301 L`EXPERTISE DANS LE CONTENTIEUX FISCAL Mohamed

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301 L`EXPERTISE DANS LE CONTENTIEUX FISCAL Mohamed
L’EXPERTISE DANS LE CONTENTIEUX
FISCAL
Mohamed KOSSENTINI
Maître-assistant à la
Faculté de Droit de Sfax
Pour le juge, la recherche de la vérité juridictionnelle, qui n’est
souvent que relative1, s’avère parfois impossible sans l’aide d’un
expert. Le magistrat est de plus en plus fréquemment contraint
d’avouer ses limites pour demander secours à la vérité technicoscientifique de l’homme de l’art, tout en gardant la main mise puisque
le principe admis dans la quasi-totalité des systèmes juridiques veut
que l’avis de l’expert ne lie pas le magistrat.
Généralement présentée comme une « mesure d’instruction
par laquelle le juge, conscient de la complexité de l’affaire dont il est
saisi ou pourrait être saisi, recourt aux lumières des spécialistes qui
ont des compétences techniques et scientifiques qu’il ne possède
pas »2, l’expertise appelle en droit tunisien une double précision.
D’une part, l’expertise est conçue dans la législation tunisienne
comme une simple mesure d’instruction du litige, contrairement à
certains autres systèmes juridiques qui conçoivent l’expertise comme
un moyen de preuve3. Ayant la nature juridique d’une mesure
1
2
3
Christian JASSOGNE, Préface, in, L’expertise, Ouvrage collectif sous la
direction de Jean GILLARDIN et Pierre JADOUL, Publications des facultés
universitaires Saint-louis, Bruxelles, 1994, p. 7.
Gilberte CLOSSET-MARCHAL « Considérations générales sur l’expertise »,
in, L’expertise, Ouvrage collectif précité, p. 9.
Il en est ainsi du droit jordanien, libyen et égyptien. Voir :
.427 ,‫ ص‬, 1991 ,‫ ﺗﻮﻧﺲ‬,"‫ﻋﺒﺪ اﷲ اﻷﺣﻤﺪي" اﻟﻘﺎﺿﻲ و اﻹﺛﺒﺎت ﻓﻲ اﻟﻨﺰاع اﻟﻤﺪﻧﻲ‬
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L’expertise dans le contentieux fiscal
d’instruction, l’expertise doit respecter un double principe. D’un côté,
l’expert ne saurait se substituer au juge, seul compétent pour dire
le droit4. Ce principe rappelle l’existence de deux risques dans
l’expertise : le risque de l’empiètement de l’expert sur la fonction
juridictionnelle du juge et le risque de délégation de la juridiction
prudentielle à la véridiction technique qui n’est pas sans rappeler la
formule célèbre de LA FONTAINE « …je le laisse juger aux
experts… »5. D’un autre côté, l’expert ne saurait se substituer aux
parties, notamment à celle à qui incombe la charge de la preuve6.
L’expertise doit respecter la charge de la preuve.
D’autre part, l’expertise n’est pas régie en droit tunisien par
des règles juridiques uniformes. Sans doute, il existe un droit commun
de l’expertise judiciaire. Mais, à côté de l’expertise de droit commun,
organisée par les articles 101 à 113 bis du CPCC, il existe certains
types particuliers d’expertises qui sont régis par des textes spécifiques
et dont l’autonomie par rapport au droit commun de l’expertise est
plus ou moins accentuée. Le droit pénal7, le droit des assurances8, le
droit administratif9 et bien d’autres disciplines juridiques ont leur
propre expertise.
En matière fiscale, existe-t-il des dispositions particulières à
l’expertise ? L’expertise dans la procédure contentieuse fiscale est-elle
une simple application dérivée de l’expertise de droit commun, celle
qui est régie par le CPCC ? Existe-t-il des caractéristiques qui
singularisent l’expertise fiscale par rapport à l’expertise de droit
commun ? La complexité technique du contentieux fiscal et le
déséquilibre de départ entre les parties au litige fiscal ne constituent-
4
5
6
7
8
9
Voir, J.C. DUCHON-DORIS « Evolution du rôle de l’expertise dans le
contentieux fiscal », BF, 3 / 90, p. 159.
Voir Christian PANIER « Conclusions générales. L’expertise en perspective »,
in, L’expertise, Ouvrage collectif précité, p. 229.
Voir, J.C. DUCHON-DORIS « Evolution du rôle de l’expertise dans le
contentieux fiscal », article précité, p. 159.
Voir les articles 101, 102 et 103 du code des procédures pénales.
Voir les articles 79, 80 et 81 du code des assurances.
Voir à titre d’exemple, la législation relative à l’expropriation pour cause
d’utilité publique. Sur l’expertise en droit administratif, voir Jean-Paul
PASTOREL, L’expertise dans le contentieux administratif, LGDJ, Paris, 1994.
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L’expertise dans le contentieux fiscal
ils pas des facteurs qui exigent que des règles spéciales à l’expertise
fiscale soient prévues par le législateur ?
