La demande de diffusion d`une réponse dans la presse

Transcription

La demande de diffusion d`une réponse dans la presse
Avec l’aimable autorisation des éditions Larcier
J. Englebert, « La demande de diffusion d’une réponse dans la presse
audiovisuelle (loi du 23 juin 1961). Questions de procédure »,
in Les actions en cessation, Larcier 2006, CUP, vol. 87, pp. 399-465.
9
La demande de diffusion d’une
réponse dans la presse audiovisuelle
(loi du 23 juin 1961)
Questions de procédure
Jacques ENGLEBERT 1
maître de conférences à l’U.L.B.,
avocat aux barreaux de Bruxelles et de Paris
Sommaire
SECTION 1
Propos introductifs
401
SECTION 2
Problèmes de procédure
412
SECTION 3
Considérations finales
460
1.
Je remercie particulièrement Isabelle Crispin pour son attentif et ingrat travail de relecture.
SECTION 1
Propos introductifs
A. L’action « en droit de réponse » 2 dans l’audiovisuel
est-elle une action en cessation ?
1
Le droit de réponse dans l’audiovisuel a été reconnu dans notre système législatif par
une loi du 4 mars 1977 3 qui est venue compléter la loi du 23 juin 1961 relative au droit
de réponse qui ne prévoyait, à l’origine, un droit de réponse qu’à l’égard des « écrits
périodiques ».
Le législateur n’a toutefois pas simplement élargi le champ d’application du
droit de réponse. Il a en réalité introduit un nouveau type de « droit de réponse », propre à l’audiovisuel, d’une conception « diamétralement opposée » 4 à celle régissant le
droit de réponse pour les écrits périodiques.
En effet, plutôt que de reconnaître à la personne mise en cause dans une émission audiovisuelle un réel droit de réponse, le législateur a préféré lui reconnaître uniquement un droit de rectification.
C’est ainsi que, si en matière de presse écrite, toute personne (physique ou
morale), citée nominativement ou implicitement désignée dans un écrit périodique, a le
droit de requérir l’insertion gratuite d’une réponse 5, seules les personnes justifiant d’un
intérêt personnel ont, dans l’audiovisuel, le droit de requérir la diffusion gratuite d’une
réponse qui doit être de nature à rectifier un ou plusieurs éléments de faits erronés les con2.
C’est par un glissement de langage que l’on parle improprement de « demande en droit de réponse ».
L’expression, entrée dans le langage courant, vise en réalité le droit de demander la diffusion d’une réponse (voy.
F. Jongen, « Le droit de réponse dans la presse et l’audiovisuel », in Prévention et réparation des préjudices causés
par les médias, dir. A. Strowel et F. Tulkens, Larcier, 1998, pp. 51 à 65, ici pp. 53 à 55).
3.
Répondant à une question préjudicielle, la Cour d’arbitrage dans son arrêt 14/91 du 28 mai 1991, a dit
pour droit que les dispositions relatives au droit de réponse dans l’audiovisuel, insérées dans la loi du 23 juin
1961 par la loi du 4 mars 1977, ne violaient pas les règles établies par la Constitution ou en vertu de celle-ci
pour déterminer les compétences respectives de l’État, des Communautés et des Régions. En d’autres termes,
selon cet arrêt, le législateur fédéral serait resté compétent pour légiférer dans cette matière. Sur le conflit de
compétence entre législateurs fédéral et communautaires et l’incidence de cette question sur l’évolution de la
législation dans cette matière, voir infra, nos 5 à 11.
4.
M. Hanotiau, Droit de l’information et de la communication, P.U.B., 1991-1992, p. 199 ; F. Tulkens et M.
Verdussen, « La radio et la télévision, le délit de presse et le droit de réponse », Ann. dr. Louvain, 1987, 53-93, ici
p. 83.
5.
Loi du 23 juin 1961, art. 1er.
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Les actions en cessation
cernant ou de répondre à un ou plusieurs faits ou déclarations de nature à porter atteinte
à leur honneur 6.
2
Cette distinction a une incidence directe sur la procédure.
En matière d’écrits périodiques, l’insertion d’une réponse est de droit pour la
personne « citée nominativement ou implicitement désignée ». Si l’éditeur refuse d’insérer
cette réponse dans les conditions fixées par la loi et pour autant que la réponse n’entre
pas dans une des hypothèses de refus visées par la loi 7, il s’expose à des poursuites
pénales 8. Si une plainte est déposée, c’est le juge pénal qui sera amené à ordonner la
diffusion de la réponse. En effet, « si, à la date du jugement, la réponse n’a pas été insérée,
le tribunal en ordonne l’insertion dans le délai qu’il détermine » 9.
Bien que cette voie ne soit pas expressément reconnue par la loi du 23 juin
1961, rien n’empêche, évidemment, le demandeur en diffusion d’une réponse de renoncer à entamer des poursuites pénales et, en conséquence, de solliciter du juge civil la
condamnation de l’éditeur à diffuser sa réponse 10. Le juge saisi (qu’il s’agisse d’une
chambre correctionnelle ou d’une chambre civile du tribunal de première instance)
doit, au vœu de la loi, statuer sur cette demande « toutes affaires cessantes » 11.
Au contraire, en matière audiovisuelle, s’il n’y a pas d’accord entre le demandeur en diffusion d’une réponse et l’organisme producteur 12 sur la diffusion d’un texte
(soit celui initialement demandé, soit celui résultant d’une contre-proposition de l’organisme producteur), le demandeur en diffusion d’une réponse doit saisir le président du
6.
Loi du 23 juin 1961, art. 7.
7.
Loi du 23 juin 1961, art. 3 : « Peut être refusée, l’insertion de toute réponse : 1° Qui n’a pas de rapport immédiat avec le texte incriminé ; 2° Qui est injurieuse ou contraire aux lois ou aux bonnes moeurs ; 3° Qui met un tiers
en cause, sans nécessité ; 4° Qui est rédigée dans une langue autre que celle du périodique ».
8.
Loi du 23 juin 1961, art. 5, al. 1er.
9.
Loi du 23 juin 1961, art. 5, al. 3.
10. S. Hoebeke et B. Mouffe, Le droit de la presse, Académia-Bruylant, 2e éd., 2005, p. 594, nos 861 et 863 ;
Dans le même sens, la cour d’appel de Bruxelles a jugé, dans un arrêt prononcé le 14 juin 1966 (Pas., 1967, II,
106 ; J.T., 1966, p. 635), que « l’insertion forcée ne constitue pas une peine que seules les juridictions répressives pourraient prononcer ; qu’elle est une forme de réparation donnée par la loi à la personne qui s’est vu refuser l’insertion
d’une réponse sans motif valable. Le tribunal civil, compétent pour connaître de la demande en insertion, l’est également et par le fait même, pour juger du caractère justifié ou non du refus de cette insertion ». C’est d’ailleurs cette
reconnaissance qui est à l’origine de la controverse quant à savoir si, en matière de presse écrite, le juge des référés peut intervenir pour ordonner, au provisoire, l’insertion d’une réponse (voir infra, nos 56 et 64 à 67). Cette
opinion n’est toutefois pas unanimement partagée. Ainsi, selon les auteurs de la proposition de loi relative au droit
de réponse et au droit d’information et modifiant l’article 587 du Code judiciaire (Doc. parl., Chambre, 1999-2000,
n° 0325/001, p. 6), il conviendrait « d’extraire la problématique du droit de réponse du contexte pénal » au motif
« que le passage obligé par le droit pénal afin de faire droit à une demande de droit de réponse, peut constituer un
frein à l’action du juge ».
11. Loi du 23 juin 1961, art. 18.
12. La loi précise qu’en matière audiovisuelle la demande de diffusion d’une réponse doit être adressée à
« l’organisme producteur de l’émission ou du programme » ou à « l’éditeur ». Pour simplifier, j’utiliserai ci-après uniquement le terme d’organisme producteur.
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La demande de diffusion d’une réponse dans la presse audiovisuelle
tribunal de première instance s’il veut contraindre l’organisme producteur à diffuser sa
réponse. L’article 12 de la loi du 23 juin 1961 précise que le président, « siégeant comme
juge unique 13, statue au fond et en dernier ressort et selon la procédure prévue aux
articles 1035, 1036, 1038 et 1041 du Code judiciaire ».
3
Nous tenons-là notre action comme en référé, objet de la présente note.
On relèvera d’emblée que le législateur s’est contenté de faire référence à quatre
des sept articles de la partie du Code judiciaire consacrés à l’« Introduction et [l’]instruction de la demande en référé » 14, alors que, plus généralement, lorsqu’il instaure des procédures comme en référé, le législateur se contente de préciser que le juge saisi, « siège »
et/ou « statue » comme en référé ou que la demande est « introduite et instruite comme
en référé » 15.
L’action dont peut être saisi le président du tribunal de première instance en
matière de droit de réponse dans l’audiovisuel tient sans doute une place un peu à part
dans le cadre du présent recyclage dès lors qu’à mon sens, il ne s’agit pas stricto sensu
d’une action en cessation. On peut certes soutenir que la demande a pour but de faire
cesser le refus illégitime — selon le demandeur — opposé par l’organisme producteur à
la demande de diffusion d’une réponse. Toutefois, comme le souligne à juste titre Ch.
Dalcq, le demandeur ne sollicite en réalité pas une mesure de cessation mais bien une
mesure d’injonction : « l’injonction d’insérer un droit de réponse dans une émission
audiovisuelle » 16.
4
En matière audiovisuelle, il n’y a infraction pénale que si l’organisme producteur ne diffuse pas la réponse, soit après avoir marqué son accord sur la demande d’insertion de
celle-ci, soit après que le demandeur ait marqué son accord sur la contre-proposition de
l’organisme producteur, soit encore après que le président du tribunal ait ordonné la
diffusion d’une réponse.
B. État actuel de la législation en matière de droit de réponse
5
La coexistence de deux régimes différents en matière de droit de réponse, l’un s’appliquant aux écrits périodiques, l’autre à l’audiovisuel, fait l’objet de critiques anciennes et
13. Cette précision laisse perplexe. Comment en effet, pourrait-il en être autrement ?
14. Quatrième partie, Livre II, Titre VI du Code judiciaire.
15. Not. art. 587, al. 2, C. jud.
16. Ch. Dalcq, « Les actions ‘comme en référé’ », in Le référé judiciaire, dir. scient. J. Englebert et H. Boularbah,
éd. Jeune Barreau de Bruxelles, 2003, pp. 145 à 193, ici p. 170 ; J.-Fr. van Drooghenbroeck, « La nature et le
régime de la compétence exercée ‘comme en référé’ — l’exemple de l’action en dommages et intérêts », J.T.,
1996, pp. 554 à 558, ici sp. note (1), p. 554 ; add. Ch. Dalcq et S. Uhlig, « Vers et pour une théorie générale du
« comme en référé » : le point sur les questions transversales de compétence et de procédure », dans le présent
ouvrage.
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Les actions en cessation
récurrentes de la part de la doctrine qui en appelle régulièrement à une unification des
conditions d’exercice du droit de réponse et des procédures à mettre en œuvre en cas
de refus 17.
Depuis une dizaine d’années, la matière a fait l’objet d’une série de projets et de
propositions de lois, visant notamment à unifier les deux régimes en étendant le principe du droit restreint de rectification à la presse écrite (ainsi qu’aux nouveaux media
issus de la société de l’information) 18.
6
C’est en réalité une ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce 19 de
Bruxelles, le 6 janvier 1995, qui mit le feu aux poudres.
En effet, saisi sur requête unilatérale par la SABENA, ce magistrat fit interdiction
au quotidien flamand De Morgen de publier un article si cette publication ne s’accompagnait pas simultanément du droit de réponse du requérant 20. C’est en réaction à cette
décision, violemment contestée par les organes de presse écrite, mais également critiquée par une partie de la doctrine 21, que fut déposée la proposition de loi du
13 décembre 1995 22. Cette proposition visait à étendre purement et simplement à la
presse écrite le régime applicable à l’audiovisuel et notamment la procédure prévue à
l’article 12 de la loi du 23 juin 1961. Cette première proposition de loi ne connut
aucune suite.
7
Le gouvernement s’est, à son tour, saisi de cette question en 1997. Toutefois, cette
matière n’a pas échappé aux aléas des réformes institutionnelles belges et plus particulièrement à la communautarisation des compétences en ce qui concerne les matières
relevant de la radio et de la télévision.
17. En ce sens, notamment F. Jongen, « L’indispensable réforme du droit de réponse », A.&M., 2000, pp. 167 à
170, et du même auteur : « Le droit de réponse dans la presse… », op. cit., p. 65 ; « L’intervention du juge dans
la procédure de droit de réponse », note sous civ. Liège (réf.), 19 décembre 1989, J.L.M.B., 1990, p. 423 ;
« L’intervention du juge dans l’exercice du droit de réponse », note sous Cass., 29 octobre 1998, R.C.J.B., 2001,
pp. 273 à 302, ici sp. pp. 301 et 302 ; S. Hoebeke et B. Mouffe, op. cit., nos 816 et 817.
18. Dans l’exposé des motifs du projet de loi relatif au droit de réponse et au droit d’information et du projet de
loi modifiant l’article 587 du Code judiciaire, déposés par le Gouvernement le 4 mars 1999 (Doc. parl., Chambre,
S.O. 1998-1999, 2034/1 et 2035/1, p. 2), le ministre de la Justice souligne que « au cours des dernières années, le
monde du journalisme et spécialement la presse écrite, a exprimé une certaine irritation à l’égard du système légal
actuel gouvernant le droit de réponse, estimant que celui-ci accorde trop facilement le droit de réponse et que ses
modalités sont critiquables. En effet, l’article 1er de la loi actuellement en vigueur, ne requiert, en ce qui concerne les
écrits périodiques, aucun intérêt personnel dans le chef du requérant et n’exige pas que l’information suscitant le droit
de réponse soit incorrect ou dommageable (alors que ces conditions ont bien été imposées en 1997 pour l’audiovisuel) ».
19. Qui s’était estimé matériellement compétent dès lors que le demandeur était commerçant.
20. Comm. Bruxelles, (prés)., 6 janvier 1995, inédit, cité par S. Hoebeke et B. Mouffe, p. 595, n° 863. Cette
décision fut rétractée sur tierce opposition du journal par une ordonnance du 6 mars 1995, Mediaforum, 1995,
n° 4, p. B55 ; sur cette affaire, voyez S. Hoebeke et B. Mouffe, p. 595, n° 863.
21. Not. M. Hanotiau, op. cit., p. 207.
22. Proposition de loi modifiant la loi du 23 juin 1961 relative au droit de réponse, Doc. parl., Chambre, S.O.
1995-1996, 311/1.
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La demande de diffusion d’une réponse dans la presse audiovisuelle
C’est ainsi qu’après avoir adopté en juillet 1997 un avant-projet de loi visant à
uniformiser les deux procédures et à étendre le champ d’application de la loi sur le
droit de réponse aux nouveaux moyens de communication issus de la société de l’information (et plus spécialement Internet) 23, le gouvernement fédéral s’est, dans un premier temps, résigné à déposer, le 4 mars 1999, un double projet de loi visant à réformer
la législation en matière de droit de réponse, mais excluant expressément « de son
champ d’application le droit de réponse s’exerçant par la voie de la radio et de la télévision
dès lors que de l’avis du Conseil d’État, le droit de réponse s’exerçant par la voie de la radio
et de la télévision échappe à la compétence du législateur fédéral pour ressortir de celle du
législateur communautaire, ceci conformément à l’article 4, 6° de la loi spéciale du 8 août
1980 de réforme institutionnelle » 24. Ce projet n’ayant pas survécu à la dissolution des
chambres intervenue le 5 mai 1999, il fut réintroduit, à l’identique mais cette fois-ci
sous forme de proposition de loi, le 17 décembre 1999 25.
Toutefois, ayant manifestement revu sa position sur ce point, le nouveau gouvernement redéposa lui-même, le 17 juillet 2000, deux projets de loi 26 s’écartant cette
fois-ci résolument de l’avis précité du Conseil d’État. Le but recherché était une modification globale du droit de réponse, tant en matière d’écrits périodiques que d’audiovisuel 27. Dans les grandes lignes, la réforme proposée intégrait les adaptations suivantes :
« - uniformiser les règles en la matière, indépendamment du support sur lequel le
média périodique est diffusé ;
- éviter un usage non justifié du droit de réponse et, partant une utilisation abusive de celui-ci ;
- préciser, dans les limites du champ d’application de la loi en projet, les critères
déterminant la longueur de la réponse d’une manière uniforme ;
- mettre en place, en vue de confirmer le principe de la présomption d’innocence,
un droit sui generis ‘d’information’ (rectification a posteriori) pour les personnes
désignées dans un média périodique comme étant inculpées, prévenues, ou accusées et ensuite libérées de toute poursuite ou acquittées ;
- améliorer l’efficacité du droit de réponse en permettant une décision de justice
rapide, sans que soit altéré l’équilibre précaire entre les revendications du demandeur et de la liberté rédactionnelle de la presse ;
- extraire la problématique du droit de réponse du contexte pénal 28 ».
23. Sur le contenu de cet avant-projet, voyez F. Jongen, « Le droit de réponse dans la presse et l’audiovisuel »,
op. cit., pp. 56 et s.
24. Doc. parl., Chambre, S.O. 1998-1999, 2034/1 et 2035/1, pp. 2 et 3.
25. Doc. parl., Chambre, S.O. 1999-2000, 0325/001 ; une proposition similaire fut déposée au sénat le
3 décembre 1999 (Doc. parl., Sénat, 2-234/1).
26. Projet de loi relatif au droit de réponse et au droit d’information (Doc. parl., Chambre, S.O. 1999-2000,
0815/001) et Projet de loi modifiant l’article 587 du Code judiciaire (Doc. parl., Chambre, S.O. 1999-2000, 0816/
001).
27. Voy. D. Voorhoof, Handboeck mediarecht, Larcier, 2003, pp. 180 et s.
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Les actions en cessation
On notera que le projet avait notamment pour effet de généraliser la compétence du président du tribunal de première instance, siégeant comme en référé, par
l’insertion d’un 10° à l’article 587, alinéa 1er, du Code judiciaire, prévoyant que le président serait dorénavant compétent pour statuer « sur toute contestation résultant de la loi
relative au droit de réponse et au droit d’information » 29.
D’un point de vue strictement procédural, le projet prévoyait par ailleurs l’introduction d’un chapitre XXV dans le livre IV (« Procédures particulières ») de la quatrième
partie du Code judiciaire. Ce nouveau chapitre, ne comportant qu’un seul article
(l’article 1385duodecies), prévoyait, d’une part, l’usage de la requête contradictoire
(articles 1034bis et suivants du Code judiciaire) pour l’introduction de la demande 30 et,
d’autre part, que « lorsque le président du tribunal de première instance ordonne l’insertion d’une réponse ou d’une information, il statue au fond et en dernier ressort ». Il était
encore prévu que « si, à la date du jugement, la réponse ou l’information n’a pas été insérée, le juge en ordonne l’insertion dans le délai et selon les modalités qu’il détermine, le cas
échéant, sous peine d’astreintes ». Enfin, un dernier alinéa précisait que « le président du
tribunal de première instance peut, à la demande des parties, adapter le contenu de la
réponse ou de l’information ».
8
Le gouvernement fédéral fut toutefois interrompu dans son élan puisque le Parlement
flamand saisit la Chambre d’une motion faisant état d’un conflit d’intérêt mettant en
cause la compétence du législateur fédéral à intervenir en matière de droit de réponse à
la radio et à la télévision 31.
À la suite de cette motion, la Commission de la justice de la Chambre a rendu le
21 mai 2001 un rapport circonstancié sur le conflit de compétences entre l’autorité
fédérale et les autorités fédérées pour légiférer en matière de droit de réponse dans
l’audiovisuel. Deux conclusions étaient soumises au vote des membres de la Commission, l’une confirmant la compétence du Parlement fédéral, l’autre estimant que la
réglementation du droit de réponse s’exerçant par la voie de la radio et de la télévision,
ressortait à la compétence du législateur communautaire. C’est la première proposition
qui fut adoptée, par neuf voix contre six et une abstention.
Saisie de la même question, la Commission des affaires institutionnelles du Sénat
arriva à la conclusion que « le conflit d’intérêt soulevé par le Parlement flamand est en
fait un conflit de compétences qui devrait être tranché par la Cour d’arbitrage. Par consé28. Doc. Chambre, S.O. 1999-2000, 0815/001 et 0816/001, pp. 8 et 9.
29. Article 2 du projet de loi modifiant l’article 587 du Code judiciaire, Doc. parl., Chambre, S.O., 1999-2000,
0816/001, p. 45. On sait par ailleurs, que le second alinéa de cet article précise que « sauf si la loi en dispose autrement, les demandes prévues au premier alinéa sont introduites et instruites selon les formes du référé ».
30. Cette demande devait être introduite dans un délai d’un mois à compter, soit de la date à laquelle la
réponse ou l’information aurait dû être insérée, soit de la date à laquelle le refus d’insérer était porté à la connaissance de la personne qui a fait usage du droit de réponse ou d’information, soit de la date à laquelle la contreproposition a été refusée, soit encore de la date à laquelle une réponse ou une information non-conforme aux
dispositions de la loi aurait été insérée.
31. Voyez Doc. parl., Chambre, S.O. 2000-2001, 0815/002.
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La demande de diffusion d’une réponse dans la presse audiovisuelle
quent, on peut conseiller au comité de concertation de conclure qu’il n’y a pas de conflit
d’intérêt, de manière à ce que la procédure législative puisse suivre son cours à la
Chambre ». Cette position fut adoptée par huit voix contre une.
Malgré ces prises de positions favorables à l’initiative fédérale, les projets de loi
du gouvernement ne connurent aucune suite jusqu’à ce qu’intervienne la dissolution
des chambres le 10 avril 2003.
9
Au cours de l’actuelle législature, c’est au Sénat qu’une « proposition de loi relative au
droit de réponse et au droit d’information » a été déposée, le 11 août 2003, par H. Vandenberghe. Cette proposition reprend intégralement le texte des projets de loi déposés à
la Chambre en 1999 32 qui, comme on l’a vu, excluaient de leur champ d’application le
droit de réponse en matière de radio et de télévision.
Cette « nouvelle » proposition fut envoyée en Commission et n’a connu jusqu’à
ce jour aucune suite.
10
Les choses n’en sont toutefois pas restées là, puisque prenant le législateur fédéral de
vitesse, le Parlement flamand a adopté, le 18 juillet 2003, un décret insérant dans les
décrets relatifs à la radiodiffusion et à la télévision, coordonnés le 25 janvier 1995, « un
droit de réponse et un droit de communication à l’égard de la radio et de la télévision ».
Une numérotation des articles devenus totalement illisible a conduit le Parlement flamand à procéder à une nouvelle coordination de ces décrets, le 4 mars 2005. Le droit de
réponse est repris aux articles 177 à 191 des décrets coordonnés 33.
On constate donc que le désir d’unification de la législation en matière de droit
de réponse quel que soit le média concerné est loin d’avoir été concrétisé puisque
aujourd’hui la situation est la suivante :
le droit de réponse en matière d’écrit périodique est toujours réglementé, dans
l’ensemble du territoire belge, par les articles 1 à 6 de la loi du 23 juin 1961
relative au droit de réponse ; le régime est toujours celui d’un droit quasi discrétionnaire ouvert à toute personne citée nominativement ou implicitement
désignée ;
par contre, le droit de réponse dans l’audiovisuel est réglementé, d’une part, par
les articles 7 et suivants de la loi du 23 juin 1961 et, d’autre part, pour les émissions de radio et télévision produites par des organismes producteurs soumis
aux décrets flamands relatifs à la radiodiffusion et à la télévision 34, par les
articles 177 et suivants de ce même décret.
32. Doc. parl., Chambre, S.O., 1998-1999, nos 2034/1 et 2035/1.
33. La communauté germanophone a, par décret du 27 juin 2005 sur la radiodiffusion et les représentations
cinématographiques, prévu de son côté, que « les chapitres II et III de la loi du 23 juin 1961 relative au droit de
réponse, insérés par la loi du 4 mars 1977, s’appliquent aux programmes des organismes de radiodiffusion télévisuelle, de la chaîne ouverte et des organismes de radiodiffusion sonore » (art. 5). L’art. 40 du décret de la Communauté française du 17 juillet 1987 sur l’audiovisuel contenait la même précision.
34. C’est-à-dire les émissions produites par la VRT ainsi que par les radiodiffuseurs privés agréés par le Gouvernement flamand ou par le Vlaams Commissariaat voor de Media.
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Les actions en cessation
On retiendra que l’article 185 des décrets flamands maintient la compétence du
président du tribunal de première instance « siégeant comme en référé », pour connaître
de toute contestation en cette matière. Cet article est en réalité très largement inspiré
par le projet d’article 1385duodecies, qui était contenu le projet de loi du 17 juillet
2000 35.
11
Un doute subsiste quant au pouvoir des Communautés à légiférer dans cette matière.
Par son arrêt du 28 mai 1991 36, la Cour d’arbitrage avait expressément rappelé que la
matière du droit de réponse dans l’audiovisuel restait une compétence du législateur
fédéral 37. Il semble toutefois que cette jurisprudence soit elle-même devenue obsolète.
En effet, la Cour d’arbitrage avait conclu à la compétence du législateur fédéral au
motif que la matière du droit de réponse participait de l’exercice d’un droit fondamental. Or, depuis, comme le souligne F. Jongen, « le Conseil d’État a considéré qu’il n’y avait
plus de compétence fédérale exclusive sur les droits fondamentaux, et cette thèse a été confirmée par un arrêt de la Cour d’arbitrage du 25 novembre 1999 (…) » 38. L’auteur se
demande toutefois s’il ne serait pas opportun d’envisager une modification de la loi spéciale de réforme institutionnelles du 8 août 1980, « afin d’y inscrire la réglementation du
droit de réponse comme une exception explicite à la compétence des Communautés en
matière de radiodiffusion et de télévision » 39.
Seule une future saisine de la Cour d’arbitrage, soit sur la validité du décret flamand, soit une nouvelle fois, sur celle de la loi du 4 mars 1977, serait de nature à régler
définitivement cette controverse.
35. Doc. parl., Chambre, S.O. 1999-2000, 0815/001. L’article 185 des décrets flamands est rédigé comme suit :
« Sans préjudice de la faculté des parties de soumettre le litige à un organe sectoriel compétent, toutes contestations résultant du présent titre sont de la compétence exclusive du président du tribunal de première instance, siégeant comme en
référé. Le demandeur saisit le président du tribunal de première instance dans un délai d’un mois à compter de la date
à laquelle, conformément aux dispositions du présent décret, la réponse aurait dû être insérée ou de la date à laquelle
le refus d’insérer a été porté à la connaissance de la personne qui a signé la requête, la contre-proposition a été refusée
ou dans le mois de la date à laquelle une insertion non conforme aux dispositions du présent décret a été insérée.
