Espaces de Banach
Transcription
Espaces de Banach
Espaces de Banach 1 Normes sur un espace vectoriel On se donne un ev réel V . Dénition 1.1. Une norme est une application dénie sur V à valeurs dans R+ , notée k · kV , et satisfaisant les trois propriétés suivantes : (i) kvkV = 0 ⇐⇒ v = 0, (ii) ∀λ ∈ R, ∀v ∈ V , kλvkV = |λ| kvkV , (iii) inégalité triangulaire : ∀v, w ∈ V , kv + wkV ≤ kvkV + kwkV . Exemples (a) Soit [a, b] un intervalle de R et notons C 0 ([a, b]) l'espace vectoriel constitué des fonctions continues sur [a, b] et à valeurs dans R. L'application k · kC 0 ([a,b]) qui à f ∈ C 0 ([a, b]) associe kf kC 0 ([a,b]) = sup |f (t)|, t∈[a,b] dénit une norme sur C 0 ([a, b]). (b) sur C 0 ([a, b]), on peut aussi dénir une autre norme, Z b kf kR = |f (t)|dt a On peut donc avoir plusieurs normes sur le même espace. 1 2 Topologie des espaces vectoriels normés Soit V un ev normé. 2.1 Quelques rappels Dénition 2.1 (ouvert). Un ensemble O ⊂ V est ouvert dans V si ∀x ∈ O, ∃² tel que B(x, ²) ⊂ O avec B(x, ²) = {y ∈ V ; kx − ykV < ²} boule ouverte de centre x et de rayon ². Dénition 2.2 (fermé). Un ensemble F ⊂ V est fermé dans V si V \ F est ouvert dans V Dénition 2.3 (convergence). Soit un une suite de V . On dit que un converge vers l ∈ V si ∀² > 0, ∃N ∈ N, ∀n ≥ N kun − lkV ≤ ² Dénition 2.4 (continuité d'une fonction). Soient V et W deux espaces vectoriels munis respectivement des normes k kV et k kW , et f une fonction de V dans W . Les propositions suivantes sont équivalentes : f est continue de V dans W ; ∀v0 ∈ V , ∀² > 0, ∃δ > 0, ∀v ∈ V, kv−v0 kV ≤ δ =⇒ kf (v)−f (v0 )kW ≤ ²; pour tout v ∈ V , pour toute suite vn convergeant vers v dans V , f (vn ) converge vers f (v) dans W ; Pour tout fermé OW de W , l'image réciproque de OW par f , f −1 (OW ), est un fermé de V ; Pour tout fermé FW de W , l'image réciproque de FW par f , f −1 (FW ), est un fermé de V . Dénition 2.5. Soit F un fermé de V . Si une suite xn ∈ F converge vers l, alors l ∈ F . 2 2.2 Equivalence de normes Dénition 2.6. Soit k.kV,1 et k.kV,2 deux normes sur V . On dit que ces deux normes sont équivalentes s'il existe c1 et c2 strictement positives telles que ∀v ∈ V, c1 kvkV,2 ≤ kvkV,1 ≤ c2 kvkV,2 . Exemple d'application : si k.kV,1 et kvkV,2 sont deux normes équiva- lentes sur V , on a l'équivalence : un converge vers l suivant k.kV,1 <=> un converge vers l suivant k.kV,2 . Proposition 2.7. Si V est de dimension nie, alors toutes les normes sont équivalentes. Contre-exemple en dimension innie : pour V = C 0 ([0, 1]), on a deux normes, Z et kf kC 0 ([0,1]) = sup |f (t)|, t∈[0,1] 1 kf kR = |f (t)|dt 0 Ces normes ne sont pas équivalentes : kf kR ≤ kf kC 0 , mais on n'a pas d'inégalité dans l'autre sens. En eet, s'il existe c tel que kf kC 0 ≤ ckf kR , alors, avec f = f² (voir dessin ci-dessous), 1 ≤ c²/2 pour tout ², ce qui est faux. 1 fε 0 ε 1 3 2.3 Compacité Dénition 2.8. Un ensemble A ⊂ V est compact si de toute suite d'élements de A, on peut extraire une sous-suite convergente vers un élément de A. Proposition 2.9. Si A est compact, alors A est fermé borné. Proposition 2.10. Si V est de dimension nie, alors A est compact si et seulement si A est fermé borné. 2.4 Continuité de la norme Proposition 2.11. Soit V un ev normé. La norme sur V est une application continue, autrement dit la fonction φ : v ∈ V 7→ kvkV ∈ R est continue. En eet on a |φ(v) − φ(w)| ≤ kw − vkV et φ est lipschitzienne donc continue. 3 Espaces complets Soit V un espace vectoriel normé, de norme k · kV . 3.1 Suites de Cauchy Dénition 3.1. Soit un une suite de V . On dit qu'un est une suite de Cauchy si ∀ε > 0, ∃N ≥ 0, ∀n ≥ N, ∀p ≥ 0, kun+p − un kV ≤ ε. Proposition 3.2. Toute suite convergente est de Cauchy. 4 3.2 Espaces de Banach Dénition 3.3 (espace complet). Un R-ev V est dit complet pour la norme k · kV si toute suite de Cauchy (pour cette norme) est convergente (pour cette norme). Un tel espace est aussi appelé espace de Banach. Proposition 3.4. Tout espace vectoriel sur R normé de dimension nie est complet. Proposition 3.5. L'espace de fonctions C 0 ([0, 1]), muni de la norme C 0 , est un espace de Banach. Contre-exemple : l'espace de fonctions C 0 ([0, 1]) muni de la norme k.kR , n'est pas complet (voir le poly). 