C’est à la double lumière du droit des procédures civiles et
commerciales et du juge compétent en matière fiscale que nous
proposons de répondre à ces interrogations. La recherche d’une place
particulière à l’expertise fiscale dans le droit des expertises judiciaires
passe par la confrontation d’un double couples : l’expertise fiscale et
l’expertise de droit commun d’une part (I), et l’expertise fiscale et le
juge fiscal d’autre part (II).
I- L’EXPERTISE FISCALE ET L’EXPERTISE DE DROIT
COMMUN
Antérieurement à la promulgation du CDPF, l’expertise fiscale
avait une double caractéristique.
La première caractéristique est que l’expertise fiscale était
totalement indépendante de l’expertise de droit commun. Il existait
des textes fiscaux particuliers qui régissaient minutieusement
l’expertise fiscale de telle sorte qu’aucune place n’est laissée à
l’application du droit commun des expertises judiciaires dans le
contentieux fiscal.
La seconde caractéristique est que l’expertise fiscale n’était pas
une procédure contentieuse fiscale uniforme. Les règles de l’expertise
fiscale étaient éparpillées et variaient en fonction de la nature de
l’impôt objet du litige. Le contentieux d’assiette des droits
d’enregistrement avait sa propre expertise10. Le contentieux d’assiette
de l’IR, de l’IS, de la TVA et du droit de consommation avait lui aussi
sa propre expertise11.
Avec la promulgation du CDPF, l’expertise fiscale a été au
cœur des mutations consécutives à la réforme du droit du contentieux
fiscal. Les règles relatives à l’expertise fiscale ont été uniformisées à
double titre. D’un côté, le CDPF a mis fin à l’éparpillement des règles
régissant l’expertise fiscale en les incorporant dans un seul texte : le
CDPF. D’un autre côté, la procédure de l’expertise fiscale n’est plus
10
11
Voir les anciens articles 111 et 112 du CDET.
Voir l’ancien article 62 du code de la patente et son successeur l’ancien article
66 du CIR.
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L’expertise dans le contentieux fiscal
totalement indépendante par rapport à l’expertise de droit commun. Le
CDPF a en effet posé un principe de transposition des règles de
l’expertise de droit commun à l’expertise fiscale, aboutissant ainsi à
une « uniformisation » du droit de l’expertise judiciaire (A). Mais,
puisqu’il n’ y a pas un principe absolu, le CDPF a réservé certaines
règles propres à l’expertise fiscale, même si ces règles ne
particularisent l’expertise fiscale par rapport à l’expertise de droit
commun que de manière limitée (B).
A- Le principe de la transposition des règles de l’expertise
de droit commun à l’expertise fiscale
L’application des règles de l’expertise de droit commun à
l’expertise fiscale a un double fondement : un fondement logique et un
fondement juridique. D’une part, il est logique d’appliquer les règles
de l’expertise civile à l’expertise fiscale étant donné que le juge
judiciaire constitue le juge du fond en matière fiscale12. D’autre part,
tout en disposant que « les dispositions du code de procédure civile et
commerciale sont applicables aux recours visés à l’article 54 du
présent code, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux dispositions
particulières du présent code », l’article 56 du CDPF s’est contenté de
renvoyer aux règles de l’expertise de droit commun prévues par les
articles 101 à 113 bis du CPCC pour les appliquer purement et
simplement dans le contentieux fiscal.
Deux conséquences découlent de ce renvoi.
La première conséquence est relative à la désignation de
l’expert dans le litige fiscal qui obéit aux mêmes règles régissant la
désignation de l’expert dans un litige civil.
D’abord, le juge civil, et par conséquent fiscal, dispose d’un
pouvoir d’appréciation souverain quant à la prise de la décision de la
désignation de l’expert. L’expertise est, en effet, une mesure
d’instruction, en principe facultative13, à laquelle le juge peut recourir,
soit à la demande des parties, soit de sa propre initiative. Et même
12
13
Voir les articles 54 et 67 du CDPF.
Le caractère facultatif de l’expertise découle des dispositions de l’article 101 du
CPCC qui dispose que « S’il est nécessaire de procéder à une expertise et à
défaut d’entente des parties sur le choix de l’expert, le juge le désigne ».
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L’expertise dans le contentieux fiscal
lorsque l’une des parties dans le litige demande la désignation d’un
expert, le juge peut décider de ne pas donner suite à cette demande s’il
estime que l’expertise serait inutile.
Ensuite, lorsque le juge civil, et par conséquent fiscal, décide
la désignation d’un expert, il est constamment admis par la
jurisprudence de la cour de cassation tunisienne que le juge dispose
d’une liberté de choix de l’expert, peu importe qu’il soit ou non inscrit
dans la liste des experts judiciaires de la Tunisie14. L’essentiel est qu’il
soit doté de la compétence et de l’expérience technique nécessaire
pour effectuer la mission qui lui est dévolue15.
