Imagerie d`une cervicalgie fébrile révélant une maladie de Behcet.
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Imagerie d`une cervicalgie fébrile révélant une maladie de Behcet.
FAIT CLINIQUE Imagerie d’une cervicalgie fébrile révélant une maladie de Behcet. Doualla Bija Marie1, 2, Luma Namme Henry1, 2, Eloumou Servais 2, Dzudie Tamja Anasthase, 2, Kamdem Félicité 2, Lombat Diback2 1 Faculté de Médecine et Sciences Biomédicales Yaoundé. 2 Hôpital Général de Douala RESUME La maladie de Behçet (MB) est une vascularite multi systémique, d’étiologie inconnue, caractérisée par une aphtose buccale et génitale récidivante et des lésions de thrombose vasculaire. Elle est extrêmement fréquente au Japon et dans le pourtour méditerranéen mais décrite comme rare chez le sujet noir africain. Sa pathogénie reste peu élucidée mais semble associée aux infections virales et bactériennes. Nous rapportons le cas d’une cervicalgie fébrile révélant une maladie de Behçet chez un sujet noir camerounais porteur d’une hépatite virale B évolutive. Mots clés : Vascularite ; hépatite virale ; Maladie de Behcet ; sujet noir. SUMMARY Behcet syndrome (BS) is a systemic vasculitis of unknown origin characterized by skin features (oral aphtae, genital ulceration) and vascular thrombosis. BS is frequently found in Middle East and Far East countries, but has been rarely reported in black Africans. The pathogenesis remains unclear, but is considered to be an immunoregulation defect, triggered by an infectious agent. We report a case of a cervical pain and fever revealing a BS in a Cameroonian patient with hepatitis B virus infection. Key words:Vasculitis; Behcet syndrome; Blacks. Conflit d’intérêt: aucun Correspondance et tiré à part Dr Doualla Bija Marie ; BP 4856 Hôpital général de Douala ;email : [email protected]; Tél 77934648. INTRODUCTION :La maladie de Behçet d’étiologie inconnue, caractérisée par une (MB) est une affection multisystémique, buccale et génitale récidivante et des J Afr Imag Méd 2014;aphtose 6 (3):85-90 journée, partiellement soulagées par la prise de paracétamol. Il n’y avait pas de céphalées ni de troubles visuels associés. Les radiographies du rachis cervical montraient alors comme seule anomalie une uncarthrose C4-C5. Il avait été traité par des anti-inflammatoires non stéroïdiens et repos avec nette amélioration. Cependant six semaines plus tard, récidive de cervicalgies plus importantes le réveillant la nuit, apparition d’une fièvre vespérale sans frissons et d’ulcérations buccales gênant l’alimentation. Il ne signalait ni amaigrissement ni hypersudation nocturne, ni toux. Dans ses antécédents médicaux il décrivait des épisodes subintrants d’ulcérations buccales douloureuses de 3 à 8millimetres environ de diamètre, récidivantes touchant la langue, le palais, la muqueuse jugale évoluant depuis deux ans ; ces ulcérations apparaissaient aussi sur les régions génitales (scrotum, verge) sans adénopathie satellite, et guérissaient spontanément après trois jours environ. Les différentes explorations infectieuses étaient restées négatives et les traitements antibiotiques n’influençaient ni la durée d’évolution, ni la récidive des ulcérations. Par ailleurs il avait reçu une transfusion sanguine à l’âge de 6 ans pour une anémie sévère secondaire à une épistaxis sur lésion locale vasculaire de la cloison nasale. Au plan toxicologique, le patient consommait environ 40 gramme d’alcool par semaine, et ne fumait pas. Au plan familial, le frère ainé était décédé d’un cancer du colon à l’âge de 45 ans ; il n’y avait pas d’autre maladie familiale connue. A l’examen physique, le patient pesait 73 kg pour une taille de 170 cm soit un Indice de Masse Corporelle à 25 kg/m2. La température était à 36°7C, sa pression artérielle mesurée à 110/70 millimètres de Hg, un pouls régulier à 60 OBSERVATION CLINIQUE : battements/minute. Les pouls périphériques Mr M. B., 40 ans juriste dans une institution étaient tous perçus. Il n’y avait pas de souffle financière de Douala, était venu consulter en artériel cervical. Il n’y avait pas d’ictère mai 2011 pour des douleurs J Afr cervicales Imag Méd 2014; 6 (3):85-90 muqueux. On observait des conjonctivo postérieures, basi céphalique survenant en fin de ulcérations sur les faces internes des joues, de la lésions de thromboses vasculaires. Elle atteint essentiellement le sujet jeune (18 à 40 ans) de sexe masculin (1). La maladie de Behçet est classée parmi les vascularites de par ses multiples localisations viscérales (cutanées, oculaires, neurologiques, vasculaires), qui sont d’ailleurs utilisées comme des critères de diagnostic de la maladie (2). L’atteinte vasculaire de la MB se distingue par son caractère multiforme, touchant les artères et les veines de différents calibres et se manifestant par des thromboses superficielles ou profondes, souvent bilatérales et extensives (3). Le concept d’angio-Behcet a