Lorsque le président du tribunal de première instance ordonne l’insertion d’une réponse, il statue au fond et en
dernier ressort.
Si à la date du jugement, la réponse n’a pas été insérée, le juge en ordonne l’insertion dans le délai et selon les modalités qu’il détermine, le cas échéant sous peine d’astreinte.
Le président du tribunal de première instance peut faire droit aux suggestions des parties visant à adapter le contenu
de la réponse ».
36. C.A., arrêt 14/91, 28 mai 1991 ; à propos de cet arrêt, voy. F. Jongen, « Contre toute attente… », note sous
l’arrêt, J.L.M.B., 1991, pp. 1193 à 1195 et du même auteur : « Le droit de réponse dans l’audiovisuel : en route
pour la Cour d’arbitrage », note sous Civ. Bruxelles, 12 janvier 1990 (il s’agit du jugement qui a posé la question
préjudicielle à la Cour d’arbitrage à l’origine de l’arrêt du 28 mai 1991), J.L.M.B., 1990, pp. 429 à 431 et « Droit
de réponse : en attendant… la Cour d’arbitrage », note sous civ. Nivelles (réf.), 30 octobre 1990, J.L.M.B., 1991,
pp. 671 et 672.
37. Sur les arguments qui peuvent être développés en faveur de la compétence du législateur fédéral, voyez Doc.
parl., Chambre, S.O. 1999-2000, 0815/001 et 0816/001, pp. 4 à 8 et Doc. parl., Chambre, S.O. 2000-2001, 0815/002.
38. F. Jongen, « L’indispensable réforme… », op. cit., p. 168. Voy également, du même auteur : « Modifications
dans l’audiovisuel flamand », J.T., 2004, p. 498 ; D. Voorhoof, Handboeck…, pp. 175 et 176.
39. F. Jongen, « L’indispensable réforme.. », op. cit., pp. 168 et 170.
408
La demande de diffusion d’une réponse dans la presse audiovisuelle
C. Présentation descriptive de l’action « comme en référé »
prévue à l’article 12 de la loi relative au droit de réponse
12
En matière audiovisuelle, la demande de diffusion d’une réponse doit être adressée par
pli recommandé à l’organisme producteur de l’émission, au plus tard le trentième jour
qui suit la date de l’émission 40.
L’organisme producteur peut accepter cette demande ainsi que le texte proposé.
Dans ce cas, il devra diffuser la réponse « à l’occasion de la plus prochaine émission ou du
plus prochain programme de la même série ou du même type, à l’heure la plus proche de
celle où cette émission ou programme a eu lieu » 41.
L’organisme producteur peut également accepter la demande de réponse mais
pas le texte proposé. Dans ce cas, il doit soumettre au demandeur une contre-proposition qui doit être communiquée par pli recommandé à celui-ci dans un délai de quatre
jours ouvrables prenant cours le lendemain du jour de la réception de la demande de
diffusion d’une réponse 42. Dans cette hypothèse, le demandeur peut soit accepter cette
contre-proposition, soit la refuser.
Enfin, l’organisme producteur peut refuser purement et simplement la demande
de réponse. Dans ce cas, il doit en avertir le demandeur par lettre recommandée toujours dans le même délai de quatre jours ouvrables, prenant cours le lendemain de la
réception de la demande 43.
13
En cas de refus de la demande de réponse ou en cas de refus de la contre-proposition
formulée par l’organisme producteur ou encore « en cas d’absence » des formalités prévues à l’article 11, § 2, alinéa 1er et § 3 (en d’autres termes, en cas d’absence de réaction
de l’organisme producteur à la demande de réponse), le demandeur peut introduire une
action en justice dans un délai de quinze jours qui suit la notification du refus ou de la
contre-proposition (ou à partir de la date à laquelle le refus ou la contre-proposition
aurait dû lui être notifié, dans l’hypothèse où sa demande n’a suscité aucune réaction
de la part de l’organisme producteur).
Dans le même délai, le demandeur peut choisir de ne pas introduire directement
une action contentieuse, mais bien de déposer une requête écrite en conciliation 44.
L’article 12 de la loi relative au droit de réponse renvoie à cet égard expressément aux
articles 731 et suivants du Code judiciaire 45. L’article 12 précise que « cette requête pro40. Loi du 23 juin 1961, art. 8.
41. Loi du 23 juin 1961, art. 11, §1er.
42. Loi du 23 juin 1961, art. 11, §2.
43. Loi du 23 juin 1961, art. 11, § 3.
44. Je pense pouvoir signaler que le recours à cette procédure préalable en conciliation est plus fréquent que
ne le pense la doctrine (not. F. Jongen, « L’intervention du juge dans l’exercice du droit de réponse », op. cit.,
p. 283, n° 14). La pratique montre en effet que cette voie, qui reste certes minoritaire, garde les faveurs de certains demandeurs avec parfois à la clé un procès-verbal de conciliation, même lorsque l’organisme producteur
avait initialement opposé un refus pur et simple à la demande.
45. Toutefois, en exigeant une requête écrite, la loi déroge au droit commun qui autorise une demande verbale en conciliation (art. 732 C. jud.).
409
9
Les actions en cessation
duit quant au délai de quinze jours les effets d’une citation à la condition que celle-ci soit donnée dans les quinze jours du procès-verbal constatant la non-conciliation des parties ». En
d’autres termes, si une requête en conciliation est introduite dans le délai de quinze jours
visé à l’article 12, alinéa 1er, le demandeur en droit de réponse disposera d’un nouveau
délai de quinze jours pour introduire une procédure contentieuse dans l’hypothèse où la
conciliation n’aboutit pas (et ce à dater du procès-verbal de non conciliation).
14
Le président du tribunal, siégeant comme en référé, statue au fond et en dernier ressort 46, sur l’obligation de l’organisme producteur de diffuser la réponse.
L’article 12, alinéa 5, précise que « l’ordonnance » 47 est notifiée aux parties par
pli judiciaire 48. L’alinéa 4 du même article précise que lorsque « l’ordonnance » est rendue par défaut, une opposition peut être formée « dans la quinzaine de la notification ».
15
Dans le cadre du présent recyclage, il m’a paru utile de consacrer ma contribution
exclusivement aux questions de procédure que posent les dispositions législatives en
matière de droit de réponse dans l’audiovisuel. Je n’aborderai donc pas, ou que très inci46. Voir infra, nos 51 à 63.
47. Avec G. Closset-Marchal, je pense que « le terme ‘jugement’ […] paraît plus adéquat dans la mesure où la
décision est rendue au fond » (G. Closset-Marchal, « Eléments communs aux procédures comme en référés’ », in
Le développement des procédures ‘comme en référé’, C.I.U.D.J., Kluwer/Bruylant, 1994, pp. 17 à 36, ici p. 32) ; dans
le même sens voyez J. van Compernolle, « La rançon d’un succès : le développement des procédures ‘comme en
référé’ — conclusions générales », in Le développement des procédures ‘comme en référé’, op. cit., pp. 206 à 220,
ici p. 218, n° 21 : « Bien que souvent qualifiée d’ordonnance par le législateur, la décision rendue par le président
statuant comme en référé est un véritable jugement » ; D. Van Gerven, « Le droit d’action en matière de protection
de l’environnement », J.T., 1993, p. 619, note (101).
48. À titre d’exemples de la confusion qui règne quant à la qualification de la décision rendue en application
de l’article 12 de la loi du 23 juin 1961, on peut relever que le président du tribunal de première instance de
Bruxelles a qualifié sa décision de « jugement » notamment dans les affaires suivantes : civ. Bruxelles (prés.),
25 novembre 1994, inédit, RG 94/1559/C, Nicoletti/R.T.B.F. ; civ. Bruxelles (prés.), 18 janvier 1995, inédit, RG
94/15947/A, TCB/BRTN ; civ. Bruxelles (prés.), 19 février 1996, inédit, RG 96/1266/A, Thorburn/RTL-TVI ; civ.
Bruxelles (prés.), 19 février 1996, inédit, RG 96/1267/A, Thorburn/R.T.B.F. ; civ. Bruxelles (prés.), 25 juin 1997,
inédit, RG 97/4487/A, Plaquet/BRTN ; civ. Bruxelles (prés.), 1er septembre 2005, inédit, RG 05/4412/A, Féret/
R.T.B.F..
Au contraire, la décision rendue est qualifiée « d’ordonnance » par la même juridiction, dans les cas suivants :
civ. Bruxelles (prés.), 30 décembre 1992, inédit, RG 17/005/92, Van Den Eynden/BRTN ; civ. Bruxelles (prés.),
7 avril 1993, R.W., 1993-1994, p. 471 ; civ. Bruxelles (prés.), 4 octobre 1995, inédit, RG 95/7322/A, Jacques/
R.T.B.F. ; civ. Bruxelles (prés.), 4 octobre 1995, inédit, RG 95/7323/A, Sierra 21/R.T.B.F. ; civ. Bruxelles (prés.),
17 septembre 1996, inédit, RR 96/902/C, Eykerman/R.T.B.F. ; civ. Bruxelles (prés.), 24 juin 1997 ; inédit, RR 97/
433/C, Front National et cts/TéléBruxelles (on notera que dans son dispositif, le président persistant dans la confusion, précise qu’il statue « au provisoire » ; il faut sans doute y voir une erreur de plume provoquée par l’habitude — en ce sens, F. Jongen, « Toutes affaires cessantes », J.L.M.B., 1999, pp. 900 et 901) ; civ. Bruxelles (réf.),
10 septembre 1997, J.L.M.B., 10 septembre 1997, p. 893 (dans cette affaire également, le président précise, dans
son dispositif, qu’il statue « au provisoire ») ; civ. Bruxelles (prés.), 7 mai 2002, inédit, RG 01/8720/A, Postal/
R.T.B.F. ; civ. Bruxelles (prés.), 4 mai 2001, J.L.M.B., 2004, p. 803 ; civ. Bruxelles (prés.), 3 juin 2004, A.&M., 2005,
p. 84.
410
La demande de diffusion d’une réponse dans la presse audiovisuelle
demment 49, les questions de fond essentiellement relatives à la pertinence du texte de
la réponse proposée, ni les conditions de forme que doit respecter la demande réponse
elle-même, visées par les articles 8 et 9 de la loi du 23 juin 1961.
Le demandeur en droit de réponse sera toutefois particulièrement attentif à ces
conditions, eu égard notamment au délai de prescription, extrêmement court, pour
pouvoir introduire une demande en diffusion d’une réponse (trente jours à dater de la
diffusion de l’émission).
Il est utile de savoir que le non-respect des conditions de forme ou de fond de la
demande de réponse, peut être soulevé par l’organisme producteur pour la première fois
dans le cadre de la procédure judiciaire. En effet, si l’article 11, § 3, de la loi du 23 juin
1961, précise que le refus d’une demande de diffusion d’une réponse doit être motivé, il
n’est nullement précisé qu’en cas de procédure judiciaire, l’organisme producteur ne
pourrait pas soulever d’autres moyens de défense que ceux déduits de la motivation de
son refus de diffusion de la réponse 50. Cette solution est logique puisqu’en réalité, il
apparaît d’une lecture combinée des articles 11 et 12 de la loi, que l’organisme producteur pourrait très bien décider de ne réserver aucune suite à la demande de réponse, attitude équivalente à un refus qui, par la force des choses, ne sera pas motivée.
Or, les conditions de forme prévues à l’article 8 de la loi relative au droit de
réponse, sont prescrites à peine d’irrecevabilité de la demande de diffusion d’une
réponse. En cas de procédure judiciaire, si une seule de ces conditions n’est pas respectée, le président du tribunal ne pourra que constater l’irrecevabilité initiale de la
demande de diffusion d’une réponse et en conséquence, le non fondement de l’action
judiciaire visant à condamner l’organisme producteur à diffuser la dite réponse.
Et au moment où ce constat sera fait par le juge, le délai pour introduire un
droit de réponse sera inévitablement dépassé, interdisant au demandeur de réintroduire
une nouvelle demande, cette fois-ci correcte en la forme.
16
Une dernière remarque s’impose avant d’aborder les questions de procédures. C’est sur
la base de données factuelles manifestement incomplètes que certains ont pu prétendre
qu’en matière de droit de réponse, « le juge est devenu un point de passage quasi
obligé » 51. L’analyse statistique des demandes de diffusion d’une réponse, en tous cas
dans l’audiovisuel 52, montre que la grande majorité des demandes de réponses sont
49. Sous réserve de ce qui sera dit ci-dessous quant aux conditions dans lesquelles une demande de diffusion
d’une réponse peut être formulée par l’avocat du demandeur (infra, nos 17 à 27) et de quelques considérations
quant aux délais applicables au cours de la phase précontentieuse (infra, nos 26 et s.).
50. En ce sens (solution implicite) : civ. Bruxelles (prés.), 27 décembre 2001, inédite, Boscherini/R.T.B.F.
51. F. Jongen, « L’intervention du juge… », op. cit., p. 279, n° 7.
52. Certes, les chiffres dont je dispose ne concernent que la R.T.B.F.. Ils m’ont été aimablement communiqués
par le service juridique de celle-ci. Le lecteur en trouvera un tableau synthétique en annexe I à la présente note.
Toutefois, comme le souligne à juste titre F. Jongen, en cette matière, ce sont surtout les chaînes publiques qui
alimentent le contentieux judiciaire (« L’intervention du juge… », op. cit., p. 279, n° 7).
411
9
Les actions en cessation
réglées sans l’intervention du juge. À mon sens, il s’agit donc d’un contentieux qui n’a
connu aucun développement exceptionnel ces dernières années 53 et qui reste étonnamment marginal, malgré les (prétendues) dérives dont il est de bon ton, de nos jours,
d’accabler la presse.
Enfin, j’estime encore devoir avertir le lecteur qu’ayant, en ma qualité d’avocat,
le plaisir de défendre depuis plusieurs années les intérêts d’un organisme producteur
d’émissions de radio et de télévision, notamment pour le contentieux dit du « droit de
réponse », les considérations qui suivent et qui se veulent les plus objectives possibles,
sont tout autant le fruit des analyses d’un spécialiste de la procédure civile que des
expériences et des réflexions d’un praticien de la procédure « comme en référé » en
droit de réponse.
SECTION 2
Problèmes de procédure
A. La demande de réponse adressée par un avocat Nécessité d’un mandat
17
Bien que cette question ne concerne pas strictement la procédure judiciaire en droit de
réponse, puisqu’elle se situe dans la phase précontentieuse, il n’est pas sans intérêt
d’attirer l’attention de l’avocat sur le fait que l’acte consistant à adresser à l’organisme
producteur une demande de diffusion d’une réponse ne relève pas de son mandat ad
litem, qui ne vaut que pour la représentation en justice du client et qui est donc limitée
aux actes de procédure accomplis pendant l’instance 54.
Il convient donc que l’avocat qui adresse lui-même une demande de diffusion
d’une réponse ait reçu de son client un mandat spécial à cette fin.
Par ailleurs l’article 8 de la loi relative au droit de réponse prévoit, à peine
d’irrecevabilité, que la demande de réponse doit être signée et doit, pour les personnes
morales ainsi que pour les associations de fait, indiquer « la qualité du signataire de la
demande ».
53. Voir les chiffres repris en annexe I.
54. Sur l’étendue et les limites du mandat ad litem qui trouve son fondement légal dans l’article 440 al. 2, C.
jud., voy. not. A. Braun et F. Moreau, R.P.D.B., V° « Avocat », complément VI, Bruxelles, Bruylant, 1983, p. 190 ;
P. Lambert, Règles et usages de la profession d’avocat du Barreau de Bruxelles, Bruxelles, Nemesis, 2e éd., 1988,
p. 313 ; D. Sterckx, « Le mandat procédural de l’avocat », J.T., 1997, pp. 412 et s. ; P. Corvilain et F. Glansdorff,
« Mandat de l’avocat et apparence », Cah. dr. jud., 1993, pp. 84 et s.
412
La demande de diffusion d’une réponse dans la presse audiovisuelle
18
Qu’en est-il lorsque la demande est adressée à l’organisme producteur par l’avocat du
demandeur qui se contente de préciser qu’il intervient « en qualité de conseil » de celuici ?
Par jugement du 4 mai 2001 55, le président du tribunal de première instance de
Bruxelles a considéré que la demande en diffusion d’une réponse envoyée et signée uniquement par l’avocat du demandeur en droit de réponse n’était pas recevable dès lors
qu’en l’espèce, l’avocat « se limite à dire être ’ le conseil ’ [de la demanderesse], ce qui
n’implique nullement l’existence d’un mandat spécifique pour signer la demande de droit
de réponse, un conseil juridique n’étant en réalité qu’un intermédiaire de fait pour négocier
ou exprimer des arguments, mais jamais pour poser un acte juridique en droit ». Le tribunal précise que si une demande en droit de réponse peut être signée par un mandataire
conventionnel, « encore faut-il que le mandataire conventionnel, signataire de la
demande, invoque l’existence de ce mandat spécifique, pour que sa qualité soit valablement exprimée comme le requiert l’article 8 deuxième tiret [de la loi relative au droit de
réponse] ». Partant « la demande de droit de réponse, signée par une personne, soit-elle
avocat, qui n’indique pas sa qualité de mandataire [de la demanderesse] ni l’existence d’un
mandat spécial pour introduire un droit de réponse, est irrecevable ».
Le tribunal précise par ailleurs que « la preuve d’un mandat spécial, produit ultérieurement dans le cadre des débats judiciaires, ne peut couvrir l’irrecevabilité initiale,
pour défaut d’indication de la qualité du signataire ».
19
On relèvera qu’une décision qui semble aller en sens contraire, a été rendue par le tribunal correctionnel de Bruxelles, le 18 janvier 2000 56. En l’espèce, il s’agissait de la
demande d’insertion d’une réponse dans un écrit périodique. L’avocat du demandeur en
insertion avait adressé lui-même la demande de réponse à l’éditeur de l’hebdomadaire
par une lettre contenant l’indication suivante : « je vous écris en ma qualité de conseil de
(…) ». L’éditeur avait refusé d’insérer la réponse en invoquant notamment l’absence de
signature du demandeur. Si le tribunal correctionnel a rejeté cet argument, c’est au
motif qu’en matière de presse écrite la loi n’exige pas, à l’inverse de la procédure en
matière audiovisuelle, que la demande de réponse soit signée par le demandeur ni, a
fortiori, qu’elle contienne la qualité précise du signataire de la demande. L’enseignement de cette décision n’est donc pas transposable en matière audiovisuelle.
20
Par jugement du 27 décembre 2001, le président du tribunal de première instance de
Bruxelles a confirmé sa jurisprudence du 4 mai 2001, mais cette fois-ci dans une hypothèse ou la demande de diffusion d’une réponse était introduite par un particulier (et
non plus par une personne morale). La demande de réponse adressée et signée par
l’avocat du demandeur est irrecevable s’il se contente de préciser qu’il intervient « en
55.
56.
Civ. Bruxelles (prés.), 4 mai 2001, J.L.M.B., 2004, p. 803.
Corr. Bruxelles, 18 janvier 2000, A.& M., 2000, p. 143.
413
9
Les actions en cessation
qualité de conseil » de son client, sans faire état de ce qu’il agit en vertu d’un mandat
spécial. La demande de réponse adressée à l’organisme producteur étant irrecevable,
l’action judiciaire doit être déclarée non fondée 57.
21
Notons qu’en France, la Cour de cassation a été amenée à trois reprises à se pencher sur
la question de la demande de réponse effectuée par un avocat pour le compte de son
client.
La cour d’appel de Paris avait estimé que c’était à bon droit que le directeur de
la publication n’avait pas fait droit à la demande de réponse dans la mesure où
« l’exercice du droit de réponse de toute personne (…) lui est personnel, qu’elle est seule
juge de l’opportunité d’en user et (…) qu’elle seule peut requérir du directeur de publication
l’intervention d’une réponse à un article la mettant en cause ; que, si l’avocat est seul habilité à assister ou représenter une partie devant les juridictions et les organismes juridictionnels de quelque nature que ce soit, et peut, de même, assister ou représenter autrui devant
les administrations publiques, ce monopole a ses limites, et ne saurait s’étendre au-delà des
cas prévus par la loi (…), qu’un organisme de presse n’étant ni une juridiction, ni un organisme juridictionnel, ni une administration publique, l’avocat ne peut prétendre à représenter sans pouvoir spécial, une partie exerçant un droit de réponse ».
Saisi d’un pourvoi contre cet arrêt, la Cour de cassation de France a, par un arrêt
du 9 mai 1990 58, rejeté le recours au motif qu’« aucune disposition de la loi du
31 décembre 1971 59 n’autorise l’avocat à exercer, sans mandat spécial, le droit exceptionnel et personnel accordé par l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 aux personnes mises en
cause dans un écrit périodique ».
Dans un second arrêt du 22 février 2000 60, la Cour de cassation de France franchit un pas supplémentaire. L’arrêt soumis à sa censure avait décidé que « si aucune disposition de la loi du 31 décembre 1971 n’autorise l’avocat à exercer, sans mandat spécial,
le droit exceptionnel et personnel accordé par l’article 13 de la loi du 29 juillet 1981 aux
personnes mises en cause dans un écrit périodique, aucun texte n’exige que ledit mandat
soit joint à la demande d’exercice du droit de réponse ; qu’il suffit par conséquent, que
l’avocat puisse en justifier ». Dans son pourvoi, le directeur de la publication concernée
invoquait que, dès lors qu’un avocat ne peut adresser une réponse au nom de son client
que s’il peut justifier d’un mandat spécial, il s’en déduit que « ce mandat doit nécessairement être transmis par l’avocat au directeur de la publication dans le même courrier que
la réponse établie au nom de son client ». Faisant droit à cet argument, la Cour de cassation a décidé que « le directeur de la publication n’est pas tenu d’insérer une réponse en
application de l’article [13 de la loi du 29 juillet 1881] lorsqu’elle lui est demandée par un
57. Civ. Bruxelles (prés.), 27 décembre 2001, inédit, Boscherini/R.T.B.F.
58. Cass. fr., ch. crim., 9 mai 1990, Bull. crim., 1990, n° 178, p. 453.
59. Loi portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, organisant notamment la profession
d’avocat en France.
60. Cass. fr., ch. crim., 22 février 2000, Legipresse, 2000, III, p. 217 avec note de P. Ader, p. 218.
414
La demande de diffusion d’une réponse dans la presse audiovisuelle
avocat sans que celui-ci produise le mandat spécial qui lui a été remis à cet effet par la
personne mise en cause ». La Cour de cassation de France poursuit ainsi : « en se contentant de constater que le mandat spécial avait été produit devant le premier juge et qu’il
était ainsi établi que l’avocat en disposait bien lorsque le directeur de publication a reçu la
demande, mais ‘sans constater que le mandat spécial dont disposait l’avocat avait été porté
à la connaissance de la prévenue lors de la demande d’insertion’, la cour d’appel n’a pas
donné de base légale à sa décision ». En conséquence, le directeur de publication n’ayant
pas été valablement saisi de la demande d’insertion d’une réponse, il ne pouvait pas
être poursuivi du délit de refus d’insertion de réponse.
La Cour de cassation française a complété cette jurisprudence par un arrêt du
14 décembre 2000 61, rendu cette fois-ci au civil. La Cour y confirme d’une part que
l’avocat qui forme pour son client la demande d’insertion d’une réponse doit préciser
qu’il agit en vertu d’un pouvoir spécial et qu’en outre, d’autre part, il doit joindre la
preuve de ce mandat spécial à son courrier.
B. L’introduction de l’action - Incidence de la tentative
de conciliation
22
À défaut de disposition spécifique, l’action en justice en vue d’obtenir la condamnation
de l’organisme producteur à diffuser une réponse dans l’audiovisuel doit être introduite
par citation. La référence à l’article 1035 du Code judiciaire, contenue dans l’article 12,
alinéa 3, confirme sans la moindre hésitation possible cette règle 62.
La saisine du président du tribunal de première instance par requête contradictoire ne sera donc pas valable 63. Le choix d’un tel acte introductif d’instance sera sanctionné par l’irrecevabilité de la demande dès lors qu’il contrevient à une règle
d’organisation judiciaire d’ordre public selon laquelle, sauf dérogation expresse prévue
par la loi, les actions en justice doivent être introduites par citation 64.
23
Saisi d’une demande de diffusion d’une réponse à l’encontre de la R.T.B.F., par requête
— en l’espèce, il s’agissait d’une simple lettre adressée par le demandeur en droit de
réponse au président du tribunal de première instance —, le tribunal a, par erreur, d’ini61. Cass. fr., 2e ch. civ., 14 décembre 2000, Legipresse, 2001, III, p. 34.
62. En ce sens, G. Closset-Marchal, « Eléments communs aux procédures ‘comme en référés’ », op. cit., p. 27,
n° 31.
63. Si le projet de loi du 17 juillet 2000 relatif au droit de réponse et au droit d’information (Doc. parl., Chambre,
S.O. 1999-2000, 0815/001) prévoyait l’introduction de la demande par voie de requête contradictoire (ce qui est
paradoxal puisqu’en pratique cela aurait inévitablement pour effet de retarder la procédure — en ce sens : J. van
Compernolle, « La rançon d’un succès », op. cit., p. 217, n° 18), l’article 185 des décrets flamands relatifs à la
radiodiffusion et à la télévision, coordonnés le 4 mars 2005, bien que s’inspirant très largement du texte du projet de loi, ne reprend pas cette possibilité d’introduire la demande par requête contradictoire.
64. Cass., 27 mai 1994, Pas., I, 519 ; Cass., 30 octobre 1997, Pas., I, 1102.
415
9
Les actions en cessation
tiative inscrit cette requête « dans le registre des conciliations » et l’a traitée comme une
demande fondée sur l’article 12, alinéa 2, de la loi du 23 juin 1961 relative au droit de
réponse, c’est-à-dire comme une demande en conciliation (qui peut être suivie d’une
action au fond en cas d’échec). La lecture de la « requête » faisait toutefois apparaître
qu’il n’y était nullement demandé l’intervention du juge dans le cadre de la procédure
en conciliation, mais bien la condamnation de l’organisme producteur à diffuser la
réponse sollicitée, ce que le requérant confirma lors de la séance en conciliation.