La liberté accordée au juge fiscal quant au choix de l’expert
constitue une rupture avec les anciennes règles de l’expertise dans le
contentieux fiscal qui obligeaient le juge de désigner l’expert parmi
non pas les experts judiciaires mais parmi les agents de
l’administration fiscale. L’ancien article 62 du code de la patente et
son successeur l’ancien article 66 du CIR prévoyaient que les mesures
d’instruction de l’affaire devant le juge, y compris les opérations
d’expertise, sont menées par les agents de l’administration, si bien que
l’expertise se présentait « comme le prolongement des vérifications
pratiquées par le fisc »16. Ces dispositions, heureusement supprimées
par le CDPF, constituaient, et c’est le moins que l’on puisse dire, des
atteintes graves aux garanties du contribuable lors du contentieux
fiscal et à son droit à un procès équitable17.
14
15
16
17
Cassation civile, arrêt du 4 avril 1974, RJL, 1975, n° 4, p. 23.
Cassation civile, arrêt n° 1545, du 19 avril 1979, BCC, 1979, (Partie civile),
p. 194. Cassation civile, arrêt n° 5827, du 25 novembre 1982, BCC, 1982,
(Partie civile), p. 65.
Gérard TOURNIE « L’expertise dans le contentieux fiscal soumis au juge
administratif », RSF, 1969, p. 313.
En réalité, en obligeant le juge de désigner l’expert parmi les agents de
l’administration, le législateur tunisien s’est inspiré de la législation française
antérieure à la réforme de 1959. Un auteur français écrivait à cet effet que
« pendant longtemps, l’expertise fiscale a été soumise à des règles spéciales
particulièrement défavorables au contribuable : elle était dirigée par un agent
de l’administration qui fixait discrétionnairement le jour et l’heure du début des
vérifications et rédigeait lui-même le procès-verbal des opérations à la fin
duquel il joignait son propre avis. Ce système exorbitant du droit commun
administratif et qui lésait trop manifestement les intérêts du contribuable, a été
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L’expertise dans le contentieux fiscal
La deuxième conséquence est relative à la mission de l’expert
dans le litige fiscal qui obéit aux mêmes règles régissant la mission de
l’expert dans un litige civil. Cette mission est strictement encadrée par
la loi et par la jurisprudence.
D’une part, le CPCC prévoit dans son article 103 que la
décision désignant l’expert doit indiquer :
- la mission dévolue à l’expert avec « précision et exactitude »,
ainsi que les diverses opérations à accomplir ;
- le montant de la provision à avancer à l’expert sur les frais de
l’expertise et la désignation de la partie qui en est tenue ;
- le délai maximal de dépôt du rapport d’expertise au greffe,
lequel délai ne doit pas en principe dépasser trois mois. Il peut
exceptionnellement être prorogé pour trois autres mois par une
décision motivée sur demande expresse de l’expert.
En outre, lors de l’accomplissement de sa mission, l’expert
doit convoquer les parties par une lettre recommandée avec accusé de
réception pour assister au déroulement de l’opération d’expertise18. En
cas d’inobservation de cette formalité, et à défaut de sanction
expressément prévue par le CPCC, la cour de cassation tunisienne a
été plus qu’hésitante, puisqu’elle a tantôt annulé la procédure de
l’expertise en raison de la non convocation des parties pour assister à
l’opération d’expertise19, tantôt rejeté la demande d’annulation de la
procédure d’expertise en raison, justement de l’absence d’une sanction
légale à l’inobservation de la formalité de convocation20.
Par ailleurs, l’expert doit clôturer sa mission par l’élaboration
d’un rapport qui doit indiquer de manière à la fois précise et motivée
l’avis technique de l’expert21, lequel avis n’a pas d’autorité puisqu’aux
termes de l’article 112 du CPCC « l’avis de l’expert ne lie pas le
tribunal ».
18
19
20
21
fort heureusement supprimé par la réforme de 1959 ». Philippe BERN, La
nature juridique du contentieux de l’imposition, LGDJ, Paris, 1970, p. 94.
Voir l’article 110 du CPCC.
Cassation civile, arrêt n° 14235, du 23 juin 1986, BCC, 1986, (Partie civile),
p. 56. Cassation civile, arrêt n° 8750, du 15 février 1973, BCC, 1973, (Partie
civile), p. 209.
Cassation civile, arrêt n° 7155, du 18 juin 1970, RJL n° 6, 1971, p. 71.
Voir l’article 110 du CPCC.
306
L’expertise dans le contentieux fiscal
D’autre part et outre les limites légales à la mission de l’expert,
la jurisprudence de la cour de cassation a apporté une autre restriction
dans la mesure où la mission de l’expert doit être limitée à l’examen
matériel des questions de fait et non de droit22. Cette limite s’explique
par le fait que l’expert ne peut en aucune manière se substituer au
juge, seul compétent pour dire le droit. L’attribution à un expert d’une
mission consistant dans l’examen d’un problème juridique et non
d’une question de fait risque d’aboutir à un dessaisissement du juge de
sa fonction juridictionnelle. Le juge ne doit pas statuer ultra-petita23.
