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Tribune de Genève - Home TdG - EMPLOIS - Bataille du chômage: l'heure du choix a sonné
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JEUDI 06 DÉCEMBRE | 12H21
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TRIBUNE DE GENÈVE
Bataille du chômage: l'heure du choix a
sonné
00:00 Genève est invitée à troquer les emplois temporaires contre un système
censé être plus performant.
EMPLOIS
© Crédit photo |
ÉRIC BUDRY | 06 DÉCEMBRE 2007 | 00H00
La révision de la loi cantonale sur le chômage, initiée par le Conseil d'Etat et
attaquée par référendum, propose un changement de perspective fondamental. Elle
parierait désormais sur une prise en charge moins longue, mais plus vigoureuse et
adaptable au cas par cas grâce à de nouveaux outils.
Mais, au fond, pourquoi changer? Parce que de nombreuses études montrent que la
durée de l'éloignement du marché du travail est l'un des éléments les plus
discriminant pour retrouver un emploi. Or Genève n'a pas uniquement le taux de
chômage le plus élevé du pays. Le canton se caractérise par un chômage de longue
durée très important.
Le refus de la gauche
Un oui de la population signerait l'arrêt de mort d'un système unique en Suisse, qui
privilégie la durée (plus du double que ce qui existe ailleurs) grâce au système des
emplois temporaires. Ces derniers ouvrent en effet un deuxième droit aux
indemnités fédérales. Un mécanisme qui donne des boutons à Berne.
Cet avantage-là, les référendaires refusent de le faire perdre aux chômeurs. Et cela
même si la loi actuelle ne satisfait personne. Tout d'abord isolé, A gauche toute! a
réussi peu à peu à constituer un solide front du refus. En ralliant les syndicats, puis
le Parti socialiste. Mais pas les Verts, que la réforme séduit.
Cette opposition, le conseiller d'Etat François Longchamp peine à la comprendre. Le
responsable du Département de la solidarité et de l'emploi affirme qu'elle fait courir
un grand risque aux chômeurs.
«Le statu quo est en réalité impossible, affirme-t-il. Le Conseil fédéral va très
rapidement interdire l'ouverture d'un nouveau délai-cadre par les emplois
temporaires. Et moi, je n'ai pas de plan B en cas de refus de la réforme. Il faudra
donc faire avec les insuffisances de la loi actuelle, amputée de la prolongation des
indemnités.» Car si le Conseil d'Etat est prêt à transférer dans la réforme l'entier
des 80 millions de francs que coûtent aujourd'hui les mesures cantonales, il exclut
de financer à la fois ces derniers et de nouveaux outils.
Du côté du comité unitaire contre la révision, on ne croit ni à un couperet rapide de
Berne ni à l'intérêt des nouvelles mesures.
Christian Grobet (Indépendant) estime par exemple qu'il n'est pas besoin d'une
nouvelle loi pour améliorer le fonctionnement de l'Office cantonal de l'emploi (OCE).
Le dispositif proposé (voir l'infographie), qui réduit à dix-huit mois la prise en
charge, implique effectivement que l'OCE passe à la vitesse supérieure. Ce que
l'office a déjà commencé à faire au niveau des inscriptions, de la pose du premier
diagnostic et des réponses à fournir aux entreprises en quête de collaborateurs. Si
la réforme passe, Berne vient d'annoncer que 2,3 millions supplémentaires (20
postes) seront accordés pour mettre en place le nouveau système.
Pour aider les chômeurs à se réinsérer plus rapidement, le projet prévoit trois sortes
de mesures. A l'intérieur du délai-cadre, un programme d'emploi formation d'une
durée de six mois (douze pour les plus de 55 ans) sera fourni à ceux dont le bilan
aura révélé un besoin de complément de formation en entreprise.
Les allocations de retour en emploi (ARE) ont été renforcées pour inciter les
entreprises à engager davantage de chômeurs. Désormais, l'Etat prendra en charge
50% du salaire durant un an (deux ans pour les plus de 50 ans). De plus, les
collectivités publiques pourront elles aussi solliciter des ARE.
Enfin, ceux qui n'auraient pas trouvé d'emploi au terme de leurs dix-huit mois de
chômage ne seront pas confiés à l'assistance.
Ils bénéficieront de contrats à durée illimitée dans l'économie complémentaire grâce
à un ambitieux programme de création d'emplois de solidarité.