été décrit dans les cas où l’atteinte vasculaire est présente et souvent prédominante. La pathogénie de la MB reste inconnue. Plusieurs théories ont été évoquées: une origine immunitaire sur la base des lésions histologiques qui sont de type inflammatoire ; la théorie infectieuse impliquant essentiellement le streptocoque et certains virus; la théorie génétique basée sur la fréquence accrue de l’antigène HLA- B51, et sur l’existence, bien que rare, de 5% de cas familiaux (4,5). La maladie de Behçet est particulièrement fréquente au Japon (où elle a été déclarée “maladie de santé publique”, tant son incidence y est élevée) et dans les pays du pourtour méditerranéen (1). Elle est décrite comme rare chez le sujet noir (6). L’analyse de la littérature ne relève que quelques descriptions sporadiques de cas isolés ou de petites séries chez le sujet africain (7,8,9). L’extrême rareté des observations de maladie de Behcet chez le noir africain, son mode de révélation par une imagerie du rachis cervical,lui confèrent un caractère original d’où l’intérêt de cette observation du Cameroun. M Doualla Bija et al (TP) était à 81%. Le bilan rénal était normal. lèvre inferieure et du bout de la verge faisant L’examen ophtalmologique ne montrait pas environ 2 à 3 millimètre de diamètre chacune. d’uvéite. Les bruits du cœur étaient audibles sans souffle Une imagerie par résonnance magnétique (IRM) surajouté. La rotation et la flexion antérieure du du rachis cervical montrait la mise en évidence rachis cervical étaient limitées par une d’une thrombose extensive de la veine jugulaire contracture des muscles trapèzes. L’abdomen droite et gauche (Images 1, 2). Par ailleurs on était souple indolore et sans organomégalie retrouvait une protrusion discale aux étages C3(flèche hépatique à 11 cm, rate non palpable). C4, C4-C5, C5-C6, un canal cervical de calibre Les aires ganglionnaires étaient libres. étroit (distance antéropostérieure mesurée à 10,5 Devant la cervicalgie inflammatoire en contexte millimètres) et un cordon médullaire de fébrile, l’hypothèse d’une spondylodiscite morphologie normale (Image 3). infectieuse cervicale était évoquée. Une échographie cardiaque et des troncs supra L’hémogramme était normal avec des globules aortiques réalisée confirmait la thrombose blancs à 4000/mm3, l’hémoglobine 14,8 g/dl, les 3 jugulaire bilatérale avec une veine jugulaire plaquettes à 155 000 /mm .Il y avait un interne droite partiellement compressible, à syndrome inflammatoire biologique modéré ère parois épaissies, un peu dilatée et dont la (vitesse de sédimentation à 30 mm à la 1 lumière était occupée par un matériel hétérogène heure, C réactive protéine à 24 mg). On avec multiples zones de calcifications. La veine retrouvait une cytolyse hépatique avec élévation jugulaire interne gauche plus petite de taille, à des transaminases (ASAT à 1,5 fois, ALAT à parois épaissies était perméable. Il n’y avait pas 3,5 fois les valeurs normales). On ne notait pas de lésion valvulaire ni de thrombus intra de cholestase biologique. Les sérologies des cavitaire, ni d’hypertension artérielle hépatites (A et C), de l’Herpes simplex (1 et 2) pulmonaire. Le scanner thoraco-abdominoet du VIH étaient négatives. Cependant, la pelvien, la colonoscopie totale étaient normaux. présence du virus B était retrouvé au travers de Devant ce tableau associant une aphtose la positivité de l’antigène de surface (Ag HBs) bipolaire récidivante depuis deux ans, une et des anticorps anti core (Ac anti HBc) ; l’ Ag thrombose veineuse profonde bilatérale HBe était négatif, l’Ac anti HBe était positif. Il extensive survenue chez un sujet jeune de sexe n’y avait pas de co infection D (Ac anti VHD masculin, le diagnostic de maladie de Behçet négatif). La charge virale B par quantification associée à une hépatite virale B active a été de l’ADN était à 1 123 401 UI par millitre soit retenu. 6,05 log. Le score de fibrose hépatique mesurée Un traitement anticoagulant efficace par par le fibroscan et le fibrotest était héparinothérapie et relais par anti vitamine K respectivement de F1/F2 et F3. La recherche adaptée à l’INR a été institué pendant 23 mois. d’une hépatite auto-immune associés étaient L’instauration de la colchicine à 1milligramme négative (Ac anti muscle lisse, Ac anti par jour a permis d’obtenir la disparition des mitochondrie, Ac anti nucléaire). Le bilan aphtes. Le traitement antiviral de son hépatite a biologique à la recherche d’un état pro consisté à l’Entecavir 5 mg par jour avec thrombotique était négatif (Ac anti normalisation des transaminases et la phospholipides, anticoagulant lupique circulant, négativation de la charge virale après 24 dosage protéine C et S, facteur anti nucléaire, semaines. anti thrombine III). Le Taux de prothrombine J Afr Imag Méd 2014; 6 (3):85-90 M Doualla Bija et al Fig. 1 : coupe axiale cervicale en pondération T1 après injection de Gadolinium