Ainsi, il a été jugé par la cour de cassation qu’il n’appartient pas à
l’expert d’écouter des témoignages24 ou de procéder à un arbitrage
afin de résoudre le litige25.
B- Particularisme limité de l’expertise fiscale par rapport
à l’expertise de droit commun
Tout en prévoyant l’application des règles du CPCC dans le
contentieux fiscal d’imposition, l’article 56 du CDPF n’a pas manqué
de rappeler que les dispositions du CPCC seront écartées chaque fois
qu’elles sont contrariées par une disposition particulière du CDPF.
En matière d’expertise, malgré l’existence d’un principe
d’application des articles 101 à 113 bis du CPCC régissant l’expertise
civile dans le contentieux fiscal, les rédacteurs du CDPF ont réservé
deux dispositions particulières à l’expertise en matière fiscale.
La première disposition est celle prévue par l’article 66 du
CDPF qui dispose que « en cas d’introduction de modifications
nécessitant une nouvelle liquidation des sommes à payer ou
restituables, le tribunal peut se faire assister par l’administration
fiscale pour établir cette nouvelle liquidation ou désigner, à la
demande du contribuable, un expert à cet effet ». L’existence de cette
disposition particulière à l’expertise fiscale est justifiée par la
22
23
24
25
Cassation civile, arrêt n° 5797, du 2 avril 1981, inédit.
Voir, J.C. DUCHON-DORIS « Evolution du rôle de l’expertise dans le
contentieux fiscal », article précité, p. 159.
Cassation civile, arrêt n° 6295, du 16 juillet 1981, inédit. Cassation civile, arrêt
n° 10598, RJL, n° 4, 1959, p. 43. Cassation civile, arrêt n° 10119, du 6 mars
1975, inédit.
Cassation civile, arrêt n° 7534, du 9 février 1971, inédit.
307
L’expertise dans le contentieux fiscal
technicité de la matière fiscale qui constitue une matière peu familière
au juge et qui requiert l’éclairage des spécialistes. Rappelons le, le
juge chargé des litiges fiscaux est un diplômé des facultés de droit,
lesquelles facultés accordaient peu d’importance à la matière fiscale
dans leurs programmes d’enseignement. C’est peut-être la raison pour
laquelle l’article 66 du CDPF a accordé au tribunal la faculté de
désigner un expert chaque fois qu’une nouvelle liquidation des impôts
objets du litige est nécessaire. Encore faut-il préciser que le législateur
n’a pas accordé au tribunal la possibilité de désigner d’office l’expert.
La désignation de l’expert ne peut intervenir qu’à la demande du
contribuable.
Toutefois, les dispositions de l’article 66 du CDPF ne
permettent pas de particulariser l’expertise fiscale par rapport à
l’expertise de droit commun pour deux raisons.
D’une part, l’expertise fiscale prévue par l’article 66 du CDPF
ne constitue qu’une simple application de l’expertise civile prévue par
l’article 101 du CPCC qui pose deux règles pour la désignation de
l’expert. La première règle consiste dans le caractère facultatif de la
désignation de l’expert. Ce caractère facultatif est rappelé par l’article
66 du CDPF qui prévoit que le tribunal « peut…désigner un expert ».
La seconde règle consiste dans l’existence d’une nécessité technique
de recours à l’expert. Cette nécessité technique est rappelée par
l’article 66 du CDPF puisque le recours à l’expert est justifié par la
technicité de l’opération de liquidation des impôts objets du litige.
D’autre part, l’expertise fiscale prévue par l’article 66 du
CDPF est très peu usitée en pratique. En effet, chaque fois qu’il est
nécessaire de procéder à une nouvelle liquidation des impôts objets du
litige, le juge a pris l’habitude de charger l’administration de procéder
à cette nouvelle liquidation par un jugement préparatif. Cette pratique
jurisprudentielle autorisée par le même article 66 du CDPF et qui a
fait de l’administration fiscale un auxiliaire de justice, a presque réduit
à néant la portée de l’expertise prévue par l’article 66 du CDPF.
La deuxième disposition est prévue par l’article 62 du CDPF
qui dispose que « dans les litiges relatifs aux droits d’enregistrement
ou à l’impôt sur le revenu au titre de la plus-value immobilière, le
tribunal ordonne d’office une expertise pour évaluer la valeur vénale
308
L’expertise dans le contentieux fiscal
des immeubles, des droits immobiliers et des fonds de commerce
cédés ». Ainsi et contrairement à la procédure de l’expertise prévue
par l’article 66 du CDPF qui a un caractère facultatif, celle prévue par
l’article 62 du CDPF a un caractère « obligatoire » pour le juge, lequel
caractère a une double implication.
D’une part, le caractère obligatoire de l’expertise prévue par
l’article 62 du CDPF permet de particulariser l’expertise fiscale par
rapport à l’expertise de droit commun qui a un caractère facultatif. En
matière de droits d’enregistrement et d’impôt frappant la plus-value
immobilière, le législateur n’a laissé au tribunal aucune liberté et
aucun pouvoir d’appréciation quant au recours à l’expertise.
