actuassurance – la revue numerique en droit des assurances

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actuassurance – la revue numerique en droit des assurances
ACTUASSURANCE – LA REVUE NUMERIQUE EN DROIT DES ASSURANCES
Publication n° 25 MARS-AVR 2012
Cass. 2ème civ., 9 février 2012, n° 11-26362
Conditions de la subrogation de l’assureur – L. 121-12 – Production du contrat
d’assurance de responsabilité (oui) – Justification de l’indemnisation de la victime (oui)
Obs. : Conditions de la subrogation en assurance transport
Les assureurs du commissionnaire de transport ayant produit le contrat d’assurance et
justifié l’indemnisation d’une partie du préjudice subi par la victime, la Cour d’appel ne
pouvait rejeter leur recours subrogatoire.
L’arrêt de la Cour de cassation présente d’abord un intérêt par les rappels qu’il contient en son
début. En un attendu synthétique, la décision rappelle que la subrogation du Code des
assurances profite à « l'assureur contractuellement tenu de verser l'indemnité en exécution de
la police d'assurance est subrogé dans les droits et actions de l'assuré jusqu'à concurrence de
cette indemnité contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la
garantie de l'assureur ». Modifiant subtilement le texte de l’article L. 121-12, l’arrêt met
l’accent sur le fait que l’indemnité doit avoir été versée (condition de toute subrogation) mais
aussi qu’elle ait été due (Cass. 2e civ., 6 oct. 2011, n° 10-20193, LEDA 2011, 162, obs.
Krajeski). Ce ne sera pas le cas si l’assureur aurait pu refuser la garantie en raison d’une
exclusion ou d’une cause de nullité du contrat. La jurisprudence admet cependant la
subrogation si l’assureur indemnise après accomplissement du délai de prescription (Cass.
com., 26 janv. 2010, n° 08-13898, RCA 2010, 96, note Asselain).
Le bénéfice du recours suppose donc que l’assureur démontre qu’il remplit les deux
conditions en justifiant le paiement (souvent par quittance), et son obligation de payer en
produisant le contrat d’assurance. C’est ce que rappelle la Cour de cassation en l’espèce. Les
faits s’inscrivaient cependant dans une certaine complexité. En l’espèce une entreprise avait
confié le transport de marchandises à un commissionnaire qui avait à son tour chargé de la
même mission une entreprise qui en avait chargé une troisième ! Au final les marchandises
furent volées et partiellement retrouvées.
Chacune des entreprises en cause bénéficiait d’un contrat d’assurance. L’expéditeur et le
commissionnaire avaient souscrit leur contrat par le biais du même intermédiaire. Cela avait
favorisé la conclusion d’une transaction entre les assureurs de l’expéditeur et du
commissionnaire pour la partie du préjudice subi. Cette transaction était fondée sur un
versement fait par l’intermédiaire à l’expéditeur pour le compte de ses propres assureurs. Les
assureurs du commissionnaire ayant, en exécution de la transaction, remboursé les assureurs
de l’expéditeur, ils exerçaient à leur tour un recours contre les personnes qu’ils avaient
chargées du transport. Les juges du fond rejetèrent la demande en leur reprochant de ne pas
produire la police justifiant le paiement initialement fait à l’expéditeur. C’est sur ce point
qu’intervient la cassation. L’assureur de responsabilité produit la police qui le lie au
commissionnaire et en vertu de laquelle il a versé le montant ayant fait l’objet de la
transaction. Pour la Cour de cassation, dans cette situation, il n’est pas nécessaire qu’il justifie
de l’ensemble des polices d’assurance en jeu, et notamment celle qu’a pu souscrire la victime.
Les juges du fond semblent avoir une position contraire plus radicale. Dans une situation où
plusieurs indemnités d’assurances sont dues en chaine, la condition d’une indemnité
contractuellement due s’étend à toutes les garanties. C’est cependant une preuve trop lourde
pour l’assureur de responsabilité et c’est ajouter à l’article L. 121-12. Le texte revu et corrigé
par la Cour de cassation impose à l’assureur la preuve de sa propre obligation et celle de son
exécution : pas moins, pas plus.
