Georges Oltramare et l`Italie fasciste dans les années trente
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Georges Oltramare et l`Italie fasciste dans les années trente
Georges Oltramare et l'Italie fasciste dans les années trente La propagande italienne à Genève à l'époque des sanctions et de la crise de la Société des Nations Par Mauro Cerutti Les relations entre Georges Oltramare et l'Italie fasciste, plus particulièrement avec Mussolini, ont déjà été évoquées par Roger Joseph dans son ouvrage consacré à l'Union nationale1, mouvement fondé en 1932, dont Oltramare fut le chef unique à partir de 1935. Cependant, la seule source dont a pu disposer Joseph pour la reconstitution de ces relations - la presse de l'époque mise à part - est constituée par les souvenirs d'Oltramare publiés par lui en 19562, auxquels s'ajoutent tout au plus les témoignages de quelques anciens militants de l'Union nationale. Utilisant avec prudence le récit d'Oltramare, Joseph arrive à une seule certitude, à savoir qu'«Oltramare eut des contacts personnels, peut-être fréquents, avec le maître de l'Italie».3 Ce qui est certain aussi, c'est que ces contacts furent particulièrement intenses à l'époque des sanctions, le chef de l'Union nationale se plaisant à rappeler que Mussolini lui «savait gré d'avoir lutté, seul en Suisse, contre les sanctions»4, sans toutefois préciser si la gratitude du Duce s'était traduite par des gestes concrets à son endroit ou à celui de son 151 mouvement. Autrement dit, Oltramare et son mouvement touchèrentils une récompense quelconque de la part de Mussolini pour l'action vigoureuse menée à Genève contre la Société des Nations et ses partisans genevois? Dans son ouvrage sur la Suisse de l'entre-deux-guerres, R. Ruffieux est affirmatif. Selon lui, «la propagande italienne se montra la plus active dans notre pays et ... elle soutint les fascistes suisses comme elle appuyait les francistes français. Oltramare et Fonjallaz, Bucard et Doriot s'allaitaient tous aux mamelles de la Louve».5 A propos d'Oltramare, R. Joseph est en revanche plus réservé; certes, il est conscient, après avoir analysé le budget de l'Union nationale, que les seules cotisations des militants ne pouvaient pas couvrir les frais entraînés par l'organisation. Il est cependant de l'avis que si ce mouvement reçut des apports financiers extérieurs, ceux-ci étaient probablement de provenance genevoise.6 Quant à nous, nous sommes persuadé que la propagande italienne, et Mussolini personnellement, surent se montrer particulièrement généreux envers leurs amis et partisans en Suisse. Nous avons déjà montré ailleurs7, à partir de sources italiennes, que la Fédération fasciste suisse, mouvement fondé par le colonel A. Fonjallaz en 1933, a été très généreusement financée par l'Italie avec le feu vert de Mussolini. On peut même dire que la subvention octroyée au colonel vaudois entre 1932 et 1936, au total plus de 600 000francs de l'époque, est l'une des plus grosses sommes accordée par le Duce à un mouvement fasciste étranger. En 1935, l'étoile de Fonjallaz avait déjà sérieusement pâli au firmament italien et les autorités de Rome commencèrent à s'intéresser sérieusement à l'action d'Oltramare et de son mouvement. Cet intérêt apparaît dans quelques dossiers, couvrant pour l'essentiel la période 1935-1938, déposés à Y Archivio centrale dello Stato et surtout à Y Archivio storicodiplomatico del Ministero degli Affari esteri, à Rome.8 Deux de ces dossiers proviennent des fonds du Ministero della Cultura popolare'', organisme chargé de l'œuvre de propagande en Italie et à l'étranger. Cependant, le fascicule le plus intéressant que nous avons pu consulter fait partie d'un fonds intitulé Carte di Gabinetto10, comprenant 152 les dossiers les plus importants ainsi que ceux de caractère confidentiel dont eut à s'occuper la direction du Ministère italien des affaires étrangères depuis la fin des années vingt. Le caractère particulièrement délicat de cette documentation explique pourquoi les fonds regroupant la correspondance échangée entre les diplomates italiens à l'étranger et la centrale à Rome n'en font pas mention. Rien d'étonnant dès lors que dans la correspondance entre la légation de Berne et Rome", il n'y ait aucune trace des liens confidentiels noués entre Mussolini et le chef de l'Union nationale. Le dossier des Carte di Gabinetto ouvert au nom de G. Oltramare couvre seulement les années 1937-1938; il n'y est pas question de l'activité du Genevois à l'époque des sanctions, soit d'octobre 1935 à juillet 1936. Nous savons cependant qu'en 1936 il fut reçu à plusieurs reprises par le Duce, vraisemblablement à partir du mois de février;12 or, toute audience accordée par Mussolini était nécessairement précédée d'un échange de correspondance, en l'occurrence entre les représentants italiens à Genève et la direction du Ministère des affaires étrangères, aboutissant à la création d'un dossier. C'est le cas pour les entretiens accordés par le Duce à Oltramare en 1937-1938, mentionnés dans le dossier qu'il nous a été donné de dépouiller.13 Il est certain qu'un deuxième dossier «Oltramare» a dû exister dans les fonds des Carte di Gabinetto;''* ce fascicule est malheureusement introuvable aujourd'hui.15 L'hypothèse la plus vraisemblable est qu'il a dû être endommagé par l'humidité et rendu inutilisable à la suite du déménagement des Carte di Gabinetto du siège du ministère aux caves du Palazzo Lancellotti, au lendemain de l'armistice du 8 septembre 1943.'" C'est en tout cas la mésaventure qui est arrivée à bon nombre de papiers faisant partie de la documentation confidentielle du Ministère des affaires étrangères. Le contenu des deux dossiers concernant Oltramare, faisant partie des fonds du Ministero della Cultura popolare, permet toutefois de reconstituer en partie les relations entre le chef de l'U.N. et les autorités italiennes à l'époque des sanctions. Comme nous le verrons, il y est notamment question d'une manœuvre ignorée jusqu'à ce jour, conçue par Oltramare et visant le Journal de Genève. 153 1. La propagande italienne et la presse genevoise à l'époque des sanctions. G. Oltramare et l'achat d'actions du Journal de Genève II nous semble que les contacts de plus en plus étroits noués entre Oltramare et Mussolini à partir de l'automne 1935 peuvent s'expliquer par deux facteurs principaux. Tout d'abord par la perte de prestige et de crédibilité aux yeux des autorités romaines et du Duce lui-même du colonel vaudois A. Fonjallaz. C'était pourtant sur lui que Rome avait misé, dès 1933, au point d'en faire le représentant quasi officiel du fascisme dans la Confédération. L'aide considérable accordée à Fonjallaz poursuivait plusieurs objectifs:17 outre évidemment le développement de l'idée et du mouvement fascistes en Suisse, elle visait à lutter contre le socialisme (qui, avec Nicole à Genève venait de conquérir pour la première fois la majorité dans un exécutif cantonal) et contre la menace représentée par les fronts derrière lesquels se profilait le danger hitlérien. Il s'agissait en outre d'appuyer le colonel dans sa campagne vigoureuse contre la franc-maçonnerie; sur ce point, on constate que si les subsides octroyés à Fonjallaz furent coupés en janvier 1936 à cause de l'échec qu'avait connu sa fédération fasciste, ils furent tout de même repris dans les mois suivants avec l'espoir que son initiative antimaçonnique serait couronnée de succès. Mais, comme on le sait, le 28 novembre 1937 le peuple suisse rejettera avec une nette majorité l'initiative Fonjallaz.18 Face à l'échec total de l'action multiforme entreprise par le colonel, dont le résultat le plus évident est d'avoir nui à l'image du fascisme dans la Confédération, Rome fut amenée, dans le climat de la crise éthiopienne, à se rapprocher d'Oltramare. Fier de ses lointaines origines italiennes, Oltramare n'avait jamais caché sa vive admiration pour le Duce. L'Union nationale, le mouvement dont il avait pris seul la tête en avril 1935, était de loin le groupe le plus puissant et dynamique, a caractère nationaliste, dans l'ensemble de la Suisse romande. Qui plus est, de nombreux points communs existaient entre l'Union nationale et le fascisme italien, comme l'a montré R. Joseph;" la présence d'un chef unique, d'une sorte de duce à l'échelle genevoise ainsi que la militarisation de l'organisation, étaient des preuves de sa fascisation. 