La Panne
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Le Soir Mercredi 30 juillet 2014 Le Soir Mercredi 30 juillet 2014 20 LEMONDE SÉRIE SÉRIE UN ÉTÉ 14 3/35 Chaque jour dans LeSoir17h, découvrez la version longue du prochain sujet : Félix Body s’en va-t-en guerre. Une médecine de guerre née à La Panne Le conflit va faire sortir des dunes, à douze kilomètres du front, un hôpital de guerre parmi les plus innovants de l’époque. A sa tête, Antoine Depage. L RÉCIT orsqu’éclata la guerre, le manque de préparation du service de santé de l’armée belge était évident. Après des décennies de paix et d’insouciance, l’organisation des hôpitaux de campagne était désuète, et la Croix-Rouge de Belgique n’était elle-même guère préparée à prendre en main l’organisation hospitalière du pays. Quelques heures après le déclenchement des hostilités, la reine Élisabeth prit l’initiative d’appeler au palais royal un certain Antoine Depage, qu’elle pensait seul capable de gérer les implications médicales de la crise dans laquelle le pays était entré. Médecin de Cour Mais de qui s’agissait-il ? A l’époque, Antoine Depage, 52 ans, était l’un des plus grands chirurgiens du royaume, et la reine était convaincue qu’il était l’homme qu’il fallait au pays pour gérer la crise naissante. Né en 1862 à Boitsfort, diplômé de l’ULB, Antoine Depage était passé par le service d’autopsie de l’hôpital Saint-Pierre, puis s’était spécialisé à Leipzig, Vienne et Prague. A l’entame de la guerre, il était donc « bien en Cour » et la reine ne pouvait que penser à lui, puisque c’est Antoine Depage qui a été chargé en 1909 d’opérer – fût-ce sans succès – le roi Léopold II, alors atteint d’un cancer du côlon. Pour situer le personnage, notons qu’Antoine Depage avait participé à la création de la Société belge de chirurgie, de la Société internationale de chirurgie (dont il présida le congrès international en avril 1914) et qu’il avait créé non seulement l’École belge d’infirmières diplômées, mais aussi l’institut de chirurgie Berkendael, dont Edith Cavell deviendra l’infirmière en chef. Leçons des Balkans sur lesoir.be Notre site web vous en offre davantage : retrouvez-y chaque jour ces récits dans leur version longue, leurs hyperliens, les galeries photos et vidéos. http://swar.be/ete14 Cette série exceptionnelle a été réalisée sur deux années académiques, de 2012 à 2014, par les étudiants de dernière année de l’Ecole de Journalisme de Louvain. L’historien Olivier Standaert a assuré la critique et l’édition historiques. Le journaliste Alain Lallemand assure le coaching narratif et l’édition finale. Les vidéos et visuels web ont été dirigés par le Pr. Philippe Marion. Et la guerre, ça le connaît : deux ans plus tôt, lorsque la première guerre balkanique a éclaté, Depage avait pris l’initiative d’y envoyer quatre équipes médicales de la Croix-Rouge : deux en Serbie, une en Bulgarie, la quatrième en Turquie. Il prendra lui-même la tête de l’hôpital de campagne belge (ce qu’on appelait alors une « ambulance ») dépêché à Constantinople, et offrit à un groupe de chirurgiens, pour la plupart sans expérience militaire, une réelle qualification de terrain pour soigner les blessés de guerre. A l’aube d’événements qui allaient plonger l’Europe entière dans le conflit, ces hommes allaient être amenés à reprendre du service et à jouer un rôle de premier plan. La guerre des Balkans avait aidé Depage à réaliser que le sort des blessés dépendait avant tout des premiers soins apportés au plus près du front des combats. Il avait une connaissance et une maîtrise de la chirurgie de guerre dont peu de médecins pouvaient à l’époque se targuer. Sollicité par le Palais, Depage hésita mais finit par accepter la proposition, à deux conditions : d’abord celle de recevoir un million de francs afin d’acheter du matériel adéquat, et ensuite d’être placé à la direction d’une nouvelle ambulance, un nouvel hôpital de campagne. Ces requêtes furent acceptées et il fut nommé à la tête de l’éphémère ambulance du Palais royal. En quelques jours, le Palais fut transformé en hôpital « de for- tune » de mille lits, une structure qu’on ne citera que pour mémoire : l’occupant gagna Bruxelles en quelques jours, l’ambulance du Palais royal y perdit sa raison d’être. L’automne 14 ment des locaux, si le besoin s’en faisait sentir. Le bâtiment était spacieux, soit, mais son équipement médiocre : il n’était destiné qu’à recevoir des clients en été. Une fois lancés les travaux de transformation, Antoine Depage partit pour Londres afin d’équiper l’hôtel d’un système de… chauffage. En quelques semaines, le Grand Hôtel Océan n’en devint pas moins un hôpital qui allait attirer les regards de la communauté internationale. A l’initiative du roi Albert et de la reine Élisabeth, Antoine Depage fut nommé colonel-médecin, responsable de cet hôpital de campagne tout neuf. On s’en doute, la décision fut mal acceptée par le général médecin Mélis, alors inspecteur général du service de santé : Depage était un civil et non un militaire et, sans grand respect de la hiérarchie, il choisissait ses assistants parmi les militaires selon leur degré de compétence et non pas en fonction de leur ancienneté. Pour éviter toute tension, les souverains durent faire preuve de doigté et user de leurs talents de conciliation. La marée allemande déferla sur la Belgique et, le 9 octobre 1914 vers midi, les Allemands occupaient Anvers, avec d’autant plus de facilité que leur réputation les avait précédés : la population redoutait les atrocités allemandes, elle avait fui. A ce moment, la quasi-totalité de la Belgique était occupée par les troupes allemandes et l’armée belge décida, le 15 octobre, de se retrancher derrière la ligne de l’Yser. Le couple royal l’accompagna. En conséquence, les autorités allemandes contrôlaient tous les hôpitaux et ambulances du pays. Depage et son épouse rejoignirent à leur tour les souverains sur la côte, où la situation devenait critique : les soldats blessés au front étaient regroupés à Dunkerque, puis évacués en train à Calais ou en bateau vers l’Angleterre (Le Soir de mardi). Faute de recevoir en temps voulu des soins médicaux, deux tiers des blessés mourraient. Le roi Albert proposa alors à Antoine Depage de recentrer sa mission, de diriger le service de santé de l’armée belge. C’était un poste militaire, qui le chargeait de l’évacuation des blessés du front vers la Croix-Rouge. DePlus de 19.000 blessés ont été page refusa : il ne souhaitait pas traités à La Panne. © ARCHIVES UCL. s’enliser dans les rouages d’une hiérarchie militaire qu’il avait du mal à respecter. En lieu et place, il fut nommé médecin principal de seconde classe et reçut comme mission de créer une ambulance chirurgicale à Calais. En quelques semaines, il transforma l’institut des filles Jeanne d’Arc en hôpital chirurgical. L’ambulance pouvait accueillir plus de 350 lits. Mais en novembre 1914, le front commençait à se fixer sur les rives de l’Yser. Calais était une base chirurgicale trop éloignée, la construction d’un hôpital proche de la zone de combats s’imposait. Le 20 novembre, Antoine Depage décida de créer, avec le soutien de la reine Élisabeth, l’hôpital de l’Océan à La Panne. Le 14 décembre 1914, l’arrivée de personnel infirmier anglais fut annoncé et les services commencèrent à se mettre en place. Ces premières infirmières étaient des femmes formées en Angleterre, au Canada, aux États-Unis et au Danemark. Seules deux d’entre elles étaient belges, et elles éprouveront de grandes difficultés à se mettre à l’heure anglaise. Elles souffriront surtout de leur incapacité à partager entre collègues les émotions ressenties face à la souffrance des patients : l’obstacle de la langue les isolait. La situation s’améliorera quelques mois plus tard, le 6 juillet 1915, lorsque débarqueront à La Panne les premières infirmières belges ayant suivi une formation en Angleterre. Initialement doté de 200 lits, l’hôpital s’agrandira rapidement pour atteindre le nombre de 2.000 lits aux moments les plus intenses de la guerre. Des milliers de combattants y séjourneront pour être soignés de leurs blessures, de leurs fractures, infections et intoxications au gaz. Mais n’allons pas plus vite que les tambours de la guerre : c’est le L’essor de 1915 Au fil des mois, l’Océan va acquérir une renommée