Constatant cette erreur, le président du tribunal de première instance de Bruxelles a dû, à l’issue de l’audience de conciliation, réserver un sort à la requête. Par ordonnance du 8 avril 2005 65, après avoir relevé que « lors de l’audience de conciliation, il a
été souligné qu’un problème de recevabilité ne manquerait pas de se poser si l’affaire
devait être traitée au fond, la demande comme en référé devant être introduite par citation
et non par requête », le président du tribunal se contenta de renvoyer l’affaire au rôle,
laissant aux parties le soin de « prendre telle initiative qu’elles jugeront appropriée si elles
croient devoir plaider le fond du dossier ». Convaincu de son erreur et de l’impossibilité
de corriger celle-ci (le délai de quinze jour pour saisir le tribunal étant largement
dépassé), le demandeur en droit de réponse renonça à poursuivre son action.
24
Le président du tribunal de première instance de Bruxelles avait déjà eu l’occasion de
rappeler la règle selon laquelle la demande en droit de réponse devait être introduite
exclusivement par citation, dans une affaire ayant donné lieu, cette fois-ci, à une véritable procédure préalable en conciliation.
À l’issue de la procédure en conciliation qui n’avait pas abouti et qui avait donc
donné lieu à un procès-verbal de non-conciliation, le demandeur en droit de réponse
avait fait inscrire par le greffe sa demande en diffusion, au rôle général du tribunal, sur
simple présentation du procès-verbal de non-conciliation. L’organisme producteur souleva une exception d’irrecevabilité pour violation des règles d’organisation judiciaire (le
Code judiciaire ne reconnaissant pas la possibilité d’introduire une action par mise au
rôle du procès-verbal de non conciliation). Le demandeur soutenait en réponse que la
demande en conciliation produisait les mêmes effets que la citation et qu’en conséquence, elle avait valablement saisi le président du tribunal siégeant comme en référé
de la demande contentieuse en diffusion de la réponse.
Par jugement du 3 juin 2004 66, le président du tribunal de première instance
relève que « contrairement à ce qu’allègue le demandeur, il ne se déduit pas [du dernier
alinéa de l’article 12 de la loi du 23 juin 1961] que la requête en conciliation produirait
‘tous les effets d’une citation’ ; que le texte précise en effet uniquement que ce n’est que
‘quant au délai de quinze jours’ que la requête produit les effets d’une citation et ce, à la
condition qu’une telle citation soit effectivement donnée dans les quinze jours du procèsverbal de non-conciliation ; qu’ainsi l’alinéa 2 de l’article 12 précité ne constitue pas une
dérogation à l’article 700 du Code judiciaire mais prévoit seulement que la requête en con65.
66.
Civ. Bruxelles (prés.), 8 avril 2005, inédit, Grétry/R.T.B.F., Registre des conciliations n° 05/89/T.
Civ. Bruxelles (prés.), 3 juin 2004, A.& M., 2004, p. 84.
416
La demande de diffusion d’une réponse dans la presse audiovisuelle
ciliation a, à l’instar de la citation, un effet interruptif de la prescription et ce, pour autant
que les conditions à ladite disposition soient réunies ; qu’il n’appert en revanche pas de ces
dispositions que le requérant serait, après le non-aboutissement de la phase gracieuse de la
procédure, exempté de l’obligation d’introduire la phase contentieuse de la procédure par
une citation ou par un des modes introductifs d’instance visés à l’article 700 du Code
judiciaire ; que l’invitation faite par le demandeur au greffe d’enrôler l’affaire et de la fixer
à une audience du président du tribunal siégeant en référés ne constitue pas un des modes
prévus par ledit article 700 (…) ; qu’à tort, le demandeur soutient qu’un nouvel acte de saisine ne se justifierait pas dès lors que les objets de la requête en conciliation et ce nouvel
acte seraient identiques ; que l’objet de la requête en conciliation était « de tenter de concilier les parties » alors que celui formulé actuellement devant le tribunal de céans par le
demandeur est d’ordonner à la défenderesse la diffusion du droit de réponse ».
On ne peut évidemment pas confondre la portée de la procédure gracieuse en
conciliation qui constitue, de droit et en toute matière 67, un préalable laissé quant à
son opportunité à l’appréciation des parties, avec la procédure contentieuse visant à
obtenir la condamnation par le juge de la partie appelée à comparaître en justice.
25
La conséquence de cette erreur d’appréciation est évidemment grave puisque, eu égard
au délai de prescription extrêmement court, il n’a plus été possible au demandeur de
corriger le tir et de réintroduire une nouvelle action. Or, comme le souligne à juste titre
le président du tribunal dans l’affaire précitée, « la violation de l’article 700 du Code judiciaire relevant de l’organisation judiciaire 68, les articles 860 à 867 du Code judiciaire ne
trouvent pas à s’appliquer 69 ; que le fait que les droits de la défense de la défenderesse
n’auraient pas été violés dès lors que celle-ci a comparu et a conclu ne justifie partant pas
la recevabilité d’une action qui n’a pas été introduite par citation ; que la violation de
l’article 700 du Code judiciaire est sanctionnée par l’irrecevabilité de la demande ; que la
demande du demandeur sera dès lors déclarée irrecevable ».
9
67. Pour autant que le litige oppose des parties capables de transiger et qu’il porte sur un objet susceptible
d’être réglé par transaction.
68. Le jugement cite Cass., 27 mai 1994, Pas., I, 519 et Cass., 30 octobre 1997, Pas., I, 1102.
69. Le jugement cite G. de Leval, Eléments de procédure civile, Larcier, 2003, n° 61 et G. Closset-Marchal, « Les
exceptions de nullité, fin de non-recevoir et violation des règles touchant à l’organisation judiciaire », note sous
Cass., 24 mai 1994, R.C.J.B., 1995, p. 646, nos 8-9.
417
Les actions en cessation
C. L’impossible calcul des délais 70
26
La demande de diffusion d’une réponse doit être adressée à l’organisme producteur,
par pli recommandé, au plus tard le trentième jour qui suit la date de
l’émission 71. Ce délai est prescrit à peine d’irrecevabilité de la demande 72. Il faut y
voir un délai de prescription préfix, et non un délai de procédure stricto sensu 73. En
effet, la demande de diffusion d’une réponse est formulée dans une phase
précontentieuse : aucune procédure judiciaire n’est encore introduite.
Il s’en déduit que les règles des articles 48 à 57 74 du Code judiciaire, et spécialement celle de l’article 53 qui prévoit une prorogation du délai jusqu’au premier jour
ouvrable suivant, lorsqu’il se termine un samedi, un dimanche ou un jour férié, ne sont
pas applicables au délai fixé par l’article 8 de la loi du 23 juin 1961 75.
On notera à cet égard que le projet de loi relatif au droit de réponse et au droit
d’information du 17 juillet 2000 76, prévoyait le renversement de cette règle en son
article 14 : « sauf pour les délais prévus à l’article 8 77, la computation des délais prévus
dans la présente loi est réalisée conformément aux articles 52, alinéa 1er, 53 et 54 du Code
judiciaire » 78.
70. « Si le législateur a prévu des délais précis dans lesquels le droit de réponse doit être exercé, c’est parce que l’écoulement d’un laps de temps trop long entre l’émission comportant des propos contestés et la réponse diminue considérablement l’intérêt de celle-ci. L’exercice tardif d’un droit de réponse empièterait de façon déraisonnable sur les
émissions futures ; Il s’agit de trouver un équilibre entre les droits respectifs des parties (…). Cet équilibre a été fixé par
le législateur, à travers une succession de délais à respecter par les parties respectives, enlevant de la sorte toute possibilité au président du tribunal d’interpréter [au] cas d’espèce et de balancer les intérêts particuliers en présence » (Civ.
Bruxelles (réf.), 8 septembre 2000, inédit, Fournaux/R.T.B.F., RR 2000/822/C, disponible sur www.juridat.be).
71. Loi du 23 juin 1961, art. 8, 1er tiret.
72. Si à la suite d’un premier refus de l’organisme producteur, le demandeur adresse une seconde demande
de réponse rédigée de façon telle à ce qu’elle réponde aux objections émises par l’organisme producteur pour
refuser la première demande, cette seconde demande devra elle-même être introduite dans le délai de trente
jours après la date de l’émission sous peine d’être irrecevable (Civ. Bruxelles, réf, 8 septembre 2000, inédit, Fournaux/R.T.B.F., RR 2000/822/C, disponible sur www.juridat.be).
73. Civ. Bruxelles (réf.), 8 septembre 2000, inédit, Fournaux/R.T.B.F., RR 2000/822/C, disponible sur
www.juridat.be.
74. Qui constituent le chapitre VIII (« Délais ») de la première partie du Code judiciaire.
75. F. Tulkens et M. Verdussen, op. cit, p. 91, qui insistent sur la « procédure extrajudiciaire, aux méandres fort
complexes » qui se situe en amont de la saisine présidentielle.
76. Doc. parl., Chambre, S.O. 1999-2000, n° 50 0815/001.
77. À ne pas confondre avec l’article 8 de la loi actuelle. Il s’agit dans le projet des délais dans lesquels doit
intervenir « l’insertion de la réponse », dans l’hypothèse où elle est acceptée par l’organisme producteur.
78. La même disposition est reprise dans la proposition de loi du 11 août 2003 (Doc. parl., Sénat, S.E. 2003,
3-144/1), qui pour rappel exclut de son champ d’application le droit de réponse en matière audiovisuelle. Ainsi,
si cette proposition devait connaître une suite, on risquerait de se retrouver dans une situation où les délais dans
lesquels la demande doit être introduite et dans lesquels il faut y répondre seraient soumis aux règles du Code
judiciaire pour les demandes de réponse dans la presse écrite et dans les médias issus de la société de l’information mais ne seraient pas applicables en matière audiovisuelle, sauf en région flamande (l’art. 191 des décrets
relatifs à la radiodiffusion et à la télévision, coordonnées le 4 mars 2005, reprenant presque à l’identique la texte
de l’article 15 de la proposition). On est loin de l’harmonisation tant souhaitée (voir supra, nos 5 et s.).
418
La demande de diffusion d’une réponse dans la presse audiovisuelle
Exemple I :
Si l’émission litigieuse est diffusée le 5 mai 2006, le trentième jour qui suit la date
de l’émission est le dimanche 4 juin. Le pli recommandé contenant la demande de
diffusion d’une réponse doit en conséquence être impérativement remis aux services de la poste au plus tard le samedi 3 juin 79.
27
Si la demande et le texte de la réponse proposé sont « agréés » par l’organisme producteur, la loi ne précise pas dans quel délai celui-ci doit informer le demandeur de son
acceptation. Par contre, la loi précise dans quel délai la réponse doit être diffusée 80.
28
Par contre, s’il refuse la demande ou s’il accepte celle-ci dans son principe mais formule
une contre-proposition de texte, l’organisme producteur doit communiquer 81 sa
réponse 82, par pli recommandé, dans les quatre jours ouvrables prenant cours le lendemain de la réception de la demande.
Exemple II :
Si la demande a été adressée par pli recommandé le 3 juin 2006, on peut raisonnablement considérer qu’elle sera reçue par l’organisme producteur entre le lundi 5 et
le mercredi 7 juin (personne ne pouvant déterminer avec une précision absolue le
temps que mettront exactement les services de la poste pour acheminer le pli à son
destinataire). Admettons, pour les besoins de mon exemple, que le pli est présenté
par la poste à l’organisme producteur le mardi 6 juin. L’organisme producteur doit
communiquer sa réponse au demandeur, au plus tard le lundi 12 juin (dans les
quatre jours ouvrables prenant cours le lendemain de la réception de la demande).
79. Il est possible de connaître les bureaux de poste ouverts le samedi en effectuant une recherche sur le site
de La Poste (www.laposte.be).
80. Loi du 23 juin 1961, art. 11, § 1er : « cette réponse est diffusée à l’occasion de la plus prochaine émission ou
du plus prochain programme de la même série ou du même type, à l’heure la plus proche de celle où cette émission
ou programme a eu lieu. Si la demande de réponse vise une édition périodique, le texte est inséré dans l’édition
suivante. En cas de périodicité trop éloignée, le requérant peut demander la diffusion de sa réponse dans la plus prochaine émission ».
81. À défaut d’autres précisions, il n’est pas possible de déterminer la raison d’être du choix par le législateur
des termes retenus. Il parle, s’agissant du demandeur, de l’obligation d’adresser sa demande (par pli recommandé), alors que l’organisme producteur doit, lui, communiquer sa réponse (toujours par recommandé). D’un
point de vue purement procédural, adresser et communiquer ne sont évidemment pas synonymes (voy. not. J.
Englebert, « Requiem pour l’article 745, alinéa 2, du Code judiciaire », note sous Cass., 9 décembre 2005, J.T.,
2006, pp. 4 à 9, ici p. 8, n° 8 et H. Boularbah, « Vous communiquiez ? J’en suis fort aise. Eh bien ! Déposez et
envoyez à présent », note sous Cass., 9 décembre 2005, J.L.M.B., 2006, pp. 7 et s., ici p. 11, n° 9). Il me semble
toutefois qu’ici cette distinction n’est pas de mise. S’il fallait prendre en compte la date de la remise de la décision
de l’organisme producteur au demandeur (en d’autres termes, sa communication effective), cela ne laisserait
matériellement quasi pas de temps à cet organisme pour prendre sa décision (vu le délai de quatre jours ouvrables). Il faut donc admettre que la réponse doit être adressée au demandeur dans le délai de quatre jours.
82. Étrangement, F. Jongen parle d’un « accusé de réception » que devrait envoyer l’organisme producteur dans
le délai de quatre jours, accusé de réception contenant sa contre-proposition ou son refus (F. Jongen,
« L’intervention du juge… », op. cit., p. 282, n° 12). Ce terme, à mon sens inapproprié et non repris par la loi, ne
doit pas être retenu. Il est de nature à créer d’inutiles confusions.
419
9
Les actions en cessation
29
En cas de refus de l’organisme producteur, ou s’il n’est pas d’accord sur la contre-proposition, le demandeur peut, dans les quinze jours qui suivent la notification du refus ou
de la contre-proposition, saisir le président du tribunal (ou introduire une requête en
conciliation).
Pour rappel, en cas d’action en justice, c’est la date de la signification de la citation (pour autant qu’elle soit ensuite valablement mise au rôle) qui est à prendre en
considération 83. En cas de demande en conciliation, ce sera la date de la remise de la
requête au greffe 84.
La date de la notification du refus peut également faire l’objet d’une controverse
selon qu’on lui applique mutadis mutandis 85 la jurisprudence de la Cour de cassation
qui considère que la notification (au sens du Code judiciaire) a lieu au moment de la
remise du pli judiciaire à la poste 86 ou la jurisprudence de la Cour d’arbitrage qui
estime, au contraire, qu’en cas de notification, il faut prendre en compte la date de la
réception du pli par son destinataire (en pratique il s’agit de la date de la présentation
du pli à son destinataire) 87. Le législateur a récemment tranché cette controverse en ce
qui concerne les notifications effectuées dans le cadre de procédures judiciaires, en
faveur de la solution de la réception 88.
Selon F. Jongen, dans le silence de la loi et de la jurisprudence, « la logique du
texte semble » imposer que l’on tienne compte de la date d’envoi du recommandé,
« même s’il eut été plus logique de compter le délai à dater de la réception du courrier
recommandé » 89. Vu l’extrême brièveté du délai pour agir (quinze jours), la différence
d’un (ou deux) jour(s), selon que l’on retienne l’une ou l’autre solution, peut avoir une
importance capitale.
83. Cass., 1er octobre 1990, Pas., 1991, I, 102 (jurisprudence depuis lors constante).
84. Pour rappel, par dérogation à l’article 732 du Code judiciaire, la demande en conciliation doit, en matière
de droit de réponse dans l’audiovisuel, obligatoirement être formulée par requête écrite (loi du 23 juin 1961,
art. 12, al. 2).
85. Ne s’agissant pas d’une notification judiciaire, rien ne permet de transposer purement et simplement ces
règles de procédure civile à la phase précontentieuse de demande de diffusion d’une réponse.
86. Cass., 26 novembre 2004, J.T., 2005, p. 554, avec obs. de J.-F. van Drooghenbroeck.
87. C.A., arrêt 170/2003, 17 décembre 2003, J.T., 2004, p. 46, et note de J.-Fr. van Drooghenbroeck,
« Revirement spectaculaire : détermination de la date de la notification par application de la théorie de la
réception ».
88. L’article 2 de la loi du 13 décembre 2005 portant des dispositions diverses relatives aux délais, à la requête
contradictoire et à la procédure en règlement collectif de dettes (entré en vigueur — en ce qui concerne l’art. 2 —
le 1er janvier 2006), a introduit un article 53bis dans le Code judiciaire rédigé comme suit : « A l’égard du destinataire, et sauf si la loi en dispose autrement, les délais qui commencent à courir à partir d’une notification sur support papier sont calculés depuis : 1° lorsque la notification est effectuée par pli judiciaire ou par courrier
recommandé avec accusé de réception, le premier jour qui suit celui où le pli a été présenté au domicile du destinataire, ou, le cas échéant, à sa résidence ou à son domicile élu ; 2° lorsque la notification est effectuée par pli recommandé ou par pli simple, depuis le troisième jour ouvrable qui suit celui où le pli a été remis aux services de la poste,
sauf preuve contraire du destinataire ».
89. F. Jongen, « L’intervention du juge… », op. cit., p. 282, n° 12.
420
La demande de diffusion d’une réponse dans la presse audiovisuelle
À défaut d’autres précisions, il sera prudent de prendre en compte le délai le
plus court pour éviter toute discussion et tout risque de voir la demande être déclarée
tardive et, partant, irrecevable.
Exemple III :
La notification du refus (ou de la contre-proposition) étant, dans mon exemple,
intervenue le 12 juin 2006, le délai pour saisir le président du tribunal expire le
mardi 27 juin (15e jour qui suit la date de la notification), et ce même si le demandeur n’a reçu effectivement la réponse de l’organisme producteur que le lendemain (au mieux) de l’envoi du pli recommandé (voire même plusieurs jours après).
À nouveau, si le 15e jour devait être un samedi, un dimanche ou un jour férié, il
appartiendrait au demandeur de saisir le président le dernier jour utile, soit le dernier jour ouvrable avant l’expiration du délai de 15 jours. Il n’y a pas en l’espèce
d’application possible de l’article 53 du Code judiciaire 90.
30
Plus délicate enfin est l’hypothèse où l’organisme producteur ne répond pas à la
demande. Dans ce cas (« en cas d’absence des formalités prévues » à l’article 11, §§ 2 et
3), l’action doit être introduite « dans les quinze jours à partir de la date à laquelle le
refus ou la contre-proposition de texte auraient dû être notifiés ». (loi du 23 juin 1961,
art. 12, al. 1er).
Première constatation : le législateur ne parle plus de quinze jours qui suivent la
date à laquelle le refus aurait dû être notifié, mais bien de quinze jours à partir de cette
date. Le délai d’introduction de la demande est donc amputé d’un jour par rapport à
l’hypothèse précédente.
Seconde constatation — et celle-ci est plus fondamentale encore — : cette date
(date à laquelle le refus aurait dû être notifié) est en réalité inconnue du demandeur
puisque, sauf s’il a pris soin d’envoyer sa demande par pli recommandé avec accusé de
réception, il ignore la date de la réception de sa demande par l’organisme producteur 91.
Or, l’organisme producteur doit normalement répondre dans les quatre jours qui suivent la date de la réception de la demande.
Le demandeur sera prudent en considérant que la date de réception de sa
demande est la première date utile possible (à savoir le premier jour ouvrable qui suit le
jour où il a envoyé sa demande), même si rien ne dit que c’est réellement à cette date
que sa demande a été réceptionnée.
90. S’agissant d’un délai de prescription, les articles 860 à 867 C. jud. ne sont évidemment pas applicables au
délai de 15 jours visé à l’article 12 de la loi du 23 juin 1961. En ce sens : F. Jongen, « L’intervention du juge… »,
op. cit., p. 281, n° 11 ; Civ. Bruxelles (réf.), 9 juin 1999, J.L.M.B., 2000, p. 1799 (somm.) et disponible in extenso
sur www.juridat.be ; Civ. Bruxelles (réf.), 8 septembre 2000, inédit, Fournaux/R.T.B.F., RR 2000/822/C, disponible sur www.juridat.be.
91. Il ne suffit donc pas simplement, comme le suggère F. Jongen (« L’intervention du juge… », op. cit., p. 282,
n° 12), « d’additionner des jours ouvrables — quatre — et des jours francs — quinze ». Encore faut-il déterminer
quand doit commencer le calcul des quatre jours ouvrables.
421
9
Les actions en cessation
Exemple IV :
Dans mon exemple, la demande ayant été envoyée le samedi 3 juin, elle peut être
présumée reçue par l’organisme producteur le lundi 5 juin. Dans ce cas, la réponse
aurait dû être notifiée le vendredi 9 juin. L’action doit alors être introduite au plus
tard le vendredi 23 juin 2006 (15 jours à partir du 9 juin).
Alors qu’on a vu que si la réponse est effectivement réceptionnée le 6 juin, le délai
de quatre jours ouvrables se termine le 12 juin, ce qui permet au demandeur
d’introduire son action jusqu’au plus tard le 26 juin !
31
Enfin, on peut se demander quelle date doit être prise en compte lorsque l’organisme
producteur répond (soit refuse, soit formule une contre-proposition), mais sans respecter le délai de quatre jours ouvrables. Est-on dans ce cas dans la première hypothèse
visée par l’article 12, alinéa 1er, c’est-à-dire « l’absence des formalités » (qui ouvre un
délai de quinze jours à partir de la date où le refus aurait dû être notifié 92) ou bien
faut-il considérer qu’à partir du moment où le demandeur en droit de réponse reçoit la
notification du refus (ou de la contre-proposition), il retombe dans la seconde hypothèse (quinze jours qui suivent la notification effective du refus) ? 93
Ces incertitudes malheureuses pourraient inciter les organismes producteurs à
ne pas répondre afin de ne pas prolonger, le cas échéant, le délai d’action du demandeur, ou, au contraire, à répondre sciemment hors délai pour créer la confusion quant à
la date de prise en compte du point de départ du délai 94.
Une chose semble certaine : l’absence de refus dans le délai légal de quatre jours
n’implique nullement une acceptation de la demande dans le chef de l’organisme producteur 95.
En pratique, on constate que sans aucune intention malveillante, la réponse de
l’organisme producteur peut parfois être notifiée au-delà du délai légal 96 qui est, dans
92. C’est en ce sens que se prononce le président du tribunal de première instance de Bruxelles : « Qu’il semble
donc qu’il faille assimiler le refus tardif à l’absence de refus » (Civ. Bruxelles (prés.), 7 avril 1992, J.L.M.B., 1992,
p. 1245 et note P.H., « De l’amalgame portant atteinte à l’honneur », p. 1251.
93. Si l’organisme producteur répond avant le dernier jour du délai de quatre jours, il me semble certain que
le délai de quinze jours prend cours dès la notification de cette réponse (loi du 23 juin 1961, art. 12, al. 1er).
94. F. Jongen estime que l’organisme producteur qui ne respecte pas le délai de quatre jours pour notifier sa
réponse ne pourrait pas invoquer son propre retard pour soutenir que la demande en justice introduite quinze
jour après la notification — tardive — de la réponse, serait elle-même tardive (« L’intervention du juge… », op.
cit., n° 13, pp. 282 et 283).
95. Civ. Bruxelles (prés.), 7 avril 1992, J.L.M.B., 1992, p. 1245.
96. Voy. Civ. Bruxelles (réf.), 8 septembre 2000, inédit, Fournaux/R.T.B.F., RR 2000/822/C, disponible sur
www.juridat.be, qui relève que la demande a été reçue le 19 mai 2000 (vendredi) et que le refus n’a été notifié
au demandeur que le 26 mai (vendredi) — alors qu’il aurait dû être envoyé le 25 mai. En l’espèce, le tribunal se
réfère à la date effective de la notification du refus (26 mai) et non à la date à laquelle la notification aurait dû
intervenir (25 mai), comme point de départ du délai de 15 jours. Toutefois cette question n’a pas fait l’objet de
débats dès lors que dans les deux hypothèses la demande en justice (introduite le 13 juin) était tardive.
422
La demande de diffusion d’une réponse dans la presse audiovisuelle
certains cas, matériellement trop court pour permettre une prise de décision motivée
quant à la demande de diffusion d’une réponse 97.
32
Si le législateur persiste dans son intention de réformer la législation en matière de droit
de réponse, il serait sans doute souhaitable qu’il en profite pour apporter plus de simplicité et de cohérence en matière de délais 98.
D. La saisine, par erreur, du président siégeant « en référé »
et non « comme en référé » — Conséquences
1. Position du problème
33
Il arrive, apparemment plus souvent qu’il ne le faudrait, qu’un plaideur, voulant saisir
le juge d’une action au fond, introduise sa procédure devant le président du tribunal,
97. Ainsi, après que le pli recommandé contenant la réponse soit remis à l’organisme producteur, il faut
encore qu’il parvienne au service juridique de celui-ci qui, en principe, contactera ensuite le responsable de
l’émission litigieuse afin de connaître son avis sur la demande, avant de rédiger un projet de réponse qui sera
soumis à la signature de la personne habilitée à représenter l’organisme producteur à l’égard des tiers. Dans certains cas, il n’est pas inimaginable de considérer qu’avant de répondre, l’organisme producteur estimera nécessaire de consulter son conseil. Il n’est dès lors pas déraisonnable de constater qu’une réponse motivée ne puisse
pas toujours intervenir dans le délai de quatre jours ouvrables.
98. La lecture des propositions de loi, récemment déposées ou des dispositions insérées dans les décrets coordonnés de la Région flamande, ne fait malheureusement pas apparaître un tel souci de cohérence ou de simplification. Ainsi, les décrets flamands règlent comme suit la question des délais :
« Art. 183. § 1er. L’insertion de la réponse a lieu au plus tard dans la première émission du programme après écoulement d’un délai de deux jours francs, non compris les dimanches ou jours fériés, prenant cours à la date à laquelle
la réponse est parvenue à une des personnes visées à l’article 180.
Si, dans les quinze jours de la réception de la requête, aucune émission du programme n’est prévue, la réponse doit
être diffusée, dans ce délai, à une heure d’émission accessible au public. (…).
Art. 184. § 1er. Le refus d’accéder à la requête visant l’insertion gratuite d’une réponse doit être communiqué au
requérant par lettre recommandée à la poste, dans les quatre jours de la date à laquelle la réponse est parvenue à
l’une des personnes visées à l’article 180, § 1er, et au plus tard le jour où l’insertion aurait dû avoir lieu conformément
à l’article 183. (…).
