l`immigration en milieu rural
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l`immigration en milieu rural
L’immigration en milieu rural Mémoire présenté à la consultation publique sur l’immigration au Québec, 2001-2003 Nicolet, 14 août 2000 SOLIDARITÉ RURALE DU QUÉBEC Solidarité rurale du Québec a été créée en 1991 pour assurer le suivi des États généraux du monde rural auxquels participaient 1200 délégués. Solidarité rurale, c’est d’abord une coalition d’une vingtaine d’organismes nationaux démocratiques et présents partout sur le territoire, d’une centaine d’organismes régionaux et de dizaines de municipalités, de militants et militantes. Sa mission est de promouvoir la revitalisation et le développement du monde rural, de ses régions et de ses localités, de manière à renverser le mouvement de déclin et de destruction des campagnes québécoises. Cet organisme sans but lucratif reçoit ses mandats de son assemblée générale annuelle et est, d’abord, financé par ses membres réguliers et associés. Solidarité rurale du Québec, depuis 1997, agit à titre d’instance-conseil du gouvernement du Québec en matière de ruralité. TABLE DES MATIÈRES 1. Recommandations ........................................................................................................ 4 2. Introduction .................................................................................................................. 5 3. Les communautés rurales et l’immigration : statistiques, politiques et potentiels....... 6 3.1 3.2 3.3 3.4 Populations rurales............................................................................................ 6 Immigration dans les régions ............................................................................ 8 Interventions gouvernementales : ses politiques et ses pratiques ................... 11 Potentiel de renouvellement des communautés rurales .................................. 13 4. Les communautés rurales et les immigrants : attentes, besoins et expériences locales........................................................................................................................ 14 4.1 Attentes des communautés hôtes......................................................................... 14 4.2 Besoins des immigrants ....................................................................................... 16 5. Recommandations ...................................................................................................... 17 5.1 Promouvoir auprès des immigrants le choix du milieu rural comme lieu de vie ................................................................................................................... 17 5.2 Cibler les immigrants manifestant un désir de vivre en milieu rural................... 18 5.3 Connaître systématiquement les attentes, les besoins et le profil des immigrants et des communautés hôtes ................................................................................... 18 5.4 Rendre le territoire propice à l’intégration des immigrants................................. 19 5.5 Soutenir les communautés hôtes dans leur travail de planification, d’accueil et d’intégration des immigrants............................................................................... 19 5.6 Favoriser l’échange de moyens et d’expériences d’intégration des immigrants entre les communautés rurales ............................................................................ 20 5.7 Créer des lieux inédits d’apprentissage favorisant la rencontre de la communauté hôte et les immigrants.......................................................................................... 21 5.8 Encourager les formules originales favorisant l’intégration d’immigrants en région................................................................................................................... 21 5.9 Laisser le temps à l’intégration des immigrants de faire son œuvre ................... 22 5.10 Décentraliser la gestion des programmes et des mesures de soutien en matière d’immigration ...................................................................................................... 22 6. Conclusion.................................................................................................................. 23 Bibliographie..................................................................................................................... 24 Solidarité rurale du Québec 1. Page 4 Recommandations 1. Promouvoir auprès des immigrants le choix du milieu rural comme lieu de vie alternatif à la ville et faire connaître les possibilités qu’il comporte; 2. Cibler les immigrants qui manifestent un désir de vivre en milieu rural au moyen d’activités de promotion auprès des pays étrangers, d’échanges ou de stages; 3. Connaître systématiquement les attentes, les besoins et le profil des immigrants et des communautés hôtes; 4. Rendre le territoire propice à l’intégration des immigrants en leur assurant une gamme de services en matière de logement, de santé, de formation, de soutien psychologique, d’emploi et d’apprentissage de la langue; 5. Soutenir les communautés hôtes dans leur travail de planification, d’accueil et d’intégration des immigrants; 6. Favoriser l’échange de moyens et d’expériences d’intégration des immigrants entre les communautés rurales québécoises par des activités de promotion et d’information autant nationales, régionales que locales; 7. Créer des lieux inédits d’apprentissage en fonction des particularités et des besoins de chaque région et qui favoriseraient la rencontre entre la communauté hôte et les immigrants; 8. Encourager les formules originales qui favorisent l’intégration d’immigrants en région sur la base des initiatives actuellement mises en place au Québec; 9. Laisser le temps à l’intégration des immigrants de faire son œuvre pour que ceux-ci puissent évoluer à des rythmes différents et s’habituer à leur nouveau lieu de vie; 10. Décentraliser la gestion des programmes et des mesures de soutien en matière d’immigration tout en harmonisant les différentes interventions politiques des ministères impliqués. Solidarité rurale du Québec 2. Page 5 Introduction Dans un contexte de décroissance démographique des communautés rurales, l’immigration contribue au renouvellement des populations. Celle-ci permet aussi la création de nouvelles activités économiques tout en enrichissant la ruralité de regards neufs et originaux. Les immigrants sont également porteurs de cultures et de savoir-faire différents en plus d’avoir accès à des réseaux élargis à travers le monde. Bien entendu, l’immigration en milieu rural demeure un phénomène marginal. À preuve, entre 1995 et 1999, seulement 25 755 (18%) des 140 366 immigrants ont choisi de s’établir dans une région autre que celles de Montréal, de Laval et de Québec1. L’immigration en milieu rural constitue une préoccupation pour Solidarité rurale du Québec. La coalition croît que l’État devrait veiller à ce que le milieu rural accueille sa juste part des populations immigrantes. Dans un récent Avis pour une politique gouvernementale de développement rural soumis au gouvernement québécois en février 1999, Solidarité rurale du Québec mentionnait au sujet de l’immigration en milieu