154 Le deuxième facteur expliquant l'appui fourni par le Duce à Oltramare est évidemment lié à la situation toute particulière de Genève, du fait de la présence sur son sol de la Société des Nations et d'autres institutions internationales. Genève est, en effet, une sorte de tribune internationale où, durant les réunions de l'Assemblée de la SdN, les principaux journaux du monde envoient leurs correspondants. Dans le contexte de la période des sanctions qui commence, alors que l'Italie se sent terriblement isolée au point de rechercher le moindre appui d'où qu'il vienne, il n'est pas négligeable pour elle d'avoir à Genève un allié tel qu'Oltramare. Ce dernier va effectivement organiser toute une série de manifestations dans le but de combattre ou de ridiculiser l'activité de la SdN en général et les mesures sanctionnistes en particulier. L'existence, depuis novembre 1933, d'un exécutif cantonal à majorité socialiste dirigé par l'ardent antifasciste Léon Nicole, ne laisse pas non plus Mussolini indifférent. En décembre 1933, dans un entretien avec G. de Reynold2", le Duce avait déjà manifesté son inquiétude à cet égard. A l'instar d'autres socialistes suisses, Nicole a abandonné son hostilité du début à rencontre de la SdN; il s'en fait même le défenseur, tout particulièrement depuis que le Japon et l'Allemagne l'ont quittée et que l'Union soviétique y a adhéré.21 Nicole, qui dirige le dicastère de la police, s'est déjà signalé en tant que protecteur et ami de quelques réfugiés politiques italiens installés à Genève; l'un d'eux intéresse particulièrement les autorités italiennes: le socialiste Carlo E. a Prato, réfugié à Genève depuis 1926. Il est aussi le principal collaborateur du Journal des Nations, proche de la Petite Entente et défenseur systématique des principes du Pacte de la SdN. On comprend dès lors l'intérêt que peut représenter pour l'Italie fasciste le soutien sur place d'un allié comme Oltramare, dont on connaît l'hostilité envers Nicole; et puis, le chef de l'U.N. est un allié qui n'est pas isolé: en 1935, il participe à la création de l'Entente bourgeoise entre tous les partis qui s'opposent au gouvernement Nicole, au sein de laquelle il va jouer par la suite un rôle non négligeable, certainement supérieur à la force réelle du mouvement qu'il dirige.22 Après ces considérations introductives de caractère général, il vaut la peine de revenir à la documentation offerte par les archives italiennes, pour suivre pas à pas le développement des rapports entre l'Italie fasciste et Oltramare. 155 A notre connaissance, le premier contact entre le chef de l'U.N. et un représentant de l'Italie nouvelle - bien qu'il s'agisse là d'un représentant officieux - se situe au mois d'octobre 1934. En vue de l'organisation du premier congrès international des Comités d'action pour l'universalité de Rome (C.A.U.R.)23 qui doit avoir lieu en décembre à Montreux, un des dirigeants de cet organisme, Guido Baroni, effectue une tournée en Suisse. Le ministre d'Italie à Berne, Giovanni Marchi, lui signale les différents mouvements à caractère nationaliste existant dans la Confédération24, en particulier l'Union nationale de G. Oltramare. Dans le rapport qu'il envoie au président des C.A.U.R. après son séjour en Suisse25, Baroni formule des appréciations fort élogieuses sur le compte d'Oltramare qui a d'ailleurs accepté bien volontiers d'adhérer aux Comités. Il y est aussi question des contacts que le Genevois avait eu auparavant avec des émissaires de Hitler dans le but de créer un nouveau journal en français et en allemand intitulé La Patrie suisse. Ce projet n'ayant pas abouti26, tout laisse croire, poursuit G. Baroni, «qu'aujourd'hui Oltramare soit plus orienté vers Rome que vers Berlin». En conclusion, le délégué des C.A.U.R. exprime un certain nombre de suggestions: «Sarà bene . . . da parte nostra di curare subito e abilmente questo giovane deputato di Ginevra [G.O.] che è alla testa, e questo è l'importante, del movimento nazionalista più efficiente della Svizzera. L'Unione nazionale potrà essere per noi, se sapremo trarre nella nostra influenza l'Oltrarnare, il movimento più deciso a propagandare praticamente il fascismo in un cantone dove il socialismo di Léon Nicole governa. Oltramare mi ha espresso il desiderio di visitare l'Italia, Roma ed alcune fra le più importanti opere del Regime. In questa occasione riterrei opportuno che l'Oltrarnare venisse ricevuto possibilmente dal Capo del Governo, visto il precedente ricevimento del Col. Fonjallaz.27 Questo varrebbe a ristabilire l'equilibrio dato che in diversi ambienti politici si pensa che solo il Fonjallaz sia ben visto e considerato dal Duce.» 156 Cependant, ces conseils ne seront pas écoutés - probablement parce qu'à Rome on continue à vouloir tout miser sur le mouvement de Fonjallaz - et on écartera l'idée d'une rencontre entre Oltramare et Mussolini. Si l'on s'en tient aux sources italiennes actuellement disponibles, les rapports entre le chef de l'U.N. et les représentants italiens reprendront en octobre 1935, au moment du déclenchement de l'offensive italienne en Ethiopie. Selon une information parvenue au Service italien de renseignements militaires (S.I.M.)28, Oltramare se présente le 1er octobre au fascio italien de Berne pour demander l'aide du gouvernement de Rome en vue des élections aux Chambres fédérales des 26 et 27 octobre. Sans une telle aide, chiffrée par Oltramare entre 5000 et 10000francs, l'U.N. ne pourra pas obtenir de siège au Conseil national. Cet appel sera entendu; le 7 octobre, le ministre des affaires étrangères, F. Suvich, autorisera le consul d'Italie à Genève à verser une somme de 5000 francs au secrétaire de la Délégation italienne auprès de la SdN, Renato Bova Scoppa, chargé lui-même de la remettre à Oltramare.29 Notons entre parenthèses que, par la suite, Bova Scoppa et le consul Augusto Spechel seront les intermédiaires habituels utilisés par Rome pour ses contacts avec le chef de l'U.N. Pour revenir aux élections nationales d'octobre 1935, on peut estimer que l'aide italienne fut utile à l'U.N.; elle lui permit de renforcer sa propagande électorale, ce qui aboutit à l'élection au Conseil national d'un candidat figurant sur sa liste. Toutefois, ce n'est pas Géo qui ira représenter son propre mouvement à Berne, mais l'avocat Théodore Aubert, fondateur et président de l'Entente internationale contre la Troisième Internationale.30 Qui plus est, Aubert a été accepté dans la liste de