L’expertise est ordonnée d’office. Elle est imposée par la loi au juge.
D’autre part, le caractère obligatoire de l’expertise prévue par
l’article 62 du CDPF semble a priori constituer une garantie pour le
contribuable face à l’administration fiscale qui dispose d’un pouvoir
discrétionnaire lors de l’évaluation des biens soumis aux droits
d’enregistrement ou à l’impôt sur la plus-value immobilière. Le
recours obligatoire à des spécialistes dans l’évaluation desdits biens
protègera le contribuable contre les abus éventuels de l’administration.
Cependant, comparée au régime de l’expertise consacré par la
législation antérieure au CDPF, la procédure de l’expertise obligatoire
prévue par l’article 62 du CDPF est une garantie de moins pour le
contribuable. En effet, antérieurement à l’entrée en vigueur du CDPF,
l’administration fiscale ne pouvait pas, dans la phase même du
contrôle fiscal de la valeur des biens soumis aux droits d’enregistrement ou à l’impôt sur la plus-value, procéder discrétionnairement à
l’évaluation de la valeur vénale desdits biens. L’administration devait
conformément aux anciens articles 111 et 112 du CDET, adresser une
demande d’expertise au président du tribunal de première instance qui
procède à la désignation d’un expert chargé de l’évaluation de la
valeur vénale des biens objets de la mutation imposable et dont le
rapport était soumis à l’approbation de la cour d’appel.
Postérieurement à l’entrée en vigueur du CDPF abrogeant les
articles 111 et 112 du CDET, l’administration fiscale a été affranchie
de l’obligation de recourir à une expertise judiciaire afin de réévaluer
le bien objet de la mutation imposable. Elle s’est arrogée du pouvoir
309
L’expertise dans le contentieux fiscal
d’évaluation. Certes, l’article 62 du CDPF a prévu l’obligatoiriété du
recours à l’expertise. Mais, cet article n’est applicable qu’en cas
d’existence d’un litige soulevé par le contribuable contre l’administration, ce qui suppose que le contribuable ait été taxé d’office et
suppose par là même que l’administration ait procédé discrétionnairement à la réévaluation des biens objets de la mutation imposable.
Ainsi, au lendemain de l’entrée en vigueur du CDPF, le
législateur tunisien a retiré l’une des garanties fondamentales du
contribuable, celle qui obligeait l’administration fiscale, dans la phase
du contrôle fiscal de la valeur déclarée des biens imposables, de
recourir à l’expertise pour les besoins de la réévaluation. Aujourd’hui,
l’administration fiscale peut procéder à sa guise à la réévaluation des
biens objets des mutations soumises aux droits d’enregistrement ou à
l’impôt sur la plus-value. Le recours à l’expertise n’étant possible que
lorsque le contribuable conteste devant le tribunal de première
instance, l’arrêté de taxation d’office comportant la valeur réévaluée
par l’administration26.
II- L’EXPERTISE FISCALE ET LE JUGE FISCAL
La recherche d’une place particulière à l’expertise fiscale dans
le droit des expertises judiciaires ne peut être complète par le seul
examen des textes. Encore faut-il examiner la pratique
jurisprudentielle de l’expertise fiscale ou encore le rapport entre le
couple expertise fiscale et juge fiscal. Afin de cerner ce rapport, une
double interrogation semblent devoir être posée.
D’une part et compte tenu de la technicité de la matière fiscale,
est-ce que le juge fiscal recourt systématiquement à l’expertise ? Il
s’agit par conséquent de mesurer l’intensité du recours à l’expertise
fiscale par le juge (A).
D’autre part, étant donné que l’avis de l’expert ne lie pas le
juge, quel est en pratique le rôle joué par l’expertise fiscale dans le
règlement des litiges fiscaux ? Il s’agit par conséquent de déterminer
la fonction de l’expertise dans le litige fiscal (B).
26
Voir, Mohamed KOSSENTINI, La plus-value en droit fiscal tunisien, Thèse de
doctorat en Droit, Faculté de droit de Sfax, 2006, p. 370.
310
L’expertise dans le contentieux fiscal
A- Le recours massif à l’expertise par le juge fiscal
Contentieux technique et en évolution constante, le contentieux
fiscal fait appel à des notions et à des matières parfois étrangères à la
culture du juge. Le juge fiscal semble ainsi, beaucoup plus que les
autres juges, être enclin à recourir à l’expertise, sans pour autant
déléguer sa compétence juridictionnelle à l’expert.
Le juge fiscal se trouve ainsi tiraillé entre deux exigences :
l’exigence de recourir massivement à l’expertise compte tenu de la
technicité du litige fiscal et l’exigence d’assurer sa fonction
juridictionnelle qui lui impose paradoxalement de limiter le recours à
l’expertise et d’empêcher tout transfert de la compétence juridictionnelle à l’expert.