rural: «Bien que plus de 75 % des immigrants s’établissent à Montréal, on constate que les « régions » possèdent un fort potentiel d’attraction. En effet, le bilan statistique des dernières années indique que, en principe, les « régions » ne devaient accueillir que 12 % des immigrants, alors qu’en fait plus de 20 % d’entre eux ont choisi de s’établir à l’extérieur de Montréal […] Jusqu'à maintenant, les gouvernements se sont attardés à déceler et à analyser principalement les attentes des immigrants, beaucoup moins celles des communautés hôtes. Certes, le Conseil des relations interculturelles a fait de pertinentes et nécessaires recommandations sur la participation accrue des divers intervenants au sein des régions administratives. Toutefois, la régionalisation de l’immigration doit être adaptée à la réalité et aux besoins des communautés hôtes. Une région administrative aura beau être ouverte à l’immigration, il reste que c’est aux localités que se pose le défi de l’intégration. L’État doit veiller à une répartition équitable de la population immigrante sur tout le territoire québécois avant que celui-ci ne puisse accueillir de nouveaux arrivants. Il doit faire la promotion du milieu rural comme lieu de vie. Ainsi, et dans la perspective de l’arrivée d’un plus grand nombre d’immigrants en milieu rural, il devient primordial et légitime de décentraliser les programmes et les mesures afin que les chances de réussite dans le monde rural soient équivalentes de celles dont bénéficient la métropole et les milieux urbains. Aux efforts d’aiguillage de la population immigrante et à la décentralisation des programmes et des mesures doivent correspondre des mesures favorisant une intégration durable de ces immigrants. C’est essentiellement en soutenant le travail de planification, d’accueil et d’intégration des immi- 1. Ministère des Relations avec les citoyens et de l’Immigration, Statistiques. Caractéristiques de l’immigration au Québec, Québec, Gouvernement du Québec, p. 41. Solidarité rurale du Québec Page 6 grants dans les communautés qu’il sera alors possible de garantir le succès de l’intervention.»2 En février 1999, un comité de travail3 mis en place par Solidarité rurale du Québec déposait un document de réflexion intitulé L’immigration en milieu rural : un potentiel de renouvellement, des possibilités sociales et culturelles. En octobre de la même année, le conseil exécutif de Solidarité rurale du Québec en acceptait la teneur et en faisait aussi la position de Solidarité rurale du Québec quant à la problématique de l’immigration en milieu rural. 3. Les communautés rurales et l’immigration : statistiques, politiques et potentiels 3.1 Populations rurales Le Québec comprend 1436 municipalités dont 1243 comptent 5000 habitants et moins. C’est donc dire que 87% des localités québécoises sont de petite taille. C’est dans les régions de l’Abitibi, du Bas-Saint-Laurent, de la Gaspésie et du Nord-du-Québec que l’on retrouve la plus grande concentration de petites localités, soit respectivement 95%, 96%, 97% et 100% (voir Tableau 1) 2. 3. Solidarité rurale du Québec, Avis pour une politique gouvernementale de développement rural, Nicolet, 1999, p. 17. Ce comité était composé de Jacques Proulx et Michèle Doucet, respectivement président et secrétaire au développement de Solidarité rurale du Québec, de Bernard Mercier, directeur de Agri-Culture Nouvelle, de Myriam Simard, chercheuse à l’INRS et d’Adéodat Saint-Pierre, président de la Coalition Urgence Rurale du Bas-Saint-Laurent. Solidarité rurale du Québec Page 7 TABLEAU 1 Part relative des petites municipalités du Québec par région administrative et selon les classes de population en 1995 Total des Municipalités du Québec ayant une population de 5 000 et moins Régions adminismunicipalités Total des tratives 800 et moins 801 à 1 000 1001 à 3 000 3001 à 5000 municipalités du Québec Nbre % Nbre % Nbre % Nbre % Nbre % Nbre % Abitibi-Témis. 87 6 52 10 4 3 22 5 5 4 83 7 Bas-St-Laurent 135 9 72 14 9 7 40 8 9 7 130 10 Chaudière/App. 172 12 54 11 26 20 66 14 14 11 160 13 Côte-Nord 38 3 17 3 5 4 10 2 3 2 35 3 Estrie 122 9 63 13 11 9 32 7 7 6 113 9 Gaspésie 60 4 22 4 5 4 24 5 7 6 58 5 Lanaudière 71 5 9 2 1 1 33 7 15 12 58 5 Laurentides 97 7 27 5 10 8 31 6 7 6 75 6 Laval 1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 Mauricie/Bois-Fr. 165 11 64 13 18 14 59 12 7 6 148 12 Montérégie 218 15 33 7 18 14 99 20 18 15 168 14 Montréal 28 2 0 0 1 1 0 0 4 3 5 0 Nord-du-Québec 18 1 10 2 1 1 5 1 2 2 18 1 Outaouais 80 6 49 10 4 3 15 3 4 3 72 6 Québec 85 6 17 3 8 6 30 6 14 11 69 6 Saguenay 59 4 15 3 6 5 23 5 7 6 51 4 TOTAL 1436 100 504 100 127 100 489 100 123 100 1243 100 Source : LEBLANC, Patrice, Les petites collectivités au Québec, Étude visant à tracer le portrait d’ensemble des petites collectivités et de leur place dans le système socio-spatial québécois, Département des sciences sociales et de la santé, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, 39 pages. En 1995, la population des petites localités en milieu rural représentait 23,3% de la population totale du Québec, soit 1 668 051 sur 7 172 454. On retrouve 50,2% de cette population rurale dans les villages de 1001 à 3000 personnes, 28,2% dans les localités de 3001 à 5000 et 21,6% dans les localités de 1000 habitants et moins. Le taux de variation de la population des localités de 5000 habitants et moins est croissant. Entre 1986 et 1991, il est de 1,5% alors qu’il atteint 4,6% entre 1991 et 1995. (voir Tableau 2). Cependant, ce taux de variation de la population est différent d’une catégorie de petites localités à l’autre. Pour les villages de 800 personnes et moins ainsi que pour ceux comprenant entre 801 et 1000 personnes, le taux de variation est décroissant, soit respectivement –2,1% et –1,4% de 1986 à 1991. Ce taux de variation de la population devient croissant entre 1991 et 1995, soit 4,2% et 5,0%. En plus d’être supérieurs au taux de variation de la population québécoise, les plus forts taux de variation de la population se retrouvent dans les localités comprenant entre 3001 et 5000 personnes, c’est-à-dire une augmentation de la population de 7,1% entre 1986 et 1991 de même qu’un accroissement démographique de 5,1% entre 1991 et 1995. Solidarité rurale du Québec Page 8 C’est donc dire que les petites localités situées en milieu rural et représentant 23,3% de la population totale du Québec affichent une variation croissante de la population entre 1989 et 1995. Cette variation est supérieure à la moyenne provinciale. Les plus forts taux de variation de la population se retrouvent dans les localités comprenant entre 3001 et 5000 personnes; on rencontre les plus faibles taux dans les villages de 800 personnes ainsi que dans ceux comprenant entre 801 et 1 000 personnes. TABLEAU 2 Caractéristiques socio-démographiques des petites municipalités selon la classe de population de 1986 à 1995 Données Population 1986 1991 1995 Total Québec Municipalités du Québec ayant une population de 5000 et moins Total des 800 et moins 801 à 1000 1001 à 3000 3001 à 5000 classes 6 532 461 6 895 963 7 172 454 240 972 235 855 245 775 110 883 109 315 114 745 782 844 802 471 837 357 417 800 447 414 470 174 1 552 499 1 595 055 1 668 051 Taux de variation 1991-1986 (%) 5,6 -2,1 -1,4 2,5 7,1 1,5 1995-1991 (%) 4,0 4,2 5,0 4,3 5,1 4,6 Source : Inspiré de LEBLANC, Patrice, Les petites collectivités au Québec, Étude visant à tracer le portrait d’ensemble des petites collectivités et de leur place dans le système socio-spatial québécois, Département des sciences sociales et de la santé, Université du Québec en AbitibiTémiscamingue, 39 pages. Note : Les populations de 1986 et de 1991 proviennent des recensements de Statistique Canada et celles de 1995 proviennent du Répertoire des municipalités du Québec. 