importante grâce à l’esprit d’innovation et d’organisation d’Antoine Depage. Le fait d’avoir été un établissement dépendant de la CroixRouge permit à l’hôpital de fonctionner avec plus de souplesse qu’un établissement militaire. Au départ, le rez-de-chaussée n’abritait que deux salles d’opération ; il va bientôt en héberger six. Pas La reine Elisabeth visitait régulièrement l’hôpital. © ARCHIVES UCL. son mari en Turquie lors de la guerre des Balkans, et fut de même à ses côtés pendant les premiers mois de la Grande Guerre. En deuil de Marie Après trois mois passés à parcourir les États-Unis, Marie Depage décida de rentrer en Belgique fin avril 1915. A New York, deux possibilités d’embarquement s’offrirent à elle, le SS Lapland pour le port de Liverpool ou le RMS Lusitania pour le port de Queenstown. Le 1er mai, Marie embarquait, hélas, dans le Lusitania, cabine E-61. L’Histoire retient que le 7 mai 1915, à 14 h 10, le paquebot fut torpillé à tribord par le sous-marin allemand U-20. Il était à environ douze milles marin de la côte irlandaise. Dix-huit minutes plus tard il sombrera dans les profondeurs de la mer (Le Soir de mardi). Ce naufrage entra aussitôt dans l’histoire comme le symbole de la violence de la guerre sousmarine, et son torpillage sera exploité abondamment par la propagande britannique. Lors du naufrage, Marie Depage entreprit de calmer les passagers et de les aider à embarquer dans les chaloupes de sauvetage. Sachant que le bateau coulait, elle s’occupa à panser les mains des hommes qui s’étaient brûlés en laissant filer les cordes des chaloupes. Lorsque l’eau arriva à la hauteur du pont supérieur, Marie se jeta à l’eau mais elle s’empêtra dans les cordages. Elle se noya. Antoine Depage fut ravagé par la nouvelle. Il entreprit d’aller reconnaître le corps de son épouse à Queenstown, en ramena la dépouille à La Panne et l’enterra temporairement dans une dune bordant l’Hôpital Océan. L’hôpital assuma un rôle-clé tout au long de la guerre. 1917 fut une autre année de grands dangers : La Panne fut fortement touchée par le conflit, plusieurs bom- bardements endommagèrent l’hôpital et il fut temporairement déplacé à Vinkem, près de Furnes, jusqu’en septembre 1918. Mais l’hôpital de l’Océan put rouvrir ses portes aux derniers mois de la guerre pour soutenir l’offensive finale qui mena à l’Armistice. Médecine moderne La paix revenue, Antoine Depage multiplia ses activités : il fut nommé président de la CroixRouge de Belgique, fonda la Croix-Rouge du Congo, prit en main le département de chirurgie de l’hôpital Brugmann, non sans prêter son concours à la création de la ligue nationale belge contre le cancer et du mouvement des boy-scouts de Belgique. De conviction libérale, il fut même sénateur, avant de quitter ce monde en 1925. Et ce fameux hôpital de l’Océan, qu’en reste-t-il aujourd’hui ? Il ferma définitivement ses portes le 15 octobre 1919, en raison de l’épidémie de grippe espagnole qui frappait alors le pays. Le bâtiment fut détruit après la Seconde Guerre mondiale et, aujourd’hui, il a été remplacé par la résidence reine Élisabeth, située au no 70 de la Zeedijk. Mais la médecine se rappelle de cet hôpital disparu, où plusieurs techniques de pointe furent éprouvées. En 1915, Marie Curie visita son département de radiographie. Dans ce même hôpital, on effectua les premières transfusions d’un sang traité au citrate pour empêcher sa coagulation et faciliter son stockage. C’est là aussi que de nombreux médecins se familiarisèrent avec une stérilisation innovante des plaies, telle qu’on la découvrait à l’époque avant l’usage d’antibiotiques. Et puis il reste ce chiffre : y ont été traités pas moins de 19.375 blessés. ■ La manufacture de Leffe anéantie ALBA SALTO Michel Kellner devant les noms des victimes. © RENÉ BRENY. intigny-Leffe (Dinant). Dinant, ville martyrisée, cela T ne fait pas l’ombre d’un doute. Antoine Depage mit un certain temps à s’habituer à l’uniforme. © ARCHIVES UCL. LES OBJETS DE LA GUERRE L’uniforme de médecin militaire Au Grand Hôtel ! A l’époque, La Panne était une petite localité balnéaire, devenue virtuellement, par le séjour prolongé du couple