D. Krajeski
Arrêt
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 121-12 du code des assurances ;
Attendu qu'en application de ce texte, l'assureur contractuellement tenu de verser l'indemnité
en exécution de la police d'assurance est subrogé dans les droits et actions de l'assuré jusqu'à
concurrence de cette indemnité contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant
donné lieu à la garantie de l'assureur;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Moët & Chandon a chargé la société ABX
logistics, agissant en qualité de commissionnaire de transport, d'organiser l'expédition en
Italie de cartons de champagne ; que la société ABX logistics a confié le transport à la société
de droit italien Societa Abruzzese Autotrasporti (SAA) laquelle est assurée par la société de
droit italien INA Assitalia SPA venant aux droits de la société Assitalia Le Assicurazioni
d'Italia SPA ; que la société SAA a confié, à son tour, le transport à la société de droit italien
Corsi Sped SRL (Corsi Sped) assurée auprès de la société de droit italien Aurora
Assicurazioni venant aux droits de la société Winterthur Assicurazioni ; que la marchandise
d'une valeur totale de 625 376, 55 euros a été volée peu après sa prise en charge par la société
Corsi Sped ; qu'à la suite de la découverte d'une partie des marchandises volées, l'expert a
chiffré le préjudice subi à la somme de 88 685, 76 euros ; que la société ABX logistics a
déclaré le sinistre auprès de la société Siaci, agent souscripteur de son contrat d'assurance ;
que la société Moët et Chandon, qui avait souscrit auprès des sociétés Axa Corporate
Solutions, Allianz Marine & Aviation (France), Lloyd's Syndicate, CNP Insurance Company
LTD, XL Insurance Company LTD et Ace European Group LTD une police d'assurance
facultés terrestre n° 980823B par l'intermédiaire de la société Siaci, représentant les sociétés
d'assurances, a été indemnisée par ses assureurs à hauteur de la somme de 88 685, 76 euros ;
que la société ABX Logistics avait souscrit auprès des sociétés Axa Corporate Solutions,
Allianz Marine & Aviation (France), Generali assurances IARD et Le Continent une police
d'assurance responsabilité civile professionnelle garantissant sa responsabilité civile de
commissionnaire de transport ; que les polices d'assurances de l'expéditeur et du
commissionnaire de transport étant gérées par le même souscripteur, la société Siaci, les
assureurs de la société ABX Logistics ont transigé avec ceux de la société Moët et Chandon à
hauteur d'une somme de 57 646 euros suivant quittance du 30 septembre 2003 ; que par acte
du 17 octobre 2003, les sociétés Axa Corporate Solutions, Allianz Marine & Aviation
(France), Generali assurances lARD et Le Continent ont fait assigner la SAA, Assitalia et
Corsi Sped devant un tribunal de commerce en paiement de la somme de 57 646 euros, outre
intérêts au taux de 5 % en application de l'article 27-1 de la convention signée à Genève le 19
mai 1956 (la CMR) ; que par acte du 20 février 2004, la SAA et Assitalia ont fait assigner
Corsi Sped et la société Winterthur Assicurazioni ; que par acte du 13 juillet 2004, Corsi Sped
a appelé en garantie la société Winterthur Assicurazioni ; que ces instances ont été jointes ;
Attendu que pour déclarer irrecevables les demandes des assureurs du commissionnaire de
transport, l'arrêt énonce que l'assureur n'est légalement subrogé dans les droits et actions de
l'assuré que dans la mesure où l'indemnité qu'il a versée était contractuellement due de sorte
qu'il lui appartient de rapporter la preuve que le paiement est intervenu en vertu d'une garantie
régulièrement souscrite, laquelle peut seule conférer à ce paiement la qualité d'indemnité
d'assurance au sens de l'article L. 121-12 du code des assurances ; que si les sociétés Axa
Corporate Solutions assurances, Allianz Global Corporate & Speciality (France) et Generali
assurances lARD justifient des paiements qu'elles ont effectués au profit des assureurs de la
société Moët & Chandon pour le compte de leur assuré, la société ABX logistics, et si elles
versent aux débats la police souscrite par cette dernière, il n'est pas justifié des conditions
dans lesquelles la société Siaci a payé à l'expéditeur la somme de 88 685, 76 euros ; qu'en
effet, la police d'assurance facultés terrestre n° 9808238 qu'aurait souscrite la SA Moët &
Chandon n'est pas produite ; que la preuve n'est donc pas rapportée que la somme que la
société Siaci a versée à la SA Moët & Chandon l'a bien été en exécution d'une obligation de
garantie née d'un contrat d'assurance souscrit auprès des assureurs qu'elle représentait ; que
seule la production de cette police aurait permis de déterminer précisément l'étendue des
garanties qu'elle offrait et d'établir que le paiement effectué par la société Siaci les 19
décembre 2002 et 3 mars 2003 l'a été en exécution d'une obligation contractuelle de garantir
l'assuré ;
Qu'en statuant ainsi alors qu'elle constatait que les assureurs du commissionnaire de transport,
tenus d'assurer la responsabilité civile de celui-ci, produisaient le contrat d'assurance et
justifiaient avoir indemnisé la victime d'une partie du préjudice subi, la cour d'appel a violé le
texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 septembre 2010, entre
les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans
l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour
d'appel de Paris ;

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