3.2 Immigration dans les régions Les immigrants admis au Québec entre 1991 à 1994 se sont établis sur l’île de Montréal dans une proportion de 75,9% (103 427). Les autres immigrants 28 500 (20,9%) ont élu domicile en région. Parmi les 15 régions excluant l’île de Montréal, la Montérégie attire le plus grand nombre d’immigrants, soit 11 361 ou près de 40%. En effectuant une comparaison entre les destinations projetées et les lieux d’établissement réel, on remarque qu’au total le Québec a reçu en 1995 moins d’immigrants que prévu soit 136 208 plutôt que 172 369. (voir Tableau 3). Malgré cet état de fait, il importe de souligner que les immigrants ont préféré s’établir en région plutôt qu’à Montréal. En région, on a accueilli 7609 immigrants de plus que prévu et Montréal n’a pas eu les 41 266 immigrants qu’elle attendait. Hors de l’île montréalaise, les régions ayant obtenu le plus haut taux de variation sont Laval (+137%), Laurentides (+116%), Montérégie (+105%), Gaspésie (+93%), Lanaudière (+82%), Chaudière/Appalaches (74%) et Bas-Saint-Laurent (+73%). Solidarité rurale du Québec Page 9 TABLEAU 3 Comparaison de la région projetée de destination et de la région d’établissement en 1995 des immigrants admis au Québec de 1991 à 1994 selon les régions Régions administratives Immigration totale Destination % Établissement % Taux de variation Établissement Destination -17% +73% +74% -32% -15% +93% +82% +116% +137% -4% +105% +38% -27% -30% -23% +36% -29% -37% Abitibi-Témiscamingue 174 0,1 144 0,1 Bas-Saint-Laurent 166 0,1 288 0,2 Chaudière/Appalaches 281 0,2 488 0,4 Côte-Nord 117 0,1 79 0,1 Estrie 1717 1,0 1464 1,1 Gaspésie 30 0,0 58 0,0 Lanaudière 374 0,2 683 0,5 Laurentides 700 0,4 1510 1,1 Laval 2298 1,3 5449 4,0 Mauricie/Bois-Francs 886 0,5 853 0,6 Montérégie 5539 3,2 11361 8,3 Nord-du-Québec 8 0,0 11 0,0 Outaouais 2761 1,6 2010 1,5 Québec 5415 3,1 3782 2,8 Saguenay/Lac St-Jean 451 0,3 346 0,3 Total des régions 20917 12,1 28526 20,9 Montréal 144693 83,9 103427 75,9 Régions non détermi6759 3,9 4255 3,1 nées TOTAL 172369 100,0 136208 100 -21% Source : Direction des études et de la recherche du ministère des Relations avec les citoyens et de l’Immigration (MRCI) et RAMQ. En examinant la répartition en pourcentage des catégories d’immigrants, on constate qu’il existe peu de différence entre Montréal et les régions si ce n’est que 41% des immigrants indépendants et 24% des immigrants réfugiés s’établissent à Montréal comparativement à 49% d’indépendants et 16% de réfugiés en région. (voir Tableau 4). Solidarité rurale du Québec Page 10 TABLEAU 4 Région d’établissement en 1995 des immigrants admis au Québec entre 1991 et 1994 par catégories d’immigrants et selon les régions Régions administratives Total des immigrants4 Catégories d’immigrants Indépendants Nombre % Familles Nombre Réfugiés % Nombre % Abitibi-Témiscamingue 144 75 52 66 46 3 2 Bas-Saint-Laurent 288 78 42 193 33 10 25 Chaudière/Appalaches 488 201 48 243 50 10 2 Côte-Nord 79 33 42 41 52 5 6 Estrie 1464 407 30 409 28 612 42 Gaspésie 58 13 29 39 67 2 4 Lanaudière 683 273 44 323 47 63 9 Laurentides 1510 675 51 649 43 85 6 Laval 5449 2084 45 2024 37 998 18 Mauricie/Bois-Francs 853 280 53 339 40 61 7 Montérégie 11361 3584 58 3553 31 1259 11 Nord-du-Québec 11 3 27 7 64 1 9 Outaouais 2010 661 37 765 38 501 25 Québec 3782 1535 42 1227 33 954 25 Saguenay 346 98 29 238 69 9 2 Total des régions 28526 9985 49 10116 35 4573 16 Montréal 103427 35337 41 36242 35 24586 24 Régions non détermi4255 1404 49 920 22 1224 29 nées TOTAL 136208 46726 43 47278 35 30383 22 Source : Direction des études et de la recherche ministère des Relations avec les citoyens et de l’Immigration (MRCI) et RAMQ. 4. Le règlement sur la sélection des ressortissants étrangers définit trois grandes catégories d’immigrants : 1) Catégorie « indépendant » : regroupe les gens d’affaires, les travailleurs qualifiés, les parents aidés et les personnes à charge qui les accompagnent. 2) Catégorie « famille » : est composée du conjoint, des enfants à charge et des ascendants du résident, ainsi que des enfants en voie d’adoption. 3) Catégorie « réfugié » : comprend les personnes reconnues comme réfugiées au sens de la Convention de Genève, c’est-à-dire en situation de détresse. Solidarité rurale du Québec Page 11 Prises isolément, quelques régions affichent une répartition d’immigrants qui mérite d’être exposée : 9 Trois régions éloignées de Montréal accueillent, à plus de 60%, la catégorie « famille » : Nord-du-Québec à 64%, Gaspésie à 67% et Saguenay à 69% ; 9 Quelques régions plus densément peuplées reçoivent la plus grande proportion de la catégorie « réfugié » : Montréal à 24%, Bas-Saint-Laurent, Québec et Outaouais à 25% et Estrie à 42% ; 9 Quatre régions ont reçu les immigrants de la catégorie « indépendant » dans une proportion dépassant 50% : Laurentides à 51%, Abitibi-Témiscamingue à 52%, Mauricie/Bois-Francs à 53% et Montérégie à 58%. La répartition des immigrants entre Montréal et les régions est très variable. Malgré une forte concentration des immigrants à Montréal, bon nombre d’entre eux ont préféré s’établir en région plutôt qu’à Montréal. Toutes proportions gardées, les immigrants «indépendants» sont plus fortement concentrés en région et les immigrants «réfugiés» représentent, au prorata de leur population, un pourcentage plus élevé à Montréal. 3.3 Interventions gouvernementales : ses politiques et ses pratiques Les politiques canadiennes en matière d’immigration ont longtemps favorisé le peuplement des provinces anglophones. Quant aux Québécois, ils ont eu tendance à voir l’immigration comme un facteur de «minorisation» puisque les immigrants venaient généralement rejoindre la minorité anglophone. Graduellement les mentalités ont changé. Ainsi, en 1968, le gouvernement québécois créa le ministère de l’Immigration afin de maîtriser l’immigration plutôt que de la subir5. Quant au discours portant sur la régionalisation des immigrants, il est assez récent. C’est au milieu des années 1980 que l’on commence à s’y intéresser sérieusement. Les premiers gestes posés en matière de répartition de l’immigration sont posés lors des audiences publiques de la Commission de la culture en 1987. À cette occasion, plusieurs organismes sont intervenus afin que des mesures soient adoptées pour favoriser l’établissement d’immigrants à l’extérieur de Montréal. Un bref historique de la législation en matière de régionalisation de l’immigration permet d’apprécier les efforts qui ont été investis dans ce domaine 6 : 5. 