§ 2. Dans le délai prévu au § 1er et selon les mêmes modalités, une contre-proposition de réponse peut être formulée
par une des personnes visées à l’article 180, § 1er. Si le requérant ne réagit pas dans les 15 jours de la contre-proposition, celle-ci est réputée acceptée. (…).
Art. 185.(…) toutes contestations résultant du présent titre sont de la compétence exclusive du président du tribunal
de première instance, siégeant comme en référé.
Le demandeur saisit le président du tribunal de première instance dans un délai d’un mois à compter de la date à
laquelle, conformément aux dispositions du présent décret, la réponse aurait dû être insérée ou de la date à laquelle
le refus d’insérer a été porté à la connaissance de la personne qui a signé la requête, la contre-proposition a été refusée ou dans le mois de la date à laquelle une insertion non conforme aux dispositions du présent décret a été insérée.
(…) ».
Les articles 11 et 12 de la dernière proposition en date (Proposition de loi relative au droit de réponse et au droit
d’information, Doc. parl., Sénat, S.E. 2003, 3-144/1), déposée au Sénat le 11 août 2003 par H. Vandenberghe,
reprennent à peu de choses près, les mêmes règles que celles retenues par le texte flamand.
423
9
Les actions en cessation
siégeant en référé. Le fait est assez rare, mais pas inexistant, lorsque le siège normalement compétent pour connaître de la demande est une chambre « normale » du tribunal. On retiendra, pour l’anecdote, l’exemple de l’action en annulation d’une sentence
arbitrale introduite, non pas comme le prévoit l’article 1704 du Code judiciaire « devant
le tribunal de première instance », mais devant le président de ce tribunal, siégeant en
référé 99. Par contre, le fait est plus fréquent lorsqu’il s’agit de litiges relevant la compétence de pleine juridiction du président du tribunal de première instance.
En effet, à côté de sa compétence spéciale, permettant au président du tribunal
de statuer au provisoire, en toute matière, lorsqu’il reconnaît l’urgence, compétence qu’il
exerce sous la dénomination de juge des référés, dès lors que l’article 584 du Code judiciaire nous précise que dans ce cas, il est saisi « par voie de référé », le président du tribunal est compétent, au fond cette fois-ci, dans le cadre d’une compétence de pleine
juridiction, pour connaître d’une multitude d’autres demandes, notamment — mais pas
exclusivement — celles visées aux articles 585 à 587 100 du Code judiciaire. Dans certains cas, le législateur précise que ces demandes au fond seront traitées (« introduites »
et « instruites ») dans les formes du référé, c’est-à-dire qu’elles bénéficieront du traitement procédural plus rapide réservé aux actions en référé (délai de citation de deux
jours, mise en état accélérée, fixations à dates rapprochées, jugement exécutoire de
plein droit, etc.) 101.
Les actions relevant de la compétence présidentielle de pleine juridiction qui
s’introduisent par requête unilatérale 102 ne posent, en pratique, pas de problème.
N’étant pas traitées en audience publique, aucune confusion n’est possible avec la procédure en référé. Il n’en va, par contre, pas de même pour les procédures contradictoires soumises au régime procédural du référé. En effet, au sein de la plupart des
tribunaux, le président du tribunal siège au cours d’une même audience, tant « en
référé » que « comme en référé ». En d’autres termes, sauf exception 103, au cours d’une
même audience, généralement appelée « l’audience des référés », le président siègera
selon les affaires qui lui sont soumises, au provisoire et sous le bénéfice de l’urgence, en
référé, mais également — accessoirement — au fond, comme en référé. Ce qui est évidemment de nature à créer la confusion.
99. Cass., 11 mai 1990, Pas., 1990, I, 1045 ; Civ. Bruxelles (réf.), 15 décembre 1995, inédit, Buy My Record/
Verso, RR n° 95/1669/c.
100. Voyez Ch. Dalcq, « Les actions ‘comme en référé’ », op. cit., pp. 145 et s.
101. C’est ce que prévoit le second alinéa de l’art. 587 C. jud. On relèvera toutefois que la compétence du président du tribunal de première instance en matière de droit de réponse n’est pas visée par les art. 585 à 587 C.
jud.
102. Par ex. : la demande d’envoi en possession formée par le légataire universel, la demande d’exequatur
d’une sentence arbitrale, etc.
103. Une exception notoire est établie au sein du tribunal de commerce de Bruxelles dont le règlement prévoit
d’une part des audience de référés, au cours desquelles le président du tribunal siège au provisoire et d’autre
part des audiences distinctes en cessation, où le président siège au fond.
424
La demande de diffusion d’une réponse dans la presse audiovisuelle
Ces erreurs d’aiguillage suscitent la controverse en doctrine quant aux conséquences qu’il convient d’en tirer et donnent lieu, en jurisprudence, à des décisions en
sens divers. Cette question concerne évidemment l’ensemble des procédures « comme
en référé ». Toutefois, le contentieux du droit de réponse dans l’audiovisuel ayant
donné lieu à une jurisprudence relativement abondante à ce sujet, il m’a semblé nécessaire de faire ici le point sur cette controverse 104.
34
En pratique, plusieurs cas de figure se rencontrent. Le plus classique est celui de la citation manifestement fondée sur l’article 12 de la loi relative au droit de réponse, par le
biais de laquelle le demandeur développe, sans invoquer une urgence particulière, des
arguments au fond en vue d’obtenir une mesure définitive (et non provisoire) à l’encontre de l’organisme diffuseur de l’émission litigieuse, mais qui porte comme intitulé
« citation en référé » au lieu de « citation comme en référé », et qui cite le défendeur à
comparaître devant le président du tribunal « siégeant en référé » et non devant le
même magistrat mais « siégeant comme en référé ».
Si le défendeur conteste la validité de la procédure, estimant qu’au sein du tribunal, ce n’est pas le bon juge qui a été saisi, le demandeur peut être tenté de soutenir
qu’il s’agit d’une simple erreur matérielle, une erreur « de plume », et qu’il est en conséquence évident que c’est le président siégeant comme en référé qui a été saisi de la
cause (au fond) et non le juge des référés (au provisoire).
C’est en ce sens que le président du tribunal de première instance de Bruxelles a
tranché la question, dans un jugement du 10 septembre 1997 105 : « Que la seule erreur
matérielle commise par l’huissier de justice est d’avoir ajouté dans la citation ‘siégeant en
référé’ après avoir précisé que la partie défenderesse était citée à comparaître devant le
président du tribunal, au lieu d’avoir précisé ‘siégeant selon les formes des référés’ ou
‘comme en référé’ ; Que, compte tenu des éléments autres de la citation 106, la rédaction
imprécise de l’huissier de justice ne peut avoir induit en erreur la partie défenderesse (…) ».
Cette façon de traiter la question n’est, à mon sens, pas satisfaisante. Le problème qui se pose est en réalité un problème de saisine du tribunal. Ce n’est qu’en soulevant un incident de répartition 107, conformément à l’article 88, § 2, du Code
104. Certains estimeront sans doute qu’il s’agit d’un problème mineur qui ne mériterait pas de susciter de telles
controverses (F. Jongen parle d’une « erreur légère », « L’intervention du juge… », op. cit., p. 284). Touchant en
réalité à la saisine du juge, qui relève de l’ordre public, il convient à mon sens, au contraire, de traiter cette question avec rigueur. La nature exacte de la décision rendue par le juge en dépend.
105. Civ. Bruxelles (prés.), 10 septembre 1997, J.L.M.B., 1999, pp. 893 à 895.
106. En l’espèce, le tribunal relevait que la partie demanderesse avait, sans équivoque, basé sa demande sur
l’article 12 de la loi relative au droit de réponse et que si elle avait été fixée à une audience « des référés », c’est
au motif que le règlement du tribunal ne prévoit pas d’audience particulière pour les actions « comme en référé »
(p. 894).
107. On relèvera toutefois que dans l’affaire ayant donné lieu au jugement du 10 septembre 1997, le défendeur n’avait pas soulevé un incident de répartition mais avait opposé une exception d’irrecevabilité de la
demande.
425
9
Les actions en cessation
judiciaire 108, que ce problème pourra être résolu utilement et complètement. Pour des
raisons que je ne m’explique pas, les présidents répugnent toutefois, dans leur grande
majorité, à traiter de cette façon le problème. Les voies qu’ils empruntent, pour tenter
d’échapper à l’incident de répartition, me paraissent toutes critiquables et doivent être
rejetées.
2. La saisine erronée du juge des référés constitue bien un incident
de répartition
35
Quelques semaines après la décision précitée, le même problème se posa à nouveau au
président du tribunal de première instance de Bruxelles. Cette fois-ci, la partie défenderesse souleva un incident de répartition.
À tort, à mon sens, le président estima, par une ordonnance du 2 octobre
1997 109, qu’il n’y avait pas matière à incident de répartition au motif « qu’il ne s’agit
pas d’un problème de répartition d’une affaire entre les sections, les chambres ou les juges
d’un même tribunal de première instance », puisque « dans les deux cas, c’est le président
du tribunal ou le juge qui le remplace qui doit connaître de l’affaire ».
Si ce dernier constat est formellement exact, le fait que ce soit le même magistrat (en l’espèce le président du tribunal) qui connaît de la demande « en référé » ou de
la demande « comme en référé », n’empêche pas que se pose effectivement un problème de répartition entre deux juges d’un même tribunal : d’un côté, il s’agit du président siégeant dans le cadre de ses compétences de pleine juridiction, au fond ; de
l’autre, il s’agit du président siégeant au provisoire, « en référé », sous le bénéfice de
l’urgence.
Si c’est bien le même organe du tribunal (« le président »), c’est à des titres différents et en vertu de pouvoirs distincts qu’il peut connaître tantôt d’une action au fond,
tantôt d’une action en référé.
36
Il a été jugé, à juste titre, que le juge des référés doit être considéré comme constituant
une chambre du tribunal de première instance et, dès lors, que l’article 88, alinéa 2, du
Code judiciaire lui était applicable 110.
108. Et non une exception d’incompétence qui ne pourrait concerner qu’un conflit de juridiction entre deux
tribunaux différents.
109. Civ. Bruxelles (réf.), 2 octobre 1997, J.L.M.B., 1999, pp. 895 à 897.
110. Civ. Arlon (réf.), 9 août 1988, J.L.M.B., 1989, p. 331 (somm.) ; civ. Bruxelles (réf.), 28 mars 2000, J.L.M.B.,
2000, p. 1800 (somm.) ; civ. Bruxelles (réf.), 11 janvier 2002, inédit, RR n° 2001/1839/C, www.juridat.be : « Il
doit être admis que le juge des référés, comme tout siège du tribunal de première instance, doit appliquer les règles
du renvoi lorsqu’il n’est pas compétent pour statuer sur une demande. Ce renvoi se fera sur base de l’article 660 du
Code judiciaire si le juge compétent est extérieur au tribunal et sur base de l’article 88, § 2 du Code judiciaire, s’il
s’agit d’un incident de répartition au sein du même tribunal ».
426
La demande de diffusion d’une réponse dans la presse audiovisuelle
A. Fettweis 111 explique d’ailleurs que l’article 88, § 2, du Code judiciaire a été
introduit pour tenir compte, notamment, de l’hypothèse « où la compétence du président
du tribunal de première instance est contestée parce que la demande n’est pas urgente, ou
parce qu’elle n’est pas susceptible de décision au provisoire alors que la juridiction compétente est un des autres sièges de son tribunal » 112. C’est également en ce sens que se prononce G. de Leval 113, analysant les arrêts de la Cour de cassation du 11 mais 1990 : si
« le demandeur n’invoque pas l’urgence tout en s’adressant au juge des référés. Il peut
s’agir d’une erreur dans la désignation du magistrat compétent (…). Puisque l’urgence
n’était pas alléguée et qu’il pouvait y avoir matière à renvoi, il faut en déduire que pouvait
surgir un incident de compétence, voire même, au sein du tribunal, un incident de répartition (…). Ainsi, une demande mal aiguillée en référé parce que l’urgence n’est pas invoquée, peut-être réorientée suivant le droit commun des règles applicables en matière
d’incident de répartition ou de compétence » 114.
3. Le juge des référés doit appliquer strictement l’article 88, §2,
du Code judiciaire même si, dans les deux cas, la cause doit être
distribuée au président du tribunal
37
S’il apparaît que c’est le juge des référés qui a été saisi de la demande 115 et que la cause
a été inscrite au rôle particulier des causes introduites en référé, mais qu’il ressort de
111. A. Fettweis, « Une disposition légale souvent méconnue : l’article 88, § 2, du Code judiciaire », in Mélanges
en hommage au professeur Jean Baugniet, Fac. Droit U.L.B., 1976, pp. 263 et s., ici p. 268. L’auteur critique
d’ailleurs le fait que « dans un domaine particulier, celui des référés, il semble bien que les incidents de compétence
sont toujours tranchés en faisant abstraction de l’existence de l’article 88, § 2 » (p. 275).
112. En ce sens également, H. Boularbah, « L’introduction de l’instance… », op. cit., p. 72, n° 24.
113. G. de Leval, « Le référé en droit judiciaire privé », Act. Dr., 1992, p. 870.
114. Contra : P. Marchal, Les référés, Larcier, 1992, p. 53, qui estime que « c’est au juge des référés, et à lui seul,
qu’il appartient de vérifier si l’urgence est alléguée, et par conséquent, de statuer sur le déclinatoire ». L’auteur précise
que cette solution se justifierait « par le caractère autonome de l’instance en référé, qui fait que les incidents de compétence se rattachant à cette instance ne peuvent être considérés et réglés comme les incidents de répartition visés à
l’article 88, § 2 ». Étrangement, à l’appui de sa thèse, P. Marchal invoque l’arrêt de la Cour de cassation du 11 mai
1990 (seconde espèce, Pas., 1990, I, 1050) qui vise un cas où le juge des référés ne reconnaît pas l’urgence de la
demande alors que celle-ci était expressément invoquée en citation. Pour rappel, dans ce cas la Cour de cassation
précise que le juge est compétent pour connaître de la demande (puisque sa compétence se détermine en fonction
de l’objet de la demande tel que formulé dans l’acte introductif d’instance), mais qu’après avoir constaté que
l’urgence invoquée n’existe pas, il doit déclarer la demande non fondée. Ce faisant, il épuise totalement sa juridiction et il ne peut donc pas être question d’appliquer, dans ce cas, l’article 88, § 2, C. jud. Par contre, dans l’autre
arrêt rendu le même jour par la Cour de cassation sur cette question (première espèce, Pas., 1990, I, 1045), la Cour
constate que lorsque l’urgence n’est pas invoquée en citation, le juge des référés constatant l’absence d’urgence
ne peut pas déclarer la demande irrecevable ou non fondée et que ce faisant, il violerait l’article 9 C. jud. Il se
déduit de ce second arrêt de la Cour de cassation que, dans cette hypothèse, une exception d’incompétence ou
un incident de répartition doit bien être soulevé. Plus étrangement encore, P. Marchal se réfère expressément à
l’appui de sa position à l’enseignement précité de G. de Leval, qui va pourtant en sens contraire.
115. C’est-à-dire que le défendeur a été cité à comparaître devant le président du tribunal siégeant en référé
et non « comme en référé ».
427
9
Les actions en cessation
l’objet de la demande tel que libellé dans l’acte introductif d’instance que celle-ci ne
constitue pas une demande en référé, au provisoire et sous le bénéfice de l’urgence,
mais bien une demande au fond en exécution de l’article 12 de la loi relative au droit
de réponse, et pour autant qu’un incident de répartition soit soulevé in limine litis par
une des parties ou d’office par le juge à l’ouverture des débats, il appartiendra au juge
des référés de soumettre « le dossier au président du tribunal aux fins de décider s’il y a
lieu de modifier l’attribution de l’affaire ».
L’article 88, § 2, du Code judiciaire est une disposition d’ordre public 116. « Dès
qu’un incident de répartition est soulevé, quelle qu’en soit la nature, le renvoi du président
est obligatoire » 117.
38
Contrairement à ce qui est souvent décidé 118, lorsqu’il reconnaît qu’il y a bien incident
de répartition, le juge des référés ne peut pas, motu proprio, par une seule et même
décision, qui serait nécessairement rendue en référé, se redistribuer la cause en sa qualité, non plus de juge des référés, mais de président du tribunal 119.
C’est ce qu’a très justement relevé le président du tribunal de première instance
de Bruxelles, siégeant en référé, dans une ordonnance du 28 mars 2000 120. Bien que
constatant que certaines décisions « mettent en évidence le caractère paradoxal, sinon
aberrant et en tout cas peu pragmatique ou efficace, d’une décision prononcée par le président du tribunal de première instance siégeant en référé qui renverrait, par application de
l’article 88, § 2, du Code judiciaire, au président du tribunal de première instance une cause
116. Bruxelles, 27 novembre 1974, R.W., 1974-1975, col. 2345 ; A. Fettweis, « Une disposition légale… », op.
cit., p. 271.
117. A. Fettweis, « Une disposition légale… », op. cit., p. 271.
118. Civ. Bruxelles (prés.) 27 avril 1999, J.L.M.B., 1999, p. 897 ; civ. Bruxelles (réf.), 11 janvier 2002, inédit, RR
n° 2001/1839/C, www.juridat.be. Dans cette dernière décision, par un lapsus, comme toujours révélateur, le
magistrat précise que « le juge des référés faisant fonction de président du tribunal, il est en outre lui-même compétent pour régler l’incident [de répartition] par une ordonnance basée sur l’article 88, § 2 du Code judiciaire ». Il me
semble abusif de prétendre que le juge des référés fait fonction de président du tribunal. C’est plus exactement
le président du tribunal qui fait fonction de juge des référés. Le magistrat poursuit : « si le juge des référés peut
renvoyer une cause devant un juge du fond soit d’une autre chambre de son tribunal, soit d’un autre tribunal,
lorsqu’il estime que la demande ne relève pas de sa compétence particulière au provisoire pour les causes urgentes,
a fortiori, il doit pouvoir statuer lui-même comme juge du fond sur une cause erronément introduite au rôle particulier des référés, soit après avoir « régularisé » sa saisine par simple ordonnance fondée sur l’article 88 § 2 du Code
judiciaire, soit même directement sans une telle ordonnance, si l’incident n’est pas soulevé avant tout examen de
l’affaire ».
119. En ce sens, H. Boularbah, « L’introduction de l’instance… », op. cit., p. 72, not. note (79) ; Si A. Fettweis
admet que le président ne doive pas « se renvoyer à lui-même » un dossier, c’est à condition qu’il s’agisse bien du
président (et non d’un juge faisant fonction) qui siège à l’audience des référés (« éventualité fréquente dans les
petits tribunaux, plus rare dans ceux des grandes agglomérations »). Mais, même dans ce cas, précise l’auteur, « il
reste que le président doit postposer sa décision pour permettre aux parties de déposer dans les huit jours un mémoire
au dossier de la procédure. Il faut aussi que le procureur du Roi fasse connaître son sentiment par écrit » (« Une disposition légale… », op. cit., p. 279).
120. Civ. Bruxelles (réf.), 28 mars 2000, inédit, RR 99/1805/C, disponible sur www.juridat.be.
428
La demande de diffusion d’une réponse dans la presse audiovisuelle
en vue de sa redistribution au président du tribunal de première instance siégeant comme
en référé », la décision précise que « si la solution du règlement ‘immédiat’ de l’incident de
répartition a le mérite évident d’être simple et rapide, elle ne peut en l’espèce être
retenue ». Le magistrat relève en effet « que dès lors que la partie défenderesse soulève
avant tout autre moyen un incident de répartition, l’article 88, § 2, du Code judiciaire prévoit que ‘la section, la chambre ou le juge soumet le dossier au président du tribunal aux
fins de décider s’il y a lieu de modifier l’attribution de l’affaire’ ; que cette disposition ne
contient aucune exception au cas où un tel incident est soulevé devant le président du tribunal siégeant en référé ; qu’au surplus, le règlement d’un incident de répartition suppose
le respect de certaines formalités telles que l’information des parties par le greffier, la possibilité pour celles-ci de déposer un mémoire, l’avis du procureur du Roi et la communication de l’ordonnance au procureur général près de la cour d’appel ; que le règlement ‘direct’
de l’incident de répartition ne permet pas l’accomplissement de ces formalités nullement
accessoires ». Le magistrat conclut que « le juge des référés, compétent pour statuer au
provisoire et en premier ressort dans les cas dont il reconnaît l’urgence ne pourrait valablement, sous le couvert du pragmatisme, se transformer par simple ordonnance de référé en
juge de pleine juridiction définitive, c’est-à-dire statuant au fond et en dernier ressort ».
Par cette décision, le président du tribunal de première instance de Bruxelles siégeant en référé soumet donc le dossier au président du tribunal en application de
l’article 88, § 2 121.
4. À défaut de régler l’incident de répartition, un problème
de saisine se pose
39
Si le juge des référés estime qu’il n’y a pas matière à incident de répartition, un problème de saisine persiste : « que la question qui se pose en réalité est une question d’étendue de notre saisine : l’action est-elle fondée sur l’article 584 du Code judiciaire — auquel
cas le président statue en premier ressort à condition qu’il reconnaisse l’urgence de la
demande 122 — ou l’action est-elle fondée sur l’article 12 de la loi du 23 juin 1961 relative
121. De façon difficilement compréhensible, la décision rendue ensuite, sur la base de l’article 88, § 2, C. jud.
(civ. Bruxelles (prés.), 3 mai 2000, inédit — ordonnance rendue en l’espèce par un autre magistrat que celui qui
avait prononcé la décision du 28 mars 2000) va, sans la moindre motivation, estimer que « conformément à
l’article 12 de la loi du 23 juin 1961 complétée par la loi du 4 mars 1977, c’est le président siégeant comme en référé
qui connaît des demandes de diffusion d’un droit de réponse en matière audiovisuelle ; qu’en l’espèce, il ne s’agit dès
lors pas d’un problème de distribution entre juge, chambre ou section d’un même tribunal comme le règle l’article 88,
§ 2 du Code judiciaire, mais bien d’un problème de compétence ; qu’il appartient au juge saisi de statuer sur celleci », pour décider que « la cause restera attribuée au président siégeant en référé ». Le juge des référés, qui fut
ressaisi de la demande en diffusion de droit de réponse après l’ordonnance de renvoi, ne put que constater son
incompétence rationae materiae pour connaître de la demande, sans toutefois pouvoir renvoyer la cause au juge
compétent puisque conformément au dernier alinéa de l’article 88, §2, C. jud., « la décision lie le juge auquel la
demande est renvoyée » (civ. Bruxelles (réf.), 19 juin 2000, inédit).
122. Et, quoique le juge ne le précise pas, son caractère provisoire.
429
9
Les actions en cessation
au droit de réponse — auquel cas le président du tribunal statue en dernier
ressort 123 » 124.
Plusieurs décisions, procédant à une analyse de la citation et de l’objet de la
demande, estiment sur la base de ce constat, qu’en réalité la saisine du président s’est
bien effectuée au fond, en vertu de la loi relative au droit de réponse, et qu’il n’y a
donc pas matière à incident de répartition.
40
Cette façon de procéder pose néanmoins un autre problème : celui de la mise au rôle de
la cause.
En effet, une particularité distingue les actions introduites au fond de celles
introduites en référé. Toute action introduite au fond doit être inscrite au rôle général
du tribunal (art. 711 C. jud.), alors que les actions en référé, sont inscrites dans un registre particulier (art. 712 C. jud.). Outre cette distinction de rôle, les montants des droits
de greffe à payer au moment de la mise au rôle, diffèrent également : les actions en
référé, qui bénéficiaient jusqu’en 1994 d’une exemption totale, sont depuis lors soumises à un tarif préférentiel.
Les actions introduites « par erreur » devant le président siégeant au provisoire,
en référé et non devant le président siégeant au fond, comme en référé, sont très généralement inscrites au rôle particulier des référés et seul le tarif réduit des droits de
greffe est acquitté.
Or, les affaires introduites « comme en référé » doivent être inscrites au rôle
général.
Contrairement à ce qu’estime la jurisprudence, cette mise au rôle imparfaite a,
sur la régularité de la procédure, des conséquence redoutables : la citation qui n’est pas
valablement mise au rôle général au plus tard la veille de l’audience est de nul effet.
Dans un arrêt du 14 septembre 1994, resté étonnamment inédit 125, la cour
d’appel de Bruxelles confirme que les demandes introduites comme en référé, « en
cessation », doivent bien être inscrites au rôle général : « qu’il ressort d’une lecture combinée des articles 711 et 712 du Code judiciaire, que les demandes en référé et les demandes
sur requête sont inscrites à des rôles particuliers, tandis que les autres causes sont inscrites
au rôle général ; que la demande en cessation n’est pas une demande en référé et n’est également pas une demande sur requête, mais constitue bel et bien une demande au fond 126
et elle doit dès lors être inscrite au rôle général ».
123. Et au fond.
124. Civ. Bruxelles (réf.), 2 octobre 1997, J.L.M.B., 1999, p. 896 ; en ce sens également, civ. Bruxelles (réf.),
11 janvier 2002, déjà cité, www.juridat.be.
125. Cet arrêt faisant parfaitement le point sur ces questions, il m’a paru utile de le reproduire in extenso. Le
lecteur trouvera en conséquence le texte de cet arrêt en annexe II à la présente note.
126. L’arrêt cite un arrêt de la Cour de cassation du 15 décembre 1978 (Pas., 1979, I, 460).
430
La demande de diffusion d’une réponse dans la presse audiovisuelle
Cet arrêt, notamment en ce qu’il affirme que les actions en cessation doivent
être inscrites au rôle général, a fait l’objet de vives critiques de la part de J.-Fr. van
Drooghenbroeck 127, estimant que si la loi prévoit que ces causes sont introduites et instruites selon les formes du référé, elles doivent aussi être inscrites au rôle comme les
demandes en référé.
Je ne partage pas cette analyse.
41
La façon dont une affaire est introduite et instruite en référé est réglée par les articles 1035
à 1041 du Code judiciaire, qui constituent le Titre VI (du Livre II) du Code judiciaire, intitulé précisément « Introduction et instruction de la demande en référé ». Aucune de ces dispositions n’évoque la question de la mise au rôle de la demande en référé.
Les formalités relatives à l’inscription au rôle des demandes sont exclusivement
traitées par les articles 711 à 717 du Code judiciaire, ainsi que par l’article 1060 en ce
qui concerne la procédure en appel. Il s’agit de dispositions d’ordre public puisque « la
tenue des rôles relève autant de la procédure civile que de l’organisation judiciaire » 128.