La recherche d’un juste milieu entre ces deux exigences n’est
pas une tâche facile pour le juge fiscal du fond. Le juge fiscal de
cassation, à savoir le tribunal administratif, a par conséquent un très
grand rôle à jouer pour censurer les dérapages du juge du fond lors du
recours à l’expertise.
S’agissant du juge fiscal du fond, et si l’on passe outre les
décisions dans lesquelles le juge a su bien usité de la technique de
l’expertise, l’examen de la pratique jurisprudentielle permet de
constater l’existence de plusieurs affaires dans lesquelles l’expertise a
été inutilement ordonnée par le juge.
D’une part, l’examen de la jurisprudence du tribunal de
première instance de Sfax démontre que toutes les fois que le litige
porte sur les droits d’enregistrement ou sur l’impôt sur la plus-value
immobilière, le juge désigne systématiquement un expert en se
fondant sur l’article 62 du CDPF. Il est vrai que les dispositions de
l’article 62 du CDPF prévoient l’obligatoiriété du recours à l’expertise
dans les litiges relatifs aux droits d’enregistrement et à l’impôt sur la
plus-value immobilière. Cependant, une lecture approfondie de
l’article 62 du CDPF permet de constater que le recours à l’expertise
n’est obligatoire que lorsque le litige porte sur l’évaluation « de la
valeur vénale des immeubles, des droits immobiliers et des fonds de
commerce ». Ainsi, lorsque le litige porte sur le principe de la
soumission d’une mutation aux droits d’enregistrement ou à l’impôt
sur la plus-value immobilière, le juge n’est pas obligé de désigner un
311
L’expertise dans le contentieux fiscal
expert, sinon, l’expertise aura un caractère inutile et « frustratoire »27
prolongeant l’instance et augmentant son coût pour le contribuable.
De même, lorsque le litige porte sur la détermination du tarif
applicable en matière de droits d’enregistrement (tarif fixe ou droit
proportionnel / droit proportionnel ou droit progressif), le juge n’est
pas obligé de désigner un expert, sinon, l’expertise aura un caractère
inutile et frustratoire.
Cependant, l’examen de la jurisprudence du tribunal de
première instance de Sfax démontre que toutes les fois que le litige
porte sur les droits d’enregistrement ou sur l’impôt sur la plus-value
immobilière, le juge désigne systématiquement un expert en se
fondant sur l’article 62 du CDPF, alors même que l’expertise est dans
plusieurs affaires, inutile. Pour ne citer que quelques exemples, le
tribunal de première instance de Sfax a, sur la base de l’article 62 du
CDPF, désigné d’office un expert pour l’évaluation de la valeur vénale
d’un immeuble dévolu au contribuable par la voie successorale, alors
même que le litige porte sur le principe de soumission dudit immeuble
aux droits de succession. En l’espèce, le contribuable a demandé tout
simplement l’application de l’exonération de l’immeuble des droits de
succession en se basant sur l’article 52 du CDET, puisqu’il s’agissait
de l’habitation principale du défunt28.
D’autre part, l’expertise fiscale s’est développée massivement
dans les litiges dans lesquels le caractère probant de la comptabilité
tenue par le contribuable est en jeu. En réalité « rien ne s’oppose a
priori que le juge…qui doit apprécier de la valeur probante de la
comptabilité fasse appel, s’il l’estime nécessaire, à un expert »29,
d’autant plus que les règles et les écritures comptables constituent une
matière tellement technique que le juge en est profane.
Cependant, la technicité de la comptabilité ne doit pas servir de
prétexte pour le juge pour désigner systématiquement un expert toutes
27
28
29
René BOUSQUET, « Tribunal administratif. Expertise et autres mesures
d’instruction », Juris-Classeur Procédures fiscales, 2001, n° 9.
Tribunal de première instance de Sfax, jugement n° 238 du 18 mai 2005.
Tribunal de première instance de Sfax, jugement n° 239 du 18 mai 2005.
Tribunal de première instance de Sfax, jugement n° 240 du 18 mai 2005.
J.C. DUCHON-DORIS, « Evolution du rôle de l’expertise dans le contentieux
fiscal », article précité, p. 159.
312
L’expertise dans le contentieux fiscal
les fois que le litige porte sur la régularité de la comptabilité. Certaines
irrégularités peuvent facilement être décelées par le juge. Il en est
ainsi des irrégularités formelles qui découlent, à titre d’exemple, du
caractère incomplet de la comptabilité présentée par le contribuable.
Pourtant, l’examen de la jurisprudence du tribunal de première
instance de Sfax démontre que dans de nombreuses affaires, le juge
désigne un expert pour examiner la régularité de la comptabilité alors
qu’il ressortissait des pièces du dossier que la comptabilité présentait
des irrégularités notoires lui ôtant tout caractère probant. Ainsi, le
tribunal de première instance de Sfax a désigné inutilement un expert
pour vérifier la régularité des écritures comptables alors qu’il découle
des pièces du dossier que la comptabilité du contribuable est
incomplète puisqu’il n’a présenté ni le livre journal, ni le livre
d’inventaire, d’autant plus que le contribuable a avoué devant le
juge l’existence de quelques écritures comptables arbitrairement
enregistrées30.
