Italienne à Alger - Le Monde
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Italienne à Alger - Le Monde
L’ITALIENNE A ALGER SAISON 2007/08! ! "#!$ %&’#(!)*!&%+#$ ,-#!.//0! ! Sandrine Anglade met en scène une joyeuse "Italienne à Alger" LILLE ENVOYÉE SPÉCIALE On n'avait pas pu voir la jeune metteuse en scène Sandrine Anglade, ce printemps, au Théâtre du Châtelet : son Carmen avait été annulé par le patron de l'institution parisienne, Jean-Luc Choplin, à trois mois de la première, pour raisons budgétaires. Exit Carmen à Paris, vive L'Italienne à Alger à l'Opéra de Lille. Dans Rossini, Sandrine Anglade prend la revanche de son talent, qui contourne les écueils de l'orientalisme habituellement dévolu au genre dit de l'"opéra turc" et ignore le confort brutal des mises en scène à transposition dite "moderne". Seules quelques notations visuelles, costumes aux bouffantes pantalonnades, tiendront lieu d'arcades et de minarets, le choeur d'eunuques se faisant même un temps odalisques felliniennes. C'est dans un huis clos planté de portes, ouvertes ou fermées - lointaine évocation d'un sérail délocalisé dans un grand hôtel de province -, au bord d'une mer où naufrage et sauvetage font descendre des cintres une multitude de jolis poissons bleus, que se croiseront donc sultan libidineux en villégiature (Mustafà), femme légitime au bord de la crise de nerfs (Elvira) et diva italienne à la Anita Ekberg en mal de "Dolce Vita" (Isabella). Le pimpant amant de la belle (Lindoro) n'aura qu'à se laisser cueillir. Car la farce rossinienne est piquante, qui pratique une manière d'anti-Enlèvement au sérail : ce n'est plus le héros délivrant l'Européenne captive d'un cruel prince ottoman qui menace de l'épouser, mais une intrépide Isabella, sûre de ses attributions et de ses charmes, qui libère son amant prisonnier et donne au passage une leçon de savoir-faire conjugal aux trop passives musulmanes. ROBE DE CHAMBRE ET PYJAMA Sandrine Anglade a parfaitement rendu le frisson de folie qui parcourt l'échine rossinienne, elle y a ajouté sa propre joie poétique, non sans une touche d'humour. Une indéniable réussite que sert avec brio une équipe de chanteurs homogène et très investie, de l'inénarrable Mustafà de Jonathan Veira, qui fait du port de la robe de chambre et du pyjama une aventure en soi, au beau et très prometteur mezzo d'agilité d'Allyson McHardy, en passant par le ténor américain, Nicholas Phan, un peu vert mais fougueux. Précise, vivante, élégante et légère, la direction de Pascal Verrot à la tête de l'Orchestre de Picardie est tout sauf celle d'un "Papatacci" (littéralement "bouffe et tais-toi"), titre donné au sultan pour endormir sa vigilance au cours d'une cérémonie digne de la fameuse turquerie du Bourgeois gentilhomme. Marie-Aude Roux 19