l'U.N. au titre d'«indépendant», n'étant pas membre du mouvement ... Profondément vexé, Oltramare réagira par un de ses coups de tête habituels en décidant de renoncer à son mandat de député au Grand Conseil et à celui de membre du Conseil municipal genevois.31 Une autre démarche entreprise par Oltramare au mois de septembre 1935 auprès des représentants de l'Italie en Suisse concerne la presse 157 genevoise, et plus particulièrement le Journal de Genève. A différentes reprises, en effet, le chef de l'U.N. a fait savoir à la Délégation italienne auprès de la SdN qu'il a la possibilité d'acquérir 120 actions de la société du grand quotidien genevois et ce pour le prix modique de 6000 francs (environ 25 000lires). Ces actions garantiraient selon Oltramare l'obtention d'un siège au Conseil d'administration; elles seraient mises à la disposition de l'Italie qui pourrait ainsi chercher à influer sur la ligne politique du journal.12 La réaction de Rome à la proposition d'Oltramare est d'abord négative: le 3 octobre le Ministero per la stampa e la propaganda (qui deviendra en 1937 le Ministero della cultura popolare), fait savoir à sa Délégation à Genève que «la chose ne l'intéresse pas».33 Dans les semaines suivantes, alors que l'Italie est condamnée par la SdN pour son agression contre l'Ethiopie, les autorités italiennes sont amenées à reconsidérer la proposition d'Oltramare. Luciano Mascia, un fonctionnaire du Ministero per la stampa e la propaganda qui effectue de fréquentes missions à Genève pour prêter main forte à la Délégation auprès de la SdN, est chargé d'étudier l'affaire de plus près. Dans un rapport datant de la fin octobre34, Mascia n'aborde pas seulement le projet d'Oltramare, mais dresse un tableau d'ensemble sur la présence des correspondants de la presse internationale à Genève, mettant en évidence la faiblesse de la représentation italienne par rapport à celle des autres puissances, France et Grande-Bretagne en tout premier lieu: «La presenza di giornalisti di fama internazionale crea attorno alla S.d.N. e alle Delegazioni un cerchio di risonanza immediata che ha indubbiamente la sua influenza sull'operato dei vari Delegati e che si traduce in seguito in orientamenti positivi dei più grandi organi della stampa internazionale. I contatti personali di Saint Brice, Pertinax, Geneviève Tabuis, Kayser, Bassée (direttore politico dell'Agenzia Havas) per quanto riguarda la stampa francese; di Scott, Gordon Lennox, Vernon Bartlett, Ewer, per la stampa inglese, costituiscono un elemento politico di effettiva importanza negli ambienti societari, contro il quale noi non possiamo opporre nulla di altrettanto concreto ed influente.» Pour remédier, au moins partiellement, à cette situation, Mascia propose l'envoi à Genève de correspondants compétents et influents, capables de bien expliquer la position italienne, non seulement dans les 158 colonnes de leurs journaux respectifs, mais surtout dans les milieux internationaux proches de la SdN. Passant à l'analyse du rôle des journaux genevois, Mascia attire l'attention de ses supérieurs sur deux quotidiens qui jouissent d'un large écho auprès des délégués à la SdN: «II <Journal de Genève> e il <Journal des Nations> sono gli organi letti da tutte le delegazioni alla mattina e che perciò hanno per noi un'importanza particolare.» Or, selon Mascia, la possibilité s'offre maintenant à l'Italie d'intervenir pour chercher à modifier la ligne politique de ces deux influents quotidiens. Dans le cas du Journal des Nations, qui connaît de sérieuses difficultés financières, elle a même la possibilité de l'acquérir, car l'offre en a été faite par un intermédiaire à l'ambassadeur d'Italie à Paris.35 Nous savons que cette opération ne sera pas effectuée36 et que le Journal des Nations restera fidèle à sa ligne antifasciste. Il vaut la peine cependant, avant d'aborder de près les tractations concernant le Journal de Genève, d'ouvrir une parenthèse sur le Journal des Nations et sur son principal rédacteur, le socialiste italien Carlo E. a Prato. Ce quotidien a été fondé en 1931 par un journaliste polonais, W. Oryng, qui en sera le directeur responsable jusqu'en 1934. Après son départ, aucun nouveau directeur ne sera nommé, la rédaction étant dès lors conçue comme une «communauté sans hiérarchie».37 Le départ du polonais Oryng coïncide avec la prise de participation majoritaire par les Etats de la Petite Entente - la Tchécoslovaquie en particulier - au capital-actions de la société qui édite le journal. Le «fuoruscito» a Prato, qui collabore au quotidien depuis sa fondation tout en étant propriétaire d'une partie de ses actions, devient de facto le directeur du journal. Cependant, afin de conserver sa totale indépendance d'esprit face aux Etats de la Petite Entente, a Prato refuse de toucher une quelconque rémunération pour sa collaboration au Journal des Nations, tirant ses moyens d'existence des correspondances qu'il envoie à d'autres journaux internationaux.3* 159 Le journal se veut fidèle à l'esprit du Pacte de la SdN. Il est tout naturellement porté à adopter une ligne antifasciste dirigée contre des Etats comme l'Italie et l'Allemagne qui combattent la SdN et son Pacte. Ecrit dans un style irréprochable, le Journal des Nations ne contient aucune injure à l'adresse des dirigeants politiques étrangers dont il critique fermement l'action politique. C'est ce qui le rend difficilement attaquable d'un point de vue suisse, mais c'est aussi ce qui rend les autorités italiennes littéralement furieuses, car, comme on l'a vu, ce quotidien est très lu par les délégués à la SdN. Avant même le conflit éthiopien, mais bien plus à partir d'octobre 1935, d'innombrables pressions diplomatiques sont exercées sur Motta par les diplomates italiens et par le chef de cabinet de Mussolini, le baron Aloisi, très monté contre a Prato et le journal qu'il inspire.3' Après la défaite électorale de Léon Nicole, ami et protecteur du journaliste, en novembre 1936, les pressions italiennes seront finalement couronnées de succès, en partie grâce à l'intervention d'Oltramare: le 12 décembre 1936, Oltramare publie en effet dans Y Action nationale la preuve du versement de 10 000 francs effectué par le consul de l'Espagne républicaine, Rivas Chérif, en faveur d'à Prato.4" Celui-ci admet publiquement la chose, précisant toutefois qu'il a destiné cet argent au Journal des Nations. Cette explication ne suffit pas à arrêter le processus désormais engagé contre lui. Le nouveau responsable du Département de police genevois, P. Balmer, après s'être entretenu à plusieurs reprises avec le consul d'Italie qui lui a même fourni de la documentation sur a Prato41, obtient du Conseil d'Etat le retrait du permis de séjour délivré au journaliste. L'action se poursuit à Berne où le chef du Département politique, Motta, en veut personnellement à a Prato, considérant que son activité a une influence négative sur les relations italo-suisses. Finalement, en janvier 1937, la décision adoptée auparavant par le gouvernement genevois sera étendue à l'ensemble du territoire de la Confédération42, et a Prato devra quitter la Suisse. Incontestablement, il s'agit là d'une décision purement politique, et les différentes enquêtes menées précédemment par le Ministère public de la Confédération montrent bien l'inconsistance des griefs adressés au «fuoruscito» italien.43 Comme nous l'avons vu, avant d'ouvrir une parenthèse sur le Journal 