La fabrique d’emplois de solidarité a déjà été activée
Eric Etienne a les traits tirés du haut fonctionnaire très occupé. Et le sourire
satisfait d’une personne qui aime ce qu’il fait. Son travail? Depuis trois mois, il
s’échine à matérialiser les emplois de solidarité que la nouvelle loi entend fournir à
ceux qui n’auraient pas trouvé d’employeur à la fin de leur période de chômage.
Il y a urgence puisque, si la réforme est acceptée en décembre, François Longchamp
souhaite entamer le basculement progressif vers le nouveau système dès janvier ou
février. «Nous serons prêts», assure d’emblée Eric Etienne. A terme, plus de mille
emplois de ce type devront être créés. «Mais, pour 2008, notre objectif est d’en
lancer une trentaine de plus chaque mois, précise le directeur adjoint du
Département de la solidarité et de l’emploi. Actuellement, nous réunissons
régulièrement les huit partenaires dont les projets sont les plus avancés, prêts à
démarrer dès janvier?2008. Parmi eux, on trouve Pro, la Croix-Rouge genevoise,
Genève roule ou encore l’Orangerie.»
Elément le plus novateur de la réforme, les emplois de solidarité seront créés dans
la galaxie que forment les associations et institutions sans but lucratif. Appelée
également économie sociale et solidaire, ou encore marché complémentaire. Si
l’activité produira des biens ou des services, elle ne devra pas concurrencer un
emploi «normal». «Il existe des créneaux intéressants dans les domaines de
l’environnement, de la mobilité douce, du recyclage et des aides à la personne»,
détaille Eric Etienne.
Comme ces activités ne seraient pas viables financièrement, l’Etat fournira la part
des salaires nécessaire à leur survie. «Plus de la moitié du budget des mesures
cantonales (ndlr. environ 80 millions) sera utilisée à cette fin, note notre
interlocuteur. Il n’y a aucune volonté d’économies sur le dos des ­chômeurs.»
Près de 50 organisations participent pour l’instant à la réflexion, avec chacune un
projet. L’Association Partage développe par exemple un projet de tri de déchets
très prometteur. Et les salaires? Tout comme les projets eux-mêmes, les salaires
devront être approuvés par le Conseil de surveillance du marché de l’emploi, une
instance qui réunit les employeurs, les syndicats et l’Etat. Ils dépendront du type
d’activité. Un contrat de travail de durée indéterminée sera conclu et le salaire sera
soumis aux prélèvements des cotisations sociales.
«Le cœur du projet, c’est de remettre en activité des gens plutôt que de les laisser
à la maison (en étant dépendant de l’assistance), explique Christiane Bitz, qui
collabore au projet. Ce ne sont pas des emplois-parking, mais des tremplins qui
permettent à des gens de redémarrer.» Même s’il n’est pas exclu que certaines
personnes plus âgées occupent ces emplois jusqu’à l’âge de la retraite. (eby)
Berne hésite encore
Le Conseil fédéral ne tolérera plus longtemps que les emplois temporaires ouvrent
un deuxième délai-cadre. Cela, c’est une certitude. Le 28 mars 2007, il a relevé
dans une décision que le mécanisme genevois n’était pas conforme à l’esprit du
droit fédéral. Le Conseil d’Etat en a été informé par un courrier, signé par Micheline
Calmy-Rey.
Ce qui chiffonne le gouvernement fédéral, c’est que la loi genevoise exprime
clairement que leur but prioritaire est de permettre d’ouvrir ce nouveau droit aux
indemnités.
Ce qui est incertain, c’est quand et par quel moyen le couperet va tomber. Selon
­Dominique Babey, en charge du dossier chômage au Secrétariat d’Etat à
l’économie (seco), il existe deux scénarios principaux, au cas où les Genevois
décideraient de maintenir les emplois temporaires.
«En premier lieu, explique-t-il, le seco va refuser la validation des deux articles de
la loi genevoise actuelle qui sont ­contraires au droit fédéral. Ensuite, cela se
complique.»
Soit les conséquences juridiques interviendront rapidement (n’importe quand depuis
janvier), le seco demandant aux caisses de chômage de ne plus accorder les
indemnités aux chômeurs concernés. Soit il faudra passer par la révision de la loi
fédérale sur le chômage, dont un article interdira l’octroi d’un nouveau droit au
­chômage après toute mesure subventionnée. Ce qui prendra environ deux ans.
Et qui déciderait du choix du scénario? Très vraisemblablement le Conseil fédéral,
tant le dossier est sensible et de nature très politique. (eby)
Tribune de Genève © Edipresse Publications SA
6.12.2007 12:34