6. Ministère des Communautés culturelles et de l’Immigration, Au Québec, pour bâtir ensemble, énoncé de politique en matière d’immigration et d’intégration, Bulletin de liaison, Volume 6, numéro 2, 1990, page 1. Conseil des relations interculturelles, L’immigration et les régions du Québec, Avis présenté au ministre des Relations avec les citoyens et l’Immigration, 1997, pages 5-8. Ministère des Communautés culturelles et de l’Immigration, Une richesse à partager, orientations pour une répartition régionale plus équilibrée de l’immigration, 1992, pages 5-6. Ministère des Relations avec les citoyens et de l’Immigration, L’immigration au Québec de 1998 à 2000, prévoir et planifier, Document de consultation, 1997, pages 7-8. Solidarité rurale du Québec Page 12 9 Dépôt d’un avis du Conseil des Communautés culturelles et de l’Immigration (CCCI) en 1988 recommandant que le ministère des Communautés culturelles et de l’Immigration se donne une politique permanente de régionalisation de l’immigration favorisant le développement régional et l’intégration des immigrants à la majorité francophone ainsi que la mise en œuvre de mesures de soutien et de suivi à la régionalisation de l’immigration. 9 Adoption en 1990 par le gouvernement d’un énoncé de politique en matière d’immigration et d’intégration, contenant trois grandes orientations : la mise en œuvre d’une approche basée sur la recherche de possibilités concrètes, le développement de conditions favorisant l’établissement durable et la collaboration et le partenariat avec les régions. 9 Approbation d’un plan d’action gouvernemental en matière d’immigration et d’intégration en 1993 par le ministère des Affaires internationales, de l’Immigration et des Communautés culturelles. Ceci permet de compléter l’énoncé de politique en plus de considérer les aspects suivants : encouragement à la concertation et mise en œuvre de projets pilotes, promotion des régions, information sur les besoins, sensibilisation des milieux à l’apport de l’immigration, développement de services d’accueil et support à l’établissement. 9 Énoncé en 1992 d’une politique de développement régional par le gouvernement qui retient la concentration de l’immigration comme l’un des enjeux prioritaires devant faire l’objet d’une stratégie intersectorielle parmi les ministères les plus directement concernés. 9 Adoption en 1992 d’une politique de régionalisation de l’immigration contenant des orientations pour une distribution interrégionale plus équilibrée consistant en la recherche d’opportunités concrètes, l’établissement durable et un partenariat avec les régions ainsi que des mesures favorisant la régionalisation de l’immigration. 9 Tenue en 1996 par la Commission de la culture d’une consultation publique permettant une révision des orientations sur l’immigration ainsi qu’une meilleure répartition de la diversité ethno-culturelle dans l’ensemble des régions du Québec de 1998 à 2000. Bien que ces intentions de régionalisation de l’immigration veillent à régulariser la situation actuelle, la prochaine étape devrait s’engager sur la voie d’une véritable décentralisation des programmes, des services et des mesures de soutien à l’immigration au profit des régions. Selon Myriam Simard, chercheuse et spécialiste de l’immigration rurale à l’Institut national de recherche scientifique (INRS), l’État doit dépasser l’attentisme actuel qu’il entretient à l’égard des régions afin d’assurer des suites positives à sa politique de régionalisation de l’immigration. À cet effet, l’État devrait articuler davantage son action à une poli- Solidarité rurale du Québec Page 13 tique de développement régional global forte et dynamique afin d’entraîner un véritable mouvement d’établissement d’immigrants en région7. En l’espace d’une dizaine d’années, le gouvernement aura su mettre en place une politique de régionalisation de l’immigration visant une répartition interrégionale plus équilibrée des immigrants. Cependant, il reste beaucoup à faire afin de décentraliser les programmes, les mesures de soutien et les services en cette matière. 3.4 Potentiel de renouvellement des communautés rurales Dans le contexte actuel de la mondialisation de l’économie, de la restructuration rurale et agricole, de crise de l’État et de responsabilisation accrue des acteurs locaux, l’examen de l’immigration agricole peut apporter un éclairage inédit quant au développement régional et à la dynamisation locale. Cette immigration particulière est porteuse de retombées positives et multiples. Les immigrants constituent un réel potentiel de renouvellement des communautés. Bien que ce potentiel puisse être limité en terme démographique, il apparaît illimité en terme socioculturel. Les immigrants ont une culture différente et des savoir-faire multiples qui peuvent enrichir le développement économique, social et culturel d’une communauté rurale. Myriam Simard démontre bien comment la famille agricole immigrante est un bon exemple du potentiel de renouvellement des communautés rurales. À ce sujet, elle mentionne: « En débordant ainsi l’univers de la ferme pour aborder celui de la région, elle contribue (la famille agricole immigrante) à accroître la dynamisation locale et rurale par son leadership sur des aspects critiques du développement régional et à renouveler la population tout en apportant une ouverture sur le monde. Elle entraîne un enrichissement global de la collectivité territoriale, participant à l’essor et à la consolidation d’un environnement rural et agricole stimulant par des stratégies économiques, sociales et politiques diversifiées. »8 Cependant pour développer ce potentiel de renouvellement, les communautés rurales se doivent de préparer le terrain et de le rendre propice à l’accueil des immigrants. Pour cela, il faut que la communauté hôte franchisse avec succès chacune des étapes requises dans un tel projet d’intégration d’immigrants : la planification, l’accueil, l’installation et l’intégration. 7. 8. SIMARD, Myriam, La politique québécoise de régionalisation : enjeux et paradoxes, Recherches sociologiques, XXXVII, 3, 1996, page 463. Ibid, p. 166. Solidarité rurale du Québec Page 14 Dans un même ordre d’idée, Bernard Vachon, professeur au Groupe de recherche en développement et en aménagement des espaces ruraux et régionaux (GRADERR) de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), avance que les milieux ruraux représentent à l’heure actuelle et pour les prochaines années, un lieu alternatif de développement, voire même un lieu attractif pour une variété d’activités économiques et de fonctions sociales. « Mais attention, pour que ces perspectives de recomposition territoriale puissent se traduire en opportunités réelles pour les régions non centrales et conduire à des projets concrets de développement durable, les milieux d’accueil potentiels doivent offrir des qualités et compétences susceptibles de répondre aux caractéristiques de la nouvelle économie et aux attentes de la logique émergente de localisation qui repose non seulement sur des facteurs économiques mais aussi, et de plus en plus, sur des facteurs référant à la qualité des services aux entreprises et aux personnes, à la mise en valeur de l’environnement naturel et bâti, à la dynamique sociale et culturelle. Ce qui soulève tout le défi du développement local à travers les concepts de milieu innovateur, de qualification collective et de dynamique territoriale.»9 Devant ce vaste mouvement de concentration