Les tribunaux doivent se rendre compte que tout recours
excessif à l’expertise est dommageable aussi bien pour les justiciables
en prolongeant inutilement le procès et en augmentant son coût, que
pour le juge lui-même qui se dessaisi de sa compétence juridictionnelle au profit de l’expert.
Le juge fiscal de cassation, à savoir le tribunal administratif,
sera-t-il vigilent pour censurer l’usage abusif et inutile de l’expertise
par le juge du fond dans l’instruction du litige fiscal ?
L’examen de la jurisprudence du tribunal administratif se
rapportant à l’expertise permet de constater que le tribunal a tendance
à refuser d’exercer tout contrôle sur le juge du fond quant au recours à
l’expertise. Si l’on excepte l’arrêt n° 34516 du 3 mai 2004 dans lequel
le TA a cassé la décision de la cour d’appel de Tunis parce que cette
dernière n’a pas motivé le rejet des contestations du contribuable se
rapportant à la méthode d’évaluation de l’immeuble retenue par
l’expert, dans la majorité des arrêts, le TA a refusé d’examiner le bien30
Tribunal de première instance de Sfax, jugement n° 46 du 30 juin 2004.
Tribunal de première instance de Sfax, jugement n° 47 du 30 juin 2004.
Tribunal de première instance de Sfax, jugement n° 53 du 30 juin 2004.
Tribunal de première instance de Sfax, jugement n° 54 du 30 juin 2004.
313
L’expertise dans le contentieux fiscal
fondé du recours à l’expertise par le juge du fond pour des motifs de
recevabilité :
- la contestation par le contribuable du recours à l’expertise par
le juge de fond a été insérée sous l’intitulé « violation des droits de
défense » alors que l’avocat du contribuable devrait l’insérer sous
l’intitulé « insuffisance de motivation »31 ;
- la contestation par le contribuable du recours à l’expertise par
le juge de fond a été insérée sous l’intitulé « violation des droits de
défense et insuffisance de motivation » alors que l’avocat du
contribuable devrait utiliser un seul intitulé, celui de « l’insuffisance
de motivation »32 ;
- la contestation par le contribuable du recours à l’expertise par
le juge de fond est mentionnée dans le mémoire ampliatif sans être
prévue dans la demande de pourvoi en cassation33.
Le TA cherche-t-il alors des prétextes pour débouter le
contribuable de sa demande ? Il se comporte comme un professeur
universitaire qui exige de ses étudiants une adaptation des intitulés aux
développements. Au lieu de chercher la vérité, le TA se rattache à un
formalisme qui n’est d’ailleurs pas exigé par la loi.
Ce rigorisme du TA, on ne le retrouve pas dans la
jurisprudence de la cour de cassation se rapportant à l’expertise
judiciaire. La cour de cassation contrôle minutieusement le recours à
l’expertise par le juge du fond sans se soucier de l’intitulé du motif
évoqué par le justiciable. L’essentiel pour elle, est de garantir les
droits des justiciables à un procès équitable. L’Etat de droit, le vrai,
l’exige.
31
32
33
Tribunal Administratif, arrêt n° 33069 du 9 février 2004, inédit. Tribunal
Administratif, arrêt n° 34465 du 22 mars 2004, inédit.
Tribunal Administratif, arrêt n° 33953 du 26 janvier 2004, inédit. Tribunal
Administratif, arrêt n° 34238 du 23 février 2004, inédit. Tribunal Administratif,
arrêt n° 33984 du 8 mars 2004, inédit.
Tribunal Administratif, arrêt n° 34413 du 12 janvier 2004, inédit. Tribunal
Administratif, arrêt n° 33983 du 3 novembre 2003, inédit.
314
L’expertise dans le contentieux fiscal
B- L’altération de la fonction de l’expertise par le juge
fiscal
Etant une mesure d’instruction, l’expertise judiciaire a un rôle
limité à l’examen d’une situation de fait ou d’un problème technique
embarrassant pour le juge. Ce rôle limité de l’expertise a une double
implication. D’une part, l’expert ne saurait se substituer au juge, seul
compétent pour dire le droit et pour trancher le litige. D’ailleurs, l’avis
de l’expert n’a aucune autorité puisqu’aux termes de l’article 112 du
CPCC, il « ne lie pas le tribunal ». D’autre part, l’expert ne saurait se
substituer aux parties, notamment à celle à qui incombe la charge de la
preuve.
Transposés à l’expertise fiscale, ces principes régissant
l’expertise judiciaire ont été aménagés par le juge fiscal.
D’un côté, même s’il n’a aucune autorité et qu’il ne lie pas le
juge, l’avis de l’expert est presque systématiquement respecté par le
juge fiscal. La jurisprudence fiscale tunisienne, que nous avons pu
consulter, ne comporte aucune décision dans laquelle le juge a statué
contre tout ou partie des conclusions de l’expert.