160 des Nations, Luciano Mascia avait été chargé en octobre 1935 d'étudier de près la proposition d'Oltramare concernant le Journal de Genève. A cette époque, le grand quotidien libéral est dirigé par Jean Martin, tandis que René Payot en est le rédacteur en chef. Depuis janvier 1933, une plume célèbre avait quitté la rédaction du journal: celle de William Martin, chargé depuis 1924 de la politique étrangère. A ce poste, W. Martin s'était souvent manifesté par des prises de position assez critiques envers la politique menée par l'Italie fasciste, tant sur le plan interne qu'au niveau international.44 De plus, W.Martin, porte-parole du courant de gauche au sein de la rédaction, avait systématiquement cherché à défendre la SdN et son Pacte. Le départ volontaire de W. Martin en 1933 avait été d'ailleurs un symptôme évident de la crise au sein de la rédaction et au Conseil d'administration du quotidien libéral. Selon le professeur William Rappard, lui-même actionnaire de la société éditrice du journal et représentant du courant de gauche, «cette crise était due à un conseil divisé, à une rédaction divisée et à une doctrine incertaine.»45 S'il voulait résoudre cette crise interne, toujours selon W. Rappard, le Journal de Genève devait clairement prendre position sur deux questions précises: voulait-il être «en première ligne un grand organe d'opinion internationale, ou une feuille de politique locale? En second lieu devait-il s'inspirer d'une philosophie politique libérale, tendant au maintien d'une démocratie sincère à l'intérieur et d'une véritable concorde internationale, ou devait-il faire du nationalisme autoritaire?»46 Rappard aurait naturellement souhaité que le journal accorde un plus grand soutien aux valeurs authentiquement démocratiques et défende davantage la SdN et son Pacte, ce qui aurait inévitablement conduit à une attitude plus critique à l'égard des Etats totalitaires de type fasciste. Cependant, c'est le courant opposé à Rappard et à W. Martin qui devait l'emporter et influer sur la ligne politique du journal au cours des années suivantes. Le départ de William Martin en 1933 avait d'ailleurs déjà montré la victoire de ce courant de droite au sein de la direction du Journal de Genève. Dans une lettre à Rappard, W. Martin précisait bien que sa démission n'était due que dans une faible mesure à la possibilité d'obtenir la chaire d'histoire à l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich, où il devait d'ailleurs décéder en 1934: 161 «Vous savez quel faible rôle tout ceci a joué dans ma décision. Le vrai motif a été la nomination de Jean Martin, à laquelle on donnait le sens d'une unification de la politique du Journal - évidemment contre moi.»47 Après le départ de W.Martin, le courant conservateur majoritaire au sein de la direction devait se renforcer sous la pression d'une part des événements internes à Genève et de la lutte contre le gouvernement de Léon Nicole; sur le plan international, d'autre part, le Journal de Genève allait accentuer sa méfiance à l'égard de l'action de la SdN, surtout après l'admission de l'Union soviétique en septembre 1934.4* En octobre 1935, lorsque débute la crise éthiopienne, la traditionnelle italophilie49 du Journal de Genève ne suffit pas à le mettre à l'abri de la censure sourcilleuse que l'Italie a instituée à ses frontières. Le 1er octobre, à la veille de l'agression italienne contre l'Ethiopie, le Ministero per la stampa e la propaganda décide la saisie du numéro du 30 septembre et interdit l'entrée du journal en Italie de façon permanente.5" Le motif invoqué par Rome est un article d'un ethnologue français, Marcel Griaule, bon connaisseur de l'Ethiopie pour y avoir été en mission; l'auteur ne formule aucune critique directe contre l'Italie, mais se limite à souligner les obstacles sérieux que les populations éthiopiennes et la géographie montagneuse du pays seraient en mesure d'opposer à tout agresseur futur. Mais l'article de Griaule est d'abord un prétexte permettant aux autorités italiennes, en frappant un organe de l'importance du Journal de Genève, d'exercer une pression sur la Suisse qui tolère sur son territoire des journalistes hostiles à la politique fasciste du genre Carlo a Prato.51 C'est là aussi l'impression qu'a retirée G. Motta des entretiens qu'il a eus à Genève avec P. Aloisi, le chef de cabinet de Mussolini: «... la raison véritable de la mesure prise contre le <Journal de Genève> réside dans l'exaspération des Autorités italiennes contre le Journal des Nations> et contre le fuoruscito Aprato, qui trouve dans les circonstances actuelles un aliment très favorable à la campagne d'hostilité contre l'Italie qu'il poursuit sournoisement depuis des années dans ce quotidien.»52 Cette réflexion confirme ce que nous avons écrit plus haut, à savoir que la collaboration d'à Prato au Journal des Nations constitue une véritable pierre d'achoppement pour les relations diplomatiques italo-suisses. A tel point qu'il faudra des interventions répétées53 de René Payot et de 162 Motta auprès d'Aloisi à Genève, ainsi que du ministre Wagnière à Rome, pour que Mussolini accepte enfin, le 19 octobre, de lever l'interdiction d'entrée du Journal de Genève.54 Fin novembre, alors que les sanctions décidées par le Comité de coordination de la SdN commencent à entrer en vigueur, les autorités italiennes s'intéressent à nouveau à la proposition faite par G. Oltramare, en septembre, concernant le Journal de Genève. Depuis quelques semaines, le chef de l'U.N. a entrepris dans les colonnes de Y Action nationale une vigoureuse campagne en faveur de l'Italie fasciste, s'en prenant à la «perfide Albion», à la «vieille Europe libérale et parlementaire, (à) toutes ses forces révolutionnaires et maçonniques» qui sont liguées contre Rome. Le 22 novembre, l'Union nationale organise au Victoria Hall une assemblée en faveur de l'Italie fasciste, avec la participation de représentants de l'extrême-droite française, assemblée à laquelle participe une foule énorme.55 En s'engageant aussi ouvertement, Oltramare fournit aux Italiens la preuve de sa «foi fasciste»; il est devenu un interlocuteur en qui on peut avoir confiance. Ainsi, avec l'approbation de Mussolini, le Ministero per la Stampa e la propaganda décide de consentir à la transaction proposée par le chef de l'U.N. concernant le Journal de Genève. L'opération est mise au point par un fonctionnaire italien auquel nous avons déjà fait allusion, L. Mascia, au cours de trois entretiens avec Oltramare à Genève. Sans préciser de qui il les tient, Oltramare déclare à son interlocuteur qu'il est en mesure de disposer immédiatement de 100 actions nominatives de la société du Journal de Genève50, qu'il peut acquérir au prix d'environ 30 francs pièce57, actions qu'il s'engage à mettre à la disposition de l'Italie. Il a bon espoir de s'en procurer encore 150, ce qui devrait garantir, lors de la prochaine assemblée générale de la société, l'élection d'une personne favorable à la politique italienne au Conseil d'administration du journal, qui compte alors 11 membres.58 Le candidat à ce poste est tout désigné: il s'agit de René-Louis Piachaud, poète et critique dramatique au Journal de Genève. Ami de longue date d'Oltramare59 et membre de l'U.N., Piachaud est bien entendu au courant de la transaction avec l'Italie. Cependant, aux termes des 163 Statuts de la société, chaque actionnaire ne peut posséder que 50actions nominatives au maximum.60 On cherche alors à contourner l'obstacle en désignant comme actionnaire, en plus de Piachaud, une cousine d'Oltramare, ces deux personnes devant acquérir, chacune, 50 actions.61 Pour le reste des titres, Oltramare s'engage à désigner des actionnaires de son choix. Comme l'écrit L. Mascia dans un mémorandum destiné au chef du Ministero per la propaganda: «II Sig. Oltramare è d'avviso di far intestare queste azioni [les 150 qui restent à acheter] a più di tre persone, possibilmente una diecina o quindicina del suo partito, in modo da avere, se non altro, una maggioranza numerica alla prossima Assemblea della Società. Non mi sono opposto a questo piano per due ordini di ragioni: 1. La presenza di numerosi nuovi azionisti contribuirà a mascherare sempre meglio il nostro intervento dando all'operazione sempre più il carattere di politica interna. 