PEUR DU NOIR MONSTRES ET CAUCHEMARS

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PEUR DU NOIR MONSTRES ET CAUCHEMARS
Peur du noir, monstres et cauchemars
C e texte s’inspire dans ses grandes lignes d’un article de L. NEMET-PIER, psychologue clinicienne et
psychanalyste, Paris
Peur du noir, des monstres et autres cauchemars viennent perturber l'endormissement des enfants
et interrompre brutalement leur sommeil. D'où viennent-ils ? Que signifient-ils ? Quelle attitude
adopter lorsqu'ils deviennent trop envahissants ?
Il s’en passe des choses dans la tête de nos enfants quand ils sont seuls, dans leur lit, dans le noir.
La peur du noir
Elle existe depuis la nuit des temps. C’est un passage obligé du développement, « une angoisse
infantile qui ne s’éteint jamais tout à fait » (Freud). Qu’est-ce que le noir pour un enfant ? Le familier
devient autre. Le noir transforme et déforme, c’est l’inquiétante étrangeté.
Mais c’est aussi :
– le silence, d’où l’exacerbation de l’ouïe et des bruits ;
– la séparation et la confrontation à la solitude ;
– se retrouver avec soi-même, ses pensées et ses rêveries ;
– l’immobilité du corps comme lorsque l’on est mort ;
– la découverte de son corps et de sa sexualité ;
– et cette question : que font mes parents pendant ce temps ? Et accepter ou non qu’il y ait une
relation tendre entre eux.
La peur du noir, c’est la peur de ce qui est en soi et qui dérange, c’est l’énigmatique et l’obscur qui
est en soi : tout ce qui est enfoui et taraude comme les sentiments contradictoires et violents,
comme les désirs, les jalousies, les rages et les frustrations, les petites hontes et les méchancetés.
Cette peur du noir s’intensifie en fonction du degré d’hostilité que l’enfant ressent en lui. Ses élans
de violence sont projetés à l’extérieur de lui, sur le noir, pour lui faire moins peur. Plus la culpabilité
est grande d’éprouver de tels sentiments et plus l’enfant trouve le noir menaçant. Plus il ressent
d’hostilité en lui, plus il se sent vilain et plus il a peur du châtiment et des menaces.
Suivent deux exemples pour illustrer cette notion.
• Hugo, 4 ans, ne s’endort qu’avec la grande lumière depuis que son petit frère fait ses premiers pas.
C’est une période toujours délicate quand le cadet commence à se déplacer, il peut toucher aux
jouets de l’aîné. Il devient grand comme lui et la période des premiers pas est un moment où les
parents s’extasient beaucoup. Il est évident que l’aîné vit difficilement ce passage.
• Alice, 8 ans, a des parents séparés. Son père est parti avec une compagne plus jeune, mère d’un
enfant, avec laquelle tout va bien. Sa mère vit très mal ce qui lui est arrivé et en est affectée. De plus,
elle est dans une situation financière difficile alors que son « ex » a une situation plus que
confortable. Alice vit la plupart du temps chez sa mère et passe des week-ends festifs chez son père.
Alice nous dit que « le noir est plus noir chez maman que chez papa » : chez son papa, la nuit, elle
peut, quand elle a peur, traverser toute la maison pour aller le voir, alors que chez sa mère, elle est
tellement terrifiée qu’elle reste figée dans son lit et ne peut même pas sortir une main de sous sa
couette. Elle n’arrive qu’à crier. Elle trouve difficile la vie avec sa mère déprimée et fait peu de choses
avec elle. Elle a cependant peur chez son père, mais moins, elle lui en veut notamment de s’occuper
toute la semaine de l’enfant de sa nouvelle compagne.
