Les innovations introduites dans l`Acte uniforme portant organisation

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Les innovations introduites dans l`Acte uniforme portant organisation
• Dr Boubacar S. DIARRAH
~
Maoisrrac
Enseigna nt
à /' Unirersité de Bamako
Jia rrahboubacar@yahoojr
INTRODUCTION
L'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit
des Affaires (OHADA) est une organisation communautaire
destinée à harmoniser le droit des affaires en Afrique et à
assurer la sécurité juridique et judiciaire. Elle se propose
de mettre en place un droit des affaires harmonisé, simple,
moderne et adapté. Elle vise à encourager l'investissement et
promouvoir l'arbitrage tout en améliorant la formation des
magistrats et des auxiliaires de justice.
L'harmonisation du droit des affaires dans l'espace OHADA
s'opère par le biais de textes dénommés<<Actes uniformes>>.
Ces Instruments Juridiques qui ont une valeur supranationale
sont préparés et élaborés par le Secrétariat Permanent, et
soumis à l'approbation du Conseil des Ministres de I'OHADA.
t.:OHADA s'affirme aujourd'hui comme un acteur important
dans le développement économique en Afrique. En effet,
l'introduction d'un nouveau droit harmonisé en Afrique
suscite un grand intérêt de part et d'autre et a réussi à
redonner confiance aux investisseurs. L'OHADA, disait le
Président Keba MBAYE, est un bel exemple d'intégration
africaine.
De nos jours, l'organisation fait face à de nombreux défis
et ceux-ci l'ont amené à entreprendre ces dernières années
une série de reformes qui a consisté à engager un processus
d'évaluation systématique et exhaustive des Actes uniformes
en vigueur et à procéder à la révision du traité. La finalité
de cette action est d'identifier les insuffisances et prendre en
compte les contingences pertinentes.
C'est dans cette perspective que l'Organisation a entrepris
une vaste reforme qui a, non seulement consisté, en
l'adoption du neuvième Acte uniforme, en l'occurrence, celui
relatif au droit des sociétés coopératives, mais à la refonte
de l'Acte uniforme portant sur le droit commercial général
(AUDCG) et l'Acte uniforme portant Organisation des Sûretés
qui fait l'objet de la présente communication.
Une sûreté est l'affectation au bénéfice d'un créancier, d'un
bien, d'un ensemble de biens ou d'un patrimoine afin de
garantir l'exécution d'une obligation ou d'un ensemble
d'obligations, quelle que soit la nature juridique de celles-ct et
notamment qu'elles soient présentes ou futures, déterminées
ou déterminables, conditionnelles ou inconditionnelles, et
que leur montant soit fixe ou fluctuant'.
Il ressort de cette définition que tous les créanciers ont la
faculté de poursuivre la réalisation des biens du débiteur qui
constituent leur droit de gage général'.
La sûreté est destinée à garantir le crédit que consent un
créancier ; elle est toujours attachée à une opération de
crédit, que celui-ci ait été consenti ab initio (prix payable
à terme) par le créancier ou subi par lui a posteriori (non
respect du terme ou du paiement comptant et prise d'une
sûreté) 3 • Le crédit est au cœur des sûretés quelle que soit
l'obligation garantie.
Ainsi, au même titre que l'ensemble de l'Acte uniforme
portant sur le Droit Commercial Général (AUDCG), l'Acte
uniforme portant Organisation des Sûretés a fait l'objet
d'une modernisation dans les perspectives de présenter un
nouveau texte fidèle aux orientations de I'OHADA et adapté
aux besoins des agents économiques des Etats-parties. Il a
été décidé de procéder à une réécriture de l'ensemble du
texte.
La reforme a aussi pour objectif de moderniser les
concepts en respectant leur originalité tout en facilitant
leur compréhension ce qui a consisté à faire des options de
politique législative (1) qui ont abouti à des amendements de
!:Acte uniforme portant Organisation des Sûretés (11) .