d’activités et face à la mondialisation des marchés, de nombreux spécialistes du développement rural estiment que l’apport des immigrants est susceptible d’ajouter au caractère novateur des solutions puisque ces derniers sont porteurs de cultures et de savoir-faire différents en plus d’avoir accès à des réseaux élargis dans le monde. Cependant, l’entrepreneurship ethnique ne réglera rien à lui seul, ni l’immigration régionale : « Il est donc illusoire d’espérer qu’à eux seuls les immigrants, si entreprenants et branchés soient-ils sur des créneaux innovateurs et des réseaux internationaux, pourront contrer le déclin et la dévitalisation et repeupler les campagnes et zones intermédiaires. »10 4. Les communautés rurales et les immigrants : attentes, besoins et expériences locales 4.1 Attentes des communautés hôtes Il existe peu d’études traitant des attentes des communautés hôtes à l’égard des immigrants en milieu rural. Généralement, les analyses s’affairent à identifier les attentes des immigrants et non celles des communautés hôtes. De plus, les mesures politiques pour 9. VACHON, Bernard, La recomposition des territoires ruraux, Fascicule « Série Réflexion », Solidarité rurale du Québec, 1998, 16 pages . 10. SIMARD, Myriam, La politique québécoise de régionalisation : enjeux et paradoxes, Recherches sociologiques, XXXVII, 3, 1996, page 463 Solidarité rurale du Québec Page 15 régionaliser l’immigration sont davantage orchestrées à l’échelle régionale plutôt qu’à l’échelle locale. Qu’à cela ne tienne, au cours des années 1996-1997, le Conseil des relations interculturelles a recueilli beaucoup de commentaires, d’espoirs et d’attentes en effectuant des consultations11 publiques et privées. En voici un résumé : 9 Les régions veulent avoir leur mot à dire en ce qui concerne l’élaboration de la politique de régionalisation de l’immigration et son application sur le territoire. 9 On souhaite une prise en charge des activités qui permettent d’attirer, d’intégrer et de retenir les immigrants en région. On critique la centralisation des programmes et des services au sein du ministère des Relations avec les citoyens et l’Immigration. 9 L’intégration de l’immigration aux plans de développement régionaux dans un projet social collectif qui déborde du cadre économique et qui tienne compte des possibilités réelles pour l’emploi. 9 L’adaptation des programmes et des mesures aux spécificités régionales. Ceux-ci doivent également être accessibles à chacune des régions en plus d’être distribués équitablement entre celles-ci. 9 On souligne l’urgence de mettre en place des activités de rapprochement avec les immigrants de même que la nécessité de créer des actions de sensibilisation et d’information sur l’apport de l’immigration. 9 Une meilleure collaboration, concertation et coordination entre les régions et ses intervenants. 9 L’orientation des politiques en matière de régionalisation de l’immigration doit être l’expression d’une volonté régionale et non celle d’une volonté imposée de l’extérieur; bref, une régionalisation de l’immigration incitative, proactive et volontaire. 9 Un sentiment de frustration et d’échec résultant d’une gestion centralisée des politiques. Bien que ces commentaires exprimés dans un contexte d’intervention régionale soient tout autant applicables à l’échelle d’une communauté locale, ils font davantage ressortir la nécessité d’une réorganisation régionale plutôt que de l’importance de la préparation des communautés hôtes à l’accueil des immigrants. 11. Consultation sur l’immigration et les régions du Québec auprès de 1100 participants aux divers forums régionaux, 98 représentants de Conseils régionaux de développement, du Secrétariat au développement des régions, du ministère des Relations avec les citoyens et de l’Immigration, des organismes communautaires, des municipalités et de 48 organismes et individus ayant soumis des mémoires. Solidarité rurale du Québec Page 16 Dans cet esprit, les mesures et les programmes de régionalisation de l’immigration devraient être ajustés en fonction des besoins des communautés hôtes tout en tenant compte que des outils devraient être élaborés pour faciliter et améliorer l’intégration des immigrants. Une région aura beau être ouverte à l’intégration d’immigrants, il n’en demeure pas moins que c’est la localité qui doit les accueillir. 4.2 Besoins des immigrants Une enquête12 menée auprès de la population immigrante du Québec a permis à la firme Zins, Beauchesne et associés de mieux connaître les facteurs qui influencent la décision d’un immigrant à s’établir dans une région, d’y rester ou de la quitter. Les principales raisons motivant les immigrants à s’établir dans une région sont13 : 9 La présence d’immigrants14 : les membres de la famille, une communauté ethnique, des amis, une vie multiculturelle; 9 Les opportunités d’emploi: veulent une disponibilité d’emplois et des occasions d’affaires; 9 La qualité de vie : la sécurité et la salubrité, l’environnement physique, le paysage, la réalité urbaine, le réseau de commerces et de services; 9 Un bon système d’éducation. À la lumière du bilan des expériences étrangères de Dumont15, on devrait s’attarder aux besoins des individus. Le choix d’une destination et surtout la décision de s’installer en permanence dans un lieu ne se réduit pas qu’à des considérations économiques. Cependant, la rétention des immigrants est aussi attribuable à un ensemble de conditions favorables telles que l’accès au marché du travail, la disponibilité des services aux immigrants, la présence d’une communauté ethnique et l’accueil de la population locale. 12. Enquête réalisée en décembre 1991 par la firme Zins, Beauchesne et associés auprès de 410 immigrants résidant dans la région métropolitaine de recensement de Montréal et de 517 immigrants résidant dans les autres régions métropolitaines arrivés au Québec depuis 1976. 13. Zins, Beauchesne et associés Constats et orientations stratégiques, Études d’évaluation des possibilités offertes par les différentes régions du Québec en matière de régionalisation de l’immigration, Rapport final, Volet 3 présenté au ministère des Communautés culturelles et de l’Immigration, mars 1992, 38 pages. 14. Cette raison portant sur la présence d’autres immigrants serait plutôt « facilitante » que déterminante, il semble que cette motivation d’implantation d’immigrants soit plutôt liée aux origines ethniques. Par exemple et selon Myriam Simard, chercheuse et spécialiste de l’immigration rurale, les Européens n’accordent pas d’importance à ce facteur. 