FABRICE YOBOUA Bonjour, je m`appelle

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FABRICE YOBOUA Bonjour, je m`appelle
FABRICE YOBOUA
Bonjour, je m’appelle Fabrice Yoboua. Mon père vient de la Côte d’Ivoire, ma mère vient
d’Haïti. Et moi, j’ai vécu presque toute ma vie à Toronto.
UN ENFANT D’IMMIGRANTS
Mes parents ont immigré au Canada pour étudier. Ma mère est venue étudier en
éducation, mon père est venu étudier en ingénierie. C’est une histoire d’immigration qui
est un peu plus choyée que la plupart des immigrants. On reconnait qu’il y a des
personnes qui sont des réfugiés. Donc, nous autres, on a eu beaucoup de chance.
Vivre avec des parents immigrants, c’était toute une expérience. Souvent, on va parler
d’un décalage de génération. Quand tu vis avec des parents qui sont immigrants, il y a
un décalage culturel. Donc ça, c’est beaucoup d’essais et erreurs de leur part, parce
qu’ils apprennent la culture en même temps que toi tu apprends la culture, mais à cause
qu’ils viennent déjà avec un schème, une compréhension de comment la culture va
fonctionner, des fois il va y avoir des chocs. Donc, en grandissant à Toronto, dans ma
famille, je peux vous donner une anecdote. Mes parents avaient une vision très
spécifique de ce qu’était un écolier. On a été à une école catholique. Donc, c’était une
école à uniforme. Et mon père insistait pour qu’on aille à l’école avec notre chandail mis
dans notre pantalon, la cravate bien ajustée. Et ça, pour lui, c’était une marque de fierté.
Donc, on a eu plein de discussions à la maison, en essayant de le convaincre que ce
n’était pas comme ça qu’on portait l’uniforme, en réalité. Et que oui, on pouvait aller à
l’école en habit civil, se changer là-bas, ou même enlever notre chandail et que ça
n’allait pas être la fin du monde et à chaque fois... Et pour lui, mon père, c’est quelqu’un
qui pour lui la façon dont on se présente, c’est très, très important. Donc, à la maison,
on a eu beaucoup, beaucoup de discussions sur : la longueur de nos cheveux, si notre
barbe est trop longue, si notre habit n’est pas bien ajusté, parce que c’est une façon
qu’il avait été élevé. Donc, nous aujourd’hui la façon dont on s’habillait à la maison, avec
les pantalons un petit peu plus « lousse » ou même marcher d’une façon un petit peu
plus décontractée, c’est quelque chose qui souvent, c’est une source de tension et de
discussions familiales.
SUR LE RACISME
Au secondaire, spécifiquement, il y avait beaucoup d’instances de « disciplination ».
Moi, j’étais un étudiant qui réussissait bien dans ses cours. Et on le sait tous. Je pense
qu’on a tous entendu des personnes faire des commentaires du type que… si tu es bon à
l’école, que tu n’es pas vraiment noir. Et ça, c’étaient des commentaires que j’entendais
souvent de plusieurs personnes. Donc, de mes amis qui étaient noirs et aussi de mes
amis qui étaient non noirs. Ça, c’était très difficile et ça, je pense que, d’un point de vue
du stéréotype, c’était un petit peu très difficile à naviguer.
Moi, je me rappelle la première fois que quelqu’un m’avait fait une injure de type
raciste. Il m’avait dit : « Oui toi, tu es noir comme du "caca". » Je me rappelle ça et je me
rappelle qu’à l’école, les professeurs avaient bien réagi. Mais je me rappelle que c’était
la première fois que ça m’avait marqué, mais que je me rappelle aussi que ça m’a pris
vraiment longtemps à me… Je me rappelle que je m’étais senti vraiment attaqué,
vraiment mis à part. Et c’est quelque chose qui prend vraiment longtemps à… comme
ravoir confiance et oublier le fait que tu ne… Une attaque raciste, c’est une attaque qui
te sépare du groupe. Ça m’a pris vraiment longtemps à pouvoir me remettre dans le
groupe, parce que j’avais été un petit peu enlevé du groupe et ça m’avait beaucoup
blessé.
L’IDENTITÉ ET LA CULTURE
Moi, je définis mon identité souvent par rapport à mes circonstances. Donc, si je suis
avec un groupe de Québécois, moi, je vais me définir en tant que Franco-Ontarien. Si je
suis avec mes amis anglophones, je vais me définir peut-être encore en francophone,
peut-être comme Franco-Ontarien. Ça va vraiment varier.
La façon dont on célèbre la culture chez nous, c’est qu’on fait des rassemblements.
Quand j’étais très, très jeune, ma parenté était très éloignée. Donc, on vivait à Toronto.
J’avais de la parenté à Montréal et dans d’autres parties. Et l'on se réunissait durant les
fêtes de famille, soit à Noël, soit à Pâques et vraiment on faisait de gros soupers. Le
monde venait, on mangeait et l'on écoutait des histoires. Des histoires de comment
c’était au pays, des histoires de défis d’intégration. En même temps que ça se faisait, on
préparait des mets : de l’attiéké ou de l’alloco avec de la sardine. Ma mère avec du riz et
avec du pois.
CONSEILS AUX JEUNES
Si j’étais jeune et que je viens d’un milieu où est-ce que je pense que mes parents ne
peuvent pas comprendre parce qu’ils ne viennent pas d’ici… Trouve quelqu’un avec qui
discuter. Parce que, un : c’est très important de pouvoir te ressourcer, mais une des
choses qui va se passer, c’est que quand tu gardes tout pour toi-même nécessairement,
tu vas manquer des opportunités. Donc, trouve quelqu’un à qui tu peux faire confiance,
à qui t’adresser, à parler. Et aussi quelqu’un pour devenir un mentor. Quelqu’un qui est
passé à travers, qui va te dire : « O.K., voici ce que tu fais à cette étape-là. À cet âge-ci,
tu vas avoir des "jobs" parce que plus tard, si tu veux devenir médecin ou avocat, ils vont
vouloir regarder ton C.V. ». Une chose, en tant que parents d’immigrant que peut-être
ils ne vont pas savoir qui va pouvoir t’aider à ne pas manquer des opportunités et
quelqu’un qui peut t’aider à partager tes expériences.
FIN DU VIDÉO
Fabrice a récemment obtenu sa maîtrise en biochimie à l'Université de Montréal. Il enseigne les
sciences aux jeunes des milieux défavorisés grâce à l'initiative 80, ruelle de l’Avenir.