Dossier: Les cauchemars, c`est bon pour les enfants
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Dossier: Les cauchemars, c`est bon pour les enfants
Les cauchemars, c’est bon pour les enfants ! Carmela Riposa – site : psychonet.fr Si le rêve est le gardien des songes, chez l’adulte comme chez l’enfant, faut-il s’inquiéter de l’apparition des cauchemars dans les nuits de nos chères têtes blondes ? Comment le cauchemar vient aux enfants ? En quoi un cauchemar est-il différent des terreurs nocturnes ? Explications sans frissons. Comment le cauchemar vient aux enfants ? Dragons, sorcières, loup et autres démons de tous poils peuplent l’imaginaire des enfants qui aiment souvent à se faire peur. Seulement voilà, ces créatures, toutes dents dehors, surgissent parfois dans les rêves des petits dormeurs: le cauchemar est là, qui réveille l’enfant afin de le libérer de son insupportable frayeur. Selon une étude luxembourgeoise (1), il se révèle très fréquent entre 4 et 8 ans, et apparaît chez 30% des enfants de 5 ans, puis chez 40% des enfants de 10 ans. Pour L.Nemet-Pier, psychanalyste et pédiatre, externe de l’Hôpital Robert-Debré à Paris, le cauchemar de l’enfant est inéluctable. « Celui-ci va ponctuer la vie de l’enfant dès l’âge de 2 ans, lorsque l’enfant est capable de mettre des mots sur une image, explique l’auteur de Moi la nuit, je fais jamais dodo. Le cauchemar apparaît quand le mécanisme du rêve n’a pas été suffisant pour canaliser l’angoisse de l’enfant » « Les monstres de leurs cauchemars sont les monstres qu’ils ont en eux ». Car, derrière chaque cauchemar de l’enfant, se cache un « conflit non résolu », une « peur restée inexpliquée » selon les termes de P.Rosfelter, psychologue clinicienne et psychothérapeute d’enfant : « Le rêve fabrique une représentation hallucinatoire du désir. Le cauchemar surgit lorsque le rêve échoue à résoudre l’énigme de la peur. » Ces cauchemars se manifestent par pics entre deux et six ans, période de l’acquisition chez l’enfant : « C’est son entrée dans le monde extérieur, avec le début de la socialisation, poursuit L.Nemet-Pier, et la familiarisation de son monde intérieur avec la découverte de l’ambivalence. Il a des sentiments de haine et d’amour envers ses parents, sa fratrie. » C’est le garçon qui par jalousie a envie de jeter sa petite sœur à la poubelle et croit que ses parents vont l’abandonner pour le punir. C’est la petite fille qui veut un enfant de son papa ! « Les monstres de leurs cauchemars sont les monstres qu’ils ont en eux », déclare la psychanalyste. Le cauchemar, une soupape de sécurité Pulsions d’agressivité, angoisses de dévoration s’expriment à travers les cauchemars de l’enfant sous les figures «honorables» du fantôme et de la méchante sorcière. Dans son livre L’Ours et le Loup(2), P.Rosfelter décrit le cauchemar comme « une soupape de sécurité de l’enfant, là où il ne peut pas venir à bout tout seul de son affaire par l’imagination, le rêve et le jeu. » Le 1er cauchemar de l’enfant va déboussoler les parents, tout à leur devoir de protéger leur enfant de tout. Il les interpelle énormément, et les renvoie, parfois, à une image de mauvais parent. Certains banalisent la peur par un « ce n’est rien », loin d’être très rassurant pour l’enfant ! « Il ne faut jamais perdre de vue que ce que l’enfant éprouve est vrai et fort à ses yeux, explique P.Rosfelter (2). Dire que le monstre n’est pas là est exact mais insuffisant. Il faut verbaliser le cauchemar, ne pas mettre en cause la véracité de la peur de l’enfant et lui expliquer qu’en cas de danger réel, ses parents seront toujours là pour le défendre. » Un point de vue que partage L.Nemet-Pier qui conseille également de demander à l’enfant, le lendemain, de représenter en dessin ou en pâte à modeler le monstre qui, dès lors, deviendra familier. « Il ne faut surtout pas entrer dans le jeu de l’enfant et commencer à regarder sous le lit et dans les placards pour vérifier si le monstre existe », précise-t-elle. Plus inquiétant est le cauchemar à répétition dont l’angoisse persistante envahit l’enfant dans la journée et peut entraîner son refus d’aller se coucher. Il exprime une angoisse qui met en question la place même de l’enfant dans la famille, comme un Œdipe trop fort avec le parent du même sexe. Ces cauchemars doivent résonner comme une alerte s’ils sont pris dans un faisceau de signes (par exemple, si l’enfant se remet à faire pipi au lit). Si la sollicitude des parents ne suffit pas, une consultation chez un psychologue sera peut-être nécessaire pour aider l’enfant à comprendre et surmonter ses tensions internes. Cauchemars et terreurs nocturnes : 2 univers bien distincts La terreur nocturne est souvent confondue par les parents avec le cauchemar. Savoir la reconnaître permet aussi de mieux la traiter. Démonstration. Elle ressemble à s’y méprendre à son faux ami, le cauchemar, et donne aux parents des airs d’impuissance: la « terreur nocturne » des petits dormeurs repose pourtant sur des données cliniques bien définies. Dans la série des indésirables du sommeil, elle se range au côté du somnambulisme. Elle apparaît dans la 1ère partie de la nuit au cours des trois premières heures d’endormissement, pendant le sommeil « lent profond » - à l’inverse du cauchemar qui surgit en deuxième partie de nuit. Elle se rencontre surtout chez les enfants de trois à six ans, plus particulièrement chez les garçons. La terreur nocturne porte bien son nom. L’enfant s’assied sur son lit, se met brutalement à hurler, à se débattre contre mille et un monstres invisibles. L’air hagard, yeux ouverts et pupilles dilatées, poils hérissés, il formule des propos incohérents pour l’entourage. Autres symptômes souvent présents: pâleur du visage, rougeurs diffuses sur le corps, tachycardies, sudation, etc. La terreur nocturne peut durer de quelques secondes jusqu’à 20 minutes, et n’apparaît qu’une seule fois dans la nuit. Ne pas intervenir Contrairement au cauchemar qui ramène l’enfant à l’éveil, « il ne faut surtout pas tenter de réveiller l’enfant pour le rassurer, précise la psychanalyste L.Nemet-Pyer. Il ne faut pas intervenir, l’enfant se rendormira spontanément. » Si les parents tentent de calmer l’enfant, celui-ci risque d’adopter ce que les experts appellent le « réflexe de fuite » : l’enfant se met à déambuler violemment dans la chambre. Le lendemain, l’enfant ne se souviendra de rien. Cette « amnésie » et cette impossibilité de l’enfant à mettre des mots sur ses frayeurs caractérisent la terreur nocturne. Selon les médecins, elles sont favorisées par un contexte stressant, l’état de fièvre ou l’irrégularité du rythme de vie. Éviter les privations de sommeil, les exercices physiques le soir et redéfinir en famille les rythmes de veille/sommeil de l’enfant permettent de venir à bout de ces terreurs. Celles-ci restent occasionnelles dans la vie de l’enfant et disparaissent avec la puberté. (1) (2) Site luxembourgeois « La grande aventure du sommeil » : http://www.sommeil.org Psychologue clinicienne et psychothérapeute d’enfant, auteur de L’Ours et le Loup, mondes imaginaires, cauchemars et jeux d’enfants, Ed. Calmann-Lévy, Col. «Le passé recomposé», 1997.