royal, la capitale du réduit de terre qu’était devenue la Belgique indépendante. En outre, la ville se trouvait à seulement douze kilomètres du front de l’Yser. La Panne offrait un autre avantage : il s’y trouvait un grand hôtel qu’il était possible de réquisitionner. Le Grand Hôtel Océan était l’un des rares édifices de grande taille construits sur la côte belge du début du siècle. Doté de quatre étages et disposant de pas moins de cent chambres, l’hôtel pouvait aisément être transformé en hôpital. Il avait en outre l’avantage d’être construit face à la mer, devant de vastes dunes, ce qui, outre le bienfait apporté à la convalescence des blessés, offrait l’espace nécessaire à l’agrandisse- 21 décembre 1914 qu’Antoine Depage reçut les tout premiers blessés, au premier étage de l’hôpital. Parmi les premières personnes hospitalisées se trouvait une femme couverte de plaies : elle venait de perdre son mari et son enfant dans le bombardement de l’hôpital d’Ypres dans lequel elle se trouvait. Son cas créa une polémique au sein du personnel infirmier anglais, qui refusait de soigner des civils. En définitive, la jeune femme fut prise en charge par une infirmière belge, mais succomba à ses blessures au lendemain de Noël, le 26 décembre. moins de 160 infirmières vont y travailler, logées dans les villas alentour, assistées de 280 brancardiers, parmi lesquels de nombreux prêtres volontaires. A mesure que des financements étrangers lui parviennent, l’hôpital sera en mesure de construire plusieurs pavillons distincts, baptisés en hommage aux donateurs. Ainsi le pavillon britannique (cent lits), le pavillon Everyman (240 lits), etc. Mais afin de préserver l’avenir de cette « ambulance », Antoine Depage réalisa qu’il fallait intéresser les Américains au sort de l’établissement. Fin janvier 1915, sa femme et collaboratrice Marie entreprit une tournée de conférences aux États-Unis dans le but de récolter des fonds pour alimenter l’hôpital de l’Océan. En trois mois de tournée, elle réunit outre-Atlantique près de cent mille dollars et mit en place les comités de soutien belgo-américains de la CroixRouge. Mariée avec Antoine depuis 1893, Marie Picard était devenue sa complice, son amie, mais aussi son indispensable associée. Elle avait fondé avec son mari la Société internationale de chirurgie, de même que cette fameuse première École belge d’infirmières diplômées. Elle avait également suivi A l’aube de la Première Guerre mondiale, les uniformes du Service de santé étaient en voie de transformation. Les officiers portaient encore une vareuse bleu roi avec un collet de velours amarante ou vert, et un pantalon de drap marengo ou une culotte. Les insignes du grade et du service de santé étaient brodés sur la vareuse. Un bonnet de police surplombait leur tête. Antoine Depage ne put s’habituer au port de l’uniforme de lieutenant-colonel médecin tel que l’Armée belge l’imposait. Il supportait mal la tunique serrante et sans poches, qui était non seulement inconfortable mais aussi inadaptée à la fonction de médecin. Il décida d’adapter sa tenue en fonction de ses nécessités : sous sa tunique, il enfilait un gilet civil de même tissu sur lequel il avait attaché une chaîne avec son porte-crayon et sa montre. Il se contentait de fermer le col et le bouton supérieur de sa tunique. La façon dont il s’habillait surprenait autour de lui mais contribua cependant à affirmer son autorité auprès des militaires. A l’image du port de l’uniforme, Antoine Depage supportait mal l’autorité arbitraire et la hiérarchie militaire, ce qui l’amena à de nombreux conflits avec son supérieur, l’Inspecteur général du Service de santé, le général Léopold Mélis. Il faudra attendre 1916, et l’adoption du nouvel uniforme kaki, pour que Depage s’assagisse. Il boutonnera entièrement sa vareuse et portera le ceinturon jusqu’à la fin de la guerre. Mais le drame terrible d’août 1914 trouve son apogée dans la tragédie vécue par le personnel de la Manufacture de tissus de Leffe, le faubourg célèbre de la cité mosane. Suivons-y Michel Kellner, figure sympathique de la vie locale et puits de science dès que l’on aborde les événements du 23 août