montrant un rehaussement et un épaississement des parois des veines jugulaires plus marqué à gauche Fig. 3 : coupe axiale cervicale en pondération T1 Gado montrant un épaississement et un rehaussement des parois des veines jugulaires et un thrombus de la veine jugulaire gauche. Fig. 2 : coupe axiale cervicale en pondération T1 après injection de Gadolinium montrant un thrombus de la veine jugulaire gauche Fig. 4 : coupe axiale cervicale en pondération T1 après injection de Gadolinium montrant un thrombus de la veine jugulaire gauche J Afr Imag Méd 2014; 6 (3):85-90 M Doualla Bija et al DISCUSSION : Notre patient présente l’association d’une aphtose buccale et génitale récurrente associé à un épisode thrombotique extensif bilatéral profond et une hépatite virale B évolutive. L’originalité de cette observation réside dans le diagnostic d’une maladie de Behcet révélée par l’existence d’une thrombose veineuse jugulaire interne bilatérale étendue, découverte par l’imagerie d’une cervicalgie inflammatoire. Les accidents de thromboses veineuses sont rencontrés dans 35 % des observations de MB pour WECHSLER (3). Ils sont le plus souvent multiples chez un même patient, sans facteur de risque thrombophylique connu (10). La survenue d’une phlébite extensive du membre inférieur au cours de l’évolution de la MB est classique (3). Cependant le mode de révélation le plus souvent décrit est neuro vasculaire (phlébite cérébrale, vascularite mésencéphalique, infarctus sous corticaux) ou ophtalmologique (uvéite, pan uvéite (3,5). Les thromboses révélatrices cervicales sont rares (1,3). Les petites séries publiées sur le sujet africain retrouvent une fréquence élevée de thromboses veineuses profondes touchant les membres inferieurs, le système nerveux central et de rares cas d’atteinte ophtalmologique (6,8,9). Le caractère invalidant et fréquent de l’aphtose buccale et génitale caractéristique de la MB (1,10) est retrouvé au cours des descriptions chez le sujet noir (7,9). La présentation bipolaire et réccurrente (>3 en 12 mois) doit faire évoquer le diagnostic (2,11). Il faut cependant souligner que les signes cutanéo-muqueux sont susceptibles de passer inaperçus; notre patient n’avait révélé la notion d’aphtes bipolaires depuis deux ans que sur une question spécifique au décours de l’examen clinique montrant les ulcérations multiples de la cavité buccale. Dans le contexte infectieux africain, les ulcérations génitales font l’objet de traitements anti infectieux divers dirigés contre syphilis ou au chancre mou; La suspicion de MB est rare dans notre pratique quotidienne, favorisant l’hypothèse selon laquelle la MB est sous estimée dans notre milieu. Il convient donc d’en effectuer la recherche systématique lors d’atteintes cutanéomuqueuses et viscérales évocatrices (11,12).L’implication infectieuse a été évoquée dans l’étiopathogénie de la MB, avec l’association à l’infection streptococcique dont la preuve de sa pathogénicité reste à montrer. Il a été décrit son association à l’érythème noueux et l’intérêt de l’antibiothérapie dans le traitement de certaines manifestations de la MB (8). A l’inverse, des constatations expérimentales de grandes séries méditerranéennes soulignent le rôle vraisemblable d’un virus, l’Herpès Simplex Virus de type 1 (HSV-l); ce dernier incriminé dans la pathogénie de la MB par la mise en évidence des anticorps anti-herpétiques au sein des complexes immuns circulants fréquemment retrouvés chez les patients souffrant de MB (4). Cependant, il est surprenant d’observer une incidence très faible de la MB dans la population noire africaine dont l’exposition aux virus herpétiques est précoce et quasi constante (13). La sérologie herpétique de notre patient était négative. Notre patient avait une hépatite virale B évolutive découverte au cours de son bilan explorant une élévation des transaminases sériques. Une association entre les hépatites virales B et C a été souvent évoquée devant la fréquence élevée de la persistance de l’ADN viral du virus de l’hépatite B dans une population de patients souffrants de la MB (14,15,16) bien que le rôle exact du virus soit pour l’instant inconnu. Le traitement antiviral n’a pas d’effet sur le profil évolutif des lésions vasculaires de la MB (16). Le typage HLA de classe I à la recherche de la susceptibilité DRB 105 n’avait pas été réalisé chez notre patient ; il semble établi aujourd’hui que la présence du phénotype HLA ne soit pas nécessaire au diagnostic de la MB(17).CONCLUSION : Ce cas bien qu’exceptionnel, démontre l’existence de la MB dans notre milieu. J Afr Imag Méd 2014; 6 (3):85-90 M Doualla Bija et al REFERENCES 1- Hamza M, Ayed K, Zribi A. Maladie de Behcet. In: Kahn, MF, Peltier, AP, Meyer O, Piette JC. Les Maladies Systémiques, pp. 917-47. Paris, Flammarion Ed. 1991. 2- INTERNATIONAL STUDY GROUP OF BEHCET DISEASE. 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