Toute cause introduite devant une juridiction est inscrite au rôle général de
celle-ci à l’exclusion des demandes « en référé » et des demandes « sur requête », qui
sont inscrites sur des rôles particuliers 129. L’inscription d’une affaire au rôle particulier
des référés constitue donc une exception au principe général de l’inscription des causes
au rôle général.
Chaque inscription au rôle général doit mentionner, notamment, le droit de
greffe perçu au moment de l’inscription 130. Dans sa version originale, l’article 268, 1°,
du Code des droits d’enregistrement ne soumettait au paiement d’un droit de greffe que
les seules inscriptions portées au rôle général et au registre des requêtes. Aucun droit de
rôle n’était dû pour les demandes introduites en référé. Cette immunité fiscale des
actions introduites en référé a été supprimée par l’article 7 de la loi programme
du 24 décembre 1993 131. L’article 10 de la même loi programme introduisant
un article 269, 3°, dans le Code des droits d’enregistrement, a toutefois maintenu un
régime préférentiel pour les procédures en référé par rapport aux procédures introduites au fond 132.
127. J.-Fr. van Drooghenbroeck, « L’inscription de l’action en cessation, formée et instruite selon les formes du
référé : quand la mise au rôle appelle une mise au point… », R.D.C., 1995, pp. 272 à 279.
128. Ch. Van Reepinghen, Rapport sur la réforme judiciaire, éd. Moniteur, 1966, p. 279.
129. Article 712 C. jud.
130. Article 711, 4°, C. jud.
131. Qui a intégré les inscriptions au registre des demandes en référé dans l’article 268, 1° du Code des droits
d’enregistrement, d’hypothèque et de greffe.
132. Le montant dû en référé était fixé à 2.500 francs au lieu de 3.000 francs pour les demandes inscrites au
rôle général du tribunal de première instance et du tribunal de commerce. À dater du 1 er janvier 1995, ces montants ont été respectivement portés à 2.800 et 3.300 francs. En appel, le droit de rôle pour les affaires introduites
au fond est depuis le 1er janvier 1995 fixé à 7.500 francs. Il est réduit à 5.600 francs pour les appels introduits
contre les décisions rendues en référé.
431
9
Les actions en cessation
Il est unanimement admis que lorsque le juge des référés est saisi dans le cadre
d’une procédure « comme en référé », il est saisi au fond 133. Il est par ailleurs constant
qu’à aucun moment le législateur n’a précisé, en instaurant les procédures « comme en
référé » — et l’occasion s’est présentée à de très nombreuses reprises — que les causes
introduites au fond mais bénéficiant des règles régissant l’introduction et l’instruction
de la demande en référé, devaient être inscrites au registre particulier des référés et non
au rôle général. Au contraire, dans une circulaire ministérielle du 15 juin 1972 134, le
ministre des Finances invite les greffes à faire une application restrictive de l’exonération fiscale existant à l’époque en faveur des actions introduites en référé et préconise
en conséquence l’inscription des actions introduites « comme en référé » au rôle général
avec pour conséquence que le droit de greffe à acquitter est bien celui applicable aux
actions introduites au fond.
Outre le fait que l’inscription au rôle particulier des référés est une exception à
la règle de droit commun de l’inscription au rôle général, elle constitue également une
dérogation fiscale au paiement des droits ‘pleins’ de mise au rôle. Dérogatoire au droit
commun fixé par une règle d’organisation judiciaire d’ordre public et à un régime fiscal,
également d’ordre public, l’inscription au registre particulier des référés ne peut bénéficier que d’une interprétation restrictive.
42
La demande en droit de réponse en audiovisuel, comme l’ensemble des actions en cessation, n’étant pas introduite « en référé » au provisoire, mais « comme en référé » au fond,
rien dans les textes légaux précités ne permet de soutenir que ces actions devraient être
inscrites non pas au rôle général mais au registre particulier des demandes introduites
en référé.
Le fait que l’article 100 de la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce, par exemple, précise que l’action en cessation est « formée et instruite selon les
formes du référé » ne me semble pas justifier une solution contraire.
Selon G. Closset-Marchal, « le principe est que les actions sont formées selon les
formes du référé (article 100 L. 14 juillet 1991 ; 109 L. 12 juin 1991 ; 22, §1er L. 4 décembre
1990 ; 8 L. 21 octobre 1992 et 3 L. 12 janvier 1993), application doit dès lors être faite des
articles 1035 et 1036 du Code judiciaire (…) » 135. L’auteur ne fait aucune référence aux
articles 711 et suivants du Code judiciaire.
Et même si l’on pouvait déduire le principe de l’inscription des actions en cessation au rôle des référés d’une formulation générale telle qu’utilisée par les législations
précitées, encore faudrait-il constater que cet argument de texte n’est pas transposable
à l’action en droit de réponse. En effet, à l’inverse des textes cités ci-dessus, la loi du
23 juin 1961 ne précise pas que la demande en droit de réponse serait introduite et ins133. Cass., 15 décembre 1978, Pas., 1979, I, 460 ; J. van Compernolle, « La rançon d’un succès… », op. cit.,
p. 218, n° 21.
134. Circulaire traitant de l’article 5 de l’arrêté royal du 13 décembre 1968, Vade-mecum à l’usage des greffes,
annexe relative à la perception des droits de greffe, p. 1/65-1/66, § 44.
135. G. Closset-Marchal, « Eléments communs … », op. cit., p. 27 n° 31.
432
La demande de diffusion d’une réponse dans la presse audiovisuelle
truite selon les formes du référé, mais au contraire que « le président du tribunal de première instance, siégeant comme juge unique, statue au fond et en dernier ressort selon la
procédure prévue aux articles 1035, 1036, 1038 et 1041 du Code judiciaire » 136. Cette
énonciation limitative des articles applicables à la procédure en droit de réponse, exclut
de façon explicite et certaine toute dérogation à l’article 711 du Code judiciaire.
43
En conséquence, les articles 716 et 717 du Code judiciaire sont applicables à la mise au
rôle des causes introduites « comme en référés ». Le caractère objectivement urgent 137
de la demande en diffusion d’une réponse dans l’audiovisuel (comme de l’ensemble des
actions « comme en référé ») ne s’oppose pas cette solution. Le délai de citation réduit à
deux jours francs permet le respect de l’obligation d’inscrire la cause au rôle général au
plus tard la veille de l’audience d’introduction. Et si une urgence particulière devait justifier une abréviation du délai de citer, encore le demandeur pourrait-il bénéficier de la
dérogation prévue à l’article 716, alinéa 3, du Code judiciaire, qui permet au président
de la chambre saisie « d’autoriser l’inscription le jour de l’audience pour autant que cette
inscription soit demandée avant le début de l’audience » 138.
Il me semble dès lors tout à fait exagéré de prétendre que l’essence même des
procédures « comme en référé » serait menacée par l’exigence d’une inscription de la
cause au rôle général, conforme aux articles 711 et 716 du Code judiciaire 139. On relèvera par ailleurs « qu’en pratique, les actions comme en référé ne sont pas inscrites au rôle
particulier des référés, mais bien au rôle général et donnent lieu à la perception du droit de
mise au rôle ‘plein’, sans bénéficier du régime de faveur prévu pour les actions ordinaires
en référé » 140, sans que cela ne semble nullement perturber exagérément le contentieux
« comme en référé ».
Dès lors qu’il est acquis que la demande en diffusion d’une réponse dans l’audiovisuel doit être inscrite au rôle général, il convient d’apprécier l’incidence de cette exigence sur l’erreur de saisine décrite ci-dessus.
5. La non inscription de la cause au rôle général empêche
la saisine du juge — La citation est de nul effet
44
Confronté à des inscriptions de la cause au mauvais rôle avec en conséquence un paiement incomplet des droits de greffe, le président du tribunal de première instance de
Bruxelles s’est montré aussi hésitant pour régler cette question que sur la façon qu’il
convenait de trancher l’incident de répartition.
136. Loi du 23 juin 1961, article 12, al. 3.
137. J.-Fr. van Drooghenbroeck, « L’inscription de l’action en cessation… », op. cit., p. 276.
138. Selon Ch. Dalcq, « il nous semble que l’urgence pourrait, selon les cas, constituer un tel motif, particulièrement
lorsque la procédure a été précédée d’une ordonnance abréviative de délai de citation », « Les actions ‘comme en
référés’ », op. cit., p. 176.
139. Contra : J.-F. van Drooghenbroeck, « L’inscription de l’action en cessation… », op. cit., p. 273.
140. Ch. Dalcq, op. cit., p. 176 ; en ce sens, Civ. Bruxelles (prés.), 27 avril 1999, J.L.M.B., 1999, p. 897 ; Comm.
Namur, 30 septembre 1998, J.T., p. 139.
433
9
Les actions en cessation
Dans sa décision, déjà citée, du 2 octobre 1997 141, le président du tribunal de
première instance de Bruxelles relève, après avoir décidé que sa saisine était bien intervenue au fond, qu’il y avait lieu, « dans le chef de la demanderesse, de régulariser le droit
de rôle, un montant insuffisant lui ayant été réclamé par le greffe » 142. Étrangement, ce
constat étant fait, le juge ne sursoit pas à statuer avant que la régularisation n’intervienne. En outre, il ne tire aucune conséquence de ce constat dans son dispositif. En
d’autres termes, il ne condamne pas le demandeur à régulariser le paiement des droits
de rôle. Je vois d’ailleurs mal qui aurait pu poursuivre l’exécution forcée du jugement
sur ce point si d’aventure le demandeur ne procédait pas volontairement, après le prononcé du jugement, à la régularisation de ces droits.
Dans son jugement, déjà cité, du 27 avril 1999 143, le président du tribunal de
première instance de Bruxelles, après avoir estimé qu’il pouvait régler motu proprio
l’incident de répartition 144, considère qu’il convient toutefois de vérifier si la cause a
été inscrite au rôle particulier des référés ou au rôle général, tout en précisant que « si
l’inscription de la cause au rôle particulier des référés n’a aucune incidence sur l’organisation du service, dans la mesure où de toute façon elle sera inscrite au rôle d’une audience
des référés, elle a, par contre, fait l’objet vraisemblablement d’une perception irrégulière
des droits fiscaux ». Après avoir relevé que « cette matière est d’ordre public », le président estime qu’il lui incombe « de vérifier la régularité du paiement des droits » et « le cas
échéant, [d’]en prescrire la régularisation » pour en déduire que « le paiement des droits
exigibles permettra la régularisation de l’inscription de la cause au rôle général ».
En conséquence, le président sursoit à statuer et invite le demandeur à
« acquitter les droits de greffe correspondant à une action au fond, introduite et traitée
selon les formes du référé, et à faire inscrire la cause au rôle général » et « à solliciter
ensuite fixation de la cause à une audience des référés » 145.
141. Civ. Bruxelles (prés.), 27 avril 1999, J.L.M.B., 1999, p. 895.
142. Faire supporter l’erreur par le greffe est surprenant. À partir du moment où le demandeur sollicite la mise
au rôle au registre des référés, le greffe ne peut évidemment pas exiger le paiement des droits ‘pleins’.
143. Civ. Bruxelles (prés.), 27 avril 1999, J.L.M.B., 1999, p. 897.
144. Voir supra, n° 37.
145. La cour d’appel de Bruxelles, dans un arrêt du 7 janvier 2003 (inédit, rôle général 2002/KR/202, reproduit
en sommaire sur www.juridat.be), estime quant à elle, que « le fait que le greffier ait attribué à la cause un numéro
de rôle désignant les affaires en référé et n’ait perçu que des droits de greffe correspondant à un enrôlement en
référé et non comme en référé, n’est pas davantage pertinent, les demandeurs n’étant pas responsables des éventuelles erreurs commises par le greffe à cet égard ». L’erreur, habituellement reprochée à l’huissier, est ici imputée au
greffe. Je peux difficilement suivre cette décision dans la mesure où le dernier alinéa de l’article 716 du Code
judiciaire, précise expressément que « l’inscription [au rôle] est faite à la requête de l’huissier de justice instrumentant, des parties intéressées, de leur avocat, ou d’un porteur de pouvoir ». Le greffier n’a évidemment aucune initiative à prendre. Il ne peut que procéder à l’inscription qui lui est demandée, étant entendu qu’il devra réclamer
les droits de mise au rôle correspondant à l’inscription sollicitée par la personne qui demande l’inscription.
434
La demande de diffusion d’une réponse dans la presse audiovisuelle
45
Ces décisions oublient manifestement que, conformément au prescrit des articles 716
du Code judiciaire, la mise au rôle général doit intervenir au plus tard la vielle de
l’audience ou le jour même de l’audience, mais avant le début de celle-ci, lorsque le
juge l’autorise pour de justes motifs. Toute régularisation autorisée après l’audience
d’introduction est manifestement tardive.
46
La sanction de la non inscription de la cause au rôle général dans le délai légal n’est pas,
contrairement à ce que relève généralement la doctrine, la nullité de la citation 146.
L’article 717 du Code judiciaire ne dispose en effet pas que la citation non inscrite au
rôle général dans le délai fixé serait nulle en la forme, mais bien qu’elle est de « nul
effet », ce qui signifie en réalité qu’elle ne saisit pas valablement le juge.
Dans son arrêt du 3 octobre 1997 147, la Cour de cassation a clairement distingué
la sanction prévue à l’article 717 du Code judiciaire de la théorie des nullités, régie par
les articles 860 à 867 du même Code 148.
La première branche du moyen 149 soutenait que l’arrêt attaqué, en décidant
que l’appel n’avait pas été inscrit dans le délai légal au rôle général, parce que le droit
de greffe n’avait pas été versé entre les mains du greffier dans ce délai, avait ajouté aux
articles 711, 716 et 1060 du Code judiciaire une condition que ces dispositions ne contiennent pas et avait, en conséquence, prononcé une nullité qui n’est pas formellement
prévue par la loi.
À cette branche du moyen, la Cour de cassation répond très sobrement « qu’il
résulte de ces dispositions légales 150 que l’appelant devait, avant l’échéance du délai indiqué dans son acte d’appel ou avant la date de comparution, faire les démarches nécessaires pour faire inscrire régulièrement la cause au rôle général, ce qui implique le paiement
des droits » et « que l’arrêt, qui constate que l’appelant n’a pas effectué le paiement en
temps utile, décide légalement que l’appel est de nul effet 151 ».
146. Not. J.-F. van Drooghenbroeck, « L’inscription des actions en cessation »…, op. cit., p. 272. Voy. toutefois
les précisions apportées par l’auteur en notes (10) et (16), p. 274.
147. Cass., 3 octobre 1997, Pas., I, 383.
148. Contra, à mon sens à tort : H. Boularbah, « L’introduction de l’instance… », op. cit., n° 22, p. 71.
149. Qui invoquait expressément une violation, notamment, des articles 716, 717 et 860 à 862 du Code judiciaire.
150. Les articles 1060 et 711, 4°, du Code judiciaire et l’article 15 de l’arrêté royal du 13 décembre 1968 relatif
à l’exécution du Code des droits d’enregistrement, d’hypothèque et de greffe et à la tenue des registres dans les
greffes des cours et tribunaux.
151. C’est moi qui souligne.
435
9
Les actions en cessation
La sanction n’est pas la nullité de la citation (ou en l’espèce de l’acte d’appel)
mais le fait qu’à défaut de mise au rôle valable, cet acte n’aura pas d’effet. Il ne pourra
donc pas valablement saisir le juge.
Devant la cour d’appel, la demanderesse en cassation avait aussi invoqué le
bénéfice de l’article 861 du Code judiciaire 152 et avait soutenu qu’« à supposer que l’inscription au rôle n’ait pas été effectuée dans le délai légal — quod non —, il n’en demeurerait pas moins que cela n’a causé aucun préjudice [aux intimées], puisque celles-ci ont bien
eu connaissance de l’appel interjeté dans le délai légal par [l’appelante], ont été informées
du numéro de rôle donné par le greffe de la cour d’appel de Bruxelles à cette cause et,
enfin, ont conclu au fond et versé leurs conclusions au dossier de la procédure ouvert par le
greffe » et que « s’il est exact [...] que les articles 717 et 1060 du Code judiciaire déclarent
« de nul effet », et non pas « nul », l’acte introductif d’instance non inscrit au rôle dans le
délai qu’ils déterminent, il n’en reste pas moins que cette sanction s’analyse comme une
nullité ».
La cour d’appel de Mons, dans l’arrêt attaqué, s’était contentée de répondre à
cela qu’« aux termes de l’article 1060, l’appel est de nul effet et doit être considéré comme
non avenu », écartant ainsi la théorie des nullité de cette question 153.
C’était très exactement ce qu’avait déjà décidé la cour d’appel de Bruxelles dans
son arrêt précité du 14 septembre 1994 en décidant que « que l’article 717 Code judiciaire prescrit explicitement la sanction, à savoir que la citation n’est ‘d’aucune valeur’
(‘gener waarde’), en d’autres termes, qu’elle ne peut pas remplir son rôle d’acte introductif
de la cause, que le juge n’est pas saisi de façon régulière, qu’il n’est tout simplement pas
saisi » 154.
47
Or, il est de jurisprudence constante depuis l’arrêt de la Cour de cassation du
1er octobre 1990 que lorsque « la cause est introduite par citation, le juge est saisi de la
cause à la date de la signification de la citation, pour autant qu’elle ait été inscrite au rôle
général » 155. Si dans son premier arrêt, en 1990, la Cour se contente d’indiquer : « pour
autant qu’elle ait été inscrite au rôle général pour l’audience 156 indiquée dans la
citation », dès son arrêt du 20 décembre 1991, elle précise que la cause doit bien
152. À cet effet, dans ses conclusions d’appel, l’appelante invoquait explicitement les arguments développés
par J.-Fr. van Drooghenbroeck dans sa notre précitée, « L’inscription de l’action en cessation », op. cit., p. 274,
spécialement en note (16).
153. L’arrêt n’est pas critiqué sur ce point par le pourvoi qui s’est contenté d’invoquer, dans sa troisième branche, que la cour d’appel n’avait pas répondu aux conclusions. Vu la réponse précitée de la cour d’appel, la Cour
de cassation estime que le moyen manque en fait.
154. Traduction libre, voir infra, annexe II. C’est donc de façon imprécise que J.-Fr. van Drooghenbroeck indique, dans sa note précitée (« L’inscription de l’action en cessation », op. cit., p. 272), que dans cet arrêt la cour
d’appel de Bruxelles aurait « sanctionné de nullité la citation introduite sur la base de l’article 100 du 14 juillet
1991 ».
155. Cass., 1er octobre 1990, Pas., 1991, I, 102.
156. C’est moi qui souligne.
436
La demande de diffusion d’une réponse dans la presse audiovisuelle
être « inscrite au rôle général avant l’audience 157 pour laquelle la citation a été
donnée » 158.
La Cour de cassation a confirmé sa jurisprudence dans son arrêt du 4 mars
1994 : « lorsque la cause est introduite par citation, le juge est saisi de la cause à partir de
la citation pour autant qu’elle ait été inscrite au rôle général antérieurement à
l’audience 159 indiquée dans la citation ; attendu que lorsque, comme en l’espèce, l’arrêt
constate que la citation n’a pas été suivie d’une inscription de la cause au rôle général, le
juge n’est pas saisi 160 de la cause […] » 161. Cet arrêt confirme bien que l’on est ici face
à un problème de saisine du juge et non pas à un problème de nullité de l’exploit de
citation en tant qu’acte de procédure.
La Cour de cassation a encore confirmé cette jurisprudence dans ses arrêts des
31 octobre 1994 162, 9 décembre 1996 163 et 2 mai 2002 164.
48
Enfin, franchissant une étape supplémentaire dans son enseignement, la Cour a précisé
dans l’arrêt précité du 3 octobre 1997 165, qu’il résulte des articles 711 et 1060 du Code
judiciaire et de l’article 15 de l’arrêté royal du 13 décembre 1968 relatif à l’exécution
du Code des droits d’enregistrement que « l’appelant devait, avant l’échéance du délai
indiqué dans son acte d’appel ou avant la date de comparution, faire les démarches nécessaires pour faire inscrire régulièrement la cause au rôle général, ce qui implique le paiement des droits 166 ; attendu que l’arrêt qui constate que l’appelant n’a pas effectué le
paiement en temps utile, décide légalement que l’appel est de nul effet ».
157. C’est moi qui souligne.
158. Cass., 20 décembre 1991, Pas., 1992, I, 369. En l’espèce, le problème était de savoir si une requête en intervention volontaire déposée au greffe après la date de la signification de la citation introductive d’instance, mais
avant sa mise au rôle, était ou non valable. La Cour de cassation relève qu’aucune disposition légale n’interdit
de déposer une requête en intervention volontaire au greffe de la juridiction désignée dans la citation postérieurement à la signification de l’exploit de citation et antérieurement à l’inscription de la cause au rôle général, mais
précise la cour « s’il ressort ultérieurement que, en violation de la disposition de l’article 716 du Code judiciaire, la
cause n’a pas été inscrite au rôle au plus tard la veille du jour de l’audience [c’est moi qui souligne] pour laquelle
la citation a été donnée, que celle-ci est de nul effet [idem] en application de l’article 717 du code précité et que, en
conséquence, la demande en intervention volontaire est aussi sans effet [idem] ».
159. C’est moi qui souligne.
160. C’est moi qui souligne.
161. Cass., 4 mars 1994, Pas., 1994, I, 227.
162. Cass., 31 octobre 1994, R.W., 1994-1995, p. 1277.
163. Cass., 9 décembre 1996, Pas., 1996, 493.
164. Cass., 2 mai 2002, C990518N, www.cass.be.
165. Cass., 3 octobre 1997, Pas., 1997, I, 383.
166. C’est moi qui souligne.
437
9
Les actions en cessation
Il ressort de ce dernier arrêt que, pour être valablement accomplie, la mise au
rôle implique nécessairement le paiement des droits de greffe. En d’autres termes, une
inscription d’une cause introduite au rôle général du tribunal de première instance ne
sera valablement effectuée que pour autant qu’elle intervienne au plus tard la vieille de
l’audience d’introduction (sous réserve de l’exception prévue par l’article 716 du Code
judiciaire) et à condition que les droits de mise au rôle aient été valablement payés. En
l’espèce, il s’agit des droits « pleins ».
Cela signifie que si la demande en droit de réponse dans l’audiovisuel a été
introduite par erreur en référé et inscrite au registre particulier des demandes en référé
et non au rôle général, mais que le juge considère qu’il est bien saisi au fond dans le
cadre de sa compétence de pleine juridiction, au vu de l’exposé de la demande tel qu’il
ressort de l’acte introductif d’instance, le juge ne pourra pas inviter le demandeur à
régulariser la mise au rôle. Puisque, par la force des choses, cette régularisation, qui
nécessiterait, d’une part, une nouvelle inscription de la cause au rôle général du tribunal et, d’autre part, le paiement du complément des droits de greffes, n’interviendra
que postérieurement à la date de l’audience d’introduction.
Le juge ne pourra donc que constater, dans cette hypothèse, l’absence d’effet de
l’acte introductif sur sa saisine et, en conséquence, le caractère non avenu de la
demande 167.
C’est donc en violation manifeste du prescrit des articles 716 et 717, tel que confirmé par la Cour de cassation, que les présidents des tribunaux de première instance
autorisent les demandeurs à régulariser la procédure par le simple paiement du complément des droits dus.
49
En réalité, seule une application stricte de l’article 88, § 2, du Code judiciaire permet
d’éviter ce problème et d’échapper à la sanction.
Dans le jugement déjà cité du 11 janvier 2002 168, le juge des référés précise que
nonobstant le pouvoir qu’il s’arroge de statuer lui-même sur l’incident de répartition,
« la difficulté pour le juge des référés réside en ce qu’il ne pourrait, par le biais d’un tel renvoi ou d’une telle régularisation, transformer une saisine ‘au provisoire pour une cause prétendument urgente’ en une saisine’ au fond’. La portée de la décision (ordonnance ou
jugement) est en effet radicalement différente ».
Ce point de vue ne me paraît pas fondé. La question de la saisine et, partant, de
la mise au rôle de la cause ne se pose plus si le juge procède correctement à l’incident
de répartition puisque dans ce cas, après qu’il ait été saisi de l’incident par le juge des
référés, le président du tribunal ordonnera le renvoi de la cause au juge à qui elle aurait
normalement dû être distribuée, renvoi auquel il convient d’appliquer mutatis mutandis
167. Si l’on peut admettre, avec A. Fettweis (Manuel de procédure civile, 2e éd., 1987, p. 213) que la sanction
est sévère, c’est au législateur — et non au juge — de la modifier.
168. Civ. Bruxelles (réf.), 11 janvier 2002, inédit, RR n° 2001/1839/C, www.juridat.be.
438
La demande de diffusion d’une réponse dans la presse audiovisuelle
la règle de l’article 662, alinéa 1er, du Code judiciaire qui précise qu’après renvoi au
juge, en cas d’incident de compétence, « la cause est inscrite d’office et sans frais au rôle
du juge de renvoi » 169. Ce qui est de règle pour un problème de compétence entre plusieurs juridictions doit trouver à s’appliquer pour un problème de distribution au sein
d’une même juridiction 170.
50
Dans sa note d’observation déjà citée, F. Jongen ironise sur les retards qu’engendre un
tel incident de répartition 171. L’obligation de statuer « toutes affaires cessantes » ne dispense toutefois pas les cours et tribunaux d’appliquer les règles de procédure civile qui
régissent l’introduction et l’instruction des causes, spécialement lorsqu’il s’agit, comme
en l’espèce, de règles d’ordre public. Le retard dans le traitement de la demande de
réponse, provoqué par un éventuel incident de répartition, ne résulte, il convient de le
rappeler, que de « l’erreur » commise par le demandeur (ou ses mandataires : avocat ou
huissier) dans la détermination du juge saisi.
E. Le président statue en dernier ressort - Justifications Critiques
51
Une autre particularité qui distingue l’action « comme en référé » en matière de droit
de réponse dans l’audiovisuel, des autres procédures « comme en référé », est que la
décision du président est rendue en dernier ressort.
Si la loi a expressément exclu la possibilité d’interjeter appel 172, par contre, la
décision rendue par défaut est susceptible d’opposition. Toutefois, dérogeant encore au
droit commun, celle-ci doit être formée « dans la quinzaine de la notification » de la
décision 173.
