Untitled - Iferhounene

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Untitled - Iferhounene
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Zahra, la légende du Djurdjura
Kabylie (1956 - 1968) : Guerre - Amour - Trahison
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Auteur: Abdenour Si Hadj Mohand
Titre : Zahra, la légende du Djurdjura
Kabylie(1954 - 1968) : Guerre – Amour – Trahison
Auteur: Abdenour Si Hadj Mohand
Titre : Zahra, la légende du Djurdjura
Kabylie(1954 - 1968) : Guerre – Amour – Trahison
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Imprimerie : Marquis, 350, Rue des Entrepreneurs, Montmagny, Québec, Canada
G5V 4T1
(418) 246-5666 Télécopieur (418) 241 - 1768.
Du même auteur : Abdenour Si Hadj Mohand :
Fils de Fellagha (1954-1962) : éditions Publibook - 2007.
La guerre franco - algérienne dans la poésie épique Kabylie (1956 - 1962) : éditions
Publibook - 2007.
La guerre vécue par un chasseur alpin en Kabylie (1958 - 1959): éditions Publibook 2008.
Mémoires d’un enfant de la guerre (1956 - 1962) : éditions l’Harmattan - 2011.
Co - auteur Nathalie Massou – Fontenel : Tinfouchy, un français torturé par les
français (1958 - 1960) : aux éditions l’Harmattan - 2011.
Auteur éditeur Abdenour Si Hadj Mohand.
ISBN : 978-9947 - 0 - 3776-8.
Dépôt légal : 3279 - 2013.
Imprimerie : Marquis, 350, Rue des Entrepreneurs
Montmagny, Québec, Canada G5V 4T1
(418) 246-5666 Télécopieur (418) 241- 1768.
Dédicace :
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A mes enfants
A mes amis en particulier :
Jean Boulanger de la 2° compagnie du 6° BCA-iferhounene
Roger Conroux de la 3° Compagnie du 6° BCA Ait Hichem
Guy Fumey de la 2° compagnie du 6° BCA iferhounene
Raymond Luttringer de la 5° compagnie du 6° BCA de Tizi N’ Djemaa,
Qui ont contribué, par leurs témoignages, leurs archives personnelles, leurs crédits photos
à la réalisation de cette œuvre de mémoires. Tous ont condamné cette guerre inutile.
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Chapitre 1 : Les chasseurs alpins du camp de Tizi N’ Djemaa.
Un œil sur col de Tirourda.
Témoignage d’un officier du contingent du 6° BCA en Kabylie-5° compagnie 1957/1958 à Tizi-N-Djemaa.
Cette 5° compagnie était stationnée à Tizi-N-Djemaa tout près d’iferhounène en
contrebas de la RN15 en provenance de Michelet et en direction du col de Tirourda, aux
environs de Tizi-N-Djemaa.
Nous occupions trois bâtiments qui logeaient les 2 sections, plus l'intendance (cuissots,
comptable, Radio, chauffeurs de GMC, jeep et half-track etc.…).
Nous avions aussi un groupe de muletiers avec 2 mules pour le transport de matériel,
lorsque nos partions vers la zone de captage.
La 1° section était logée dans les 2 bâtiments en contrebas de la RN15 et qui étaient
d'anciens chalets de skieurs. La 2° section occupait sur la partie haute, l’ancienne maison
cantonnière (ou forestière) située sur la route RN15 en direction du col de Tirourda. Non
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loin de là (300 MTS) se trouvait "la tour" (château d'eau ?), autre lieu stratégique et qui
était occupée de jour comme de nuit par 3 de nos chasseurs pour faire le guet de la zone
de captage et avertir notre PC, des mouvements suspects. Nous étions aussi équipés d'un
mortier de 120 pour faire des tirs d'intimidation vers le col de Tirourda.
Le commandement était assuré par le lieutenant Galmiche un St-Cyrien. Moi - même
je commandais la 1° section et les officiers de la 2° section étaient successivement le
S/Lieutenant Bourdon (un ch’timi) et l'aspirant Larras (un oranais "pied-noir"). De ces 4
officiers, je suis le seul encore en vie à ce jour, les autres étant décédés de mort naturelle.
Notre activité principale était la surveillance et la réparation de la conduite d'eau qui se
trouvait dans la zone de captage et qui alimentait le secteur de Michelet (Ain El
Hammam) quand la radio ANGR 9, recevait le message "l'eau ne coule plus à Michelet"
une section se mettait en route avec le groupe de mules, chargées des bouteilles
d'oxygène et d'acétylène pour reboucher les trous que les "fells" avaient percés la nuit.
