
de la réfraction. L’enfant sera revu
entre 9 mois et un an sous Atropine®. En cas de strabisme, celuici peut être utilisé avant et il sera
conseillé aux parents de boucher
les voies lacrymales en appuyant
sur le nez pendant l’instillation.
Les cycloplégiques utilisés sont
l’Atropine® et le Skiacol®. Les protocoles sont bien définis et doivent
être respectés.
Avant 2 ans, il est conseillé d’utiliser l’Atropine® à 0,3 % et à partir de cet âge l’Atropine® à 0,5 %.
L’instillation de l’Atropine® se fait
le plus souvent entre 3 et 5 jours
avant l’examen. L’Atropine® est
contre indiqué en cas d’allergie.
Le Skiacol® peut être utilisé dès
1 an. L’instillation d’une goutte,
3 fois toutes les 5 minutes, suivi
Figure 2 - Reflet centré à droite et décentré à gauche : ésotropie OG.
d’un examen 45 à 60 minutes après
l’instillation de la première goutte
est le plus souvent conseillée. Le
Skiacol® est contre-indiqué en cas
de convulsion et de troubles neurologiques. Il est inefficace chez le
sujet mélanoderme.
Aux termes de cet examen de dépistage, l’ophtalmologiste peut
dans la grande majorité des cas
confirmer ou éliminer l’existence
d’un strabisme, d’une amblyopie
et/ou d’une anisométropie.
Pathologies
organiques
à éliminer
Au cours de l’examen précédant
ainsi que devant tout strabisme
patent de l’enfant, il est indispensable de vérifier le segment antérieur et le fond d’œil.
Le petit enfant peut être tenu “en
avion” par l’un des parents : une
main sous les fesses et l’autre bras
bloquant les bras de l’enfant, permettant une position quasi horizontale. Une troisième personne doit
tenir la tête de l’enfant sur la mentonnière. Chez le plus grand, un examen classique est souvent possible,
l’enfant étant positionné à genoux.
Pour l’examen du FO, l’ophtalmoscope indirect est le plus souvent
conseillé puisqu’il permet d’avoir
une vue rapide et globale sur la
rétine. L’utilisation de l’ophtalmoscope directe et de la lentille de
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Volk, lorsque ceci est possible, permettent une meilleure analyse des
détails et des reliefs.
Un strabisme convergent ou divergent peut être le premier et parfois
le seul signe d’appel de certaines
pathologies
ophtalmologiques :
anomalies cornéennes, cataracte
congénitale, hypoplasie du nerf
optique, rétinoblastome, dégénérescence tapeto-rétinienne… (Fig. 3).
Une pathologie neurologique peut
être révélée par un strabisme. Il
peut s’agir d’une paralysie oculomotrice ou plus rarement d’un
strabisme concomitant.
A noter qu’il existe une association
du strabisme divergent précoce à
des anomalies neurologiques alors
que l’ésotropie précoce est le plus
souvent isolée. Tout strabisme tardif et brutal doit faire rechercher
une cause neurologique. L’ésotropie
tardive normosensorielle constitue
un diagnostic différentiel et il est important de bien examiner la motilité
à la recherche de signe de paralysie.
En cas de doute, il faut adresser l’enfant pour un examen neuro-pédiatrique et éventuellement neuro-radiologique.
Examen
ophtalmologique
à l’âge préverbal
L’estimation de l’acuité visuelle a
déjà été évoquée chez l’enfant ne
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à savoir
Figure 4 - Syndrome de Stilling Duane : léger strabisme de face ;
Figure 3 - Hypoplasie papillaire droite responsable
absence d’abduction de l’OG ; rétraction de la fente palpébrale
d’un strabisme.
à l’adduction de l’OG.
présentant pas de strabisme patent. En cas de strabisme
évident, l’évaluation de l’acuité à l’âge préverbal se déroule de la même manière : examen du comportement
de l’enfant en binoculaire et chaque œil caché.
On peut aussi estimer les risques d’amblyopie en analysant l’alternance : un enfant qui alterne spontanément et sans cesse a peu de risque d’amblyopie alors
que si un œil fixe en permanence, l’œil dévié peut développer une amblyopie rapidement. Il est important
dans ces cas d’instaurer un traitement préventif de
l’amblyopie même si le comportement visuel de l’enfant est normal.
La mesure de l’angle est faite de manière grossière par
l’examen des reflets (Krimsky) et présente surtout un
intérêt pour suivre l’évolution.
