L`exercice de la profession médicale devient de plus en
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L`exercice de la profession médicale devient de plus en
LA RESPONSABILITE SOCIALE DES FACULTES DE MEDECINE L’exercice de la profession médicale devient de plus en plus complexe. Et l’on peut aisément admettre que plusieurs facteurs contribuent à l’évidence à cette complexité croissante : c’est le cas des technologies de plus en plus poussées qu’utilisent les nouveaux moyens diagnostiques et thérapeutiques ; c’est aussi le cas de l’environnement gestionnaire et financier de l’exercice médical ou de la prise en compte plus explicite des droits des malades et des exigences des associations qui les représentent. C’est enfin le cas d’un exercice nécessairement de plus en plus coopératif et « multiprofessionnel » et de l’inévitable adhésion à des protocoles de soins et autres recommandations de bonne pratique, de manière à développer l’évaluation et la poursuite de l’efficience. L’ensemble de ces facteurs peut constituer une contrainte grandissante sur un exercice médical encore fondé sur la confiance qui s’établit entre un praticien et son patient et qui s’exprime au cours du colloque singulier. C’est pourquoi, en retour, des médecins peuvent ressentir la nécessité de rappeler les valeurs essentielles à partir desquelles s’organise leur exercice professionnel. Il n’est pas indifférent de noter que ce travail d’introspection professionnelle est mené par des médecins dans l’ensemble des pays – par exemple de l’OCDE – quel que soit le mode d’organisation dominant ou exclusif, public ou privé, de leur système de soins. Un tel travail vient d’être conduit à terme par un groupe international de médecins, regroupant plusieurs institutions renommées. Parmi ces institutions, on retrouve l’American College of Physicians – American Society of Internal Medicine; on retrouve aussi l’American Board of Internal Medicine, inlassable promoteur de la politique de recertification, l’Association of American Medical Colleges (A.A.C.M.) qui correspond à ce que représente nos 40 facultés de médecine et, chose plus inhabituelle, une représentation européenne à travers la Fédération européenne de Médecine Interne, au sein de laquelle la participation française est parfaitement identifiée. Le travail produit par ces institutions a été publié 1,2 en 2002 et 2007. Il est également accessible sur un site internet dédié (www.professionalism.org). Ce travail met en exergue trois principes essentiels sur lesquels l’exercice médical est fondé. Ces trois principes sont complétés par une charte où figurent dix engagements représentant l’expression de la responsabilité de chaque médecin. Les trois principes associent des notions classiques et d’autres plus modernes. Il est d’abord question du caractère primordial du bien être du patient notion qualifiée «d’antique » directement issue du primum non nocere. 1 Les deux autres principes sont davantage marqués par la modernité. D’abord l’autonomie du patient signifie que l’action des médecins n’est pas centrée sur les structures de soins mais au contraire sur le patient, là où il vit ou travaille. Enfin le principe de justice sociale, où la volonté de maintenir une équité de l’accès aux soins est manifeste. Quant à la charte et à ses dix engagements, elle fait largement appel à un « professionnalisme » d’inspiration très nord-américaine. Ce professionnalisme représente le socle sur lequel s’établissent les relations entre le corps médical et son environnement social. On peut le rapprocher des cinq qualités essentielles que l’O.M.S. projetait dès 1992 dans le mythique five-star doctor 3 qui cumulait idéalement compétence clinique, responsabilité professionnelle et disponibilité sociale (voir annexe 1) Dès lors que se trouvent définies les engagements et valeurs professionnels auxquels adhèrent les médecins tout au long de leur exercice professionnel, il devient licite que ces valeurs constituent le cœur de la formation initiale et continue des médecins. C’est précisément pourquoi l’université et les facultés de médecine ont entrepris – la aussi à l’échelle internationale – l’intégration de ces valeurs au curriculum de formation. . ANNEXE I : un concept novateur : le five-star doctor. Ce médecin, professionnel de la santé au service de l'ensemble de la population, devrait pouvoir assumer cinq rôles principaux : n Dispensateur de soins (Care provider). Certes, il prodiguera des soins individuels, mais en tenant compte des besoins globaux d'un patient tant sur le plan physique et mental que social. n Décideur (Decision-maker). Le médecin devra prendre des décisions se justifiant sur le plan de l'efficacité et du coût. De toutes les prestations possibles susceptibles d'agir sur une condition de santé, il décidera d'appliquer celle qui lui semblera être la plus appropriée, des critères de référence étant disponibles à cet effet. n Communicateur (Communicator). Les habitudes de vie telles que les mesures de sécurité au travail, la recherche d'un équilibre dans l'alimentation, le choix des loisirs, le respect de l'environnement, etc., influent de façon déterminante sur la santé. 