Recevoir le baptême, témoigner du Christ

Transcription

Recevoir le baptême, témoigner du Christ
PARTAGE DE PRATIQUES
Rtémoigner
ecevoir le baptême,
du Christ
Samia
catéchumène
J’ai grandi dans un milieu familial croyant, musulman côté
paternel et chrétien côté maternel.
L’existence de Dieu a très vite été une évidence pour moi.
Puisque l’être humain fait partie de la Création, il ne peut donc pas
tout comprendre dans les limites de ses cinq sens et de sa pensée.
Cette capacité de penser de l’être humain m’a toujours interrogée
dans sa place contradictoire. À la fois « petite » car tributaire d’un
organisme déterminé (le cerveau) et « divine » par la liberté infinie
qu’elle procure d’approfondir, de comprendre, de s’ouvrir et de
transcender, mais qui nécessite d’abord un choix, car cela représente
un effort d’organiser sa pensée au plus juste.
Je me suis ainsi dit que l’être humain ne peut pas appréhender
le monde dans sa globalité, dans sa totalité, même s’il comprend
beaucoup de choses. « Ce qui est incompréhensible, c’est que le
monde soit compréhensible » disait Einstein. Nous aurions donc un
regard quasiment « divin » sur le monde, alors que nous ne sommes
que des créatures passives dans la nature, nous faisons partie de la
Création. Beaucoup de choses nous échappent forcément. Il y a donc
un Dieu et l’être humain tient une place bien particulière dans cette
Création. C’est ainsi que j’ai toujours cru en Dieu, même si tout en
croyant, j’ai eu très jeune des questionnements sur l’intérêt et les
bienfaits de la Création ! (la pensée est aussi bien orgueilleuse…) !
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PARTAGE DE PRATIQUES
C’est avec le temps et les rencontres humaines que l’« humain »
dans sa fragilité et sa beauté m’ont touchée et j’ai ressenti une sorte
de transcendance émotionnelle à certains moments où j’étais en définitive entièrement « connectée » au plus profond de moi-même, à
quelque chose d’essentiel de mon âme, où l’on se sent fragile, mortel,
presque rien du tout, et à la fois très fort car soi-même, en paix,
n’ayant plus peur de rien. Je me suis ainsi sentie concernée par le
message du Christ où l’amour tient une place essentielle, où les enjeux
de pouvoir et de prestige quand ils dictent une vie ne sont que le parasitage et la résistance à être soi-même, où le dogme hypocrite (soustendu par une volonté de pouvoir) est rejeté en faveur de l’être vrai.
Je trouve ce message d’une signification magnifique : le Christ
n’avait pas de pouvoir. Par contre il avait (et a toujours) une autorité
et une sagesse guidées par l’amour du Créateur et de la Création, et
le rejet de la fausseté et de l’hypocrisie. Il n’a pas cherché à avoir du
pouvoir pour tenir un discours prestigieux sur la vérité et l’amour. Il a
« méprisé » le pouvoir car il avait (il était) mieux. Il n’a pas seulement
discouru sur l’amour, mais il a vécu et est mort pour l’amour. C’est
pour moi le plus beau modèle de sincérité, de beauté, d’amour et
d’essentiel pour la vie d’un être humain.
Dans ma vie professionnelle (je suis psychiatre), la question
d’être soi-même est bien entendu importante. Mais je rencontre des
personnes souvent prisonnières de leur « ego » qui est le terme
psychiatrique pour le « moi social », l’image que les autres ont de
moi, plus vitement dit : l’orgueil. Et les personnes confondent souvent
l’amour avec le respect de l’orgueil. Elles confondent aussi « être soimême » avec un égo fort ou une forte personnalité qui s’impose aux
autres. Tout cela est entretenu à mon avis socialement, depuis la révolution industrielle (certaines abbayes avaient été transformées en
usines) où progressivement mais indéfectiblement, la production de
valeurs marchandes n’avait pas pour but d’échanger ces marchandises, mais d’avoir du capital, une masse monétaire. Amasser des
richesses est devenu LE but. Et qui dit richesses dit pouvoir. Qui ne se
plaint pas aujourd’hui de la société de consommation ? Et pourtant,
tout en s’en plaignant, on en est victime, car flatté par les publicitaires dans notre ego et dans notre imaginaire de perfection, on se
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RECEVOIR LE BAPTÊME, TÉMOIGNER DU CHRIST
prend à croire être des dieux nous-mêmes, éternellement jeunes, tout
puissants et parfaits (cette « tyrannie » de la perfection entraîne en
même temps une culpabilité extrême et inadaptée en cas de faute,
puisque nous sommes sensés être parfaits. Le pardon n’a donc plus
sa place. Nous devons être parfaits (tout) ou rien.
Nous ne distinguons plus socialement l’âme (l’intime, le for intérieur) de l’ego. Une personne est passée dans le langage courant de
personne (ou âme) à consommateur et maintenant usager ! (Ce qui
fait penser à « usagé » comme un bien de consommation jetable…)
Cette indifférenciation entre l’âme et l’ego rend plus difficile la
« respiration » interne, le travail intérieur, l’ouverture, l’élévation
voire la transcendance. Cette dimension est balayée. La matérialité
prend toute la place, dans un mode binaire en tout ou rien.
C’est ainsi que l’humilité, salvatrice car adaptée à notre vulnérabilité d’humains, n’est pas valorisée socialement, contrairement à
l’égo, et c’est dans les cabinets de psychiatres (dans le meilleur des
cas) que notre incomplétude et notre imperfection doivent non seulement être acceptées avec bienveillance, mais qu’il est aussi question
de réaliser à quel point notre « fragilité » intégrée peut nous toucher
au plus profond de notre cœur et nous rendre plus beaux et plus forts.
Cela faisait longtemps que je voulais être baptisée et me reconnaître comme chrétienne. Je suis maintenant prête car aussi plus
disponible à moi-même. Le respect et l’amour de Dieu, l’humilité
face à la vie, la grandeur d’âme dans les relations aux autres sont
pour moi les vraies valeurs. Etre baptisée c’est aussi témoigner de
mon attachement au modèle du Christ qui ne cesse de me fortifier
dans ma foi et de me rendre la vie que plus belle. ■
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