Structure et écoulement dans les mousses liquides

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Structure et écoulement dans les mousses liquides
Structure et écoulement dans les mousses liquides
Claude Perdigou
Aldo Riello
31 mars 2009
Présentation de A.-L Biance, LPMCN/LPMDI, séminaire du département de physique, ENS Ulm.
Table des matières
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1.1
Les mousses liquides
Qu’est-ce qu’une mousse
Une mousse est une dispersion de bulles dans un matrice liquide. Son comportement
est comparable à celui d’un liquide ou d’un solide selon ses propriétés et les contraintes
appliquées.
Un paramètre pertinent pour décrire les mousses est la fraction en gaz φ.
Vgaz
Vtot
Ce rapport définit ’l’humidité’ de la mousse. On parle d’une mousse ’sèche’ pour φ ≈ 1,
elle est surtout composée de bulles et de films très fins de liquide.
Au contraire pour φ faible, une mousse ’humide’ se rapproche d’une suspension de bulles
dans un liquide.
φ=
1
Fig. 1 – La mousse est plus humide près de la surface liquide
1.2
Pourquoi les étudier
Depuis la mousse à raser jusqu’à l’extraction du pétrole en passant par les extincteurs et la flottaison des minerais ; les mousses ont beaucoup d’applications pratiques,
quotidiennes ou industrielles.
D’autre part les mousses liquides servent de précurseurs à la fabrication des mousses
solides : néoprène, sièges de voiture, le petit bonhomme en mousse.
Fig. 2 – Tatata ta ta ta taaaaaaaa
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2.1
Propriétés physiques
Comportement physique
Les mousses liquides sont des milieux visco-élastiques.
2
Soumises à de faibles contraintes, elles se comportent comme un solide élastique
dont le module d’Young dépend de la taille des bulles et de la tension de surface.
Soumises à des contraintes supérieures à une borne τ0 , la réponse est celle d’un liquide
visqueux non-Newtonien.
La mousse à raser est un bon exemple de ce comportement macroscopique, difficilement explicable d’un point de vue microscopique.
2.2
Un phénomène multiéchelle
La structure de la mousse peut-être observée sur plusieurs ordres de grandeur.
Depuis l’échelle macroscopique, bien décrite par un modèle de fluide non newtonien à
seuil, jusqu’à l’échelle moléculaire, où c’est la thermodynamique des surfactants qui doit
être étudiée.
2.3
Propriétés de surface
Tous les liquides présentent une tension de surface, qui correspond à la force de
rappel linéique exercée par la surface d’un liquide sur ses frontières.
F =γ L
γ est la tension de surface, en N/m (0.073 N/m pour l’eau).
Le module d’Young, homogène à une pression peut alors être construit :
γ
γN R
≈
2
NR
R
La tension de surface dépend des liquides. En particulier l’ajout de surfactants dans
l’eau permet de diminuer la tension de surface, jusqu’à une valeur limite 0.025 N/m.
E≈
3
Les mousses présentent de même une viscosité de surface, notée κ. Cette viscosité
est majoritairement responsable des effets dissipatifs.
Pour décrire complètement la physique des mousses à l’échelle moléculaire, il faut
aussi prendre en compte les coefficients de diffusion de surfactants dans la solution et aux
surfaces.
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3.1
Réarrangments de bulles et dissipation
Transition topologique
Lorsque l’on soumet des bulles à une contrainte latérale, elles se déforment d’abord
de façon élastique. Si la contrainte augmente les bulles se déforment pour glisser les unes
sur les autres dans un écoulement visqueux. On assiste alors à un réarrangement topologique, qui donne un nouvel état d’équilibre où la réponse redevient élastique.
Fig. 3 – Evolution de la configuration topologique des bulles
On s’interesse aux phénomènes de dissipation lors de cette transformation.
3.2
Croissance d’une nouvelle interface
L’expérience consiste à mesurer le côté de l’interface qui se crée entre les deux bulles
qui n’étaient pas voisines en fonction du temps. La vitesse de déplacement relative des
bulles est fixée par l’expérimentateur.
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Fig. 4 – Evolution temporelle de la configuration des bulles
La variable intéressante est R(t) = r(t)/Rmax , où Rmax est la valeur maximale de
r(t). On normalise ainsi les longueurs. Nous verrons qu’il est aussi possible de normaliser
le temps.
3.3
Où est la dissipation ?
Il existe deux types de viscosités jouant un rôle dans ce système. La viscosité du
liquide et la viscosité de surface. Afin de comparer leurs effets, on crée un nombre sans
dimension :
ηr
Bq =
κ
Les données expérimentales montrent que la dissipation due à la viscosité de surface
prédomine.
On peut de même construire un temps caractéristique du phénomène :
τ=
κ
γ
Ce temps caractérise la dynamique à travers la viscosité de surface κ et la tension de
surface γ. Si la viscosité est importante, ou si la tension superficielle est trop faible, le
système relaxe lentement.
3.4
Résultats
La normalisation des longueurs par Rmax et du temps par τ permet de comparer
correctement des situations physiques apparemment très différentes. En effet on modifie
librement la viscosité (ajout de glycérol) ou la tension de surface (ajout de surfactant)
mais les courbes normalisées se superposent, démontrant l’universalité du phénomène de
transition topologique.
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Fig. 5 – Résultats expérimentaux normalisés
4
4.1
Apparition de bulles plus petites
Ecoulement de Couette
On s’interroge sur la taille caractéristique des bulles d’une mousse en fonction du
cisaillement imposé.
Pour observer l’apparition de petites bulles, on fait s’écouler un mélange liquide-gaz
de Φ élevé dans un ’Couette’.
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Fig. 6 – Dispositif de formation de petites bulles
Lors de ce phénomène appelé fragmentation, on observe que la taille des bulles dépend à la fois de la vitesse de rotation du cylindre central, mais aussi de l’humidité de
la mousse utilisée. La taille des gouttes tend quoi qu’il en soit vers une tailles minimale
estimée à 150 µm.
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(a) en fonction de la fréquence de rotation
(b) En fonction de l’humidité de la mousse
Fig. 7 – Evolution du diamètre des gouttes en fonction des différents paramètres
4.2
Collision de bulles
En faisant vibrer deux bulles initialement en contact, on observe la formation de
bulles plus petites à l’interface. Ce phénomène est appelé séparation.
Fig. 8 – Dispositif de collision de bulles
Ci-dessous un tableau donnant les résultats des différentes expériences de fragmentation et de séparation.
8
Fig. 9 – Cartographie du comportement des bulles en fonction du cisaillement et de leur
humidité
On observe que c’est l’humidité d’une mousse qui définit son comportement vis-à-vis
du cisaillement appliqué.
Une mousse humide se sépare plus facilement, tandis qu’il est plus aisé de fragmenter une
mousse sèche.
Ainsi, pour battre des blancs en neige, il faut laisser le liquide s’écouler un peu, puis
recommencer à battre. La neige, plus sèche, formera alors des bulles très petites !
5
Ouverture
Des expériences très récentes réalisées en apesanteur montrent qu’il est beaucoup
plus facile d’obtenir des mousses en l’absence de gravité. Ainsi même de l’eau pure forme
une mousse stable !
Ce phénomène, très amusant pour les physiciens, pose des questions pratiques inquiétantes en ce qui concerne les séjours en apesanteur. Comment stocker des liquides,
comme l’eau et l’essence ? Qu’en est-il du sang des astronautes ?
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