En cas de strabisme intermittent, le test de Lang est là
encore indispensable afin d’évaluer l’existence d’une
vision binoculaire. Ce test n’a de valeur que s’il est clairement positif (l’enfant essaie de pincer les images).
L’examen de la motilité permet parfois de mettre en
évidence une anomalie congénitale. En effet, face à un
strabisme et surtout un torticolis chez le tout petit, il
faut s’acharner à examiner la motilité. Des jouets sonores ou l’écran d’un téléphone avec photos ou vidéos
peuvent être utilisés pour attirer son attention alors
que la maman bloque sa tête. Il n’est pas rare de découvrir dans certains cas une paralysie de l’oblique supérieur, un syndrome de Duane avec rétraction palpébrale (Fig. 4), ou encore un syndrome de Brown.
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Examen ophtalmologique
à l’âge verbal
Evaluation de l’acuité visuelle
A l’âge verbal, l’examen peut être plus détaillé et au fur
et à mesure que l’enfant grandit, les examens successifs permettent d’affiner le diagnostic et améliorer la
prise en charge.
L’acuité visuelle peut être chiffrée grâce à divers optotypes : dessins, “E” de Snellen, lettres. Trois problèmes
se posent : la timidité, la “tricherie” et la perte d’intérêt.
Il faut toujours encourager l’enfant et ne jamais lui dire
qu’une réponse est fausse au risque de le bloquer. Chez le
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Figure 5 - Bonne alternance spontanée.
petit enfant, il est parfois utile d’utiliser les planches de
Weiss en s’approchant à 2,5 m et en ajustant le résultat.
Les tests par appariement peuvent être utiles si l’enfant
refuse de parler. Il faut être très vigilant lors de l’examen
monoculaire. L’œil doit être caché par un cache collant
car l’enfant triche très facilement pour ne pas échouer.
Les nouveaux systèmes de projection permettent de
modifier les dessins ou les lettres de manière aléatoire
et éviter ainsi que l’enfant ne les apprenne par cœur. Enfin la rapidité de l’examen a une grande importance chez
le petit qui se désintéresse vite et ne participe plus.
ou de prismes séparés peut encore effrayer les plus petits. La coopération s’améliore au fil des consultations
et les mesures deviennent plus fiables. Un examen
plus détaillé peut être réalisé par l’orthoptiste dès l’âge
de 2 ans.
Lors de l’examen ophtalmologique, il est surtout important de voir si l’enfant est capable d’alterner ou si
le même œil est fixateur en permanence (Fig. 5). Dans ce
cas une prévention de l’amblyopie doit être entreprise.
Evaluation de la vision binoculaire
L’examen simple de l’enfant nécessite de l’entrainement et de la rapidité. Le but est de dépister les pathologies organiques ainsi que les anomalies réfractives et
l’amblyopie.
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Le test de Lang est très facilement utilisable à l’âge
verbal. L’enfant doit nommer l’image pour que ce test
soit fiable. Le test de Wirt peut effrayer le petit surtout
lorsqu’ il perçoit la mouche en relief. Il est en général
utilisé à partir de 5 ans. Si l’enfant semble droit ou s’il
existe un strabisme intermittent ces tests permettent
d’évaluer la qualité de la vision binoculaire.
Examen oculomoteur
L’examen à l’écran est possible dès 3 ans, de loin et de
près. La mesure de l’angle à l’aide de la barre de prisme
Conclusion
Mots-clés : Strabisme, Anomalies réfractives, Amblyopie,
Acuité visuelle, Pathologie neurologique
prix et bourse
Groupe Pasteur Mutualité : bourses 2012
L
a Fondation d’Entreprise Groupe Pasteur Mutualité lance
un appel à candidature pour ses bourses 2012 d’aide à la
recherche médicale.
Le groupe marque ainsi sa volonté de soutien à la recherche
et d’accompagnement des professionnels de santé et des
jeunes chercheurs.
Les prix seront attribués à des chercheurs en santé, internes
ou praticiens, de moins de 40 ans pour une valeur totale
d’au moins 100 000 e. Chaque lauréat peut bénéficier d’une
bourse d’un montant allant jusqu’à 20 000 e.
Dossiers de candidature
Téléchargeables sur : www.fondationgpm.fr
Envoi des dossiers avant le 31 mars 2012
Cérémonie de remise des bourses : juin 2012
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