Nous accédions à la zone par les "gorges" endroit escarpé, sinistre et dangereux. La
seconde activité de ma Compagnie était la participation aux opérations de ratissage
programmées par le PC du 6° BCA et auxquelles je participais souvent. Nous partions la
veille pour assister au "briefing" et passions une partie de la nuit à l'hôtel transatlantique
de Michelet, réquisitionné par l'armée. Nous partions donc dans la nuit pour nous mettre
en place et débuter l'opération.
J'ai gardé quelques souvenirs tragiques de ces opérations, auxquelles j'ai participé ;
voici les faits principaux de cette période de 1957/1958 :
- Opération du 27/05/1957 à Igoulfène au Douar Ighalène (iralene) avec la mort au
combat du S/lieutenant appelé Xavier Bonnefoy de la 4° Cie. Cela m'a marqué
profondément ; car je le vois encore blessé et hissé à bord de l'hélicoptère pour le ramener
à l'hôpital de Tizi-Ouzou où il est décédé. C'était le neveu du maréchal Juin.
- Opération du 3/06/1957 au Douar Ittourrar près du village d’Amnaï. Cette journée fut
la plus meurtrière du 6°BCA durant l'année 1957. En effet à 300 MTS de ma section une
embuscade, dans un oued asséché, sur les éléments de tête de la 2° et 4° compagnie, se
soldant par 6 tués. A savoir : 2 chasseurs, 1 sergent, 1 aspirant et 1 lieutenant de la 2°
Compagnie + 1 aspirant de la 4° Cie.
- Opération du 14/05/1957 au Douar Béni-Menguellet près du village d’Ait-SidiAhmed, embuscade meurtrière également, se soldant par la mort d'un chasseur et d'un
capitaine de la 4°Cie.
- Juin 1957-convoi de ravitaillement de la 5°Cie entre Michelet et Tizi-N-Djemaa :
nous avons sauté sur une mine avec le half-track qui était en tête de convoi et dans lequel
je me trouvais. Au moment de l'explosion, un petit groupe de fells posté au col nous
arrosait de coups de fusils de chasse. A part la chaine cassée du half-track, cela s'est
terminé sans morts et sans blessés. Pour une fois la chance était de notre coté.
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- Août 1957-opération "la grotte «j’ai fait partie de cette opération que relate le sergent
Roger Conroux dans son livre : «La Kabylie des chasseurs Alpins-Terre de nos
souffrances»:
Nous étions 3 sections du 6° BCA rassemblées pour une opération classique de
fouilles et de ratissage qui devait durer 1 jour, mais un évènement imprévu nous a fait
prolonger notre sortie sur 3 jours en plus. Dans la région dont je ne me rappelle plus le
nom, nous étions en fin de journée et marchions dans un talweg, colonne par un pour
rejoindre les véhicules qui devaient nous ramener à notre campement. A droite de la
queue de colonne et sur le flanc d'une falaise partit un coup de feu qui blessa légèrement
un de nos chasseurs ; c'était la sentinelle de la grotte qui par un excès de zèle avait tiré sur
le groupe qui fermait la marche. Aussitôt nous avons procédé à l'encerclement de la zone,
moi-même avec ma section occupant la crête. Ce fut alors une longue attente qui
commença et qui ne se termina qu'après 3 jours et 2 nuits. Tout au long de cette période
les sections placées en contrebas harcelaient nuit et jour l'entrée de la grotte par des tirs
de F.M, de bazookas et lance grenade. A l'aube du 3° jour toujours pas de reddition. Ce
n'est qu’en fin de matinée, lorsque l'équipe spéciale d'intervention venue d'Alger avec des
fusées téléguidées SS10, prit possession des lieux et réussit à enfumer l'intérieur de la
caverne et provoquer la reddition des 17 fells et leur adjudant du nom de Si Arezki.
L'armement récupéré était relativement important : des fusils militaires et de chasse,
des P.M Sten ainsi qu'une quantité importante de munitions.
L'issue de cette opération nous a tous soulagés surtout au point de vue bilan humain.
Pas de morts, pas de blessés de part et d'autre. Au terme de cette opération nous étions
harassés, contents de rejoindre nos campements car pendant ces 3 jours nous avions peu
dormi et peu mangé. En effet ce n'est que le 2° jour que nous avons été ravitaillés par
hélico. D'ailleurs un vent a failli faire crasher le Sikorski contre la paroi rocheuse de la
falaise et ce n'est que l'habileté du pilote qui a évité le drame. Endommagé au train
d'atterrissage, il a du se poser à Michelet sur un matelas de pneus, improvisé pour la
circonstance.