D’un autre côté, même si l’expertise constitue en principe une
mesure d’instruction et non pas un moyen de preuve, le juge fiscal a
tendance à altérer la fonction de l’expertise fiscale en l’admettant
comme un moyen de preuve. L’examen de la jurisprudence relative à
l’imposition de la plus-value immobilière constitue un exemple
d’illustration. En effet, tout en partant de l’article 28 du CIR, qui
prévoit que la plus-value immobilière imposable est égale à la
différence entre le prix de cession et le prix d’acquisition de
l’immeuble majoré des dépenses « justifiées », le tribunal de première
instance de Sfax a jugé que « étant donné que l’article 28 du CIR n’a
exigé aucune modalité particulière pour justifier les dépenses à
ajouter au prix d’acquisition, le recours à l’expertise comme un
moyen de preuve et d’évaluation de ces dépenses reste
possible…d’autant plus qu’il est pratiquement impossible que le
contribuable conserve les pièces justifiant les dépenses engagées
315
L’expertise dans le contentieux fiscal
éternellement en
immeuble »34.
l’attente
d’une
cession
éventuelle
de
son
Même si elle est discutable, cette jurisprudence nous parait peu
contestable.
Elle est discutable parce qu’elle a altéré la fonction de
l’expertise qui devient un moyen de preuve alors même que l’article
427 du COC énumérant limitativement les moyens de preuve, ne cite
pas l’expertise. En outre, la mission de l’expert doit respecter la
charge de la preuve. Lorsque cette charge incombe au contribuable,
l’expertise ne peut porter que sur l’examen des justifications produites
par le contribuable35. Or, dans la jurisprudence relative à l’impôt sur la
plus-value immobilière, même si le contribuable, à qui incombe la
charge de la preuve des dépenses à majorer au prix d’acquisition,
n’apporte aucune justification desdites dépenses, le juge a confié à
l’expert la charge de la preuve de ces dépenses. L’expert se substitut
ainsi à la partie à laquelle incombe la charge de la preuve.
Cependant, cette jurisprudence est peu contestable parce qu’elle
s’inscrit dans le cadre d’une extension du rôle inquisitorial du juge,
poussé par le désir de juger au plus juste, voire selon l’équité, compte
tenu de l’impossibilité pratique pour le contribuable de conserver les
pièces justifiant les dépenses à majorer au prix d’acquisition.
D’ailleurs, le professeur AYADI écrivait à cet effet que «…ce régime
n’est ni réaliste ni applicable. Il est en effet difficile d’exiger du
propriétaire de conserver pendant un délai indéterminé les
justifications des dépenses effectuées sur l’immeuble faisant l’objet de
la cession »36. Le législateur tunisien aurait pu, à l’instar de son
homologue français, recourir à l’évaluation des diverses impenses par
34
35
36
Tribunal de première instance de Sfax, jugement n° 145 du 18 février
Tribunal de première instance de Sfax, jugement n° 149 du 21 janvier
Tribunal de première instance de Sfax, jugement n° 202 du 14 juillet
Tribunal de première instance de Sfax, jugement n° 285 du 4 mai
Tribunal de première instance de Sfax, jugement n° 280 du 29 juin
Tribunal de première instance de Sfax, jugement n° 279 du 15 juin 2005.
2004.
2004.
2004.
2005.
2005.
Voir, Bernard DELIGNIERE « Preuve fiscale. Généralités. Charge et administration de
la preuve », Juris-Classeur Procédures fiscales, 1994, n° 90 à 92.
H. AYADI, Droit fiscal. Impôt sur le revenu des personnes physiques et impôt
sur les sociétés, CPU, Tunis, 1996, p. 167.
316
L’expertise dans le contentieux fiscal
voie d’expertise. En effet, conformément à l’article 150-L ancien du
CGI français « Lorsque le contribuable n’est pas en état d’apporter la
justification des dépenses de construction, de reconstitution,
d’agrandissement, de rénovation ou d’amélioration…, ces dépenses
sont fixées au choix du contribuable soit à dire d’expert, soit
forfaitairement à 15% du prix d’acquisition »37.
Même si le législateur n’a pas conçu l’expertise comme un
moyen de preuve, la jurisprudence fiscale tend à transformer la nature
juridique de l’expertise d’une simple mesure d’instruction à un moyen
de preuve.
En définitive, l’expertise fiscale a une place particulière dans le
droit des expertises judiciaires grâce, plus au juge fiscal, qu’au
législateur fiscal.
37
Les dispositions de l’article 150 L du CGI français ont été abrogées. En l’état
actuel de la législation, et conformément à l’article 150 V-B du CGI, la solution
consistant dans le recours à l’expertise pour évaluer les frais de construction ou
d’amélioration a été supprimée. A défaut de justification par le contribuable
desdits frais, une majoration de 15% du prix d’acquisition est pratiquée.
317

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