15. DUMONT, Johanne, Distribution spatiale de la population immigrante et régionalisation de l’immigration, bilan des expériences étrangères, Direction des politiques et programmes d’intégration socio-économique, Juin 1991, page 8-9. Solidarité rurale du Québec 5. Page 17 Recommandations Tel que présenté dans l’Énoncé de politique en matière d’immigration et d’intégration produit en 1990 par le ministère des Communautés culturelles et de l’Immigration, un processus d’intégration d’immigrants tient compte d’un ensemble de caractéristiques : 9 Il touche toutes les dimensions de la vie collective ; 9 Il nécessite non seulement l’engagement de l’immigrant lui-même, mais également celui de l’ensemble de la communauté d’accueil ; 9 Il s’agit d’un processus d’adaptation à long terme qui se réalise à des rythmes différents. Dans cette optique, la plupart des recommandations ci-dessous s’inscrivent dans l’une ou l’autre des caractéristiques du processus d’intégration. Le bilan d’expériences étrangères réalisé par Johanne Dumont indique d’ailleurs qu’une meilleure préparation de la population immigrante et de la communauté hôte contribuerait à l’amélioration de l’intégration des immigrants en région : « […] les politiques de dispersion ont échoué dans leur tentative de répartir également les réfugiés sur le territoire, les programmes d’établissement d’immigrants dans des sites soigneusement choisis et faisant l’objet d’une planification rigoureuse ont porté fruit. Quoique le contexte dans lequel s’inscrivent ces programmes varie d’un pays à l’autre, des constantes se dégagent : tout programme devant inciter les immigrants à s’installer en dehors des grands centres exige du temps, de l’énergie et des ressources. »16 5.1 Promouvoir auprès des immigrants le choix du milieu rural comme lieu de vie Le monde rural représente une alternative au mode de vie urbaine. Il ne fait aucun doute qu’une partie de la population immigrante est en quête de ce milieu de vie et des possibilités qu’il comporte. « Malgré une certaine homogénéisation dans les modes de vie entre ruraux et urbains […], la plupart des chercheurs s’entendent pour reconnaître au monde rural des traits particuliers, certains relatifs à la tradition, d’autres aux mutations de la culture rurale : réseau de relations personnalisées, sentiment d’appartenance basé sur l’esprit communautaire, solidarité et entraide, valorisation de la participation à la vie locale, importance de la vie familiale, insistance sur l’autonomie et 16. DUMONT, Juin 1991, page 8 Solidarité rurale du Québec Page 18 l’innovation locales et régionales, rapport inédit à l’espace et à l’environnement. »17 Le monde rural a ses particularités, il est un milieu de vie distinct, choisi et désiré par les personnes qui l’habitent. Ce monde regroupe un ensemble d’activités, une structure de peuplement, une organisation et des équipements qui le différencient du milieu urbain.18 De plus, il y règne un rapport à l’espace et au temps qui le caractérise, c’est-à-dire une relation étroite entre les étendues de territoire et le rythme de vie. Selon Raymond Lacombe, président du mouvement français Sol et Civilisation, le monde rural pourrait se définir comme étant « des Hommes, des territoires et des produits ». Cette définition induit une interrelation et une interaction harmonieuse et pondérée entre les habitants, les territoires et les activités. L’État devrait donc veiller à la promotion des communautés rurales auprès des populations immigrantes car il y a fort à parier que ce milieu de vie est recherché et désiré pour certains d’entre eux. 5.2 Cibler les immigrants manifestant un désir de vivre en milieu rural Afin de garantir l’intégration des immigrants en région, il faut s’assurer que ces derniers aient une connaissance et un intérêt à vivre en milieu rural. Pour cela, il est souhaitable que les communautés hôtes et les immigrants puissent échanger sur les différentes facettes des régions rurales. Les immigrants recherchés devraient nécessairement être attirés par la vie en milieu rural. Dès lors, il est possible d’imaginer : 9 Une promotion du monde rural auprès de pays d’origine via les ambassades et les délégations; 9 Un processus de recrutement d’immigrants en partie basé sur la connaissance et l’intérêt que ceux-ci portent à l’égard du monde rural; 9 Des occasions de rencontre et d’échange entre la communauté hôte et les immigrants intéressés telles que des séjours exploratoires, des stages, etc. 5.3 Connaître systématiquement les attentes, les besoins et le profil des immigrants et des communautés hôtes Selon le Conseil des relations culturelles et faisant suite à la consultation qu’il a menée, il ressort que dans plusieurs régions, on connaît très mal les besoins des immigrants et les difficultés inhérentes à leur adaptation et à leur intégration. Une meilleure connaissance de cette réalité, s’inspirant d’études et de bilans disponibles dans différentes régions, contribuerait à abolir les préjugés, à rassurer les communautés locales et à reconnaître l’apport de ceux qui sont déjà établis. 17. SIMARD, Myriam, La régionalisation de l’immigration : les entrepreneurs agricoles immigrants dans la société rurale québécoise, Recherches sociologiques, XXXVI, 2, 1995, page 223. 18. VACHON, Bernard, Le Québec rural dans tous ses états, Éditions Boréal, 1991, 311 pages. Solidarité rurale du Québec Page 19 Il apparaît donc fort à propos de développer des moyens (questionnaire, entrevue, rencontre, etc.) permettant une meilleure connaissance des attentes et des besoins de la communauté hôte et des immigrants. Avant même que les immigrants ne viennent s’établir, de tels moyens favorisant des rencontres et des échanges permettraient d’approfondir les connaissances mutuelles tant de la communauté hôte que des immigrants et ainsi tenter de répondre à leurs attentes et à leurs besoins. «[…] l’ethnicité et le sentiment d’appartenance fluctueront selon le rapport qui s’établira entre le groupe immigrant et la société d’accueil. »19 5.4 Rendre le territoire propice à l’intégration des immigrants Afin d’instituer une intégration durable en milieu rural, les communautés hôtes devraient prendre en considération un ensemble de facteurs : l’accès au marché du travail, l’apprentissage de la langue, le sentiment d’appartenance des immigrants à une culture et à un territoire, la situation d’accueil et la nature des relations et des services. Chaque geste posé favorisant l’intégration d’immigrants dans son milieu est important et déterminant. L’expérience d’intégration des immigrants démontre que pour rendre le territoire propice à l’accueil des immigrants, les communautés hôtes doivent : 9 Avoir une excellente connaissance des conjonctures locales d’emploi et des services d’appui au plan de la recherche d’emploi; 9 Rendre disponible des services aux immigrants portant sur l’emploi, le logement, la vie communautaire, la santé, la formation, la langue, le soutien psychologique, etc.; 9 Assurer si possible, la présence de communautés ethniques ou de regroupement de membres car elle peut avoir un effet attractif et de rétention; 9 Promouvoir l’immigration en région; 9 Se concerter avec les intervenants régionaux; 9 Imaginer une structure locale solide, susceptible d’assurer une adaptation harmonieuse entre les immigrants et la communauté hôte. 5.5 Soutenir les communautés hôtes dans leur travail de planification, d’accueil et d’intégration des immigrants L’intégration d’immigrants en milieu rural exige une préparation efficace permettant de comprendre et de mieux intervenir à chacune des étapes de la planification, de l’accueil et 19. TREMBLAY, Pierre-André, À propos de l’intégration des groupes ethniques en région : interrogations sur quelques préalables, Article, Immigration et région, Chaire d’enseignement et de recherche interethniques et interculturels (CERCII), 1993, page 36. Solidarité rurale du Québec Page 20 de l’intégration. Pour franchir ces étapes et dans la perspective d’une intégration réussie, les communautés hôtes devraient s’assurer de : 9 La planification : obtenir le consentement, l’implication et l’engagement de la communauté (conseil municipal, gens d’affaires, groupes sociaux, etc.); démystifier l’immigration et accepter en retour d’être influencé et transformé par ces immigrants; connaître leurs besoins et leurs attentes; interpeller tous les secteurs d’activités afin d’avoir un vaste éventail de possibilités à offrir aux immigrants. 