Note : Le déplacement de l’auteur en date du 2 juin 2013, en compagnie de
Raymond Luttringer, ex-officier de la 5°Cie du 6°BCA de Tizi N’Djemaa (1957 1958) sur les lieux de la grotte a permis de recueillir des informations auprès des
éléments du village Ait Alissa Ouyahia qui concordent avec les affirmations
contenues dans le livre de Roger Conroux, intitulé : la Kabylie des chasseurs alpins Terre de nos souffrances. Toutefois, contrairement aux affirmations de cet officier
qui semble ne pas être mis au courant de la tuerie ordonnée par un des supérieurs ;
maquillée dans l’expression anodine « corvée de bois» ; le bilan de cette opération
s’établit comme suit :
21 mousselines dont un (Si Hadj Mohand Ouahcène) envoyé en parlementaire
mais qui n’en ressort pas ; sont sortis de la grotte après avoir été neutralisés au
moyen de fusées SS10 et d’essence enflammée ; ont été tous fusillés. Ces victimes ont
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été lâchement exécutées selon le procédé barbare et cyniquement designé par les
criminels de guerre français « corvée de bois ».
2 moussebilines capturés à l’extérieur de la grotte, torturés puis fusillés.
6 prisonniers dont Si Arezki dit Arezki Bazooka, chef de la section ALN en
charge de ce stock d’armes et de munitions ramené de Tunisie.
A noter que parmi les victimes figure un jeune de 16 ans du nom de Ait Aoudia
Latamen, du village Ait Aissa Ouyahia.
Ces chiffres contredisent ceux de l’armée française, pour une raison évidente de
la volonté délibérée de dissimuler devant l’opinion publique le non respect par les
chefs militaires français des lois internationales régissant les conflits armés puisque
certaines victimes soumises à la torture; puis lâchement exécutées, n’avaient pas
encore atteint l’âge de majorité ; étant de simples civils soupçonnés de collaboration
sans aucune preuve ; puisque celles-ci n’avaient aucune information sur l’existence
de cette grotte. Ces victimes avaient été passées sous silence dans les bilans
statistiques des chefs militaires français et comptabilisées comme « fells ».
Voici le compte rendu fait à ce propos par une revue parue après la fin de la
guerre. Cette Revue s’intitule : «le 6° Bataillon de chasseurs alpins ». En page 114,
on peut lire : Opération
«Illilten» du 9 au 14 Aout 1957 :
Le chef de Bataillon Lecoanet, commandant le 6° BCA, reçoit le commandement
d’un groupement formé de trois bataillons (7°BCA, II-13°RTS, 6° BCA). Sa mission
de ratissage consiste à s'étaler sur la ligne Iguer-Aouene-Ait Aziz et à refouler
l'adversaire sur Azib Amzegue. Après trois heures de marche de nuit, le Bataillon
passant par Ait El Mansour et Amnai Bou - Aidel est accroché par des hors-la-loi
retranchés dans une grotte. Le Bataillon perd six tués et trois blessés pour les
réduire en deux heures de combat acharné. Au lever du jour, une Katiba d’une
centaine d’hommes est décelée et prise en chasse en direction de l’oued Acif El
Khamis et des villages de Lamsella et Béni Assène. L’élément de droite du Bataillon
en liaison avec le 7° BCA finit par intercepter une partie des hors-la-loi dans les
thalwegs à l’est de l’Acif : 30 fellaghas sont abattus et 13 sont faits prisonniers.
L’opération « Illilten » qui vise à détruire les cellules politiques du F.L.N
fortement implantées dans ce Douar, et à fouiller la Forêt d’Azerou, ainsi que les
grottes d’Ait Aissa Ouyahia, soupçonnées d’être des caches pour les armes amenées
de Tunisie, va déboucher sur des résultats … Elle se déroule du 9 au 14 Aout 1957 et
met en œuvre, outre le Bataillon, le 7° BCA, le I-121° RI, une compagnie du 13°RTS,
une batterie du 93° RAM et une équipe du 77° Bataillon du Génie. Le 9 dans
l’après-midi, l’artillerie ouvre le feu sur les points de passage rebelles. Le
lendemain, le 6° BCA atteint les villages Tarzoug, Ait Atella, Tifilkout, Ait-Sider et
Takhlicht Ihaddadene, tandis que le 7° BCA occupe Ait Aziz, Tizit, TaourirtAmrous. Le Bataillon du 121° RI contrôle quant à lui Zoubga,
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Tarzoug(Thaghzoult), Ait Atella et Ait Aissa Ouyahia. La fouille des villages est
minutieuse, les accrochages espérés se produisent enfin. Les hors-la-loi comptent 5
tués, un sous-officier du 6°BCA est blessé lors de la fouille d’une cache dans le
village d’Azerou. Le 12 Aout, L’opération se poursuit avec l’inspection des grottes.
