financement de grands projets internationaux
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financement de grands projets internationaux
7. PRATIQUE CONTRACTUELLE CONTRACTS IN PRACTICE Responsable de la chronique : Pierre-Henri GANEM : docteur en droit, habilité à diriger des recherches, chargé d’enseignement aux DESS « Juriste d’affaires international » et « Banques et Finances » de l’Université René Descartes (Paris V). FINANCEMENT DE GRANDS PROJETS INTERNATIONAUX Pierre-Henri GANEM * Grands projets internationaux au jour le jour « GRANDS PROJETS DANS LE BASSIN MÉDITERRANÉEN » Comme annoncé dans la livraison précédente de la Revue, cette première chronique de l’année 1997 est consacrée à quelques grands projets internationaux à différents stades de montage ou de réalisation dans des pays du pourtour de la Méditerranée. Son matériau de base a été constitué par les interventions faites et les documents distribués lors d’un Colloque sur « Grands projets et bassin méditerranéen – Opportunités risques et rentabilité » organisé à Paris le 28 et 29 novembre 1996 par Les Échos en collaboration avec Gide Loyrette Nouel et le cabinet d’audit Salustro Reydel, sous le parrainage du CFCE et des Conseillers du Commerce Extérieur de la France. Après un cadrage consacré aux plus ou moins grandes difficultés d’insertion de la problématique des financements de grands projets dans les systèmes juridiques, politiques et administratifs des différents pays du champ, par delà leur diversité, ce qui amène à s’interroger sur une éventuelle spécificité de l’approche à adopter envers ces pays (I), les projets ont été regroupés en deux grandes catégories : énergie, mines-industrie (II) et infrastructures (III). Au titre de la première catégorie seront présentés le barrage de Birecik en Turquie, la centrale thermique de Jorf Lasfar au Maroc, le complexe de production d’acide phosphorique de Eshidiya en Jordanie ; au titre de la seconde, le projet Solidere de reconstruction du centre de Beyrouth, l’auroroute Trans-Israël et l’autoroute arabe Beyrouth-frontière syrienne. Des raisons de format obligent à reporter à la livraison suivante de la Revue (1997, n° 2) la publication des parties (II) et (III) de la chronique de M. Ganem consacrée aux « Grands projets dans le bassin méditerranéen ». Seule la première partie (I) figure donc dans le présent numéro. NDLR. * Pour dialoguer avec l’auteur via e-mail : « [email protected] ». RDAI / IBLJ, N° 1, 1997 137 FINANCEMENT DE GRANDS PROJETS INTERNATIONAUX I) « Spécificités juridiques du Financement de Projet des Pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée ? » (1) Selon M. Bruno de Cazalet, qui nous a aimablement autorisé à reproduire ici le texte de son intervention au colloque sur grands projets et bassin méditerranéens : « Le marché des financements de projets est global ou mondial, très concurrentiel et où se rencontrent les mêmes acteurs, animés par la même règle du jeu, celle de la ‘bancabilité’ du projet, le marché méditerranéen est composé de pays pré-émergents ou en transition s’orientant vers une économie de marché, libéralisation, privatisation et transnationalisation de leurs échanges, auxquelles concourt le programme MEDA de l’Union européenne et la création de divers organismes et institutions financières. Le Marché Unique Méditerranéen est encore loin, l’approche par pays demeure donc la règle pour les financements de projets. Toutefois, certaines caractéristiques du Marché méditerranéen du Financement de Projets demeurent. Au titre des facteurs favorables, l’on peut citer l’énorme besoin en infrastructures de la zone, le fait que tous les pays sont attirés par cette forme d’investissement permettant, sans grever le budget de l’État, de pourvoir aux besoins d’investissements lourds, qu’ils bénéficient d’un regain d’intérêt à la faveur d’un certain rééquilibrage vers le Sud, qu’ils sont proches géographiquement, que la France entretien des relations privilégiées avec certains d’entre eux. En ce qui concerne les facteurs défavorables, l’on peut mentionner qu’il s’agit de pays nouveaux venus sur le marché des financements de projets, que tous les projets montés en ce moment sont des projets pilotes et aucun d’entre eux n’est en exploitation (mis à part le téléphone cellulaire au Liban et en Israël), c’est dire que ces pays n’ont pas de véritable expérience en ce domaine (contrairement à l’Asie, aux pays de l’Est ou à l’Amérique du sud). De surcroît leur marché local de capitaux est peu développé, il n’y existe pas de fonds d’investissement ou de garantie d’actifs dans le financement de projets pouvant jouer le rôle de la BERD ou de la BAD, un