1- OPTIONS DE POLITIQUE LÉGISLATIVE
L'objectif général du projet de réforme du droit OH ADA des
sûretés vise principalement à améliorer l'environnement
du droit des affaires dans l'espace OHADA pa r le biais de
l'actualisation et de la ·modernisation de l'Acte uniforme
• Cette contribution a été présentée lo rs des jo urnées annuelles de l'Associati o n
pro fessionnelle des Juristes de Banques et Etablissements Fin anc iers ( APJ BEF )
Bamako du 27 au 29 Avril 20 Il 1 JO OHADA du 15 février 20 Il
t 1 Article ler de l'Acte uniforme portant sûretés Jo urnal offic iel de l'O HAOA en
date du 15 février 20 ll
2 Art. 2093 Code civil.
3 OHADA sûretés François Anouhaka , François Cissé Niang, aUili colL dro it
uniforme africain pl
REVUE DE DROIT UNIFORME AFRICAIN 1 AC TUALITE TRIMESTRIELLE DE DROI T ET DE JURISPRUDENCE W 00!5 20 11
3
OHADA du 17 Avril 1997 portant Organisation des
Sûretés. Le soutien des établissements de crédit dans les
financements apportés aux opérateurs économiques pour
leurs investissements et aux particuliers pour soutenir la
consommation des ménages, constitue une des conditions
essentielles du développement économique du secteur privé
dans la zone OHADA 4 •
Il convient d'indiquer qu'il est constant que l'accès au
financement et le développement du crédit sont déterminés
en grande partie par la capacité d'un débiteur à offrir
librement une garantie fiable aux prêteurs.
Aussi, le droit OHADA des sûretés doit-il édicter des règles de
nature à favoriser la confiance, << Clé de voûte » des activités
de crédit, et à susciter, plus généralement, l'attractivité du
Droit des affaires 5 .
La réforme a comme objectif spécifique la formulation de
solutions novatrices et équilibrées, de nature à renforcer
davantage les qualités de souplesse, de lisibilité et
d'accessibilité du droit OHADA des sûretés, nécessaires au
développement du crédit.
C'est dans cette perspective que les
amendements sont destinés à améliorer le
régime des sûretés personnelles et réelles,
tout en renforçant le régime de publicité.
En ce qui concerne les sûretés, il a été
procédé à une redéfinition des notions de
gage et de nantissement; à la simplification
des conditions de constitution du gage
et du nantissement. Aussi, l'assiette des
sûretés mobilières a été étendue et celles
existantes améliorées.
Enfin en ce qui concerne les hypothèques,
il a été tenu compte des principes de
souplesse au niveau de leur constitution et
d'efficacité quant à leur exécution.
Les amendements apportés à l'Acte uniforme portant
sûreté ont été rédigés dans le respect des normes de qualité
fixées par les techniques de la légistique, sous le contrôle
des experts habilités à cet effet. t:Acte uniforme répond à
l'exigence fixée par le Traité relatif à l'harmonisation du droit
des affaires en Afrique posant l'exigence d'un droit<< simple,
moderne et adapté, afin de faciliter l'activité des entreprises">>.
Les innovations ont été introduites à l'aune des normes et
des bonnes pratiques en matière de sûretés.
Il - CADRE DES AMENDEMENTS DE LJ\CTE UNIFORME
PORTANT ORGANISATION DES SÛRETÉS
Le souci d'amélioration de la qualité formelle de la
présentation et de la rédaction par la prise en compte de
l'introduction des nouvelles sûretés, a conduit à ajouter de
nouvelles dispositions pour préciser un régime juridique ou
prévoir un nouveau régime.
A/ SÛRETÉS PERSONNELLES
Il a été décidé relativement aux sûretés personnelles, que
seules le cautionnement et la lettre de garantie soient
retenus à l'exclusion de la lettre d'intention. Pour ce qui est
4 Rapport Pr Pierre Crocq sur les Sûretés 2010, SP inédit.
5 Rapport pour le Secrétariat permanent de l'OHADA l 5/ll /09 AUS, inédit.
6 Préambule et article premier Traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires
en Afrique
4
du cautionnement, la définition et le régime juridique ont été
précisés. Les règles de constitution ainsi que les effets ont
été amendées dans le sens de la souplesse et de la simplicité.