Suite à l’interrogatoire d’un prisonnier, les chasseurs apprennent l’existence d’une
grotte prés d’Azerou Aikane. Deux Kabyles prisonniers sont envoyés en
parlementaires mais n’en ressortent pas. (Il devrait s’agir de Yalali Ouali et de Si
Hadj Mohand Ouahcene, ramenés par les militaires français du village iferhounene
et utilisés pour le transport de matériel et de munitions pour la circonstance, selon le
témoignage d’un membre O.C.F.L.N du même village). L’investissement de la grotte
continue durant deux longs jours durant lesquels il faut ravitailler les compagnies
par hélicoptère. Une des rations ayant disparu dans un ravin, les chasseurs devront
se ravitailler chez l’habitant. Après l’utilisation d’essence enflammée pour les
débusquer, le 14 Aout à l’aube, trois rebelles survivants se rendent. Illilten a permis
de tuer 27 maquisards, de faire 6 prisonniers et de récupérer deux mortiers. 13
pistolets-mitrailleurs, 70 armes et plus de 20 000 cartouches de guerre. La grotte est
détruite à l’explosif. C’est un coup dur pour le F.L.N dans ce Douar.
Cette version des faits est confirmée par Roger Conroux, un appelé de la 3° Cie du
6°BCA, stationnée à Ait Hichem, dans son livre intitulé: « la Kabylie des chasseurs
alpins-Terre de nos souffrances (1957 – 1958 », page 151 à 156. Selon lui, trente deux
kabyles seraient descendus de cette grotte au total.
Voila pour ce qui est de cette grotte à laquelle nous avons rendu visite le 2 juin 2013,
où nous avons constaté, à contrebas, un monument érigé par la population du village
d’Ait Aissa Ouyahia, en l’honneur de ces martyrs de la Révolution.
La suite du témoignage de l’officier Luttringer de la 5°Cie du 6°BCA continue ainsi :
Au début de l'hiver 1957 la 5° Cie fut dissoute suite au plan de restriction des effectifs de
l'armée. C’est ainsi que je me suis retrouvé au PC bataillon à Michelet (Ain El Hammam)
pour achever mon service militaire. Je fus nommé chef de "l'éperon», la section de
protection du colonel. Cette section avait aussi pour mission de faire les 2 convois
hebdomadaires de ravitaillement vers Tizi-Ouzou. Encore une fois la chance était de mon
coté, car pendant les 3 mois qu'a duré ma mission, je n'ai jamais subi d'attaque de convoi,
alors qu'auparavant il y a eu de nombreux morts suite aux embuscades du coté de fortnational. Je n'ai jamais aimé cette mission, car elle était semée d'embuches et d'imprévus.
Si on connaissait l'heure de départ du convoi, on ne pouvait jamais prévoir l'heure de
retour ; l’approvisionnement (en vivres, matériel et munitions) ne se faisait jamais dans
les délais prévus ; les permissionnaires de retour de France étaient toujours en retard et
parfois certains chasseurs devaient être récupérés au BMC de la ville. Souvent tard le
soir, à la nuit tombante et sans protection aérienne, car les deux T6, qui devaient nous
escorter rentraient à Alger à cause de leur autonomie limitée. La peur au ventre, nous
prenions le chemin du retour par cette route de montagne via Michelet. Ce convoi, c’était
"le bordel" comme le disait si bien mon adjoint, le sergent-chef Taillade. Aujourd'hui
encore, rien que d'y penser, cela me donne des frissons.
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Considérations :
Libéré de mes obligations militaires début février 1958 et après 26 mois de service j'ai
quitté avec soulagement cette guerre injuste et inutile. Je me rappellerai toujours la
remarque du responsable de cette équipe de l'ORTF à Tizi-N-Djemaa, venu faire un
reportage sur les chasseurs en Kabylie. Constatant mon accent alsacien il me traita de
"renégat" ce qui en bon français signifiait traitre faisant allusion à la période
de1940/1945 où ma terre natale était occupée et annexée par l'armée allemande et qu'à
son avis les alsaciens étaient donc des collaborateurs! J’ai du rassembler tout mon
courage pour ne pas lui rentrer dans le «lard» ! Le mot juste que ce patriote aurait du
employer était " - malgré nous"!
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