2 Le médecin de demain aura donc la responsabilité de persuader les individus, les familles et les collectivités dont il a la charge d'adopter des modes de vie sains. n Conscient des besoins de la communauté (Community leader). En comprenant les déterminants de la santé, inhérents à l'environnement physique et social, et en appréciant l'ampleur d'un problème ou d'un risque pour la santé, il ne se limitera pas à rendre des services aux seuls individus qui font formellement appel à lui mais cherchera à mener des programmes d'action sanitaire pour le bénéfice du plus grand nombre. Ce vaste mouvement international a été accompagné par l’Organisation Mondiale de la Santé qui s’est engagée résolument dans une politique à long terme visant à mettre en relation, d’une part le fonctionnement des systèmes de santé et d’autre part la formation des personnels et tout particulièrement celle des médecins. Ainsi, l’Organisation Mondiale de la Santé vient de publier un texte audacieux intitulé « Définir et mesurer la responsabilité sociale des facultés de médecine ». Ce texte3 expose brièvement les raisons pour lesquelles les facultés de médecine doivent de plus en plus s’inspirer du rôle professionnel et social que tiennent les médecins qu’elles ont formés afin d’adapter continuellement leur curriculum. Les principaux arguments exposés sont reproduits ci-dessous «…Les facultés de médecine doivent elles aussi s’adapter, elles ne peuvent rester indifférentes aux réformes majeures en santé auxquelles la société s’attend. … Les facultés doivent accepter une certaine responsabilité à l’égard de la santé de la population si elles veulent continuer à être des agents de progrès social et ainsi mériter le support des contribuables. Pour répondre pleinement aux besoins de la société, elles doivent être imputables, c’est-à-dire accepter la responsabilité des conséquences de leurs actions. Y-a-t-il des indices que les étudiants qu’elles ont formés agissent de façon efficace, selon les attentes ? Les résultats des travaux de recherche ont-ils un impact positif sur le mode de dispensation des soins, portent-ils sur des priorités en matière de santé ? Les soins de santé qui sont dispensés servent-ils de modèles et répondent-ils de façon optimale aux besoins ? … Pour que la contribution des facultés de médecine à l’amélioration du niveau de santé soit la plus grande possible, elles doivent développer des liens de collaboration – à l’intérieur du secteur de la santé et hors de celui-ci –d’une part avec les responsables de la politique, de la planification et du financement en lien 3 direct ou indirect avec les soins de santé, et d’autre part avec les dispensateurs de soins et les usagers. … Dans sa résolution WHA48.8, « Réorienter l’enseignement de la médecine et la pratique médicale en faveur de la santé pour tous », l’Assemblée mondiale de la Santé – l’organe suprême de l’O.M.S. – enjoint tous les Etats Membres d’appuyer tout effort en ce sens.. A ce sujet, on a suggéré une nouvelle définition pour la formation médicale qui soulignerait sa responsabilité envers la société : « C’est l’art et la science de préparer les futurs médecins à agir de façon adéquate dans la société et d’influencer l’environnement dans lequel ces diplômés travailleront, pour la plus grande satisfaction des utilisateurs des services de santé, des autorités sanitaires et des diplômés eux-mêmes. … En réalité, on pourrait dire des facultés de médecine qui progressent face à l’obligation d’être socialement imputables, qu’elles sont socialement responsables. Elles auraient alors adopté une démarche de réforme continue comme moyen nécessaire pour satisfaire les besoins changeants de la société. Elles tenteraient de contribuer à l’édification d’un système de soins qui soit pertinent, de grande qualité, efficient, équitable et durable au bénéfice de la communauté locale, du pays et de la communauté internationale. … Le monde universitaire doit produire du savoir, en plus de transmettre celui-ci ; il est essentiel de protéger la liberté académique, en ce qu’elle permet à des esprits créatifs d’ouvrir de nouveaux domaines de recherche et d’interventions qui en fin de compte prépareront la société à faire face aux défis de demain. »… Dans un souci pratique et pédagogique, ce court texte se termine en identifiant les critères à partir desquels les facultés pourraient juger de leurs adaptations plus ou moins réussies à un système de soins « idéal », compte tenu des spécificités locales ; ces quatre critères sont la pertinence, la qualité, l’efficience et l’équité. Il existe d’autres prises de position qui vaut dans le même sens. Ainsi, dans le numéro du 3 mars 2001 du Lancet, quatre auteurs représentant la Grande-Bretagne, l’Amérique du Nord et l’Australie, tiennent un discours tout à fait comparable 3. Ils indiquent précisément la nécessité pour les facultés d’engager les évolutions permettant de réorienter l’organisation générale, le contenu et la forme pédagogique des études médicales. Et ces auteurs n’ignorent pas les sérieuses résistances qui peuvent se manifester pour s’opposer aux évolutions envisagées. Il est vrai qu’ils sont eux-mêmes très engagés dans les évolutions en cours : ainsi C. de Angelis qui signe en troisième l’article du Lancet est responsable du processus de réforme institué à la prestigieuse école de médecine Johns Hopkins de Baltimore, (alors qu’elle assume simultanément la rédaction en chef du Journal of American Medical Association [J.A.M.A.]) 4 JM CHABOT fev 2001 1. Chabot J.M. Integrity… intégrité. Rev. Prat. (Paris) 2001 ; 51 : 543-544 2. Boelen Ch., Heck JE. Définir et mesurer la responsabilité sociale des facultés de médecine. WHO/HRH/95.7 OMS. Genève 2000 3. Jones R., Higgs R., de Angelis C., Prideaux D. Changing face of medical curricula. Lancet 2001 ; 357 ; 699-703. 1. Chabot J.M. Recertification : Perspective ou réalité. Rev Prat 2000 ; 50 : 1801-2 2. Medical Professionalism in the new millenium. A Physician charter. Ann Intern Med 2002 ;136 :243-6 3. Boelen Ch. Medical Education Reform : The need for global action. Acad Med 1992 ; 67 : 745-9 5