La peur des monstres
Elle n’apparaît pas chez tous les enfants. Si elle existe, c’est surtout entre 3 et 6 ans, avec une
intensité et une durée variables. Elle se manifeste surtout à la période œdipienne quand il y a lutte
entre les désirs et les interdits : le désir de se rapprocher du parent du sexe opposé et de supplanter
le rival de même sexe. Le monstre qui surgit du noir représente le parent que l’enfant aimerait
évincer et qui vient donc le punir.
Rassurer l’enfant
Comment rassurer son enfant ? Faut-il vérifier dans les placards ou sous le lit ? Cela dépend de
l’enfant. Faut-il mettre un objet qui le protège dans son lit ou sa chambre, un doudou animal qui
figure la force comme un lion, un chien ou une arme en plastique pour tirer sur le monstre à venir ? Il
est capital, dans la journée, de bien poser les limites : ne plus dormir avec lui, ne plus prendre de bain
ensemble, le laisser se laver seul les organes génitaux, ne plus se montrer nu devant lui pour
respecter sa pudeur (pour l’aider à assimiler la période œdipienne), remplacer de plus en plus les
caresses par des mots.
Pour la peur du noir et celle des monstres, il est important, au moment du coucher, de :
– mettre des limites au rituel du coucher, sinon c’est le conforter dans le fait que la nuit est vrai ment
dangereuse ;
– lui rappeler que les monstres n’existent pas, que c’est sa propre imagination qui s’emballe et les
fabrique. En revanche, sa peur est bien réelle, il faut la prendre au sérieux ;
– lui dire qu’il n’est pas tout seul, que ses parents sont là dans la maison ;
– prendre le temps d’écouter ce qui le tracasse des événements de la journée ou d’un autre jour, à ce
moment de séparation du coucher. Et dans la journée, l’aider à rester seul dans une pièce, hors du
regard de l’adulte et à passer d’une pièce à l’autre sans angoisse. Il développera ainsi sa capacité à
jouer seul et à être seul de plus en plus longtemps, assimilant la notion de « permanence » des
parents, étape indispensable pour un coucher serein.
--la surprotection des parents (prendre systématiquement l’enfant dans son lit, réassurance
excessive) peut maintenir la peur.
Le rituel du coucher
Il se fera de préférence à l’heure de l’arrivée du cycle de sommeil (en guettant les signes
annonciateurs), dans une atmosphère calme, sans énervement, ni conflits ou excitation. Il est
important de prendre le temps de se parler un peu ou de lire une histoire, l’enfant s’endormira ainsi
en s’étayant sur la voix de l’un de ses parents. Les histoires qui font peur, écoutées dans les bras ou à
côté des parents, lui permettent d’approcher ses peurs et de retrouver chez le héros les colères, les
émotions et l’ambivalence qu’il peut rencontrer, car les histoires mettent en images et en mots ce
qu’il ressent confusément. Il faut bannir le journal télévisé de 20 h avant 7 ans, même si 75 % des
enfants de moins de 5 ans le regardent : un monde extérieur surtout menaçant est montré et fait
irruption dans la maison. Les enfants incorporent ces horreurs et ne sont pas capables avant 7 ans de
faire la différence entre la fiction et la réalité. Comment s’endormir alors sereinement avec les morts
du JT ?
Les cauchemars
Le cauchemar est un rêve qui fait peur, qui tourne mal et réveille :
– la peur est très forte ;
– il y a un sentiment d’oppression sur la poitrine ;
– une sensation d’impuissance et la paralysie devant le danger ;
– les images ont du mal à s’estomper ;
– l’impression que c’est réel et que l’agresseur ou le danger restent dans la chambre. Les cauchemars
servent d’exutoire. Ils évacuent les émotions et les ressentis forts et hostiles envers ceux que l’enfant
aime. Ils servent à digérer les conflits et se débarrasser du trop plein de tensions internes. La
culpabilité de nourrir des sentiments hostiles envers leurs proches induit fortement le cauchemar.