52
L’absence d’appel n’est nullement une caractéristique des procédures « comme en
référé ». Au contraire, « en règle générale, les décisions rendues en premier ressort dans
une procédure « comme en référé » sont susceptibles d’appel et d’opposition suivant les
mêmes règles que les ordonnances de référé ordinaires » 174. La doctrine n’a relevé qu’un
169. En ce sens, H. Boularbah, « L’introduction de l’instance… », op. cit., n° 23, p. 72.
170. D’autant plus que le même problème de droits de greffe peut se poser en cas d’application de l’article 660
C. jud. Par exemple, dans l’hypothèse où la cause a été initialement introduite devant le tribunal du travail (juridiction devant laquelle aucun droit de greffe n’est dû) et est ensuite renvoyée, pour incompétence, devant le
tribunal de commerce, où le demandeur aurait dû, s’il avait saisi directement le juge compétent, payer un droit
de rôle « plein ».
171. F. Jongen, « Toutes affaires cessantes », op. cit., p. 900.
172. Loi du 23 juin 1961, article 12, al. 3.
173. Loi du 23 juin 1961, article 12, al. 5.
174. Ch. Daclq, « Les actions ‘comme en référés’ », op. cit., p. 189.
439
9
Les actions en cessation
seul autre exemple de mesures prises « comme en référé » qui ne sont pas susceptibles
d’appel. Il s’agit des mesures visées à l’article 638 du Code des sociétés, dans le cadre des
conflits opposants les actionnaires d’une société entre eux 175. Dans le cadre de la procédure en cession forcée d’actions pour juste motif 176, qui doit être introduite devant le
président du tribunal de commerce siégeant comme en référé 177, il est prévu que dès
que la citation a été signifiée, le défendeur ne peut plus aliéner ses actions, sauf avec
l’accord du juge. Cette « décision du juge » n’est susceptible d’aucun recours. Le juge
peut par ailleurs également ordonner la suspension des droits liés aux actions à transférer. À nouveau, cette décision n’est susceptible d’aucun recours. On le voit, il s’agit de
mesures tout à fait particulières, prises en cours de procédure, et ne devant sortir leurs
effets que jusqu’à l’issue de cette procédure.
La doctrine relève encore que le législateur aurait exclu, non pas l’appel mais la
possibilité de faire opposition, dans le cadre de la procédure comme en référé mise en
place par la loi du 12 janvier 1993 sur la protection de l’environnement. Cette absence
d’opposition est toutefois controversée 178.
53
Mis à part ces exceptions très particulières, la législation en matière de droit de réponse
dans l’audiovisuel semble bien être la seule à avoir exclu la possibilité d’introduire un
appel contre la décision rendue par le président du tribunal.
On peut s’interroger sur la raison d’être de cette exclusion. On peut également
se demander si elle n’est pas critiquable en raison de la discrimination qu’elle suscite,
d’une part, au regard de la procédure prévue en matière de droit de réponse dans la
presse écrite, mais aussi, d’autre part, au regard des autres procédures « comme en
référé » prévues par la loi.
54
L’analyse des travaux préparatoires qui ont précédé l’adoption de la loi du 4 mars 1977
introduisant le droit de réponse dans l’audiovisuel, fait apparaître que l’exclusion de
l’appel est apparue comme une évidence pour le législateur et n’a pas suscité de réel
débat.
Dans le rapport des Commissions réunies de la justice et des affaires culturelles,
au Sénat, on constate que la possibilité d’un éventuel appel contre la décision du président du tribunal a été évoquée, pour être rejetée à l’unanimité, aux motifs « qu’en une
telle matière, urgente par nature, il n’y a pas lieu de laisser durer la procédure et, que l’on
doit faire confiance à ce haut magistrat » qu’est le président du tribunal de première ins175. Voy. P.A. Foriers, « Le référé en droit des sociétés et des offres publiques », in Le référé judiciaire, op. cit.,
p. 233 ; Ch. Dalcq, « Les actions ‘comme en référés’ », op. cit., p. 190.
176. Code des sociétés, article 636.
177. Code des sociétés, article 637.
178. G. Closset-Marchal, « Eléments communs … », op. cit., p. 34, n° 57 ; D. Van Gerven, « Le droit d’action en
matière de protection de l’environnement », op. cit., p. 620, n° 32 ; Ch. Dalcq, « Les actions ‘comme en référés’ »,
op. cit., p. 189, n° 18.
440
La demande de diffusion d’une réponse dans la presse audiovisuelle
tance. Un commissaire précise par ailleurs que « si la procédure durait trop longtemps, la
réponse perdrait de son efficacité (…) » 179.
On notera que l’absence d’appel est maintenue dans l’ensemble des projets et
propositions de lois qui ont été déposés depuis une dizaine d’années 180 en vue de réformer le droit de réponse et notamment d’unifier la procédure applicable entre la presse
écrite et la presse audiovisuelle. Toutefois, pas plus qu’à l’époque de la discussion de la
loi de 1977, cette exclusion de l’appel n’est soutenue par une quelconque motivation
particulière. Mais on relèvera aussi que, tant l’article 15 du projet de loi relatif au droit
de réponse et au droit d’information du 17 juillet 2000 181, que l’article 12, alinéa 3, de la
proposition de loi relative au droit de réponse et au droit d’information du 11 août
2003 182, et que l’article 185, alinéa 3, des décrets flamands relatifs à la radiodiffusion
et à la télévision, coordonnés le 4 mars 2005, reprennent tous une rédaction sensiblement différente de celle retenue par l’actuel article 12 de la loi du 23 juin 1961. En
effet, ces articles précisent que « lorsque le président du tribunal de première instance
ordonne l’insertion d’une réponse ou d’une information, il statue au fond et en dernier
ressort ». Ne faut-il dès lors pas en déduire que, lorsque le président du tribunal
n’ordonne pas l’insertion d’une réponse et, en conséquence, déboute le demandeur, il
statue en premier ressort et dans ce cas sa décision est susceptible d’appel ? 183.
55
L’exclusion de l’appel, qui semble ne susciter aucune interrogation en doctrine, ne
repose sur aucune justification acceptable. Elle est, à mon sens, critiquable.
Selon F. Jongen, « cette règle importante déroge pour d’évidents impératifs d’efficacité et de rapidité au principe du double degré de juridiction » 184. Le caractère urgent de la
demande ainsi que la nécessité de ne pas « laisser durer la procédure » n’est évidemment
pas propre à la matière du droit de réponse et pourrait s’appliquer à toutes les procédures urgentes, qu’elles soient introduites dans le cadre du référé classique ou qu’elles
soient introduites « comme en référé ». Il n’est toutefois jamais venu à l’esprit du législateur de supprimer la voie de recours ordinaire qu’est l’appel pour l’ensemble de ces procédures.
Par contre, pour tenir compte du caractère urgent des mesures sollicitées, le
législateur a prévu, tant en ce qui concerne les ordonnances de référé 185, que les décisions rendues « comme en référé » 186, que l’exécution provisoire est de droit. Cette
179. Doc. parl., Sénat, 1975-1976, 876/2, p. 16.
180. Voy. supra, nos 5 et s.
181. Doc. parl., Chambre, S.O., 1999-2000, 0815/001, p. 43.
182. Doc. parl., Sénat, S.E., 2003, n° 3-144/1, p. 15.
183. Voir infra, n° 56, in fine.
184. F. Jongen, « L’intervention du juge … », op. cit., p. 278, note (11).
185. Article 1039, al. 2, C. jud.
186. Ch. Dalcq, « Les procédures ‘comme en référés’ », op. cit., p. 185, n° 13 ; G. Closset-Marchal, « Eléments
communs aux procédures … », op. cit., p. 32.
441
9
Les actions en cessation
même règle appliquée au droit de réponse dans l’audiovisuel, aurait donc permis de
répondre aux préoccupations exprimées lors des travaux préparatoires de la loi du
4 mars 1977, et d’obtenir tout aussi rapidement que dans les autres procédures
« comme en référé » ou « en référé », une mesure exécutoire.
J’ai l’intime sentiment que c’est précisément le caractère provisoire de l’exécution de la décision qui, inconsciemment, pose problème et qui a justifié l’exclusion de
l’appel. Ainsi, ce qui semble difficilement acceptable, c’est qu’un droit de réponse
accordé par le premier juge puisse être ultérieurement réformé en appel.
56
Ce problème est clairement apparu lorsque s’est posée, essentiellement pour les droits
de réponse dans la presse écrite 187, la question de savoir si le juge des référés pouvait
être saisi, en raison de l’urgence, pour ordonner — nécessairement au provisoire — à un
organe de presse de diffuser le texte d’une réponse. Si la condition de l’urgence n’a suscité aucun problème, par contre le caractère provisoire de la mesure a suscité d’importantes controverses conduisant une partie de la doctrine et de la jurisprudence 188 à
contester le droit, pour le juge des référés, à intervenir dans ce domaine : « la solution
de la compétence du juge des référés pose peut-être plus nettement problème au regard de
la condition du provisoire. Si une décision de référé ordonne l’insertion d’une réponse, il
sera impossible au tribunal de première instance de revenir sur cette décision quand il sera
saisi du fond » 189. Pour éviter ce problème, selon F. Jongen, « la solution idéale, d’ailleurs
prônée par différents projets et propositions de lois actuellement pendants, résiderait dans
l’extension de l’ensemble des formes de réponse de la procédure « comme en référé » au
fond et en dernier ressort » 190.
On le voit ainsi clairement, la suppression de l’appel a pour but d’éviter la contradiction possible entre la décision du premier juge et la décision du juge d’appel
(comme elle permettrait d’éviter la contradiction éventuelle, de même nature, entre
une décision prise par le juge des référés, au provisoire, et une décision ultérieure prise
par le juge au fond).
C’est sans doute pour cela que les projets et propositions de lois, ainsi que les
décrets flamands, précisent que la décision du juge siégeant « comme en référé » n’est
pas susceptible d’appel que lorsqu’il ordonne l’insertion d’une réponse. En effet,
lorsqu’il déboute le demandeur, une solution contraire rendue en appel, autorisant
cette fois-ci la diffusion de la réponse, ne poserait évidemment aucun problème au
regard de l’éventuelle exécution provisoire de la première décision, puisque précisément le droit de réponse n’aurait, par hypothèse, pas été autorisé par le premier juge.
187. Pour lesquels il n’est pas prévu de procédure « comme en référés », similaire à celle prévue pour l’audiovisuel.
188. Voy. not. civ. Bruxelles (réf.), 13 novembre 1992, inédit, Technipress/Groupe Dupuis, cité par F. Jongen,
« L’intervention du juge des référés… », op. cit., p. 294 ; civ. Namur (réf.), 28 mars 1997, inédit, cité par F. Jongen,
ibidem, p. 293 et Liège, 5 juin 1997, inédit, cité par F. Jongen, ibidem, p. 293.
189. F. Jongen, « L’intervention du juge des référés… », op. cit., p. 193, n° 30.
190. F. Jongen, « L’intervention du juge des référés… », op. cit., p. 295.
442
La demande de diffusion d’une réponse dans la presse audiovisuelle
57
On peut toutefois se demander pourquoi, particulièrement en cette matière, l’exécution
provisoire pose tant de problèmes. D’autant plus que cette question ne semblait pas
avoir inquiété le législateur en 1961, lorsqu’il a voté la loi relative au droit de réponse
dans la presse écrite. À l’époque, en effet, il avait expressément reconnu au tribunal
correctionnel, moyennant une motivation spéciale, le droit de déclarer que la partie du
jugement ordonnant l’insertion de la réponse serait exécutoire provisoirement nonobstant opposition ou appel 191. F. Jongen précise que « cette mesure vise à garantir la rapidité de l’insertion dès lors, qu’à la différence du président du tribunal de première instance
ordonnant la diffusion d’une réponse audiovisuelle, le juge pénal ordonnant l’insertion
d’une réponse écrite ne statue pas en dernier ressort » 192. Mais le même auteur est bien
obligé de reconnaître qu’« une insertion d’une réponse assortie de l’exécution provisoire,
telle que le tribunal correctionnel peut le prononcer aux termes de l’article 5 de la loi, peut
avoir des conséquences tout aussi irréversibles que celui qui serait prononcé au provisoire
par le juge des référés, alors même qu’il n’est par essence pas définitif puisque toujours susceptible d’être réformé en appel » 193.
58
Pour F. Jongen, « le problème tient moins au caractère provisoire de l’intervention du juge des
référés qu’à l’essence même d’un acte de publication d’une réponse » 194. Nous y voilà ! Ce
serait l’essence même d’un acte de publication d’une réponse qui s’opposerait à ce qu’une
telle publication puisse être ordonnée au provisoire. Or, refuser l’exécution provisoire de
la décision du président siégeant « comme en référé », en matière de droit de réponse,
contreviendrait manifestement à l’objectif affiché du législateur de pouvoir offrir au
demandeur une solution judiciaire rapide 195. La seule solution permettant de concilier
l’exécution rapide de l’ordre de diffuser avec la nécessité de ne pas se retrouver, ultérieurement, face à une décision en sens contraire, était donc de permettre au juge de statuer
au fond, dans les formes du référé tout en supprimant la possibilité de faire appel.
59
J’avoue que cette solution me laisse perplexe. D’une part, je ne partage pas totalement
l’idée selon laquelle il serait inconcevable d’ordonner à un organe de presse de diffuser
une réponse alors que cet ordre pourrait par la suite être réformé en appel. Je comprends parfaitement qu’une fois le texte de la réponse diffusée, le mal est fait et que la
victoire en appel ne permettra pas d’effacer le droit de réponse qui aura été diffusé
dans le cadre de l’exécution provisoire de la première décision 196. Je partage le senti191. Loi du 23 juin 1961, article 5, al. 3.
192. F. Jongen, « L’intervention du juge… », op. cit., p. 289.
193. F. Jongen, « L’intervention du juge… », op. cit., p. 294.
194. F. Jongen, « L’intervention du juge… », op. cit., p. 295.
195. Puisqu’il semble admis que toute diffusion d’une réponse — dans la presse écrite mais plus encore dans
l’audiovisuel — dans un laps de temps trop éloigné des propos auxquels on entend apporter une rectification,
perdrait sinon tout son sens, à tout le moins une grande partie de son efficacité.
196. F. Jongen, « L’intervention du juge dans la procédure du droit de réponse », J.L.M.B., 1990, p. 422, n° 3. ;
S. Hoebeke et B. Mouffe, op. cit, n° 865.
443
9
Les actions en cessation
ment qu’il ne s’agit pas d’une situation heureuse. Néanmoins, celui qui pratique le
référé n’ignore pas que des situations semblables se rencontrent en bien d’autres matières, sans pour autant que l’on ait songé à supprimer la possibilité d’introduire un appel.
Et il me semblerait extrêmement dangereux de soutenir que la diffusion, à titre
provisoire, d’une réponse occasionnerait un préjudice irréparable aux organes de
presse 197. Parce qu’a contrario, cela signifierait que toute mise en cause fautive d’une
personne par la presse serait elle-même constitutive d’un préjudice irréparable. Or, c’est
cette thèse que soutiennent les tenants d’une intervention préventive du juge (notamment des référés) pour censurer des émissions (ou des articles) qui mettraient, ou plus
exactement qui risqueraient de mettre fautivement en cause telle ou telle autre personne. Thèse à laquelle je me suis toujours opposé 198. Ce qui n’est pas irréparable pour
les uns, ne peut pas l’être pour les autres.
D’autre part, la suppression de l’appel pour ce motif devrait, pour exactement
les mêmes raisons, justifier la suppression de l’opposition.
En outre, il est surprenant de constater qu’aucune voix ne semble s’être jamais
élevée contre le fait qu’un juge puisse ordonner, que ce soit en référé ou au fond, en
première instance et avec le bénéfice de l’exécution provisoire, la publication de tout
ou partie du jugement prononcé et ce, en vue de contribuer à l’ordre de cessation ou,
selon les cas, à titre de mesure particulière de réparation du préjudice subi par le
demandeur 199. S’il n’est pas admissible qu’un organe de presse doive diffuser une
réponse sur ordre d’un juge, aux motifs que cet ordre pourrait être réformé en appel, il
ne me paraît pas alors admissible que le même organe de presse puisse être condamné à
diffuser, en tout ou en extraits, une décision qui le condamne au fond, alors que cette
publication ainsi que le principe même de la responsabilité de l’organe de presse, pourrait faire l’objet d’une décision en sens contraire en appel 200.
197. Seul la mesure causant un préjudice irréparable ne peut pas être ordonnée au provisoire par le juge des
référés. Voy. J. Englebert, « Le référé judiciaire… » op. cit., pp. 36 et s.
198. Voy. Not. J. Englebert et B. Frydman, « Le contrôle judiciaire de la presse », A.&M., 2002, pp. 485 à 503.
199. E. Montero et H. Jacquemin, « La responsabilité civile des médias — vol. 2 », Responsabilités — traité théorique et pratique, Titre II/livre 26bis, pp. 41 et s., soulignent que « d’ordinaire, les juges accèdent à pareille
demande », mais n’abordent pas le problème de l’éventuelle exécution provisoire d’une telle mesure de publicité.
200. Voy. pour un exemple frappant : civ. Nivelles, 29 mars 1996, inédit, Moes et Cts./R.T.B.F. et Bruxelles,
14 décembre 1998, inédit, R.T.B.F./Moes et Cts. Le tribunal de première instance de Nivelles, après avoir admis la
responsabilité de la R.T.B.F. à l’égard des demandeurs, membres d’une A.S.B.L. qui avait été présentée comme
appartenant à la mouvance de l’Eglise de scientologie, et après avoir condamné celle-ci à leur payer le franc symbolique, condamna en outre la R.T.B.F. à diffuser in extenso, au cours d’une émission Au nom de la loi, le jugement de
plus d’une dizaine de pages (« texte à l’écran avec une lecture soignée (…) sans commentaire et sous le titre ‘Réparation
judiciaire’ »). Le jugement était assorti de l’exécution provisoire et l’ordre de diffusion d’une importante astreinte,
ayant contraint la R.T.B.F. à s’exécuter. Sur appel de la R.T.B.F., la cour d’appel de Bruxelles (14 décembre 1998,
inédit, RG 1996/AR/1896), après avoir décidé qu’aucune faute ne pouvait, en l’espèce, être reprochée aux journalistes de la R.T.B.F., réforma la décision du premier juge, ce qui n’eut évidemment pas pour effet d’effacer la dizaine
de minutes de lecture du jugement sur les ondes, intervenue plus de deux ans auparavant.
444
La demande de diffusion d’une réponse dans la presse audiovisuelle
Enfin, mon trouble s’accentue encore lorsque je constate qu’en matière de cessation financière 201, le législateur a expressément prévu « que les mesures de publicité du
jugement ordonné par le président ne peuvent être exécutées qu’au moment où la décision
qu’elle concerne n’est plus susceptible d’appel » 202.
60
Certes, en matière civile le double degré de juridiction n’est ni un principe constitutionnel, ni un principe général de droit, ni une garantie offerte par la Convention de sauvegarde des droits de l’homme. Le législateur est en conséquence libre de prévoir un degré
unique de juridiction et ce, même si l’appel répond à un besoin social particulièrement
important 203.
La Cour d’arbitrage a eu l’occasion de rappeler, à diverses reprises, qu’il n’existe
pas de principe général de droit assurant le double degré de juridiction.
La plupart de ses arrêts, rendus en matière de double degré de juridiction, portent sur des procédures fiscales 204. Dans chacun de ceux-ci, la Cour précise que « dès
lors que les intéressés peuvent en tout état de cause introduire un recours administratif spécial et un recours juridictionnel et qu’il n’existe pas de principe de droit général relatif à un
double degré de juridiction, la mesure contestée n’a pas d’effet disproportionné ». Par
ailleurs, dans son arrêt du 18 avril 2001 205, relatif à l’intervention forcée en déclaration
de jugement commun introduit pour la première fois en degré d’appel, la Cour justifie
l’absence de second degré de juridiction pour l’intervenant par la nature purement conservatoire de la procédure en déclaration de jugement commun. Toutefois, dans son
arrêt du 1er décembre 1993 206, la Cour énonce clairement que le double degré de juridiction n’est pas un principe général de droit mais précise en même temps que lorsque
le législateur reconnaît le droit de faire appel, il ne peut pas le faire de façon discriminatoire.
61
On peut légitimement s’interroger sur la réponse que donnerait la Cour d’arbitrage, si
une cour d’appel, saisie d’un recours contre une décision rendue en dernier ressort par
le président du tribunal de première instance, conformément à l’article 12 de la loi relative au droit de réponse, avant de déclarer cet appel irrecevable, lui soumettait une
question préjudicielle.
201. Article 221, § 4, al. 2 in fine de la loi du 4 décembre 1999 relative aux opérations financières et aux marchés financiers : « Le président peut ordonner que son jugement soit publié par la voie de journaux ou de toute autre
manière, le tout aux frais du contrevenant. Ces mesures de publicité ne peuvent toutefois être ordonnées que si elles
sont de nature à contribuer à la cessation du manquement incriminé ou de ses effets. Elles ne peuvent être exécutées
qu’au moment où la décision qu’elles concernent n’est plus susceptible d’appel ».
202. J. van Compernolle, « La rançon d’un succès … », op. cit., p. 219, n° 24.
203. G. de Leval, Eléments de procédure civile, 2e éd., Larcier, 2005, p. 299.
204. C.A., 9 octobre 2002 ; C.A., 13 novembre 2002 ; C.A., 24 septembre 2003.
205. C.A., 18 avril 2001.
206. C.A., arrêt 82/93, 1er décembre 1993, n° B.5.3.
445
9
Les actions en cessation
Si une différence de traitement n’est pas exclue, pour autant que le critère de
différenciation soit susceptible de justification et soit raisonnable, la pertinence de cette
justification doit s’apprécier par rapport aux buts et aux effets de la norme considérée.
Il doit par ailleurs exister un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens
employés et le but visé 207.
On pourrait soutenir qu’il existe une éventuelle discrimination non justifiée
entre le droit de réponse dans l’audiovisuel, qui exclut la possibilité d’interjeter appel
de la décision du juge siégeant comme en référé et le droit de réponse dans la presse
écrite, où toutes les décisions sont susceptibles d’appel. Alors que dans les deux cas, une
solution rapide s’impose.
Une autre discrimination, non justifiée, pourrait résulter de la comparaison
entre la procédure « comme en référé » relative au droit de réponse dans l’audiovisuel
et les autres procédures « comme en référé » dans les autres matières, pour lesquelles
aucune restriction n’est prévue quant au droit de faire appel 208.
62
Le législateur a, par l’insertion des dispositions de la loi du 23 juin 1961 relative au
droit de réponse dans l’audiovisuel, créé une différence de traitement entre deux catégories de personnes. D’une part, les personnes citées ou désignées dans la presse écrite
et d’autre part, les personnes citées ou désignées dans la presse audiovisuelle.
Comme j’ai eu l’occasion de l’expliquer ci-dessus, le but poursuivi par le législateur en supprimant l’appel dans l’audiovisuel, est de permettre une solution rapide et
définitive des litiges. Il me semble qu’on peut légitimement se demander s’il existe un
rapport de proportionnalité raisonnable entre ce but et l’interdiction de l’appel de la
décision rendue par le président siégeant « comme en référé ». De même, la différence
de traitement entre la procédure « comme en référé » dans l’audiovisuel et les autres
procédures « comme en référé » me paraît difficilement justifiable.
Expliquant les raisons du succès des procédures « comme en référé », J. van
Compernolle écrit : « dans un certain nombre de contentieux mettant en cause des enjeux
économiques, sociaux ou individuels importants, la nécessité est ressentie de pourvoir, rapidement, à des situations conflictuelles par le prononcé de mesures diverses prenant le plus
souvent la forme d’injonctions négatives ou positives susceptibles de mettre immédiatement
fin à un comportement répréhensible, indépendamment de toute allocation de dommages et
intérêts compensatoires d’un éventuel préjudice subi. Sous peine de n’être pas efficace, ces
injonctions ne s’accommodent pas de la lenteur d’une procédure ordinaire, civile ou pénale.
Elles ne s’accommodent pas davantage du caractère provisoire d’une décision normale de
référé dont l’autorité ne peut assurer un règlement définitif du litige. Tout ceci converge vers
un juge — le président du tribunal — statuant au fond dans les formes du référé » 209.
207. M. Uyttendaele, Précis de droit constitutionnel belge — Regard sur un système juridictionnel assez paradoxal,
Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 481.
208. Voir supra, n° 52.
209. J. van Compernolle, « La rançon d’un succès … », op. cit., p. 209, n° 3.
446
La demande de diffusion d’une réponse dans la presse audiovisuelle
Comme on le voit, le but des actions « comme en référé » est le même, quelle
que soit la matière concernée. Pour autant, comme j’ai déjà eu l’occasion de le souligner, le législateur n’a pas cru nécessaire de supprimer la possibilité de l’appel, chaque
fois qu’il instituait une procédure « comme en référé ».
63
J’estime que la solution la plus efficace serait de prévoir un système dans lequel la décision du premier juge pourrait être déférée à la censure du juge d’appel avant qu’elle ne
soit exécutée, en prévoyant une procédure réellement rapide en appel.
F. Le demandeur en droit de réponse dans l’audiovisuel
peut-il saisir le juge des référés 210 ?
64
La doctrine et spécialement F. Jongen 211 a, à maintes reprises, eu l’occasion de souligner
à quel point l’obligation, inscrite dans l’article 18 de la loi relative au droit de réponse,
faite au juge de statuer « toutes affaires cessantes » sur les actions exercées en vertu de
cette loi, se révélait souvent en pratique n’être qu’un vœu pieux tant il est vrai que
devant certaines juridictions, l’état d’encombrement des rôles et l’existence d’autres
affaires tout aussi, sinon plus, urgentes ne permet pas matériellement au juge de traiter
en priorité et sans aucun délai les demandes de droit de réponse.
Il en serait plus particulièrement ainsi en matière de presse écrite où la loi ne
prévoit pas procédure « comme en référé » 212.
65
J’ai déjà eu l’occasion, au chapitre précédent, de développer les aspects essentiels de la
controverse qui divise doctrine et jurisprudence sur la question de savoir si le juge des
référés peut intervenir, en matière de presse écrite, pour ordonner au provisoire la diffusion d’un droit de réponse 213. J’analyserai donc brièvement la question de savoir si
210. Il ne s’agit plus ici d’envisager une action introduite par erreur en référé, mais bien de se demander si, à
côté de l’action « comme en référé », le demandeur pourrait encore saisir, au provisoire et en raison de l’urgence,
le juge des référés d’une demande de diffusion d’une droit de réponse dans l’audiovisuel.
211. F. Jongen, « Toutes affaires cessantes », op. cit., p. 900 ; « L’intervention du juge dans la procédure du droit
de réponse », op. cit., p. 421 ; « L’intervention du juge… », op. cit., p. 290, n° 26.