9 L’accueil : connaître et communiquer les codes culturels des immigrants et de la communauté d’accueil; transcender les barrières culturelles et raciales; désirer apprendre et s’enrichir mutuellement; reconnaître et valoriser l’apport des immigrants; adapter et rendre disponibles divers services aux immigrants. 9 L’intégration : impliquer l’ensemble de la communauté en l’interpellant pour des actions, des événements ou autre; établir et harmoniser les relations interpersonnelles entre la communauté hôte et les immigrants; favoriser des jumelages et des parrainages entre les immigrants et des membres de la communauté locale ayant des intérêts communs; soutenir et accompagner les immigrants dans leurs besoins avec l’objectif de les rendre autonomes; voir à leur intégration sociale, économique, politique et culturelle; laisser le temps de l’adaptation faire son œuvre. En l’absence de structures d’accueil, les auteurs d’une analyse de cas au Saguenay-LacSaint-Jean concluent que les relations entre les immigrants et les « habitants de souche » semblent harmonieuses. Toutefois, ces auteurs émettent l’hypothèse que les personnes immigrantes doivent plus difficilement se frayer un chemin. 20 5.6 Favoriser l’échange de moyens et d’expériences d’intégration des immigrants entre les communautés rurales Dans le Québec rural, il existe plusieurs expériences d’immigration méritant d’être connues et promues. D’une part, ceci permettrait aux communautés rurales d’entrevoir l’immigration comme un potentiel de renouvellement et d’autre part, il est permis de croire que la promotion d’expériences d’immigration augmenterait les chances de réussite d’intégration. Cette promotion locale, régionale et nationale de l’immigration à l’intention des localités rurales pourrait prendre plusieurs formes : des séances d’informations ambulantes, l’établissement d’un site WEB, la diffusion de publications gouvernementales ou corpo20. TREMBLAY, Pierre-André, ALONSO, Miriam et VERSCHELDEN, Marie-Claude, Article « Le rapport à l’autre au quotidien : deux exemples au Saguenay-Lac-Saint-Jean », Ouvrage collectif, Centre de renseignement et de recherche interethniques et interculturels (CERII), Université du Québec à Chicoutimi, Collection « Impact », 1997, page 190. Solidarité rurale du Québec Page 21 ratives (Fédération québécoise des municipalités, Association des Conseils régionaux de développement, etc.). 5.7 Créer des lieux inédits d’apprentissage favorisant la rencontre de la communauté hôte et les immigrants Les communautés hôtes ont avantage à développer des lieux de rencontre qui favorisent l’échange de connaissances et d’expériences. Ces lieux inédits de rencontre devraient être établis en fonction des particularités et des besoins de chaque région : des formules de jumelage entre les individus de la société d’accueil et les immigrants, des stages en région pour des immigrants qui souhaitent explorer les régions situées à l’extérieur des grandes villes, la création d’organismes multiethniques, la mise sur pied d’événements ou d’activités culturelles, le parrainage d’immigrants, etc. Sans aucun doute, ces moyens assurent une transition et une intégration progressive de l’immigration en région. 5.8 Encourager les formules originales favorisant l’intégration d’immigrants en région Plusieurs formules originales favorisant l’intégration des immigrants méritent d’être multipliées. Dans ce contexte, quelques moyens d’intégration des immigrants mis de l’avant par le gouvernement québécois devraient être maintenus, dont le Fonds de développement de l’immigration en région (FDIR) du ministère des Relations avec les citoyens et de l’Immigration (MRCI).21 Certaines localités tentent actuellement de contrer l’exode rural en créant un lieu original d’insertion des immigrants en région. À titre d’exemple, l’entreprise Agri-Culture Nouvelle de Sainte-Geneviève-de-Batiscan a mis de l’avant un programme d’intégration des immigrants en région en l’insérant dans un programme de formation en horticulture maraîchère exotique et dont les produits sont destinés à approvisionner les communautés ethniques du Québec.22 Ailleurs comme à Saint-Jérôme, la formule de jumelage s’est avérée tellement efficace pour favoriser l’intégration des nouveaux arrivants que le Centre d’orientation et de formation favorisant les relations ethniques (COFFRET) a décidé de jumeler systématiquement les familles de réfugiés sélectionnées à l’étranger, et ce, dès leur arrivée. La directrice de cette organisation, Line Chaloux, avance même que : 21. Projet d’établissement d’immigrants dans trois MRC du Bas-Saint-Laurent soutenu financièrement par le gouvernement québécois, article paru dans le quotidien : PICHETTE, Jean Des régions plurielles, Québec financera des stages d’immersion dans trois MRC pour aider l’immigration en région, Le Devoir, 4 avril 1996. Accueil d’un couple d’immigrants investisseurs dans l’élevage en plein air de volailles supporté par le programme « Fonds de développement de l’immigration en région », article paru dans le quotidien : AUBRY, Marcel, Immigrants et investisseurs, un couple de Français séjourne à la ferme des Ormes à Pierreville, 8 octobre 1997. 22. SAINT-YVES, Pierre, «Cultures exotiques à Ste-Geneviève-de-Bastican», La Terre de Chez-Nous, semaine du 2 au 8 octobre 1997. Solidarité rurale du Québec Page 22 «[…] pour s’assurer que les nouveaux arrivants s’installent de façon significative, il faut greffer autour d’eux tout un tissu social, de façon qu’ils se sentent à l’aise, en sécurité, soutenus. Le jumelage a un impact considérable sur la qualité de leur intégration, car il crée un lien presque instantané avec la communauté. »23 5.9 Laisser le temps à l’intégration des immigrants de faire son œuvre L’intégration des immigrants doit être vue comme un processus lent, évolutif et continu qui exige du temps. Chaque personne évolue à des rythmes différents. Plusieurs années peuvent passer avant que les immigrants ne s’adaptent à leur nouveau lieu de vie. De plus, le sentiment d’appartenance nécessite encore plus de temps que l’intégration. « Dans certains cas, ils peuvent même n’être pleinement atteints qu’à la deuxième ou à la troisième génération, sans que l’on doive conclure pour autant à l’échec du processus »24. Comme le mentionne Adéodat St-Pierre, président de la Coalition Urgence rurale du BasSaint-Laurent et organisme-parrain du projet d’intégration de quatorze familles bosniaques : « Il ne faut toutefois pas oublier qu’ils (immigrants) ont à faire le deuil de leur pays et qu’ils ont besoin d’en parler ce qui nécessite un encadrement serré et une connaissance, pour l’organisme d’accueil, des étapes du deuil. »25 Peu importe le palier d’intervention, les partenaires impliqués dans un tel projet d’intégration d’immigrants doivent prévoir des actions sur plusieurs mois voire même plusieurs années. 