3.3 Séries normalement convergentes Dénition 3.6. Soit un une suite de V . On dit que la série P de terme gé- néral un est normalement convergente dans R si la série convergente. Théorème 3.7. Soit V un espace de Banach. Si la série n≥0 kun kV est P n≥0 un est normalement convergente dans R, alors elle est convergente dans V . Réciproquement, soit V un espace vectoriel normé. On suppose que V P est tel que, si n≥0 un est normalement convergente dans R, alors elle est convergente dans V . Dans ce cas V est complet. 3.4 Théorème du point xe de Picard Dénition 3.8 (application contractante). Soit A une application de V dans V . On dit que A est contractante s'il existe un réel α strictement inférieur à 1 tel que ∀u, w ∈ V kA(u) − A(w)kV ≤ αku − wkV Théorème 3.9 (point xe de Picard). Soit V un espace de Banach et A une application contractante de V dans V . Alors, l'équation A(u) = u admet une solution unique u∗ ∈ V . Cette solution est appelée point xe de A. 5 4 Application : théorème de Cauchy-Lipschitz Dénition 4.1. Soit d un entier, u0 ∈ Rd et f une fonction dénie sur Rd à valeurs dans Rd . On appelle problème de Cauchy le problème suivant : trouver u : [0, ∞) → Rd , de classe C 1 , telle que du = f (u(t)) sur t > 0 et u(0) = u0 dt Dénition 4.2. Soit V un espace vectoriel normé, et f une application de V dans V . On dit que f est lipschitzienne sur V s'il existe une constante L > 0 telle que ∀u1 , u2 ∈ V kf (u1 ) − f (u2 )kV ≤ Lku1 − u2 kV Théorème 4.3 (Cauchy-Lipschitz). On considère le problème de Cauchy avec f lipschitzienne. Alors le problème de Cauchy admet une unique solution u ∈ C 1 ([0, ∞), Rd ). 5 Dualité 5.1 Applications linéaires continues Dans cette section, V et W désignent deux R-ev normés. Proposition 5.1. Soit A une application linéaire de V dans W . Les propositions (1) (2) (3) suivantes sont équivalentes : A est continue. A est continue en 0. Il existe une constante c < ∞ telle que ∀u ∈ V, kAukW ≤ c kukV . Dénition 5.2. L'espace vectoriel des applications linéaires continues de V dans W est noté L(V, W ). 6 Proposition 5.3. L'application k · kL(V,W ) : L(V, W ) −→ R+ A 7−→ kAkL(V,W ) = sup u∈V u6=0 kAukW kukV est une norme sur L(V, W ). Théorème 5.4. Soit V un espace vectoriel normé et W un espace de Banach. Alors, L(V, W ) équipé de la norme k · kL(V,W ) est un espace de Banach. Remarque 5.5. V n'a pas besoin d'être complet, c'est l'espace d'arrivée qui compte. Exemple - Sur C 1 ([0, 1], l'application f → max(sup |f |, sup |f 0 |) est une norme, notée k · kC 1 (plus généralement, f ∈ C k → max(sup |f |, sup |f 0 |, . . . , sup |f (k) |) est une norme sur C k ). - Sur C 1 ([0, 1]), l'application f → kf kC 0 est une autre norme, qui n'est pas équivalente à la norme k · kC 1 . - L'application qui à f ∈ C 1 ([0, 1]) associe f 0 ∈ C 0 ([0, 1]) est linéaire continue (avec ces espaces respectivement équipés de k · kC 1 et k · kC 0 ). 5.2 Espace dual Un cas particulier important d'applications linéaires continues entre R-ev normés est celui où l'espace d'arrivée est W = R. Dénition 5.6. Soit V un R-ev normé. L(V, R) est appelé espace dual de V et est noté V 0 . Un élément A ∈ V 0 est appelé forme linéaire continue et son action sur un élément v ∈ V est notée à l'aide du crochet de dualité h· , ·iV 0 ,V de sorte que hA, viV 0 ,V = Av ∈ R. V 0 est équipé de la norme kAkV 0 = sup u∈V u6=0 7 hA, uiV 0 ,V . kukV Exemple Soit c ∈ [0, 1]. L'application qui à f ∈ C 0 ([0, 1]) associe f (c) est une forme linéaire continue pour la norme C 0 . 5.3 Formes bilinéaires continues Dénition 5.7. Soient V et W deux R-ev. Une forme bilinéaire sur V × W est une application a : V × W → R telle que ∀v ∈ V , l'application a(v, ·) : W → R est linéaire ; ∀w ∈ W , l'application a(·, w) : V → R est linéaire ; L'espace des formes bilinéaires sur V × W est noté (V × W )0 . Dénition 5.8. Soient V et W deux R-ev. Une forme bilinéaire a : V ×W → R est continue sur V × W s'il existe une constante c < ∞ telle que ∀(v, w) ∈ V × W, |a(v, w)| ≤ ckvkV kwkW On note kak(V ×W )0 = sup (v,w)∈V ×W a(v, w) . kvkV kwkW 8