risque poli- 138 tique existe à court, moyen et long terme, qui s’ajoute au risque économique (convertibilité, transférabilité, taux de change, inflation). Il s’agit donc d’un marché naissant comportant des risques que les acteurs français des financements de projets devraient être mieux à même d’appréhender que nombre de leurs concurrents. Au plan juridique, le poids du passé et le choc de la nouveauté s’ajoutent à l’absence de cadre législatif et réglementaire et au conflit contractuel. Au titre du poids du passé, l’on peut rappeler les contextes, historique de la colonisation, culturel, français, juridique (ce sont des pays de droit civil à l’exception d’Israël), administratif (la notion du « tout État » ou de services et de biens publics est très présente), enfin ce sont tous des pays ayant une expérience de la maîtrise d’ouvrage dans le cadre d’opérations clés en main. L’on peut donc dire que cette région n’est pas préparée à la philosophie du financement de projets et au changement des rôles par rapport aux contrats clés en mains où le maître de l’ouvrage, opérateur public, disposait de tous les pouvoirs et où les ingénieries du monde entier, à grand renfort d’aide à l’exportation, se battaient pour obtenir des marchés imposés par l’État hôte. Le choc de la nouveauté, c’est la redistribution des rôles. Dans les financements de projets, en effet, les rôles sont sensiblement modifiés : le Concédant a un rôle limité de client futur, il devient à présent un donneur de licence et non plus un donneur d’ordre. Il n’a plus qu’un droit de contrôle limité, contrairement aux habitudes administratives du tout État et de la notion régalienne du service et des biens publics. C’est essentiellement un partenaire. Le Concessionnaire n’est plus le puissant groupe international X ou Y mais une société ad hoc créée pour les seuls besoins du projet, au capital limité (15 à 25 % de l’investissement). Les projets sont, en principe, sans recours ou à recours limité contre les actionnaires fondateurs. Les véritables maîtres du jeu, ce sont les banques internationales et les organismes financiers multilatéraux susceptibles d’apporter leur concours à de tels financements et qui imposent leurs critères de ‘bancabilité’ au projet. Un double effort est donc FINANCEMENT DE GRANDS PROJETS INTERNATIONAUX nécessaire, pédagogique, pour faire comprendre le rôle de chacune des parties et de davantage de pragmatisme pour les dirigeants des pays de cette zone, sans quoi il n’y aura pas de projet, du moins sous la forme d’un financement de projet. Il est nécessaire d’autre part de promouvoir un équilibre dans la prise de risque par les parties les mieux à même de les assumer pour assurer la ‘bancabilité’ du projet. En ce qui concerne le cadre législatif et réglementaire des Concessions, il est généralement insuffisant pour permettre de sécuriser l’investissement et pour assurer même la légalité et la validité de la structure contractuelle en l’absence d’une jurisprudence bien établie (contrairement à la France). Les projets sont généralement politiquement très sensibles dans la mesure où ils apparaissent comme des privatisations déguisées et le moyen pour des opérateurs étrangers de s’approprier une parcelle du domaine public ou du pouvoir traditionnel de l’État et de son administration. Il sera souvent difficile de revenir devant le Parlement pour sécuriser la structure contractuelle (2), renforcer les sûretés offertes ou pour mieux répondre aux critères de ‘bancabilité’. Les problèmes devront se régler au niveau contractuel. Or, il y a conflit contractuel entre le BOT anglosaxon et la Concession à la française, souvent au sein d’un même pays. Ainsi, au Liban, l’autoroute arabe est montée en concession alors que la partie périphérique l’est selon le modèle anglosaxon, au Maroc, Jorf Lasfar est partiellement anglo-saxon alors que la distribution d’eau et d’électricité à Casablanca se fait en concession à la française, en Tunisie, l’orientation est celle de la concession, mais le conseil est anglo-saxon, Israël suit le modèle anglo-saxon. Il paraît souhaitable pour les acteurs français des financements de projets dans cette zone de ne pas céder aux modes anglo-saxonnes et d’infléchir chaque fois que cela sera possible ces pays vers des modèles et des législations de type continental et simplifié. On peut néanmoins parler des Constantes juridiques des financements de projets des pays du sud et de l’est de la méditerranée. Elles se perçoivent d’abord au titre des problèmes rencontrés en cours de négociation. Il faut citer : – la capacité de l’autorité concédante à contracter (pouvoir de concéder, de compromettre) ; – la