212. M. Hanotiau souligne pourtant qu’« en consultant la jurisprudence, on constate que les procédures en correctionnelle, pour refus d’insertion d’un droit de réponse, se poursuivent à un rythme tout à fait convenable » (op.
cit., p. 188). F. Jongen, lui-même, reconnaît que « quelque peu délaissée, la voie correctionnelle pourrait cependant
retrouver les faveurs des répondants contrariés dès lors qu’elle peut constituer pour la partie civile une manière efficace de suppléer aux lenteurs d’une procédure au fond devant les chambres civiles : le présent jugement, rendu le
25 février suite à une citation directe signifiée le 19 janvier, en atteste » (« Le droit de réponse au pénal », note sous
corr. Bruxelles, 25 février 1993, J.L.M.B., 1993, pp. 1220 à 1222, ici p. 1221). Les délais pour obtenir une décision
dans le cadre d’une demande de diffusion d’une réponse dans l’audiovisuel, sont en pratique nettement plus
long que le délai décrit ci-dessus. En moyenne, on constate que les décisions sont rendues dans un délai d’environ
trois mois à dater de l’introduction de la demande, et parfois nettement plus.
213. Voir supra, nos 56 et s.
447
9
Les actions en cessation
un recours au juge des référés est possible dans le domaine de l’audiovisuel. Si en pratique la situation est nettement plus rare qu’en matière de presse écrite, elle n’est toutefois théoriquement pas exclue.
66
On pourrait soutenir que, dès lors que la loi a prévu une procédure spécifique « comme
en référé » présentant les mêmes caractéristiques procédurales de rapidité et d’efficacité que la procédure en référé, le recours au juge des référés ne se justifie plus.
J’ai ainsi déjà eu l’occasion de souligner que « l’existence d’une autre voie procédurale permettant d’obtenir un résultat aussi rapidement qu’en référé (action comme en
référés, demande en débats succincts, au fond, etc.) est parfois considérée comme exclusive
de l’urgence à saisir le juge en référé » 214. Selon le juge des référés de Bruxelles,
« l’urgence est habituellement déniée si une autre juridiction, normalement compétente,
peut intervenir avec la même efficacité, ce qui est le cas en l’espèce » 215. Après avoir constaté qu’en l’espèce, la demanderesse avait négligé d’introduire la procédure au fond
« comme en référé », l’ordonnance déclare la demande non fondée à défaut
d’urgence 216.
J’invitais toutefois les juges des référés à être prudents dans l’application d’une
telle jurisprudence, « en vérifiant, notamment, si dans les faits, les autres procédures offertes au demandeur permettent réellement d’obtenir une solution aussi rapidement qu’en
référé » 217.
Ch. Dalcq, quant à elle, considère qu’« il n’est pas davantage interdit d’introduire
une action en référé ordinaire, fondée sur l’urgence, parallèlement à une action ‘comme en
référé’, si, pour un tel motif particulier, le demandeur trouve un intérêt à agir de la sorte.
L’existence d’une action spécifique ‘comme en référé’ n’exclut pas la compétence du président siégeant en référé ni ne la réduit » 218. La question se résume en réalité à déterminer
dans chaque cas d’espèce si la demande répond aux exigences propres du référé, à
savoir l’urgence et le provisoire.
67
On sait qu’il y a urgence « dès que la crainte d’un préjudice d’une certaine gravité, voire
d’inconvénient sérieux, rend une décision immédiate souhaitable » 219. On ajoute traditionnellement que l’on peut avoir recours au référé « lorsque la procédure ordinaire serait
impuissante à résoudre le différend en temps voulu » 220. Au vu de cette définition, il ne
sera pas évident pour le demandeur de justifier l’urgence, c’est-à-dire en quoi il ne lui
214. J. Englebert, « Inédit de droit judiciaire — référés (5) », J.L.M.B., 2005, pp. 140 et s., ici, p. 160.
215. Le demandeur aurait pu introduire son action sur la base de l’article 587, 2°, du Code judiciaire.
216. Civ. Bruxelles (réf.), 16 mars 2003, J.L.M.B., 2005, p. 160.
217. J. Englebert, op. cit., J.LM.B., 2005, p. 160.
218. Ch. Dalcq, « Les actions ‘comme en référé’ », op. cit., p. 181 ; En ce sens également, Ch. Dalcq et S. Uhlig,
op. cit., dans le présent ouvrage.
219. Cass., 21 mars 1985, Pas., 1985, I, 908.
220. C. H. Van Reepinghen, Rapport sur la réforme judiciaire, éd. Moniteur, 1964, p. 218.
448
La demande de diffusion d’une réponse dans la presse audiovisuelle
serait pas possible d’obtenir par la voie procédurale ordinaire qui prévoit précisément,
en l’espèce, une procédure au fond selon les formes du référé, une mesure susceptible
de résoudre, au fond, le différend en temps voulu.
En ce qui concerne le provisoire, je ne reviendrai pas sur les développements
déjà exposés au chapitre précédent à propos de l’absence d’appel.
Si on accepte la condition du provisoire dans son acceptation la plus large, que
ce soit en vertu de l’enseignement de l’arrêt de la Cour de cassation du 9 septembre
1982 221, ou que ce soit sur la base de la jurisprudence majoritaire des juges des référés 222, il faut admettre qu’une demande de diffusion d’une réponse peut être ordonnée
au provisoire par le juge des référés, dès lors que cette mesure « certes irréversible,
pourra toujours faire l’objet de réparation par équivalent », pour reprendre une expression souvent utilisée par les juges des référés 223.
C’est au demeurant exactement l’enseignement dégagé par la Cour de cassation,
dans son arrêt du 9 septembre 1982, lorsqu’elle estime que la seule limite que le provisoire impose au juge des référés est « de ne point ordonner des mesures qui produiraient
[aux parties] un préjudice définitif et irréparable ». L’obligation de diffuser une réponse,
ce qui constitue manifestement une mesure irréversible, est-elle de nature à créer dans
le chef de l’organisme producteur un dommage définitif et irréparable, c’est-à-dire ne
pouvant pas faire l’objet d’une réparation par équivalent ?
Il est permis d’en douter, notamment au regard d’autres mesures qui sont parfois ordonnées, certes au fond, mais qui présentent le même caractère provisoire que
l’ordre prononcé en référé, lorsque la décision est frappée d’appel 224. Or, on le sait, les
cours et tribunaux n’hésitent pas à condamner une partie à publier tout ou partie du
jugement qui la condamne et à assortir cette condamnation de l’exécution provisoire,
ce qui évidemment a pour conséquence, si la première décision est exécutée, de créer
une situation irréversible, qui ne pourra qu’être réparée par équivalent, par l’octroi de
dommages et intérêts 225.
On observera toutefois que le juge des référés d’Anvers a, par une ordonnance
du 21 décembre 1999 226, considéré que constituait une mesure définitive et irréparable
la publication de l’ordonnance à intervenir.
221. Cass., 9 septembre 1982, Pas., 1983, I, 48 et s.
222. Voyez les décisions citées dans ma note « Le référé judiciaire : principes et questions de procédures », in
Le référé judiciaire, op. cit., pp. 36 et s., nos 43 à 47.
223. Voyez not. civ. Liège (réf.), 2 décembre 2002, J.L.M.B., 2003, p. 1018.
224. On peut en effet faire un parallèle entre la décision prise en référé qui n’a pas autorité de chose jugée à
l’égard du juge du fond avec la décision prise par le juge du fond en première instance qui n’a évidemment pas
autorité de chose jugée à l’égard du juge d’appel qui, c’est le principe même de l’appel, pourra statuer en sens
contraire.
225. Voir supra, n° 59.
226. Civ. Anvers (réf.), 21 décembre 1999, A.&M., 2000, p. 296.
449
9
Les actions en cessation
G. La nature de l’action en demande de diffusion d’une
réponse - Action en responsabilité - Preuve du fait inexact
- Incidence de la décision rendue « en droit de réponse »
sur l’action en dommages et intérêts
68
Le droit de réponse est généralement présenté comme étant « une forme particulière de
réparation civile, accélérée, supplétive et incomplète » 227. Il s’agirait d’une forme de réparation en nature d’un dommage particulier 228.
Rappelons que dans l’audiovisuel, le droit de réponse n’est ouvert qu’« en vue de
rectifier un ou plusieurs éléments de fait erronés » concernant le demandeur en diffusion
d’une réponse ou « de répondre à un ou plusieurs faits ou déclarations de nature à porter
atteinte à son honneur » 229. L’article 9 de la loi relative au droit de réponse précise
d’ailleurs que la diffusion de la réponse peut être refusée si elle « excède ce qui est nécessaire pour corriger les faits déclarés inexacts ou dommageables pour l’honneur ».
L’idée d’un droit de réponse visant à réparer le dommage causé par une émission, dommage qui résulterait de la présentation de faits inexacts ou portant atteinte à
l’honneur du demandeur en droit de réponse, conduit inévitablement à se poser la
question de la faute de l’organisme producteur. L’action introduite devant le président
du tribunal de première instance siégeant « comme en référé », serait alors le lieu d’un
débat classique sur la responsabilité civile, impliquant la preuve d’une faute (qui résulterait de la présentation d’un fait inexact ou de déclarations attentatoires à l’honneur
d’une personne) et qui justifierait le prononcé d’une mesure spécifique à titre de réparation d’un dommage qui semble présumé puisque le droit à la diffusion d’une réponse
existe dès qu’il convient de répondre à un fait inexact ou à une déclaration attentatoire
à l’honneur.
La question prend une importance particulière dès lors que, par ailleurs, il est
également unanimement enseigné que le président siégeant « comme en référé » statue
au fond et qu’en conséquence, à l’inverse des ordonnances de référé, sa décision a autorité de chose jugée 230. Comme en matière d’action en cessation, certains en ont déduit
que la décision du président siégeant « comme en référé », qui reconnaît au demandeur
le droit de voir sa réponse diffusée, lierait le juge du fond saisi ultérieurement d’une
action en dommages et intérêts, introduite sur la base de l’article 1382 du Code civil.
S’il fallait suivre ce raisonnement, cela rendrait encore moins justifiable le fait
que le président siégeant « comme en référé » statue sur la demande de diffusion d’une
réponse en dernier ressort. Parce qu’alors, par le biais d’un débat inévitablement limité,
227. M. Hanotiau, op. cit., p. 166 ; en ce sens, S. Hoebeke et B. Mouffe, op. cit., p. 566, n° 813.
228. S. Hoebeke et B. Mouffe, op. cit., p. 569, n° 818 ; M. Hanotiau, op. cit., p. 566 ; pour une critique justifiée
de cette qualification, voy. E. Montero et H. Jacquemin, op. cit., vol. 2 », Titre II/livre 26bis, p. 43.
229. Loi du 23 juin 1961, article 7, al. 1.
230. J. van Compernolle, « La rançon d’un succès… », op. cit., p. 218, n° 21.
450
La demande de diffusion d’une réponse dans la presse audiovisuelle
tant dans le temps (le juge devant statuer toutes affaires cessantes) que par les questions qui lui sont soumises, le demandeur en droit de réponse pourrait obtenir la reconnaissance de la responsabilité civile de l’organisme producteur, de façon définitive et
sans appel.
69
D’un autre côté, il me semble que l’on peut difficilement admettre qu’un demandeur en
diffusion d’une réponse dans l’audiovisuel puisse obtenir gain de cause sans établir,
sans prouver, dans le cadre du débat judiciaire, le caractère inexact du fait qu’il entend
rectifier ou le caractère attentatoire à l’honneur de la déclaration à laquelle il souhaite
répondre. En effet, ne pas exiger qu’une telle preuve soit apportée par le demandeur
reviendrait à lui ouvrir un droit de rectification dans l’audiovisuel quasi aussi étendu
que le droit de réponse dans la presse écrite, ce que le législateur a manifestement voulu
éviter.
Cette opinion n’est pas partagée par tous les auteurs. Ainsi, pour M. Hanotiau,
« la protection des personnes mises en cause (…) au cours d’une émission suppose non seulement qu’elles puissent redresser des erreurs de fait, mais aussi — et surtout — qu’elles
puissent faire connaître leur point de vue et fournir leurs explications, en d’autres termes,
qu’elles puissent opposer leur subjectivité à celle du journaliste. Il est d’ailleurs bien difficile
(…) de déterminer quand les renseignements sont erronés — ce qui suppose que l’on possède le renseignement exact, et que la question échappe à la controverse » 231.
C’est également en ce sens que s’est prononcé le président du tribunal de première instance de Bruxelles, dans une décision du 4 octobre 1995 232 : « qu’il n’est pas
sans intérêt de rappeler qu’en autorisant ou en imposant l’émission d’un droit de réponse,
le juge ne se prononce ni sur la responsabilité des auteurs de l’émission ni même sur la
véracité ou non des affirmations contenues dans le droit de réponse, qu’il se contente de
permettre à la personne mise en cause de substituer sa subjectivité à celle des auteurs de
l’émission (…) ». Écartant ainsi toute notion de responsabilité, la même décision précise
« qu’il (…) est inexact de soutenir que la rectification demandée ne pourrait que porter sur
la réalité ou non des faits allégués et qu’elle devrait, en conséquence, s’accompagner d’une
démonstration de leur fausseté ».
70
Il convient toutefois de noter que la jurisprudence actuelle du président du tribunal de
première instance de Bruxelles s’inscrit dans une approche totalement différente du
droit de réponse, plus conforme, à mon sens, à ce qui a été mis en place par la loi du
4 mars 1977.
C’est, à ma connaissance, par une décision du 17 septembre 1996 233, que pour
la première fois, le président du tribunal de première instance de Bruxelles précise que,
lorsqu’un droit de réponse est sollicité dans l’audiovisuel, « il convient (…) de vérifier s’il
231. M. Hanotiau, op. cit., p. 97.
232. Civ. Bruxelles (prés.), 4 octobre 1995, inédit, RG 95/7323/A, Sierra 21/R.T.B.F.
233. Civ. Bruxelles (prés.), 17 septembre 1996, inédit, RR 96/902/C, Eykerman/R.T.B.F.
451
9
Les actions en cessation
existe dans l’émission litigieuse des éléments erronés ou attentatoires à l’honneur des
demandeurs et si le texte de la réponse sollicitée apporte une rectification au fait prétendument erroné ou une réponse aux déclarations prétendument attentatoires à l’honneur ».
Répondant à l’argument du demandeur selon lequel « seule la juridiction saisie du
fond 234 devra se prononcer sur la véracité des faits et propos querellés ainsi que sur la responsabilité des auteurs et diffuseurs de l’émission », le président du tribunal précise « qu’il
appartient au président du tribunal d’analyser les droits des parties quant au fond, afin de
déterminer s’il y a bien un dommage particulier causé au demandeur, qu’il y aurait lieu de
réparer par la diffusion d’un droit de réponse », qu’en conséquence, la défenderesse
« estime à raison qu’il ne peut être admis qu’une partie puisse apporter une rectification à
des faits ou déclarations erronées sans établir préalablement le caractère erroné de ces
faits ou déclarations ».
Cette jurisprudence a été confirmée, notamment, par une décision du 7 mai
2002 : « La mise en œuvre du droit de réponse exige que le demandeur établisse que l’émission litigieuse comporte un ou plusieurs éléments de fait erronés le concernant ou un ou
plusieurs faits ou déclarations de nature à porter atteinte à son honneur » 235.
Tout récemment, la même juridiction 236 s’est montrée encore plus explicite en
décidant que « l’insertion d’un droit de réponse constituant la réparation en nature d’un
dommage particulier, (…) la mise en œuvre du droit de réponse exige que le demandeur
établisse la preuve d’une faute et partant que l’émission critiquée comporte un ou plusieurs
éléments de fait erroné ou un ou plusieurs faits ou déclarations de nature à porter atteinte
à son honneur ».
Cette exigence met évidemment le demandeur en droit de réponse dans une
situation nettement plus difficile que s’il pouvait se contenter d’opposer sa propre subjectivité à celle, présumée, du journaliste. Elle est toutefois la seule compatible avec la
notion de « droit de rectification » qui caractérise, selon une doctrine unanime, le droit
de réponse dans l’audiovisuel.
71
Cette évolution de la jurisprudence repose évidemment la délicate question de l’autorité de la chose jugée de la décision rendue par le président siégeant « comme en
référé » sur le juge qui serait ultérieurement saisi également d’une action au fond mais
cette fois-ci en dommages et intérêts contre l’organisme producteur ou contre son journaliste, sur la base de l’article 1382 du Code civil.
L’émission « Babel », diffusée par la R.T.B.F. le 3 mars 1992, a donné lieu à deux
procédures qui illustrent parfaitement la complexité de cette question.
234. Le demandeur visait en l’espèce le juge saisi de l’action au fond, en dommages et intérêts, par opposition
au juge saisi de l’action en droit de réponse (celui-ci étant aussi saisi au fond).
235. Civ. Bruxelles (prés.), 9 mai 2002, inédit, n° rôle 2001/8720/A, Postal/R.T.B.F.
236. Civ. Bruxelles (prés.), 1er septembre 2005, inédit, RG 05/4412/A, Féret/R.T.B.F.
452
La demande de diffusion d’une réponse dans la presse audiovisuelle
L’émission intitulée « Enfants cachés : les leçons de la mémoire — quand la
terreur du passé éclaire le fascisme d’aujourd’hui », mettait en perspective certains événements ayant précédé la mise en place de la politique d’extermination des juifs par
l’Allemagne nazie, avec les dérives que l’on pouvait retrouver, cinquante ans plus tard,
dans les programmes politiques de certains partis d’extrême droite mais également dans
les propos tenus par certains dirigeants de partis plus traditionnels.
Pour illustrer ce propos, l’émission faisait notamment état d’un dépliant électoral diffusé par Messieurs Draps et Vanden Haute, à l’époque membres du PRL, lors de la
campagne électorale précédant les élections communales de novembre 1991. Ce tract
contenait des caricatures stigmatisant les émigrés maghrébins. Messieurs Draps et Vanden Haute ont attaqué la R.T.B.F., dans un premier temps devant le président du tribunal de première instance de Bruxelles, en vue d’obtenir la diffusion d’un droit de
réponse qui leur avait été refusé par la télévision publique.
La thèse des demandeurs était que, bien que l’émission ne comportait à leur
égard aucun fait inexact (ils ne contestaient nullement la paternité du tract litigieux ni
son contenu), ils estimaient toutefois que l’émission litigieuse avait « insinué qu’ils propageaient des idées fascistes, voire qu’ils pourraient être fascistes eux-mêmes, et qu’il [le
présentateur] avait établi un parallèle et un amalgame entre la violence des fascistes d’il y
a soixante ans, le dramatique génocide dont les juifs furent victimes durant la seconde
guerre mondiale et d’autre part, le dépliant électoral qu’ils diffusèrent en novembre 1991 »,
ce qui conduisaient les demandeurs à alléguer que « l’émission, dans son ensemble,
[créait] un amalgame de notions telles que son impact sur le public [était] de nature à porter atteinte à leur honneur ».
Après avoir procédé à l’analyse du contenu de l’émission litigieuse, le président
du tribunal a estimé « que le cumul de ces images et de ces paroles apparaît comme un
amalgame, rapide et sans nuance, de tendances politiques très diverses ayant cours à la
veille de la guerre de 1940 ; que cela ne semble pas correspondre à l’objectivité d’une émission scientifique ; (…) que l’ensemble de cet amalgame insinue clairement, contrairement à
ce qu’allègue la R.T.B.F., que les demandeurs propagent les idées fascistes ». Le président
du tribunal en conclut que « l’amalgame, écueil fréquent pour ce langage audiovisuel, a,
dans le cas présent, pu être ressenti par les demandeurs comme étant de nature à porter
atteinte à leur honneur » 237.
On peut sans doute considérer que cette décision s’inscrit dans le premier courant
de la jurisprudence du président du tribunal de première instance de Bruxelles, dès lors
qu’il prend soin de préciser que la diffusion du droit de réponse est justifiée en l’espèce
par le seul fait que l’amalgame dénoncé dans la présentation de l’émission « a pu être ressenti par les demandeurs » comme étant de nature à porter atteinte à leur honneur. En se
contentant d’un « ressenti », le juge qui se place au plan de la subjectivité, écarte manifestement l’obligation pour les demandeurs d’apporter la preuve d’une atteinte réelle à
237. Civ. Bruxelles (prés.), 7 avril 1992, J.L.M.B., 1992, p. 1245.
453
9
Les actions en cessation
leur honneur. Toutefois, la lecture de la décision conduit inévitablement à considérer
que le juge reproche bien une faute à la R.T.B.F. dans la façon dont elle a réalisé l’émission litigieuse. Il lui reproche précisément d’avoir créé un amalgame rapide et sans
nuance, qui ne correspond pas à l’objectivité requise d’une émission scientifique et
qui insinue clairement que les demandeurs propagent des idées fascistes. Le juge reproche encore au présentateur, Paul Damblon, de n’avoir « pas rectifié ou attiré l’attention du
téléspectateur sur le fait qu’il fallait éviter des analogies ou des amalgames simplistes » alors
que « l’émission provoquait ce type d’amalgame et d’analogie » 238.
72
On comprend que, forts d’une telle décision, Messieurs Draps et Vanden Haute aient
décidé ensuite d’introduire une action en responsabilité contre la R.T.B.F. devant le tribunal de première instance, en vue d’obtenir la condamnation de celle-ci à leur payer à
chacun une somme de 250.000 francs à titre de dommages et intérêts, en vue de réparer l’atteinte à leur honneur dont s’était selon eux rendue coupable la R.T.B.F., par la
diffusion de l’émission litigieuse. Et comme il fallait s’y attendre, les demandeurs ont
invoqué dans le cadre de cette action, l’autorité de la chose jugée de la décision rendue
en droit de réponse, pour soutenir que la faute était définitivement établie dans le chef
de la R.T.B.F.
Le tribunal de première instance 239 a écarté cet argument au motif que si, en
l’espèce, il y avait bien identité de cause et de parties, « il n’y avait pas identité d’objet
entre la demande ayant donné lieu à la décision condamnant la R.T.B.F. à diffuser une
réponse et la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice prétendument
subi ». À l’appui de sa position, le tribunal souligne expressément que le président siégeant « comme en référé » s’est borné à dire « non sans une certaine prudence d’ailleurs,
que les demandeurs avaient ‘pu’ ressentir l’amalgame comme étant de nature à porter
atteinte à leur honneur justifiant par là le droit de réponse » et qu’en conséquence, « le
magistrat s’est prononcé dans les limites que lui impose la loi de 1961 (…) et donc, sans être
autorisé à se pencher sur les éléments de fond constituant l’émission incriminée ».
Une simple lecture de la décision rendue par le président siégeant « comme en
référé », le 7 avril 1992, dément toutefois ces dernières considérations. Le tribunal
poursuit néanmoins son raisonnement en soulignant que « la demande introduite par les
requérants devant le tribunal de céans est fondée sur l’article 1382 du Code civil introduit
dans le présent débat la notion de faute, notion qui était absente dans l’argumentation
devant le président du tribunal et dont ce dernier n’avait pas à connaître ».
Le tribunal en conclut que « la décision à intervenir, si elle devait rejeter la présente demande, ne serait donc pas en contradiction avec l’ordonnance (…) du 7 avril 1992
et ne détruirait pas le bénéfice qu’en ont retiré les demandeurs, à savoir le droit de réponse
(…) ».
238. Tous ces reproches pourraient parfaitement figurer dans la motivation d’un jugement condamnant un
organe de presse à des dommages et intérêts pour faute professionnelle.
239. Civ. Bruxelles, 22 novembre 1994, R.G.A.R., 1995, n° 12451.
454
La demande de diffusion d’une réponse dans la presse audiovisuelle
Les magistrats saisis de l’action en dommages et intérêts procèdent ensuite à une
analyse détaillée de l’émission litigieuse pour aboutir à une conclusion diamétralement
opposée à celle du président siégeant « comme en référé » : « qu’à aucun moment la
défenderesse ne présente(…) les demandeurs comme des fascistes assimilables à ceux qui se
rendirent coupables des crimes que l’on sait ; qu’elle ne cesse précisément tout au long de
l’émission de prévenir le spectateur contre cette analogie ; (…) ; que la défenderesse diffuse
notamment des caricatures parues en 1938 et diffusées par un membre du parti catholique
anversois à l’appui de slogans revenant à dire : ‘Anvers aux Anversois et la racaille étrangère dehors (…) ; qu’il est parfaitement compréhensible que la défenderesse ait été frappée
par la similitude des procédés (phrase percutante et caricature) et qu’elle ait fait part de
cette impression aux téléspectateurs ; (…) ; qu’à la lumière de ce qui précède, il y apparaît
clairement que la défenderesse ne s’est rendue coupable d’aucune faute ».
73
Quelle que soit l’argumentation développée par le tribunal en ce qui concerne l’absence
d’autorité de chose jugée de la décision rendue « comme en référé », on ne peut, après
la lecture du jugement du 22 novembre 1994, qu’arriver à la conclusion que l’émission
litigieuse ne portait pas atteinte à l’honneur des demandeurs. Il y a donc bien une contradiction entre les deux décisions.
En toute hypothèse, on voit mal comment aujourd’hui la motivation retenue par
le tribunal de première instance en 1994, en ce qui concerne l’absence d’autorité de
chose jugée de la décision rendue « comme en référé » sur l’action en dommages et
intérêts, pourrait encore être soutenue lorsque, comme on l’a vu, le président siégeant
« comme en référé » considère que « la mise en œuvre du droit de réponse exige que le
demandeur établisse la preuve d’une faute et partant que l’émission comporte un ou plusieurs éléments de fait erronés ou un ou plusieurs faits ou déclarations pouvant porter
atteinte à son honneur » 240.
D’un autre côté, je vois mal comment on pourrait imposer à l’organisme producteur dans le cadre d’une procédure au fond pour dommages et intérêts, l’autorité de la
chose jugée sur la question de la faute, d’une décision rendue en dernier ressort et dans
des conditions anormalement rapides d’un point de vue procédural.
74
La contradiction n’est qu’apparente.
En effet, les preuves qui doivent être apportées dans le cadre de l’action en diffusion d’une réponse et dans le cadre de l’action en dommages et intérêts ne portent
pas sur les mêmes éléments.