5.10 Décentraliser la gestion des programmes et des mesures de soutien en matière d’immigration Pour réussir l’intégration des immigrants en milieu rural, une harmonisation des différents paliers administratifs et gouvernementaux s’impose. La localité intéressée par l’apport d’immigrants doit se donner une stratégie à court, moyen et à long terme essentiellement basée sur la planification, l’accueil et l’intégration des immigrants. Cette dernière doit faire valoir ses avantages, ses besoins, ses secteurs en développement, ses occasions d’affaires et ses possibilités d’emploi. 23. DALCOURT, Danielle, Bienvenue à Saint-Jérôme ! Revue Au Pluriel, volume 5, no 2. 24. MINISTÈRE DES COMMUNAUTÉS CULTURELLES ET DE L’IMMIGRATION DU QUÉBEC, Au Québec pour bâtir, énoncé de politique en matière d’immigration et d’intégration, Direction générale des politiques et des programmes (1990), page 47. 25. ST-PIERRE, Adéodat, Réflexions préparatoires à une rencontre d’un comité « Immigration en milieu rural », texte inédit produit par Coalition Urgence Rurale du Bas-Saint-Laurent (novembre 1997), 4 pages. Solidarité rurale du Québec Page 23 Sur la base d’un positionnement global en matière de sensibilisation, de concertation et d’action en matière d’immigration, la municipalité régionale de comté (MRC) et la région administrative devraient supporter les initiatives locales d’intégration d’immigrants. Au niveau régional, il est indispensable de retrouver une gamme de services et de facilités permettant une planification, un accueil et une intégration réussis d’immigrants. Bien que chaque localité ait la responsabilité de promouvoir son milieu auprès des immigrants, il peut s’avérer efficace et intéressant d’organiser une offensive promotionnelle régionale telle que la Corporation de développement économique de l’Érable l’a fait. Cette corporation a pris les grands moyens pour accueillir des immigrants dans sa région. Des spécialistes en formation professionnelle et en service social, de même que des entrepreneurs ont contribué à faire connaître les atouts de cette région ainsi que les besoins de main d’œuvre auprès d’une douzaine de représentants de plusieurs communautés culturelles de Montréal.26 Les ministères concernés devraient davantage encourager la régionalisation de l’immigration. L’État ne doit pas se substituer au dynamisme local mais plutôt le soutenir. La responsabilité gouvernementale en matière d’immigration est également de décentraliser en région l’ensemble de ses programmes et de ses mesures. De plus, l’État devrait recueillir et transmettre les informations sur les régions aux autorités et aux groupes responsables de la sélection des immigrants. Afin d’apporter tout le support requis dans un tel projet d’intégration d’immigrants, le gouvernement devrait garantir aux communautés hôtes l’accès aux programmes, aux mesures et aux facilités sur une période allant de quelques semaines à quelques années. En dernier lieu, le gouvernement devrait participer au développement et à la diffusion de moyens qui hausseraient le taux de réussite des projets d’intégration d’immigrants. 6. Conclusion Depuis 1989, les petites communautés rurales affichent un bilan démographique non seulement croissant mais supérieur à la moyenne provinciale. De plus, on peut dire que le Québec rural est de plus en plus recherché par la population immigrante. À ce titre, il est juste de réclamer que l’État veille à une meilleure répartition de la population immigrante sur tout le territoire québécois. Dans cet esprit, il devient primordial et légitime de requérir une réelle décentralisation des programmes et des diverses mesures soutenant l’immigration afin d’offrir au monde rural les mêmes chances de réussite que celles dont bénéficient la métropole et les milieux urbains. Aux efforts de redistribution de la population immigrante et de décentralisation des programmes et des mesures de soutien à l’immigration, il faut que l’État ajoute la dimension de l’intégration durable de la population immigrante en région. Pour ce faire, il faut faciliter le processus d’intégration des immigrants aux communautés rurales dans toutes les facettes de la vie collective, en comprenant que l’engagement des immigrants et l’ouverture de la communauté d’accueil vont se réaliser à des rythmes différents. 26. CHARLEBOIS, Yves, «Vendre l’idée d’immigrer en région», La Terre de Chez-Nous, semaine du 23 au 29 octobre 1997. Solidarité rurale du Québec Page 24 Bibliographie CONSEIL DES RELATIONS INTERCULTURELLES, L’immigration et les régions du Québec, Avis présenté au ministre des Relations avec les citoyens et l’Immigration, 1997, 39 pages. DUMONT, Johanne, Distribution spatiale de la population immigrante et régionalisation de l’immigration, bilan des expériences étrangères, Direction des politiques et programmes d’intégration socio-économique, Juin 1991, 81 pages. LEBLANC, Patrice, Les petites collectivités au Québec, Étude visant à tracer le portrait d’ensemble des petites collectivités et de leur place dans le système socio-spatial québécois, Département des sciences sociales et de la santé, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, 39 pages. MINISTÈRE DES COMMUNAUTÉS CULTURELLES ET DE L’IMMIGRATION, Une richesse à partager, orientations pour une répartition régionale plus équilibrée de l’immigration, Politique de régionalisation des immigrants, Direction des politiques et programmes d’intégration socio-économique, 1992, 35 pages. MINISTÈRE DES COMMUNAUTÉS CULTURELLES ET DE L’IMMIGRATION, Au Québec, pour bâtir ensemble, énoncé de politique en matière d’immigration et d’intégration, , Bulletin de liaison, Volume 6, numéro 2, 1990, 6 pages. MINISTÈRE DES RELATIONS AVEC LES CITOYENS ET DE L’IMMIGRATION, L’immigration au Québec de 1998 à 2000, prévoir et planifier, Document de consultation, 1997, 69 pages. SIMARD, Myriam, Immigration agricole, enracinement familial et dynamisation du milieu local au Québec, Ouvrage collectif du Centre de renseignement et de recherche interethniques et interculturels (CERII), Université du Québec à Chicoutimi, Collection « Impact », 1997, pages 145-174. SIMARD, Myriam, La politique québécoise de régionalisation : enjeux et paradoxes, Recherches sociologiques, XXXVII, 3, 1996, pages 439-469. SIMARD, Myriam, La régionalisation de l’immigration : les entrepreneurs agricoles immigrants dans la société rurale québécoise, Recherches sociologiques, XXXVI, 2, 1995, page 215-242. TREMBLAY, Pierre-André, ALONSO, Miriam et VERSCHELDEN, Marie-Claude, Le rapport à l’autre au quotidien : deux exemples au Saguenay-Lac-Saint-Jean, Ouvrage collectif Centre de renseignement et de recherche interethniques et interculturels (CERII), Université du Québec à Chicoutimi, Collection « Impact », 1997, pages 177-202. Solidarité rurale du Québec Page 25 TREMBLAY, Pierre-André, À propos de l’intégration des groupes ethniques en région : interrogations sur quelques préalables, Article, Immigration et région, Chaire d’enseignement et de recherche interethniques et interculturels (CERCII), 1993, pages 19-43. 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