validité et la légalité de la structure contractuelle (risque d’annulation) ; – la jouissance ou l’achat par le Concessionnaire des terrains nécessaires ; – l’octroi et le maintien des autorisations ; – le respect des clauses tarifaires et l’automatisme des ajustements ; – les clauses de non concurrence (pas d’infrastructures ou projets concurrents) ; – la prise en charge de certains aléas qui risqueraient de compromettre l’équilibre économique ou financier de la concession (conditions du site, pollution, nature du sol, variation du paysage législatif, fiscal, économique ou politique) ; – la libre convertibilité et le transfert des devises ; – le paiement de l’indemnité en cas de terminaison anticipée (rachat, déchéance, résiliation ou force majeure) ; – la possibilité de substitution en cas de défaillance ou de difficulté du Concessionnaire ; – le libre recours à l’arbitrage international et la renonciation à l’immunité de juridiction et d’exécution. L’ensemble de ces points et la négociation de chacune de ces clauses posent d’immenses difficultés dans les pays de la zone pour les raisons historiques et philosophiques que nous avons rappelées. La nécessité d’un soutien fort de l’État apparaît donc comme une évidence, soit directement comme signataire du Contrat par un accord direct avec les banques, soit par une lettre de support ou de garantie de l’Autorité concédante (EPIC, autorité locale, ministère…). Or, dans ce domaine, nous nous heurtons généralement à un grand malentendu : l’État qui se lance dans ce type de financement, qu’il considère comme sans recours ou à recours limité, ne comprend pas que sa signature soit exigée et 139 FINANCEMENT DE GRANDS PROJETS INTERNATIONAUX qu’il ait à apporter une quelconque garantie. Les promoteurs qui ont répondu à l’appel d’offres sont généralement restés très flous sur cet aspect du dossier mais la nécessité du financement les oblige à clarifier leur position en cours de négociation ou même ultérieurement pour parvenir au bouclage financier. Ce soutien doit garantir le respect d’une façon générale de tous les engagements de l’autorité concédante (en particulier en cas de terminaison anticipée de la Concession) et garantir le respect des engagements des autres intervenants sous contrôle de l’État dont la performance est vitale pour le projet. Ce que l’État doit alors comprendre, c’est que ce qui lui est demandé, ce n’est pas une garantie financière directe de l’emprunt comme dans les financements traditionnels mais seulement la garantie du respect du bon comportement de l’Autorité concédante et la prise en charge de certains risques (notamment la force majeure gouvernementale non assurable) que l’État est le mieux à même d’assumer. L’État devra donc apporter un soutien ferme au projet dans la stricte mesure nécessaire au bouclage financier et ce soutien ne doit pas se confondre avec la garantie des risques techniques ou commerciaux ni avec une véritable garantie financière des emprunts. En conclusion, l’on peut dire que s’il est vrai que l’on rencontre partout dans le monde ces mêmes types de problème ils se présentent cependant avec plus d’acuité dans beaucoup de pays du pourtour sud et est méditerranéen du fait de la jeunesse des financements de projet dans cette zone et des risques pays qui peuvent paraître plus important qu’ailleurs pour les opérateurs sensibles à la stabilité politique, économique et juridique. Les banques, les institutions financières internationales, les investisseurs et les promoteurs ont naturellement besoin d’assurance sur la viabilité du projet, qui demeure leur meilleure garantie, mais ils auront également besoin du support ferme de l’État hôte et partenaire qui voudra attirer chez lui de tels financements ». Serveurs internet à signaler – Outre le serveur de la Banque Mondiale, « http:// www.worldbank. org», voir le serveur de la SFI « http://www.ifc.org » – Sur les projets d’énergie et les questions d’énergie en général, voir le serveur spécifique du Financial Times « http://www.ftenergy. com » et celui de la firme d’avocats Dickstein Shapiro Morin & Oshinsky de Washington, « DSM&O Energy Law Resources » dont l’URL est « http://www.dsmo.com » Rubrique arrêtée au 23 janvier 1997. Notes 1. Titre et texte retranscrits in extenso de l’intervention de M. Bruno de Cazalet, Avocat à la Cour, Docteur en droit, Associé du Cabinet Gide Loyrette Nouel, Président de la Commission méditerranéenne des conseillers du commerce extérieur de la France. 2. Ce qui tend à rendre malaisée la conclusion de « conventions d’établissement » et donne d’autant plus d’importance à la définition d’un cadre législatif et réglementaire adapté. 140