Dans le cadre d’une demande de diffusion d’une réponse, il appartient au
demandeur d’apporter la preuve du caractère inexact des faits qu’il entend rectifier ou
du caractère attentatoire à son honneur des déclarations auxquelles il souhaite répondre. Rien de plus. Au contraire, devant le juge du fond saisi d’une action en dommages
240. Civ. Bruxelles (prés.), 1er septembre 2005, inédit, RG 05/4412/A, Féret/R.T.B.F.
455
9
Les actions en cessation
et intérêts sur la base de l’article 1382 du Code civil, il appartient au demandeur d’établir en outre que la présentation d’un fait inexact ou la diffusion de propos attentatoires à l’honneur était, en l’espèce, constitutif d’une faute engageant la responsabilité du
journaliste (ou de l’organisme producteur). Or, en matière de responsabilité de la presse,
il n’y a pas un lien nécessaire et automatique entre la diffusion de faits inexacts ou
attentatoires à l’honneur d’une personne et l’existence d’une faute.
La faute s’appréciera, conformément au droit commun, par rapport au journaliste « normalement prudent et diligent » 241. Par ailleurs, une condamnation d’un journaliste à des dommages et intérêts ne pourra être prononcée que si, conformément à la
jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, la mesure correspond à un
besoin social impérieux 242. Si les débats présentent certaines similitudes, ils se situent
bien sur des plans différents, de sorte qu’une décision accordant la diffusion d’une
réponse n’aura pas d’effet direct et automatique — et certainement pas d’autorité de
chose jugée — sur l’existence d’une faute dans le chef du journaliste, dans le cadre
d’une action en responsabilité professionnelle.
75
Sur cette question, il est encore intéressant de constater que dans le régime mis en place
par les décrets de la Communauté flamande, il est précisé que la requête en diffusion
d’une réponse doit notamment « contenir la preuve » que les conditions visées à
l’article 178, pour obtenir la diffusion de la réponse, sont remplies 243. Or, l’article 178
précise qu’une personne a « le droit de requérir l’insertion gratuite d’une réponse si ses
droits légitimes, concernant notamment son honneur ou sa réputation, ont été lésés à la
suite d’une allégation incorrecte faite au cours de l’émission ». À mon sens, cette rédaction
oblige le demandeur en diffusion d’une réponse à apporter, dans sa requête en diffusion, la preuve du caractère « incorrect » de l’allégation contenue dans l’émission et du
fait que cette allégation incorrecte a porté atteinte à « ses droits légitimes ».
241. Pour apprécier si le journaliste a commis une faute, le juge devra notamment vérifier si les informations
données étaient justifiées par le droit à l’information du public, si les faits inexacts ou attentatoires à l’honneur
ont été vérifiés dans la mesure raisonnable des moyens d’un journaliste normalement prudent et diligent avant
leur diffusion, si l’information diffusée faisait suffisamment la différence entre les faits rapportés et les opinions
commentées du journaliste et si la présentation du texte et les termes employés évitaient une agressivité ou une
malveillance déplacée à l’égard des tiers.
242. Voy not. S. Hoebeke et B. Mouffe, op. cit., nos 237 et s. ; D. Voorhoofd, Handboeck…, op. cit., pp. 33 et s. ;
K. Lemmens, La presse et la protection juridique de l’individu — Attention aux chiens de gardes !, Larcier 2004,
pp. 188 et s. ; E. Montero et H. Jacquemin, op. cit., vol. 1, Titre II/livre 26, pp. 16 et s. et p. 41.
243. Décrets flamands relatifs à la radiodiffusion et à la télévision, coordonnés le 4 mars 2005, art. 180, § 1er,
3°.
456
La demande de diffusion d’une réponse dans la presse audiovisuelle
H. Le droit pour le juge de modifier le texte de la réponse
76
S’il est admis en matière de presse écrite que le principe est celui de l’intangibilité 244 de
la réponse proposée, la question est nettement plus ouverte dans l’audiovisuel.
77
Le droit pour le juge d’apporter des modifications au texte tel qu’il était initialement
libellé par le demandeur en diffusion, a été admis dans la presse audiovisuelle, par une
décision du président du tribunal de première instance de Bruxelles du 19 mai 1982 245.
Cette décision a fait l’objet d’un pourvoi en cassation sur ce point, qui a été rejeté par la
Cour de cassation dans son arrêt du 13 octobre 1983 246.
Dans cette affaire, la demanderesse en diffusion d’une réponse avait modifié sa
demande en terme de conclusions en se déclarant disposée à supprimer quatre paragraphes du texte initialement proposé en réponse. Le président du tribunal avait déclaré
cette demande recevable sur la base de l’article 807 du Code judiciaire et y avait fait
droit.
La première branche du moyen développé par l’organisme producteur dans son
pourvoi en cassation soutenait que le président du tribunal « a pour seule mission de
vérifier si le refus [de diffuser la réponse formulée dans la lettre recommandée] est ou non
illégal » et partant, « si la demande de réponse (…) était fondée en son principe au sens des
articles 7 et 10 de la (…) loi et enfin, si la réponse pouvait être refusée en vertu de
l’article 9 ; qu’il ne peut donc, même à la demande de la partie qui le saisit, réduire ou
modifier le texte de la réponse ». La seconde branche du moyen soutenait que la modification formulée par la demanderesse dans ses conclusions constituait en réalité une
« nouvelle demande de réponse » qui n’était pas recevable dès lors qu’elle n’avait pas été
formulée dans les conditions prévues par la loi. Les deux branches du moyen reposaient
ainsi sur le postulat que la demande visant à un droit de réponse dont est saisi le président du tribunal en matière audiovisuelle doit se superposer exactement à la demande
de diffusion qui a fait l’objet du refus.
La Cour de cassation exclut explicitement cette thèse en rejetant la seconde
branche du moyen. Si la demande judiciaire peut être modifiée sur la base de
l’article 807 du Code judiciaire, sans constituer une nouvelle demande de réponse, c’est
bien parce qu’elle n’est pas enserrée dans les termes de la lettre recommandée initiale
244. S. Hoebeke et B. Mouffe, op. cit., n° 867 ; civ. Liège (réf.), 19 décembre 1989, J.L.M.B., 1990, pp. 414 à
423 et note de F. Jongen, « L’intervention du juge… », p. 421 — l’auteur critique toutefois la « prudence
excessive » du juge qui refuse de revoir le texte. F. Jongen semble néanmoins avoir revu sa position, puisque dans
sa note publiée à la R.C.J.B. en 2001, il considère que l’article 807 C. jud. ne peut pas s’appliquer en matière de
droit de réponse dans la presse écrite (op. cit., n° 44, p. 300) ; Bruxelles, 14 juin 1966, Pas., 1967, II, 106 ; Bruxelles, 30 mai 1996, R.W., 1996-1997, p. 919 ; Anvers, 15 février 1991, R.W., 1991-1992, p. 445 ; Civ. Bruxelles
(réf.), 14 février 2002, A.&M., 2004, p. 187.
245. Civ. Bruxelles, 19 mai 1982, J.T., 1983, p. 152.
246. Cass., 13 octobre 1983, Pas., 1984, I, 153.
457
9
Les actions en cessation
et, partant, qu’elle s’en distingue. Le pouvoir du juge n’est dès lors pas limité à la vérification de la légalité du refus de diffuser la réponse, celle-ci étant envisagée comme un
tout indivisible.
Les motifs justifiant le rejet de la première branche du moyen, qui visait précisément l’étendue du pouvoir du juge, confirment cette lecture. La Cour rappelle certes
que l’ordonnance attaquée a légalement décidé que la demande subsidiaire était recevable sur la base de l’article 807 du Code judiciaire, mais elle retient aussi que l’ordonnance « relève, en outre, que la loi organise un ensemble de mesures conciliatoires,
rectifications spontanées, contre-propositions, appels en conciliation, qui, à défaut d’y avoir
eu recours, laisse entier le pouvoir d’appréciation du juge » pour en déduire « qu’ainsi
l’ordonnance justifie légalement la décision critiquée en cette branche du moyen ». En
d’autres termes, la Cour de cassation estime que le juge est appelé également à statuer
sur une réponse modifiée aux motifs que dans le système organisé par la loi en matière
audiovisuelle, à défaut de recours à ces mesures conciliatoires, le pouvoir d’appréciation du juge reste « entier ».
78
Ainsi, doctrine et jurisprudence estiment majoritairement, en s’appuyant sur la différence des textes de la loi du 23 juin 1961 relative au droit de réponse dans les écrits et
le texte des articles 7 et suivants relatifs aux réponses audiovisuelles, que les régimes
organisés sont dissemblables également en ce qui concerne l’étendue des pouvoirs conférés au juge. Le principal argument se fonde sur le fait que, pour les réponses écrites,
la loi de 1961 n’a pas prévu de procédure de contre-proposition en sorte que l’éditeur
n’a d’autre choix que d’accepter ou de refuser l’insertion de la réponse proposée et le
juge de s’y conformer s’il estime légal le refus de l’éditer. On en a déduit le principe de
l’intangibilité de la réponse écrite 247. Par contre, le système de contre-proposition prévu
en matière audiovisuelle a été interprété comme instaurant le principe de non intangibilité des réponses en la matière et la possibilité pour le juge d’adapter le texte de la
réponse 248. Il est dès lors incontestable qu’en vertu de l’article 807 du Code judiciaire,
le juge saisi d’une demande de diffusion d’une réponse peut, à la demande d’une des
parties, modifier le texte de la réponse initialement soumis à l’organisme producteur.
79
Allant plus loin, certains magistrats se sont autorisés à modifier le texte de la réponse de
leur propre initiative 249. F. Jongen, qui semble approuver ces pouvoirs « très larges » du
247. Outre les références citées en note (243), voy. encore G. Leroy, « La jurisprudence du droit de réponse dans
les écrits périodiques depuis 1961 », J.T., 1980, p. 43 ;
248. F. Jongen, « L’intervention du juge … », op. cit., p. 299 ; F. Tulkens et M. Verdussen, op. cit., p. 91 ; Civ.
Bruxelles, 30 décembre 1992, et note de D. Voorhoof, « Het recht tot antwoord in de audiovisuele media en de
bevoegdheid van de voorzitter van de rechtbank van eerste aanleg », pp. 137 et s., ici sp. p. 139 ; Civ. Bruxelles
(prés.), 17 avril 1981, R.W., 1981-1982, Col., 1627 et obs. de J.L. Ballon, Civ. Bruxelles (prés.), 12 février 1998,
J.L.M.B., 1999, p. 955.
249. Civ. Bruxelles (prés.), 17 avril 1981, R.W., 1981-1982, Col. 1627, Obs. de J.L. Ballon ; Civ. Bruxelles (prés.),
12 février 1998, J.L.M.B., 199, pp. 955 et s. et A.&M., 2000, pp. 93 et s.
458
La demande de diffusion d’une réponse dans la presse audiovisuelle
juge s’agissant du droit de réponse dans l’audiovisuel, précise que « ce pouvoir de modification du juge peut également trouver son fondement dans la nécessité que le texte de la
réponse remplisse les conditions légales, et notamment celles citées par l’article 9 de la
loi » 250.
80
Il reste que la Cour de cassation n’a jamais été amenée à trancher la question de la
modification du texte de la réponse lorsque aucune partie ne le demande. À cet égard,
même si l’on admet que la loi du 4 mars 1977 n’a pas consacré le principe de l’intangibilité de la réponse en matière d’audiovisuel, le juge demeure néanmoins tenu par le
principe du dispositif et par l’article 1138, 2°, du Code judiciaire qui lui interdisent de
se prononcer sur des choses non demandées. On voit mal comment, dans ces conditions, le juge pourrait de sa propre initiative, modifier le texte qui lui est soumis. En
toute hypothèse, s’il fallait lui reconnaître un tel pouvoir, quod non, il s’impose qu’il
soumette préalablement son « projet » de réponse à la contradiction des parties.
Dans une récente décision, le président du tribunal de première instance de
Bruxelles 251 semble rejeter la possibilité de modifier d’initiative le texte sollicité par le
demandeur. Le président précise d’abord « que pour apprécier si le refus de [l’organisme
producteur] répondait aux conditions légales, il y a lieu d’avoir égard au texte de la
réponse tel qu’il lui a été présenté ». Ensuite, le tribunal souligne « que c’est à tort que le
demandeur soutient (…) qu’il appartiendrait au tribunal de rédiger une réponse en ses lieu
et place ; que si dans son arrêt du 13 octobre 1983, la Cour de cassation a décidé
qu’aucune disposition de la loi du 23 juin 1961 relative au droit de réponse n’écartait dans
le domaine de l’audiovisuel l’application de l’article 807 du Code judiciaire en manière telle
que le juge était en droit de réduire la demande dont il était saisi, encore convient-il de relever qu’en l’espèce [le demandeur] ne formule aucune demande fondée sur l’article 807 du
Code judiciaire ; qu’il n’appartient dès lors pas au tribunal de céans d’ajouter un texte de
réponse qui n’est pas sollicité par le demandeur ni de substituer à la réponse proposée par
celui-ci, qui épingle des faits précis de l’émission, un texte ‘général’ répondant à un impact
défavorable que le reportage, dans sa globalité, a pu avoir dans le public ».
Après avoir énoncé de façon aussi claire les limites du pouvoir du juge statuant
sur une demande de diffusion d’une réponse, quant au contenu du texte de la réponse,
le président du tribunal de première instance va estimer que pour un des quatre points
auxquels elle entendait apporter une rectification, la demande de diffusion d’une
réponse est partiellement fondée et va dès lors condamner l’organisme producteur à
diffuser l’extrait de la réponse sollicitée par le demandeur concernant ce seul point. Ce
faisant, le juge reste dans les limites de son pouvoir, en faisant en réalité partiellement
droit aux arguments de l’organisme producteur qui contestait le bien fondé de la
demande.
250. F. Jongen, « L’intervention du juge… », op. cit., n° 45, p. 300 ; Civ. Bruxelles (prés.), 12 février 1998,
J.L.M.B., 199, p. 958.
251. Civ. Bruxelles (prés.), 1er septembre 2005, inédit, RG 05/4412/A, Féret/R.T.B.F.
459
9
Les actions en cessation
Par contre, de façon surprenante et contradictoire au regard des considérations
précitées reprises dans la décision, le juge va en définitive retrancher une partie de
l’extrait de la réponse qu’il estime fondé et, en outre, ajouter une précision qui ne figurait pas dans le texte de la réponse.
La question de l’étendue exacte du pouvoir d’intervention du juge par rapport
au texte de la réponse reste donc incertaine en matière audiovisuelle 252.
SECTION 3
Considérations finales
81
La procédure en demande de diffusion d’une réponse dans l’audiovisuel, relevant de la
compétence du président du tribunal de première instance de Bruxelles, siégeant au
fond, selon les formes du référé n’entre manifestement pas dans le moule classique des
actions en cessations. Elle suscite par ailleurs, on vient de le voir, de nombreuses
questions de procédure et présente de multiples chausse-trappes pour le demandeur
inattentif.
Sans doute le législateur a-t-il voulu éviter que cette procédure ne connaisse
trop de succès, au détriment des organismes producteurs, craignant que leurs programmes se voient réellement perturber si le droit de rectification était trop largement ou
trop facilement reconnu.
S’il n’est pas certain que toutes les règles entourant l’exercice du droit de
réponse dans l’audiovisuel soient parfaitement judicieuses et s’il semble que sur certains points, la copie du législateur (en ce compris les projets en cours) pourrait être
améliorée (j’ai essayé, lorsque cela me paraissait nécessaire, de le souligner dans la présente note), encore faut-il constater qu’en pratique, ce contentieux ne déchaîne pas les
passions. Bon an mal an, le nombre de procédures reste apparemment constant — et en
définitive peu élevé —, tant dans la phase précontentieuse que dans l’éventuelle phase
judiciaire.
Certes, quelques controverses subsistent, quelques particularismes étonnent.
Avant toutefois de remettre toutes ces règles à plat, notamment en vue d’unifier les
deux régimes de droit de réponse, et ainsi de risquer de modifier un certain équilibre
qui manifestement a été trouvé en pratique, il importe que le législateur s’interroge
sérieusement sur ce qu’il souhaite modifier, pourquoi et en quel sens.
252. Un pourvoi en cassation ayant été introduit contre la décision du 1 er septembre 2005, notamment sur ce
point, la Cour de cassation aura peut-être prochainement l’occasion de se prononcer sur cette question.
460
Annexe I
Annexe I
TABLEAU RÉCAPITULATIF DES DEMANDES DE DIFFUSION D’UNE
RÉPONSE DONT LA R.T.B.F. A ÉTÉ SAISIE ENTRE 1995 ET 2005 253
(RADIO ET TÉLÉVISION)
1995
Nombre total des demandes : 15
en télévision : 11
en radio :
4
demandes refusées sans que le demandeur ne conteste le refus 7
demandes refusées suivies d’une action comme en référé
5
demandes acceptées avec contre-proposition acceptée
3
1.
condamnation partielle 1
débouté
procédure sans suite
2
2
1
condamnation partielle 1
désistement
2
1
le juge ayant retranché une partie du texte de la réponse
1996
Nombre total des demandes : 11
en télévision : 10
en radio :
1
demandes refusées sans que le demandeur ne conteste le refus 8
demandes refusées suivies d’une action comme en référé
3
demande acceptée avec contre-proposition acceptée
0
1.
le juge ayant retranché une partie du texte de la réponse
1997
Nombre total des demandes : 20
en télévision :
en radio :
16
4
demandes refusées sans que le demandeur ne conteste le refus
17
demande refusée suivie d’une action comme en référé
0
demandes acceptées avec contre-proposition acceptée
2
demande refusée + information complémentaire diffusée spontanément
1
253. Les demandes introduites en 2001 et 2002 n’ont pas fait l’objet d’un relevé systématique.
461
9
Les actions en cessation
1998
Nombre total des demandes : 9
en télévision : 7
en radio :
2
demandes refusées sans que le demandeur ne conteste le refus 6
demandes refusées suivies d’une action comme en référé
2
demande acceptée avec contre-proposition laissée sans suite
1
débouté
2
condamnation partielle 1
1
1999
Nombre total des demandes : 8
en télévision : 7
en radio :
1
demandes refusées sans que le demandeur ne conteste le refus 4
demande refusée suivie d’une action comme en référé
1
demande acceptée
1
demande d’information complémentaire laissée sans suite
1
demande refusée + information complémentaire diffusée
spontanément
1
1.
le juge ayant retranché une partie du texte de la réponse
2000
Nombre total des demandes : 10
en télévision : 6
en radio :
4
demandes refusées sans que le demandeur ne conteste le refus 6
demande refusée + complément d’information
suivie d’une action en conciliation
1
PV de conciliation
1
Demande refusée suivie d’une action comme en référé
1
Débouté
1
demande abandonnée
1
demande acceptée avec contre-proposition acceptée
1
2003
Nombre total des demandes : 10
en télévision :
en radio :
8
2
demandes refusées sans que le demandeur ne conteste le refus
9
demande acceptée avec contre-proposition acceptée
1
462
Annexe I
2004
Nombre total des demandes : 5
en télévision : 4
en radio :
1
demandes refusées sans que le demandeur ne conteste le refus 2
Demande refusée suivie d’une action comme en référé
1
demande abandonnée
1
demande acceptée avec contre-proposition acceptée
1
Débouté
1
condamnation partielle 1
débouté
procédure abandonnée
2
2
1
2005
Nombre total des demandes : 10
en télévision : 6
en radio :
4
demandes refusées sans que le demandeur ne conteste le refus 4
Demande refusée suivie d’une action comme en référé
5
demande refusée avec complément d’information
diffusé spontanément
1
1.
le juge ayant retranché une partie du texte de la réponse
COMMENTAIRES
Sur 98 demandes (soit, en moyenne, entre 10 et 11 demandes par an), seules 18 ont fait l’objet
d’une action comme en référé et seules 7 actions ont abouti à une condamnation partielle de la
R.T.B.F. à diffuser une réponse.
Les demandes refusées sans que le demandeur ne conteste le refus, l’ont été soit pour des questions de forme (irrecevabilité de la demande), soit pour des raisons de fond (absence d’élément erroné
ou attentatoire à l’honneur dans l’émission litigieuse ou demandes manifestement farfelues).
Les informations couvrant « l’affaire Dutroux », au sens large, ont suscité un nombre important de
demandes de réponses. Ce qui explique sans doute en partie le nombre plus élevé de demandes en
1997.
9
463
Les actions en cessation
Annexe II
Bruxelles (8e ch.), 14 septembre 1994, RG n° 879/94, Optic 2011/ A.P.O.B.
(traduction libre)
Vu le jugement rendu contradictoirement le 26 janvier 1994 par le président du tribunal
de commerce de Bruxelles, siégeant comme juge des cessations (…) ;
(…)
C. Recevabilité de la demande
Attendu que l’appelante soutient que la demande n’est pas recevable dès lors que au
regard du prescrit de l’article 716 du Code judiciaire, la cause a été inscrite tardivement au rôle
général ;
Attendu que l’intimé soutient que l’article 716 du Code judiciaire ne trouve pas à s’appliquer dès lors que la demande concerne en l’espèce une action en cessation, qui, conformément
à l’article 100 de la loi sur les pratiques de commerce, est introduite et instruite comme en
référé ; que la demande en référé ne doit pas être inscrite au rôle général ; qu’il suffit, conformément à l’article 1035, alinéa 1er, du Code judiciaire qu’elle soit portée au jour et heure indiqués par le règlement du tribunal, à l’audience qui est présidée par le président du tribunal ou
par le juge qui le remplace ;
Attendu qu’il ressort d’une lecture combinée des articles 711 et 712 du Code judiciaire,
que les demandes en référé et les demandes sur requête sont inscrites à des rôles particuliers,
tandis que les autres affaires sont inscrites au rôle général ;
Que la demande en cessation n’est ni une demande en référé, ni une demande sur requête,
mais bien une demande au fond (Cass., 15 décembre 1978, Pas., 1979, I, 460) et doit dès lors
être inscrite au rôle général ;
Attendu qu’en vertu de l’article 716, alinéa 1er, du Code judiciaire, les causes sont inscrites
au rôle général, au plus tard la veille de l’audience pour laquelle la citation a été donnée ; que
le deuxième alinéa de cet article précise qu’aucune inscription n’est plus possible lorsque ce
délai est échu ;
Qu’en l’espèce, l’appelante a été convoquée par citation, signifiée le 14 octobre 1993, pour
comparaître à l’audience du 20 octobre 1993 ;
Qu’il n’est pas contesté que l’affaire a été inscrite au rôle général le jour même de
l’audience d’introduction, à savoir le 20 octobre 1993, c’est-à-dire après l’expiration du délai
déterminé par l’article 716, alinéa 2, du Code judiciaire ;
Attendu que l’article 716, alinéa 3, du Code judiciaire, prévoit un assouplissement de la
règle précitée, dans la mesure où le président de la chambre peut autoriser l’inscription de la
cause au rôle général, le jour de l’audience même, pour autant qu’il existe de justes motifs et
que cette inscription soit demandée avant le début de l’audience ;
Que l’article 716, alinéa 4, du Code judiciaire précise que l’inscription est faite à la
demande de l’huissier instrumentant, des parties intéressées, de l’avocat ou d’un porteur de
pouvoir ;
Qu’il faut dès lors admettre que ce sont les personnes précitées qui peuvent introduire la
demande, évoquée ci-dessus, auprès du président de la chambre, afin de faire inscrire l’affaire ;
Qu’en l’espèce, il n’apparaît pas qu’une des personnes précitées ait demandé au président,
avant le début de l’audience du 20 octobre 1993, de pouvoir encore inscrire la cause au rôle,
ni qu’il existait de justes motifs pour accorder cette autorisation ;
464
Annexe II
Que le simple fait que l’huissier ait omis de demander l’inscription au rôle entre la date de
la signification et la veille de l’audience d’introduction, ne constitue pas, en soi, un juste
motif ;
Attendu que le premier juge a estimé que l’affaire avait « apparemment » été inscrite au
rôle le jour de l’audience, avant 9h00, en application d’une procédure d’origine prétorienne
qui est instaurée au tribunal de commerce de Bruxelles, à savoir :
– les inscriptions pour l’audience qui commence à 9h00 sont encore acceptées jusqu’à 9h00
au greffe, qui est ouvert à partir de 8h30 ;
– de plus, il est présumé que le président de la chambre a donné son consentement à cette
inscription tardive, puisqu’il n’y a pas de raison apparente pour que cette autorisation soit
refusée ;
– qu’après 9h00, l’affaire peut encore être inscrite, sous réserve de l’autorisation explicite du
président, mais il ne pourra pas être pris défaut dans un cas pareil ;
Qu’un tel règlement est contraire, sur plusieurs points, au prescrit du Code judiciaire,
notamment dans la mesure où :
– en ce qui concerne les inscriptions avant 9h00, il n’est en réalité pas demandé d’autorisation au président de la chambre, mais au contraire, ces inscriptions sont faites d’office par
le greffe ;
– que l’existence de justes motifs pour pouvoir inscrire la cause hors délais est présumée, sans
plus ;
– que l’inscription est encore autorisée quant elle est demandée après le début de l’audience
pour laquelle la citation a été signifiée ;
Attendu que, conformément à l’article 717 du Code judiciaire, la cause qui n’a pas été inscrite au rôle général pour l’audience indiquée dans la citation, est de nul effet ;
Que cette disposition précise la sanction applicable lorsque la cause n’est pas inscrite au
rôle conformément à l’article 716 du Code judiciaire et notamment lorsqu’elle n’est pas inscrite la veille de l’audience d’introduction ou le jour même de cette audience pour autant que
cette inscription soit demandée avant le début de l’audience et que le président l’ait autorisée
pour de justes motifs (Fettweis, A., Manuel de procédure civile, 1985, n° 258) ;
Que l’intimé soutient à tort que l’article 717 du Code judiciaire concerne une hypothèse
différente de celle qui est prévue par l’article 716 du Code judiciaire, notamment quand
l’affaire est inscrite au rôle général d’une autre instance que celle devant laquelle il a été cité ;
Attendu que la sanction du non-respect de l’article 716 du Code judiciaire n’est pas la nullité de la citation, nullité qui est régie par les articles 860 et suivants du Code judiciaire ;
Que l’article 717 Code judiciaire prescrit explicitement la sanction, à savoir que la citation
n’est « d’aucune valeur » (« gener waarde »), en d’autres termes, qu’elle ne peut pas remplir
son rôle d’acte introductif de la cause, que le juge n’est pas saisi de façon régulière, qu’il n’est
tout simplement pas saisi (Van Reepinghen, Rapport sur la réforme judiciaire, pp. 302 et 303) ;
Attendu que de ce qui précède, il s’ensuit que l’appel principal est fondé ;
Par ces motifs,
(…),
réforme le jugement attaqué en ce qu’il a déclaré la demande recevable (…) ;
jugeant à nouveau,
déclare que la citation signifiée à l’appelante le 14 octobre 1993 est de nul effet (gener
waarde) ; Qu’en conséquence, le demande n’est pas recevable.
465
9