2. Quanto maggiori saranno le ricevute che l'Oltrarnare ci consegnerà, tanto più forte sarà la nostra posizione nei suoi confronti. (Cosa che del resto ritengo superflua, dato che il Signor Oltramare ha già rilasciato una ricevuta al Console Generale d'Italia per frs. 5000 quale nostro contributo alle elezioni federali). La nostra prossima azione deve quindi tendere a far eleggere al Consiglio d'Amministrazione il Signor Piachaud alla prossima Assemblea generale.»62 On le voit, les représentants italiens - tout au moins L. Mascia - ne semblent pas encore nourrir une confiance absolue dans la loyauté de leur allié genevois. Les espoirs italiens de pouvoir influer par la suite sur la ligne politique du Journal de Genève, se basent aussi sur le fait qu'un des membres du Conseil d'administration, le docteur Hugo Oltramare est, suivant les déclarations de son cousin Géo, «déjà complètement gagné à la cause italienne, bien qu'il ignore tout ce qui concerne l'achat des actions [par l'Italie]».63 164 Dans l'hypothèse de l'élection de L. Piachaud, l'Italie pourrait alors disposer de deux voix favorables au sein du Conseil d'administration du journal. D'ailleurs, afin de mieux gagner son cousin Hugo à la cause italienne, G. Oltramare recommande à L. Mascia d'intervenir en haut lieu pour que le «Conseil héraldique» du Royaume reconnaisse que la famille Oltramare est bien issue de l'ancien patriciat génois64; c'est en tout cas ce que Hugo Oltramare cherche à obtenir depuis un certain temps.65 Effectivement, et ce détail montre bien l'intérêt que porte Mussolini à toute l'affaire, la demande des deux Oltramare est transmise par ordre du Duce au commissaire royal près le «Conseil héraldique», le sénateur P. Fedele.66 Après des recherches assez sérieuses dans les archives génoises, celui-ci communique au ministre G. Ciano que la requête des Oltramare n'est pas recevable et qu'il lui est impossible de leur conférer le titre de patricien génois.67 Pour revenir à l'accord intervenu entre G. Oltramare et L. Mascia au sujet du Journal de Genève, le mémorandum rédigé par Mascia le résume en ces termes: «...ampia libertà di politica interna per quanto riguarda l'influenza che egli [G.O.] potrà esercitare a vantaggio del suo partito. E su ciò ho tenuto a marcare il nostro disinteresse per dissipare qualsiasi sospetto di una nostra inframettenza nella politica interna svizzera; per quanto riguarda la politica internazionale, sviluppare ed intensificare la campagna antisanzionista ed in generale ottenere un più equo, sereno ed amichevole atteggiamento del giornale nei nostri riguardi.» En guise de reconnaissance pour l'activité qu'Oltramare mène en faveur de Rome, le gouvernement italien entend lui conférer un titre honorifique; c'est ce que L. Mascia apprend au chef de l'U.N. en lui donnant à choisir entre le titre de Commandeur de la Couronne d'Italie et celui d'Officier des SS. Maurice et Lazare.68 C'est ce deuxième titre, choisi par Oltramare, qui lui sera attribué par décret royal le 27 décembre.69 La documentation dont nous disposons ne permet pas de préciser le nombre exact des actions du Journal de Genève achetées par le chef de l'U.N. sur mandat italien. En revanche, ce que nous savons de façon 165 certaine, c'est qu'en décembre, deux versements d'un total de 25 000 lires (plus de 6000 francs suisses) sont effectués par Rome en faveur d'Oltramare, par l'intermédiaire du consul général à Genève, A.Spechel.™ Si l'on s'en tient au chiffre communiqué par Oltramare à Mascia - 30 francs par action -, on peut estimer qu'environ 200 actions du Journal de Genève passent en main des personnes de confiance du gouvernement italien. Le principal objectif visé par l'Italie en procédant à cette opération, soit l'élection de L. Piachaud au Conseil d'administration, ne sera cependant pas atteint. Faute d'un procès-verbal ou d'un compte rendu de presse de la première assemblée générale du Journal de Genève1' qui a lieu après l'accord Oltramare-Mascia, nous ignorons si la question de l'élection de Piachaud y a réellement été débattue. Quoi qu'il en soit, nous croyons pouvoir attribuer la non-élection de Piachaud à un malentendu qui s'est glissé dans les discussions entre Oltramare et son interlocuteur italien. Suivant les indications fournies par le chef de l'U.N., en achetant environ 200 actions de la société du journal, les autorités italiennes ont en effet l'impression d'avoir quasiment acquis le tiers du total du capital-actions. Selon Oltramare, ce capital se monte alors à 380 000 francs, réparti en 760 actions nominatives d'une valeur nominale de 500francs.72 Or, ces chiffres correspondent bien à ceux indiqués dans les statuts adoptés en 1922" par la société du journal, mais ces statuts, ainsi que le capital social, ont été modifiés en 1930.74 Comme le confirme Y Annuaire suisse du Registre du commerce75, en 1935 le capital du journal se monte à 480000 francs, divisé en 2400 actions ayant chacune une valeur de 200 francs. On peut donc voir que l'achat de 200 actions effectué à bon compte par l'Italie ne lui confère en définitive qu'une faible part du capital de la société, et limite considérablement la possibilité pour ses hommes de confiance de se faire entendre dans le cadre d'une assemblée générale. Cela explique, probablement, la non-élection de Piachaud au Conseil d'administration. Est-ce là finalement le résultat d'une confusion volontairement entretenue par Oltramare afin de mieux persuader les Italiens de l'intérêt de l'opération? Certes, le Genevois pouvait difficilement ignorer la teneur exacte des statuts de la société. Néanmoins, compte tenu de la loyauté d'Oltramare envers l'Italie, on a de la peine à comprendre pour quelle raison il aurait choisi de proposer à ses partenaires italiens une opération dans laquelle il ne croyait pas lui-même. Faute de pièces plus explicites, force est d'admettre que des points obscurs subsistent quant à 166 la motivation réelle du chef de l'U.N. De toute façon, Mussolini n'avait pas engagé une bien grosse somme dans l'affaire, ce qui contribue peutêtre à expliquer pourquoi, malgré la non-élection de Piachaud, les rapports entre le Duce et Oltramare deviendront par la suite encore plus confiants. Certes, la disparition d'un dossier sur Oltramare tenu à jour par le Cabinet italien des affaires étrangères - auquel nous avons fait allusion plus haut - ne permet pas de reconstituer dans le détail les rapports entre le chef de l'U.N. et Mussolini pendant la période des sanctions. L'ampleur de l'aide fournie par le Duce à Oltramare est cependant