Cette élucidation a permis de réexaminer les formalités
prescrites, l'étendue du cautionnement et la périodicité de
l'obligation d'information de la caution.
Quant à la lettre de garantie, les orientations ont trait à la
forme, aux modalités ainsi qu'à la question de sa révocabilité
et de sa transmissibilité.
1. Cautionnement
a. Définition
Dans le cadre de la définition du cautionnement (article
13 nouveau), une précision a été apportée concernant
l'obligation principale qui peut être présente ou future (al. 1 ).
Par ailleurs, le cautionnement peut être contracté sans ordre
du débiteur et même à son insu (al. 2).
b. Formation du cautionnement:
- Formalités :
Le nouvel article 14 introduit une
modification substantielle qui tend à
faire de la mention manuscrite de la
somme en lettres et en chiffres par la
caution, une simple condition de preuve
de la reconnaissance de son engagement.
Toutefois. la signature de l'acte qui
exprime la volonté de celui qui s'engage
demeure une condition de validité du
cautionnement, même si cela n'a pas été
expressément précisé.
-Etendue:
Le nouvel article 18 introduit certains
assouplissements en ce qui concerne la
détermination de l'étendue du cautionnement. L'alinéa 1 a
fait l'objet d'une récriture par l'introduction de la formule
<< sauf clause contraire >>, pour mieux mettre en exergue le
caractère supplétif qui n'était rendu que par l'usage du verbe
pouvoir. L'expression << à la demande de la caution >> a été
placée au début du deuxième alinéa qui imposait d'annexer
l'acte constitutif de l'obligation principale à la convention de
cautionnement.
Désormais, la caution devra en faire la demande.
Dans le nouvel article 19, l'expression « les intérêts >> a été
ajoutée entre<< incluant le principal>> et<< et tous accessoires>>.
c. Effets du cautionnement:
La plupart des modifications sont purement formelles, sans
effet sur la substance des dispositions modifiées. Seules
quelques dispositions font exception.
Ainsi dans le nouvel article 23, la référence à l'obligation
d'informer la caution de toute défaillance du débiteur
principal a été supprimée (l'expression<< doit aviser la caution
de toute défaillance du débiteur principal>> a été supprimée).
N'est maintenue, dans ce texte, que l'exigence d'une mise en
demeure du débiteur antérieurement à toute action contre
la caution.
C'est le nouvel article 24 qui traite désormais de l'obligation
d'informer la caution de toute défaillance du débiteur
principal, dans le mois de la mise en demeure de payer
REVUE DE DROIT UNIFORME AFRICAIN 1 ACTUALITE TRJMESTRIEUE DE DROIT ET DE JURISPRUDENCE W 005 2011
adressée au débiteur principal et restée sans effet.
Cette obligation vise à permettre à la caution de payer
le créancier le plus rapidement possible et d'éviter ainsi
l'accumulation à son détriment des pénalités et intérêts de
retard. L'information doit porter sur le montant restant dû
par le débiteur en principal, intérêts et autres accessoires à
la date de cet incident de paiement. Par conséquent, en cas
de violation de cette obligation par le créancier, la caution
ne peut être tenue des pénalités ou intérêts de retard échus
entre la date de cet incident et la date à laquelle elle en a été
informée.
Par ailleurs, la périodicité de l'obligation d'information de
la caution (en dehors de tout incident de paiement) a été
allongée, passant à six mois dans le nouvel article 25. Le
manquement à cette obligation d'information périodique
est sanctionné par la déchéance, vis-à-vis de la caution, des
intérêts contractuels échus depuis la date de la précédente
information jusqu'à la date de communication de la nouvelle
information.
2. Garantie autonome
a. Formation de la garantie
- Définition
Les définitions des garantie et contre garantie autonomes
ont été modifiées (article 39 no uv) en précisant que le garant
ou le contre garant s'engagent, « en considération d'une
obligation souscrite par le donneur d'ordre et sur instruction
de ce donneur d'ordre ... à première demande ou suivant des
modalités convenues >>. L'interdiction des garantie et contregarantie autonomes souscrites par des personnes physiques
a été maintenue avec une légère reformulation (article 40 al.