de cette année-là. « Depuis le 15, les affrontements sont sévères entre Français et Allemands, explique notre guide. L’enjeu est important : le pont qui enjambe la Meuse à Dinant. Si les Allemands s’en emparent, c’est la voie royale vers la France et donc vers Paris. Le 23, ils occupent tout le plateau qui surplombe la rive droite du fleuve. Dès 5 heures du matin, ils se mettent en route en descendant la vallée de la Leffe, qui serpente depuis la colline. C’est alors que débutent les atrocités. Des actions préventives contre de possibles francs-tireurs, selon les envahisseurs. Les femmes et les enfants sont emmenés vers l’abbaye où ils seront protégés durant plusieurs jours par les moines. Pour les hommes, c’est le massacre… » Au cours de leur trajet, les Allemands incendient les maisons, abattent les hommes devant chez eux ou à hauteur de la « papeterie », en fait une scierie installée le long du petit cours d’eau. Souvent, ils les regroupent pour des exécutions sommaires, notamment à la « Cliche de bois », le carrefour près de l’abbaye où se dresse aujourd’hui un imposant monument d’inspiration religieuse. L’essentiel des habitants de ce quartier populaire travaille à la Manufacture de tissus. « A cette époque, explique Michel Kellner, on y employait 625 personnes soit 8 % de la population de Dinant. Le directeur s’appelait Rémy Himmer. Il avait épousé la fille du fondateur de l’entreprise. Il est mort avec ses ouvriers. Il a tenté de racheter les vies de ses hommes. Mais les Allemands ne voulaient rien entendre. Ils refusaient le moindre dialogue avec les civils, considérés comme des ennemis. » Affolant : ce jour-là, 146 membres du personnel de la Manufacture de Leffe, en plus du directeur Himmer et du directeur technique Prosper Naus, ont été fusillés ou abattus sans raison. Aujourd’hui, l’ancienne usine a été transformée en ensemble de logements sociaux, mais dans le porche d’entrée, deux immenses plaques rappellent aux passants les noms de ces personnes martyrisées il y a tout juste un siècle. « Il manque les noms des deux directeurs, note Michel Kellner. En fait, à l’origine, une autre plaque leur était consacrée, mais elle a disparu du lieu où elle avait été entreposée durant les travaux de réhabilitation du site. » Un drapeau allemand Michel Kellner avance le nombre de 679 personnes victimes de la barbarie cet été-là dans sa ville. Il en parle, et plutôt bien, parce que son arrièregrand-père, qui était boulanger, en a réchappé de justesse : « Les Allemands sont rentrés dans le magasin alors que toute la famille s’était réfugiée dans l’atelier. Ils ont joué avec le chien et n’ont pas été voir plus loin. » Mais ces événements de 1914 ont durablement marqué les Dinantais. Longtemps, le drapeau allemand ne fut pas hissé dans cette cité qui accueille de nombreux touristes étrangers. « Les autorités allemandes ont fini par s’en étonner, explique notre spécialiste. Quand on leur a expliqué la raison de cet oubli, des regrets officiels ont été exprimés lors d’une journée du rapprochement en 2001. Mais à peine hissé, il s’est trouvé quelqu’un pour envoyer le drapeau à la flotte. Aujourd’hui, tout cela est de l’histoire ancienne. Les couleurs allemandes se mêlent aux autres. » ■ ERIC DEFFET PRATIQUE A savoir Une série librement inspirée du monumental ouvrage de Daniel Conraads et Dominique Nahoé « Sur les traces de 14-18 en Wallonie » publié par l’Institut du patrimoine wallon. Dinant se souvient d’août 1914 à travers de nombreuses manifestations dont une exposition au Centre culturel. Voir aussi les grandes photos d’époque dans la ville. A.S. A son apogée, l’hôpital Océan comptait 2.000 lits. © ARARCHIVES UCL. 20 21 Leffe © ARCHIVES UCL. Il y a cent ans, la Grande Guerre submergeait la Belgique. Mais il n’existera bientôt plus de témoin pour raconter, transmettre, faire parler les sépias. Le Soir et l’UCL vous invitent à découvrir les ultimes récits de l’été 14. Demain La mobilisation générale Le 31 juillet 1914, la Belgique mobilise ses hommes. Des héros de 1914, des monuments et des passionnés. Un tour de Wallonie entre passé et présent. Wallonie 14-18 8/11 Chemins de mémoire 21