clairement montrée par le témoignage d'un diplomate italien en poste à Genève durant les années qui nous intéressent ici. Il s'agit de Valfré di Bonzo, vice-consul d'Italie à Genève de septembre 1934 à juin 1937.76 Vers la fin du deuxième conflit mondial, alors qu'il est attaché militaire à Bucarest et qu'il est entré en opposition assez ouverte avec le Régime fasciste, le colonel di Bonzo se confie au chargé d'affaires de Suisse dans la capitale roumaine, Beat de Fischer. Comme il l'apprend à son interlocuteur suisse, sous le couvert d'une fonction consulaire à Genève77, di Bonzo «travaillait pour le 2e bureau de son pays [le S.I.M.], qui l'avait chargé spécialement de recueillir des informations d'ordre militaire sur ce qui ce passait dans les régions françaises avoisinantes».78 Qui plus est, pendant ces années, il avait eu de fréquents contacts avec G. Oltramare. Sur ce point, la lettre confidentielle écrite le 24 octobre 1945 par le chargé d'affaires de Fischer au Procureur général de la Confédération est très explicite: «a) Der in Frage stehende Diplomat [V. di Bonzo] hat mir in der Tat anlässlich eines besonders vertraulichen Gespräches mitgeteilt, dass er Georges Oltramare und andern Journalisten in Genf erhebliche Summen im Auftrage seiner Regierung habe zukommen lassen; b) der Zweck dieser Geldüberweisungen sei es gewesen, Georges Oltramare und den andern Journalisten in Genf den Dank der italienischen Stellen für die Vertretung italienischer Thesen in ihrer Zeitungen zum Ausdruck zu bringen; c) die Geldüberweisungen fallen in die Jahre 1934 und 1935, das heisst in die Zeit, wo der besagte Diplomat in Genf amtierte; über genauere Daten hat er sich nicht geäussert; 167 d) Was die Höhe der Geldbeträge betrifft, so sagte mir mein Gewährsmann, dass es sich um bedeutende Summen gehandelt habe; in Betreff Oltramare sprach er von über Fr. 100000.-. Mein Gewährsmann sagte mir aber nicht, ob diese Summe auf einmal oder allmählich bezahlt worden und in welcher Form dies geschehen sei; es war aber, soviel ich mich erinnern kann, auch von Reiseunkosten die Rede.»" A noter que ce témoignage de B. de Fischer est transmis au Procureur général dans le cadre de l'enquête ouverte contre Oltramare pour son œuvre de collaboration en France pendant la Deuxième Guerre mondiale, enquête qui débouchera comme on le sait sur le procès et la condamnation d'Oltramare à trois ans de réclusion.80 Lors de ce procès, cependant, on ne retiendra contre lui que l'activité menée en faveur du Reich à Paris; le témoignage fourni par de Fischer, se référant à une période couverte par le délai de prescription, ne sera pas retenu et ne fera pas l'objet d'investigations plus poussées.81 Ce témoignage n'en reste pas moins important pour l'historien, qui peut le tenir pour crédible, étant donné ce qu'on sait par ailleurs de l'engagement d'Oltramare en faveur de l'Italie fasciste. Il faut cependant s'interroger sur l'exactitude de la période indiquée, 1934-1935, pendant laquelle di Bonzo, suivant le récit de B. de Fischer, aurait fait parvenir d'importantes sommes d'argent au chef de l'U.N., mais aussi à d'autres journalistes à Genève. Il est vrai que di Bonzo a été en poste à Genève, en qualité de viceconsul, à partir de septembre 1934, mais nous avons vu plus haut qu'en 1934 il n'existait pas encore de liens privilégiés, confidentiels, entre Oltramare et Mussolini. En octobre 1934, Rome avait écarté la proposition de Baroni, délégué des C.A.U.R., qui suggérait que le chef de l'U.N. soit reçu par le Duce. C'est seulement à la faveur de la crise éthiopienne, après son engagement ouvert en faveur de l'Italie et l'opération concernant le Journal de Genève, qu'Oltramare deviendra véritablement l'allié de Rome dans la ville de la SdN, et qu'il sera reçu par Mussolini à plusieurs reprises. Il nous paraît donc évident qu'il faille corriger les dates indiquées dans le témoignage de B. de Fischer, et qu'au lieu de «1934-1935», on doive y lire «1935-1936». 168 Quant à la somme totale remise au Genevois par V. di Bonzo sur mandat du gouvernement italien, elle frappe évidemment par son importance, mais nous verrons qu'elle est confirmée par les sources italiennes que nous avons consultées. En fait, cette somme n'est pas si étonnante, dès lors que l'on connaît les subsides considérables distribués par la propagande fasciste à l'étranger et en Suisse, et quand on se souvient de l'aide plus importante encore octroyée au colonel Fonjallaz. Reste l'allusion contenue dans le témoignage de B.de Fischer aux «autres journalistes à Genève», également récompensés par Rome pour avoir défendu les thèses italiennes dans leurs journaux; si elle intrigue l'historien, cette allusion confirme par ailleurs le très grand intérêt porté par l'Italie à la presse paraissant dans la ville de la SdN pendant la période sanctionniste. Cette attention est évidente dans le cas du Journal de Genève, dont les articles relatifs à l'Italie et au conflit des sanctions sont régulièrement signalés au Ministero per la stampa e la propaganda par le consul à Genève. De toute façon, la plupart des prises de position du quotidien libéral sur la question, et tout particulièrement celles signées par le rédacteur de politique étrangère, P.-E. Briquet, manifestent généralement une italophilie nettement marquée. Un article publié dans le Journal de Genève du 10 mai 1936, peu après l'entrée des troupes italiennes à Addis Abeba, suscite cependant la réaction immédiate du Consul d'Italie, A. Spechel82, qui semble curieusement s'arroger une sorte de droit de regard dans la ligne politique du journal... L'article en question, signé par P.-E. Briquet, critique la volonté de l'Italie d'annexer purement et simplement l'Ethiopie vaincue. Le consul s'en plaint auprès d'un membre du Conseil d'administration, le docteur Hugo Oltramare, qu'il qualifie d'«influent représentant italophile du journal», et auprès de l'auteur de l'article. Il apprend ainsi que ce papier a été rédigé à la suite d'une séance mouvementée du Conseil d'administration, au cours de laquelle certains membres avaient critiqué Briquet pour une série d'articles écrits pendant l'absence du directeur Jean Martin, particulièrement favorables à la cause italienne, le menaçant même de licenciement. Pour rétablir la situation en sa faveur, le journaliste avait alors réagi en publiant l'article qui avait déplu à Spechel. 169 Relatant dans un télégramme l'entretien avec Briquet, le consul résume ainsi la réaction du journaliste à ses critiques: «Egli riconosce suo torto e mi assicura essere desideroso e disposto rimediare spalleggiato da membri Consiglio [d'administration] a noi amici. Stamane l'ho messo in contatto con Delegazione italiana [à la SdN] per direttive del caso [souligné par moi].»81 En outre, toujours d'après le télégramme du consul, le docteur Hugo Oltramare lui a déclaré que le Journal de Genève «devra bientôt se décider pour une tendance nette et cohérente en faveur de l'Italie». Quant à la réaction de P.