1 nouv)._
-Forme:
Les conditions de forme de la lettre de garantie n'ont pas subi
de modifications substantielles.
Seules quelques reformulations ont été retenues (article. 41
nouv).
b. Effets de la garantie
Le principe de l'incessibilité de la garantie a été maintenu
(article 42 nouv) en apportant une précision.
Ainsi, la référence au rapport de base pour la cessibilité
prévue à titre supplétif, source d'ambiguïté, a été remplacée
par l'exigence de la présentation d'une demande conforme
au titre. Concernant la révocabilité (ou l'irrévocabilité)
de la garantie, il est précisé à l'article 43 nouveau, que les
instructions du donneur d'ordre, la garantie et la contre
garantie sont irrévocables dans le cas d'une garantie ou
d'tine contre-garantie à durée déterminée (alinéa 2) et
révocables dans le cas de garantie ou contre-garantie à durée
indéterminée (al. 3 introduit à cet effet). La modification est
essentielle par rapport à la rédaction du texte en vigueur qui
prévoit la possibilité d'une stipulation de révocabilité sans
autre précision sur la catégorie de contrat.
Les dispositions actuelles, plutôt ambiguës, concernant les
garanties et contre-garanties ont été davantage précisées
(article 44 nouv). Ainsi, la réduction du montant du paiement
se fait conformément aux termes de l'engagement et suivant
les délais et modalités prévues par cet engagement.
Pour ce qui est des dispositions de l'art. 34 de l'AUS, devenu
l'art. 45 du nouvel Acte concernant la demande de paiement,
elles ont été maintenues en introduisant, des amendements
consistant en des reformulations pour clarifier et simplifier
les conditions et modalités de présentation de la demande de
paiement au titre tant de la garantie que de la contre garantie
autonomes.
Les dispositions de l'article 46 ont subi d'importantes
modifications destinées à renforcer l'efficacité de la garantie.
Ainsi, dans l'alinéa 1, le <<délai raisonnable» a été remplacé
par un délai fixe et précis de « cinq jours ouvrés >> pour
l'examen de la conformité de la demande en paiement aux
termes de .la garantie ou de la contre garantie. Il a également
été instituée une obligation de notification, dans ce délai,
au bénéficiaire ou au garant, de toute décision de rejet du
paiement précisant les irrégularités motivant le rejet. Dans
l'alinéa 2, l'obligation de transmission de la demande et
des documents l'accompagnant au donneur d'ordre ou au
contre-garant, en cas de contre-garantie, a été maintenue
mais en supprimant le caractère préalable à tout paiement
d'une telle transmission.
Enfin, l'alinéa 3 impose au garant d'aviser le donneur d'ordre
ou, le cas échéant, le contre garant, de toute réduction du
montant de la garantie et de toute cause d'extinction de la
garantie autre qu'une date de fin de validité. L'article 47 a
été maintenu avec de légères précisions terminologiques.
Mais un alinéa 2 a été ajouté pour traiter des moyens de
défense du donneur d'ordre à l'égard du contre-garant.
Ainsi, << le donneur d'ordre ne peut faire défense de payer au
contre-garant que si le garant savait ou aurait dû savoir que
la demande de paiement du bénéficiaire avait un caractère
manifestement abusif ou frauduleux>>.
De même, l'article 48 a subi un amendement important. En
effet, les recours de la caution contre le donneur d'ordre sont
ouverts au garant ou contre garant ayant fait un paiement
<< conformément aux termes de la garantie ou de la contre
garantie autonomes >> et non plus << utile au bénéficiaire >>,
formule quelque peu ambiguë.
L'article 49 nouveau, consacrant les causes d'extinction de
la garantie et la contre-garantie autonomes a quelque peu
modifié l'article 38 actuel, en distinguant entre la déclaration
écrite du bénéficiaire libérant le garant de son obligation au
titre de la garantie et la déclaration écrite du garant libérant
le contre-garant de son obligation au titre de la contregarantie.
