Pour un Big Bang des études juridiques
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Pour un Big Bang des études juridiques
Pour un Big Bang des études de droit La formation universitaire des juristes et avocats se destinant à la pratique du droit des affaires a besoin d’une révolution copernicienne. Celle-ci a déjà commencé dans d’autres pays, mais les facultés de droit francophones du pays sont en train de rater le train. La révolution souhaitée aidera les futurs praticiens à relever quatre défis fondamentaux qui les attendent : s’imposer comme un partenaire stratégique de l’entreprise, opérer efficacement dans un Antoine Henry de Frahan monde globalisé, devenir des managers et exceller dans l’art de [email protected] +32 (0)2 550 38 28 communiquer. Partenaire stratégique Un enjeu central pour de nombreux juristes d’entreprise et avocats est d’être reconnus comme un partenaire stratégique par l’entreprise, plutôt que comme un « support staff ». Pour jouer ce rôle stratégique, le juriste doit être capable de comprendre les dimensions non-juridiques des questions qu’il traite. Par exemple, un juriste qui connaît les formalités à remplir pour une augmentation de capital mais qui bégaie sur la problématique du financement des entreprises (pourquoi et comment les entreprises se financent, avantages et inconvénients des différents modes de financements, etc.) pourra difficilement devenir un interlocuteur pertinent du CFO. Il en restera le subordonné et l’exécutant. Les études de droit doivent donc éveiller l’intelligence des futurs praticiens à la compréhension des enjeux sociétaux, éthiques, stratégiques, humains, financiers, commerciaux et technologiques des matières dont ils apprennent les règles juridiques. Elles doivent encourager les étudiants à sortir de la tour d’ivoire juridicojuridique et les ouvrir à une intelligence globale et systémique qui dépasse la simple mémorisation de règles juridiques. Globalisation Si les facultés de droit s’alignent sur la régionalisation croissante des normes juridiques, les étudiants formés à l’ULB seront bientôt spécialisés en droit bruxellois et ceux formés à l’UCL ou à l’ULg en droit wallon. On peut rêver de perspectives plus larges pour nos ________________________ Article publié dans L’Echo du 26 janvier 2011 www.frahanblonde.com futurs juristes. Il ne s’agit pas de connaître le droit de tous les pays, mais d’ajouter à l’apprentissage - qui reste évidemment nécessaire - des principes du droit local une « métaméthode » permettant d’aborder intelligemment des questions juridiques en posant les bonnes questions et en structurant correctement le raisonnement en dehors de sa juridiction de référence. L’objectif doit être de préparer les juristes à gérer des problématiques qui dépassent les particularismes d’un système juridique national ou régional et à jouer un rôle pertinent dans un monde où raisonner dans un cadre de référence limité aux frontières nationales ou régionales n’a plus beaucoup de sens. En outre, les connaissances linguistiques sont une nécessité. Les programmes des facultés de droit ne semblent pas intégrer cette évidente priorité dans leur programme : le potentiel de progrès est énorme. Managers La réflexion sur les métiers du droit gagnerait aussi à être plus développée dans le cursus. Comment fonctionne un cabinet d’avocats ? Comment se gère un département juridique d’entreprise ? Quel est le rôle du juriste d’entreprise ? Dans quelle direction évoluent les professions juridiques ? Les étudiants méritent d’être mieux sensibilisés aux responsabilités managériales de leur futur profession et mieux équipés pour les assumer. Communication La profession juridique ne se limite pas à l’expertise. Le droit est avant tout un métier de la relation humaine : au-delà du cliché des effets de manche devant un jury de Cour d’assise, le praticien doit pouvoir mettre en confiance, questionner, écouter, négocier, gérer les conflits, conseiller et convaincre. Or les facultés de droit négligent l’apprentissage de ces compétences et des modèles psycho-cognitifs qui les sous-tendent. Pire, elles transmettent parfois aux étudiants un modèle de communication obsolète, à l’opposé de ce que le juriste devra faire dans la vie professionnelle : par exemple, l’université encourage l’étudiant à rédiger de longs mémoires exhaustifs, faisant la part belle à l’analyse juridique et aux conflits de doctrine et de jurisprudence. L’intérêt pédagogique de l’exercice est indéniable, mais à la fin de ses études, le diplômé croit, bien à tort, qu’il convient de continuer à communiquer dans le contexte professionnel sur ce mode académique. Cela le disqualifie rapidement aux yeux des décideurs. Ceux-ci n’ont en effet que faire de longs mémoires mais attendent des mémos, certes fiables sur le plan juridique, mais surtout courts, simples et concrets et faisant la part belle à la solution plutôt qu’à l’analyse. Des écoles de droit ? Les facultés de droit trouveront-elles en elles-mêmes la volonté et les ressources pour effectuer ces changements ? Tout en l’espérant ardemment, on peut en douter. Les contraintes budgétaires et réglementaires et le poids des habitudes risquent de faire prévaloir l’inertie. Le changement viendra, mais sans doute d’ailleurs. Aux Etats Unis, en France, en Espace et au Royaume Uni, ce sont les business schools qui s’engagent dans la brèche laissée béante par la passivité des facultés de droit et qui créent en leur propre sein des écoles de droit ou des passerelles pour former les étudiants dans l’esprit préconisé dans ces lignes. Le changement est donc en route, et son aboutissement est inéluctable. La vraie question est de savoir si les facultés de droit francophones du pays en seront les acteurs ou les spectateurs. n 2 Pour un Big Bang des études de droit