-E. Briquet aux critiques du consul italien, elle paraît pour le moins curieuse. On est frappé par la facilité avec laquelle 11 semble s'être plié aux pressions du diplomate visant à censurer son activité journalistique, et par la promesse de remédier dans le futur à sa «faute», comme s'il avait des comptes à rendre au consul Spechel... Toujours est-il qu'après ses entretiens avec le consul et avec un membre de la Délégation italienne, Briquet publie dans le Journal de Genève du 12 mai un article sur «les sanctions moribondes», qui, selon Spechel, «rectifie l'impression défavorable du précédent [article]».84 Enfin, mis en contact par le consul Spechel avec Renato Bova Scoppa, secrétaire de la Délégation italienne à la SdN, Briquet assure le diplomate que son journal sera toujours disposé à faire paraître des démentis afin de corriger des nouvelles précédemment publiées, qui auraient déplu à l'Italie; le mieux serait, d'après lui, de charger le correspondant à Rome du Journal de Genève, Th. Vaucher, d'envoyer au journal les démentis ou mises au point jugés utiles.85 Le 26 mai, R. Bova Scoppa assure le ministre Ciano qu'il «garde les contacts les plus étroits avec le directeur et le rédacteur de politique étrangère du Journal de Genève pour les orienter dans un sens favorable [à l'Italie]».86 L'impression qui se dégage est que des contacts de nature confidentielle sont progressivement établis, à la faveur de la crise éthiopienne, entre P.-E. Briquet et les représentants italiens à Genève.87 Impression confirmée par une lettre du Département politique fédéral du 22 juin 193888, d'après laquelle ce journaliste aurait été à l'époque le gérant de l'Agence Telepress à Genève. Or, les Archives italiennes montrent à 170 l'évidence que cette agence fondée en 1937 dépendait directement du gouvernement italien, avant d'être financée par l'ensemble des Puissances de l'Axe.89 Il est nécessaire de préciser, toutefois, qu'en 1938 Briquet n'est plus rédacteur fixe au Journal de Genève, bien qu'il continue d'y collaborer de façon irrégulière. En conclusion, nous avons là un faisceau convergent d'informations qui semblent prouver que, même si elle n'est pas parvenue à faire élire un homme de confiance au Conseil d'administration du Journal de Genève, l'Italie a tout de même réussi à différentes occasions à influer sur la ligne politique du quotidien, en particulier par des pressions multiples de ses représentants à Genève. En outre, elle a pu compter sur la présence au sein de la rédaction du journal d'un rédacteur particulièrement attentif à ses thèses, vraisemblablement parce que lié à elle par des rapports de nature confidentielle. 2. Mussolini et ses appuis à l'Union Nationale de G. Oltramare en 1937-1938 Le dossier Oltramare tenu à jour par le Cabinet du Ministère italien des affaires étrangères, auquel nous avons déjà fait allusion, nous permet de suivre de près les relations entre le chef de l'U.N. et le Duce pendant l'année 1937 et la première moitié de 1938; à partir de l'été 1938 ces rapports semblent s'être interrompus. Ce dossier nous apprend que pendant cette période, des appuis considérables sont fournis par Rome à Oltramare, appuis qui ne visent pas simplement à soutenir la lutte contre la SdN dans la ville même de l'institution internationale, mais aussi à favoriser le renforcement de l'U.N. en tant que telle, pour lui permettre de mener à bien ses campagnes sur le plan genevois, romand, ou suisse. Cette deuxième constatation est d'autant plus intéressante qu'en 1937 le mouvement dirigé par Oltramare, par ailleurs en plein développement, n'est pas simplement un groupe d'extrême-droite qui s'est signalé notamment par son hostilité au gouvernement Nicole et à la SdN. L'U.N. est aussi un des partis qui composent l'Entente nationale bourgeoise, née en 1935 et définitivement constituée pendant l'été 1936 par tous les partis opposés au gouvernement cantonal à majorité socialiste. En vue des élections cantonales de novembre 1936, comme le 171 montre R. Joseph1"', Oltramare et son mouvement ont été associés aux négociations qui ont conduit à la mise au point de la liste commune des candidats de l'Entente pour le Conseil d'Etat. L'U.N. a demandé à ses membres et sympathisants de voter cette liste commune, tout en renonçant à y faire porter l'un de ses représentants. Il est vrai qu'avant d'annoncer son appui à la liste commune de l'Entente, Oltramare avait exigé de pouvoir disposer d'un droit de veto quant à la désignation des candidats. On ignore cependant si cette exigence avait été satisfaite. Ayant énergiquement participé à une campagne électorale dominée par des mots d'ordre anticommunistes, l'U.N. a donc contribué dans une mesure non négligeable à la victoire de l'Entente nationale. D'ailleurs, au lendemain du triomphe sur Nicole, tous les partis bourgeois, y compris les radicaux, donneront acte publiquement à Oltramare de la part qu'il a prise à la victoire commune. Ils n'en seront pas quittes pour autant, Oltramare ne se privant pas par la suite de demander à ses alliés le compte pour l'aide fournie en novembre 1936. C'est la remarque que fait aussi R.Joseph:'" «Bien plus que ses dix députés [au Grand Conseil], dont une impossible coalition avec les quarante socialistes n'eût fait qu'équilibrer les forces en présence'2, c'est cette participation à l'entente bourgeoise qui lui permit [à l'U.N.] de faire entendre sa voix. Elle avait aidé à la victoire. Elle n'allait pas manquer de le rappeler.» Ceci sera à l'origine de nombreux tiraillements entre l'ensemble des partis bourgeois d'un côté et un allié gênant et remuant comme le chef de l'U.N. de l'autre. Malgré ces antinomies et les critiques adressées parfois à Oltramare par les radicaux, les partis membres de l'Entente n'iront pas jusqu'à couper les ponts avec le chef de l'U.N., son appui contre la gauche sur le plan local leur paraissant trop important. A cette raison d'ordre tactique, s'en ajoutent d'autres qui touchent aux programmes mêmes des alliés politiques d'Oltramare: lors de la campagne électorale de 1936, un rapprochement assez sensible s'est effectué entre les positions des partis bourgeois et celles déjà défendues par l'U.N., dans le domaine des corporations notamment ou en ce qui concerne la demande, reprise par les radicaux, visant à interdire les organisations communistes.93 Ce rapprochement est particulièrement frappant dans le cas du parti démocrate"4, devenu en 1935 le parti national démocratique, dont les dirigeants accepteront de négocier à l'automne 1938 un accord 172 de fusion avec l'Union Nationale. Les négociations seront poussées fort loin, comme le rappelle R. Joseph*5, et un accord de principe sera signé en novembre, mais peu après les discussions seront rompues, Oltramare ayant refusé de faire des concessions aux dirigeants démocrates. En mai 1937, à l'occasion du premier anniversaire de l'Empire, Oltramare et un groupe de membres de l'U.N. se rendent à Rome. L'audience que leur accorde Mussolini fournit non seulement à la gauche genevoise l'argument rêvé pour s'en prendre au chef de l'U.N., mais elle provoque aussi de fortes dissensions au sein de l'Entente nationale. Suivant les témoignages concordants d'anciens membres de l'U.N. que cite R. Joseph*5, cette audience n'a «absolument pas été prévue» avant le départ de Genève. Or, cette version est contredite par un échange de télégrammes entre le Cabinet des affaires étrangères et la Délégation italienne à Genève; un télégramme envoyé de Rome le 7 mai97 et adressé à la délégation signale en effet que l'audience a été en principe accordée, mais qu'il est nécessaire de savoir combien de jours le groupe de l'U.N. séjournera à Rome. Entre-temps, la délégation de l'U.N. est déjà arrivée à Rome, où seront réglés les derniers détails en vue de la réception au Palazzo Venezia. Le 8 mai, Oltramare et 45 de ses