B/ SÛRETÉS MOBILIÈRES
Les modifications les plus importantes concernent le Titre 2
de l'Acte uniforme portant Organisation des Sûretés. Il a été
profondément amendé afin d'accueillir de nouvelles sûretés
et sa structure en a été modifiée.
1. Dispositions liminaires
Le nouvel article 50 de l'Acte Uniforme portant Organisation
des Sûretés a procédé à l'élargissement de la catégorie des
sûretés mobilières traitées par l'Acte uniforme portant
Organisation des Sûretés. Sont retenus le droit de rétention,
la propriété retenue ou cédée à titre de garantie, le gage de
meubles corporels, le nantissement de meubles incorporels
et les privilèges.
L'alinéa 2 de cet article prévoit, sauf disposition contraire,
REVUE OE DROIT UNIFORME AFRICAIN 1 ACTUALITE TRIMESTRIELLE DE DROIT ET DE JURISPRUDENCE W 005 201 f
5
l'inscription des sûretés mobilières soumises à publicité.
Concernant les sûretés mobilières, les modifications les
plus importantes concernent l'introduction de nouvelles
sûretés, d'où la modification de la structure formelle de
l'Acte uniforme portant organisation des Sûretés. Au titre
de l'élargissement de la catégorie des sûretés mobilières
traitées, l'on retient le droit de rétention, la propriété retenue
ou cédée à titre de garantie, le gage de meubles corporels, les
privilèges et le nantissement de meubles incorporels.
Concernant cette dernière catégorie, il est prévu la
possibilité de nantir les créances, le compte bancaire, les
droits d'associés, les valeurs mobilières et le compte de
valeurs mobilières, le fonds de commerce et les propriétés
intellectuelles. Une section est consacrée à chaque catégorie.
Les nouvelles sûretés sont organisées dans tous les aspects
relatifs à leur nature (définitions) et leur régime (formalités,
effets) juridiques.
zo) Gage d'une somme d'argent
Il apparaît paradoxal que le droit des sûretés de l'OHADA
ne contienne aucune disposition relative au gage ayant
pour objet une somme d'argent. En effet,
la nature d'une telle sûreté prête souvent
à discussion alors qu'elle est très utilisée
en pratique. Ce gage portant sur une
somme d'argent peut prendre trois formes
différentes :
a. Il peut être, tout d'abord, constitué par
le nantissement du solde d'un compte
bancaire dont est titulaire le constituant
de la sûreté, celui-ci conservant la libre
disponibilité des fonds placés sur ce
compte.
b. Il convient de noter à ce propos que,
compte tenu de l'objet de cette sûreté, les
autorités de l'OHADA ont opportunément
consulté l'UEMOA et la CE MAC qui ont compétence à légiférer
en matière de réglementation bancaire, tout en veillant à ce
que les principes fondamentaux des gages et nantissements
prévus par le droit OHADA soient respectés.
Cette sûreté a la même nature qu'un nantissement de
créance, il a été judicieux, suivant l'exemple du droit français,
que l'Acte uniforme portant Organisation des Sûretés prévoit
que<< la créance nantie s'entend du solde créditeur, provisoire
ou définitit au jour de la réalisation de la sûreté » et que <<
au cas d'ouverture d'une procédure collective à l'encontre du
constituant, les droits du créancier nanti portent sur Je solde
du compte à la date du jugement>>.
Cette sûreté peut également être constituée par le
nantissement d'une somme d'argent placée sur un compte
ouvert au nom du constituant mais bloqué au profit du
créancier jusqu'à l'échéance de la créance garantie. Cette
forme de sûreté est particulièrement intéressante en
pratique dans la mesure où elle permet de bien protéger à la
fois les intérêts du constituant et du bénéficiaire de la sûreté.
C'est donc à bon droit qu'elle a été expressément introduite
dans l'Acte uniforme portant Organisation des Sûretés.