L’enfant tire cependant des bénéfices secondaires de ses cauchemars : le parent accourt et le couvre
de câlins même s’il a rêvé que le loup dévorait sa petite sœur. C’est le loup qui est vilain et surtout
pas lui ! On trouve dans les cauchemars des thèmes de séparation, d’abandon, de solitude, de
dévoration, de persécution, d’impuissance et surtout le risque de mourir. On y trouve aussi, les
angoisses de mort des parents que les enfants n’osent pas raconter par culpabilité d’oser pouvoir
penser la mort de ses parents. Les actions se situent plus dans des caves ou greniers, dans des
grottes ou cavernes, des châteaux, des forêts, des labyrinthes, des eaux vives ou dormantes. Tout se
passe dans la pénombre, l’obscurité, avec des bruits indistincts ou des frôlements. Les cauchemars
sont peuplés d’animaux inquiétants tels des loups, des ours, des serpents, des crocodiles, des chiens.
On y rencontre des personnages angoissants comme des hommes noirs, d’autres armés de grands
couteaux, des sorcières, des fantômes, des vampires ou des brigands. Les cauchemars surgissent
toute la vie, mais surtout entre 3 et 6 ans, période des grandes acquisitions, période œdipienne ou
période de grands changements : entrée à l’école, déménagement, changement de nounou ou de
mode de garde, arrivée d’un petit frère ou d’une petite sœur, séparation des parents, départ du
meilleur copain, maladie ou décès d’un proche.
Quelle attitude adoptée ?
Il est indispensable de consoler et de rassurer son enfant. Même si le loup ou la sorcière ne sont pas
réels, leur peur, elle, est bien réelle. Un enfant se sentira vraiment grand quand il n’aura plus besoin
d’appeler son père ou sa mère après un cauchemar. Comment différencier un vrai cauchemar d’une
simulation de cauchemar pour obtenir quelque chose de ses parents dans la nuit. Si l’enfant est
terrifié et tremblant ou sanglotant, c’est un cauchemar. S’il arrive dans votre chambre, fringant avec
doudou, tétine et coussin, sans peur, ce n’est pas un cauchemar. Les cauchemars surviennent sur
tout en deuxième partie de nuit pendant les périodes où la quantité de sommeil paradoxal augmente,
contrairement aux terreurs nocturnes qui apparaissent en première partie de nuit, avant minuit,
pendant les périodes de sommeil lent profond. Les cauchemars doivent inquiéter s’ils sont très
fréquents, s’ils restent très prégnants au réveil et dans la journée, si l’enfant a peur d’aller se coucher
et d’en refaire, si les contenus se répètent et sur tout si on observe un changement de
comportement dans la journée. On peut reparler des cauchemars si l’enfant en a envie, mais pas s’il
est réticent à le faire. Surtout, il ne faut pas chercher à les interpréter. On n’a aucun pouvoir sur les
rêves et les cauchemars, mais on peut augmenter son sentiment de sécurité avec un rituel qui
l’apaise, en évitant le journal télévisé de 20 h et tout jeu vidéo excitant.
Conclusion
Les enfants d’aujourd’hui n’ont plus une minute pour s’ennuyer, laisser libre cours à leurs rêveries,
être à l’écoute de leurs ressentis. Ils sont arrachés à leur intériorité. Aussi craignent-ils davantage
leurs monstres intérieurs que les monstres sur écrans. Réhabilitons le moment du cou cher, ce
moment avant la séparation de la nuit, ce sas entre le monde externe et le monde in terne. Ne le
bradons pas pour que nos enfants aient le temps et l’envie de se confier, se libérer de leurs soucis et
bonheurs du jour. Aidons nos enfants à faire de cette traversée de la nuit en solitaire, un voyage dans
lequel ils aimeront s’embarquer.
Le rôle du pédiatre est primordial, il faudrait parler du sommeil lors de chaque consultation
systématique.
A venir petit article « troubles du sommeil et homéopathie », à la sous rubrique homéopathie.