Enfin, une sûreté sur somme d'argent peut être également
constituée par la remise, par le constituant de cette somme
d'argent au créancier; lequel peut alors en disposer librement
à charge de la restituer à l'échéance de l'obligation garantie si
6
celle-ci est exécutée. Cette forme de sûreté est communément
appelée <<gage-espèces>> mais elle constitue en réalité un
transfert de propriété à titre de garantie. Il est salutaire que
l'existence et le régime juridique de cette sûreté, très utilisée
en pratique, aient été clairement reconnus dans l'Acte
uniforme portant Organisation des Sûretés.
3°) Nantissement de compte d'instruments financiers.
tl est également possible de regretter l'absence, dans
l'Acte uniforme portant organisation des Sûretés, d'une
réglementation du nantissement de compte d'instruments
financiers, qui est également une sûreté très fréquemment
utilisée en pratique. En effet, l'Acte uniforme ne réglemente
dans ses articles 61 à 65 que le nantissement des droits
sociaux et des valeurs mobilières et ce, d'une manière
similaire à ce qui constituait l'état du droit français avant la
réforme du 1er juillet 1996. Certes, il existe des dispositions
spéciales relatives au nantissement de valeurs mobilières
émises par des sociétés anonymes (actions ou obligations)
à l'article 747 de l'Acte uniforme relatif au droit des Sociétés
Commerciales et du Groupement d'Intérêt Economique.
tl y est prévu que << Sous réserve des
dispositions prévues aux articles 772 et
773 du présent Acte uniforme -articles
relatifs aux effets de l'agrément donné par
la société au projet de nantissement-, la
constitution en gage de valeurs mobilières
inscrites en compte est réalisée tant à
l'égard de la personne morale émettrice
qu'à l'égard des tiers, par une déclaration
datée et signée par le titulaire. Cette
déclaration contient le montant de la
somme due ainsi que le montant et la
nature des titres constitués en gage. Les
titres nantis sont virés sur un compte
spécial ouvert au nom du titulaire et
tenu par la personne morale émettrice ou l'intermédiaire
financier selon le cas. Une attestation de constitution du gage
est délivrée au créancier gagiste.[ ... ]>>.
Ceci n'est pas sans rappeler le régime juridique du
nantissement de compte d'instruments financiers en droit
français.
4°) Nantissement de propriétés intellectuelles
La modernisation du droit des sûretés de I'OHADA est attestée
également par l'adoption d'une véritable réglementation
spécifique du nantissement de propriétés intellectuelles
(lequel n'a été envisagé que comme un complément facultatif
d'un nantissement de fonds de commerce). Certes, l'article 53
de l'Acte uniforme portant Organisation des Sûretés renvoie
aux textes particuliers relatifs aux propriétés incorporelles;
mais les textes de l'Organisation Africaine de la Propriété
Intellectuelle (OAPI) ne prévoient presque rien à ce propos.
5°) Nantissement des stocks
Le droit de I'OHADA a fait preuve d'œuvre contemporaine
en admettant de manière généralisée l'existence d'un
nantissement des stocks, présentant l'avantage de conférer
un droit de suite à son bénéficiaire. Ce nantissement est
d'autant plus nécessaire pour le crédit qu'il est applicable
aux matières premières, particulièrement importantes en
REVUE DE DROIT UNIFORME AFRICAIN 1 ACTUALITE TRIMESTRIELLE DE DROIT ET DE JURISPRUDENCE W 005 201 f
Afrique, aux produits d'une exploitation et aux marchandises
destinées à la vente, c'est-à-dire à des biens constituant un
ensemble déterminé de choses fongibles (articles 101 et 102
de 1:4.cte Uniforme portant Organisation des Sûretés).
L'article 101 énonce que << le nantissement des stocks est
constitué par un acte authentique ou sous seing privé
dûment enregistré ...>>,cet acte devant comporter un certain
nombre de mentions obligatoires relatives, notamment, à la
détermination des parties, de la créance garantie et des biens
engagés.
L'article 102 ajoute que << le nantissement des stocks ne
produit effet que s'il est inscrit au Registre du Commerce
et du Crédit Mobilier, dans les conditions prévues par les
dispositions réglementant ce registre».
C/ LES SÛRETÉS RÉELLES IMMOBILIÈRES:
il faut noter en matière de sûretés immobilières, que le droit
de l'OHADA ne connaît que l'hypothèque et les privilèges.
Bien qu'inspiré du droit français, ce droit ne comporte
aucune disposition consacrée à l'antichrèse.
En effet, selon l'article 127 de 1:4.cte uniforme portant
Organisation des Sûretés, l'hypothèque<< doit être consentie
pour la garantie de créances individualisées par leur cause
et par leur origine, représentant une somme déterminée et
portée à la connaissance des tiers par l'inscription de l'acte».
Il convient d'indiquer que le droit de l'OHADA exige non
seulement l'indication de la cause de la créance mais aussi
celle de l'origine de celle-ci. Cette stricte application du
principe de spécialité interdit de constituer une hypothèque
pour garantir une créance future et, a fortiori, qu'une
hypothèque constituée pour garantir une créance puisse être
ultérieurement réutilisée pour garantir d'autres créances.
Cette affirmation a été édulcorée par la nouvelle disposition
de 1:4.cte uniforme dans le but d'assurer le développement
du crédit qui admet la possibilité de garantir une créance
future dès lors que celle-ci peut être déterminée dans l'acte
constitutif. Cette reforme est utile afin de diminuer les
coûts du crédit hypothécaire, qu'une telle initiative puisse,
sans pour autant abandonner complètement le principe de
spécialité de l'hypothèque quant à la créance garantie, créer
une sûreté comparable à l'hypothèque rechargeable du droit
français, à la Grundschuld du droit allemand ou à la cédule
hypothécaire du droit suisse qui puisse survivre à l'extinction
de la créance qu'elle garantit et être réutilisée par la suite
pour garantir d'autres créances.
Il a été utile d'assouplir l'interdiction d'hypothéquer un
immeuble futur énoncée par l'article 120 de l'Acte uniforme,
notamment, de garantir le remboursement du financement
de la construction d'un immeuble par la constitution d'une
garantie sur cet immeuble en dépit du fait qu'il ne soit pas
encore bâti.
Il a été judicieux de revoir la rédaction de l'article 123
qui pouvait donner à penser que l'hypothèque doit
nécessairement avoir une durée déterminée. Il a été utile
de distinguer la durée de l'hypothèque, qui peut être
indéterminée, et la durée de l'efficacité de son inscription,
qui doit être nécessairement limitée pour la protection de la
sécurité des tiers, mais qui peut être renouvelée avant que
l'inscription ne soit périmée.
Ainsi, certains amendements substantiels ont été apportés
concernant la définition de l'hypothèque, la limitation de son
objet aux immeubles présents et déterminés, la possibilité,
pour un copropriétaire, de consentir une hypothèque sur
un bien indivis. Certaines nouveautés ont été introduites et
concernent la réalisation de l'hypothèque.
Relativement au classement des sûretés, les modifications
visent quelques changements au niveau du rang. Ainsi pour
ce qui est principalement des sommes dues aux organismes
de sécurité et de prévoyances sociales, ces créances ont été
maintenues et classées au cinquième rang au détriment des
créances fiscales et douanières classées au 6 ème rang dans la
rubrique des privilèges sans publicité'.
CONCLUSION
Enfin, Il convient comme l'a fait remarquer Philippe Tiger,
<<de faire évoluer. dans l'avenir, les règles de l'OHADA dans le
sens d'une autonomie africaine plus marquée, à la quelle les
opérateurs économiques de la région seraient sensibles, tout
en préservant l'indispensable cohérence avec des objectifs
économiques de portée internationale.
Il appartiendra au législateur communautaire de donner
corps progressivement à cette vision d'un droit des affaires
africain original » 8.t
7 A ce sujet, voir aussi les observations du Pr Pierre CRO CQ à la page 17 du
présent dossier
8 1 Philippe Ti ger LA.frique subsaharienne - De la crise à une croi ssance durable
Que sai s-je ? Je droit des affaires en Afrique OHADA PUF 2000
REVUEOEOROITUNIFOAMEAFRICAIN 1 AC TUAUTE TRIMES TRIEUEOE DROITETDE JURISPRUDENCEN·oos 2011
7