hommes en uniforme, accompagnés par deux dirigeants du fascio italien de Genève, sont reçus par le Duce qui leur exprime sa reconnaissance pour l'action déployée dans leur ville contre les sanctions.98 Le 11 mai, alors que ses hommes étaient déjà de retour à Genève, le chef de l'U.N. est reçu par Mussolini."9 Ce n'est pas là le premier entretien privé accordé à Oltramare, déjà reçu à différentes reprises l'année précédente.100 Comme le signale la presse italienne101 lors de la rencontre du 11 mai, il est question de la requête d'Oltramare tendant à obtenir une escale à Genève de la ligne aérienne Turin-Paris.102 Le Duce s'y montre favorable, mais il préfère pour le moment soumettre le projet aux responsables de l'aviation civile. Ce «succès», dont Oltramare espère obtenir un surcroît de prestige pour lui et son mouvement, va en définitive se retourner contre lui, car ses adversaires à Genève vont l'utiliser comme preuve des liens privilégiés entre le chef de l'U.N. et le dictateur italien. Qui plus est, malgré la réelle bonne volonté de Mussolini de satisfaire le vœu du Genevois, le 173 projet d'escale à Genève devra être abandonné quelques mois plus tard, en raison des difficultés d'ordre technique soulevées par le gouvernement français.101 Selon toute vraisemblance, lors de l'entretien du 11 mai il est aussi question entre les deux hommes de la poursuite de l'activité de l'U.N. à Genève; nous savons en effet qu'au mois d'avril une aide financière a déjà été octroyée1"4 par le Duce à Oltramare, aide qui sera renouvelée pendant les mois suivants. Le voyage à Rome se révèle être en définitive une faute tactique du chef de l'U.N., à cause surtout des critiques qu'il suscite au sein même des partis de l'Entente nationale, tout particulièrement chez les radicaux. Quant au Journal de Genève du 14mai, sous la plume de René Payot, il parle d'«une erreur de l'Union Nationale». A noter que toutes ces différentes réactions négatives sont minutieusement communiquées à Rome par le consul d'Italie à Genève et par le ministre à Berne."15 Dans un rapport du 3 juin à Mussolini"" relatif à l'action menée au mois de mai, Oltramare résume ainsi les conséquences du voyage à Rome: «A notre retour de Rome, nous avons constaté que la grande presse d'information (La Tribune de Genève et le Journal de Genève) et la presse radicale (Le Genevois), ainsi que les quotidiens vaudois et le <Bund>, à Berne, avaient mené pendant nos quelques jours d'absence la campagne la plus acharnée contre nous. La Franc-Maçonnerie et le radicalisme ont cru trouver l'occasion de se débarrasser de ma personne. On voulait décapiter l'Union Nationale. J'ai répondu à cette campagne dans les numéros de l'Action Nationale et du Pilori que je joins à cette lettre. J'ai donné l'ordre à nos députés de ne plus participer aux réunions des groupes nationaux du Grand Conseil. La crainte d'une rupture de l'Entente, avant le vote des lois anticommunistes, a fait réfléchir les chefs de partis qui ont fait une démarche auprès de moi pour qu'une collaboration soit reprise entre eux et nous. La campagne a aussitôt cessé.» Comme on le voit, la votation populaire sur l'interdiction des organisations communistes à Genève, prévue pour les 12-13juin, fournit à Oltramare de nouveaux moyens de pression sur ses alliés de l'Entente. 174 Lors de la discussion suscitée au Grand Conseil par l'interpellation de Léon Nicole sur le voyage de l'U.N. à Rome, ces derniers ont réduit au minimum les critiques à rencontre d'Oltramare, pour éviter la rupture et pour s'assurer de son appui dans leur campagne contre le Parti communiste. Comme le relève R. Joseph107, cette campagne sera menée «dans un esprit de pleine collaboration» par un comité où sont représentés tous les partis de l'Entente, y compris l'U.N. Quelques semaines après son voyage à Rome, Oltramare est ainsi parvenu à rétablir la situation et, suivant ses propres paroles, le grand public ne songe plus à le lui reprocher.108 Mais revenons au rapport du 3 juin adressé à Mussolini; il est le premier d'une série de bilans mensuels rédigés par le chef de l'U.N., vraisemblablement à la suite d'accords pris lors de l'entretien du 11 mai avec le Duce. Il y est régulièrement question de l'action menée par l'U.N. au niveau cantonal genevois et de son développement au plan romand, mais aussi des campagnes qui visent à attaquer et à ridiculiser la SdN. Sur ce dernier point, une notice préparée le 5 juin par le Cabinet des affaires étrangères et destinée au chef du gouvernement, nous apprend que: «In conformità degli ordini ricevuti, è stato suggerito a Giorgio Oltramare di organizzare qualche manifestazione, del genere delle precedenti, intesa a porre in ridicolo la S.D.N.»"19 Cette «suggestion» a été transmise à Oltramare par l'intermédiaire de Renato Bova Scoppa de la Délégation italienne à Genève, qui est un des intermédiaires préférés de Rome dans ses contacts avec le chef de l'U.N.110 L'allusion à la «suggestion» faite à Oltramare soulève naturellement une question intéressante, celle de l'éventuel «téléguidage» depuis Rome de l'action de l'U.N. à Genève, tout au moins en ce qui concerne ses campagnes contre la SdN. Ce qui est certain c'est qu'à une occasion au moins, en juin 1937, des directives venant de Rome ont invité Oltramare à s'en prendre à l'institution internationale genevoise. Compte tenu de la référence «aux précédentes [manifestations]» contenue dans le texte que nous venons de citer, on doit légitimement se demander si une partie au moins des farces et campagnes conduites par l'U.N. contre 175 la SdN à l'époque des sanctions n'avaient pas été suscitées par des «suggestions» venant du Cabinet du Ministère italien des affaires étrangères... De même, il nous paraît tout à fait vraisemblable qu'une partie de l'action déployée par l'U.N. en 1936 ait répondu à des conseils, voire à des directives données par Mussolini à Oltramare à l'occasion de leurs divers entretiens. Début juin 1937, après que Bova Scoppa lui ait communiqué la «suggestion» romaine, le chef de l'U.N. fait savoir à Mussolini que le moment lui paraît peu opportun pour organiser la manifestation souhaitée; il s'en explique ainsi: «Comme les farces organisées par l'Union Nationale au moment des sanctions (celle, par exemple, du faux-Négus ou celle du mannequin John Bull flottant dans la rade) ont toutes brillamment réussi, nous cherchons un nouveau moyen de jeter le ridicule et le discrédit sur l'esprit sociétaire. L'occasion se présentera certainement dès que les lois anticommunistes auront été votées. Nous sommes forcés d'attendre jusqu'au 15 [sic] juin, date du scrutin, car les radicaux de gauche cherchent le moindre prétexte pour trahir l'Entente nationale contre le communisme, et il ne faut pas leur en donner. Le 15 juin, la Conférence [internationale] du Travail n'aura pas encore clôturé sa session et il est possible que le Conseil de la S.d.N. se réunisse à ce moment-là. Il est question déjà de faire intervenir une fausse «Passionaria» ou de jeter le trouble dans les débats officiels. De toutes façons, nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour enlever à la S.d.N. le peu de prestige qu'elle garde encore.»"1 Des considérations de politique locale, jointes à la faible activité internationale avant la mi-juin, poussent donc Oltramare à renvoyer à plus tard la manifestation que souhaitent les autorités italiennes. A cette occasion, le chef de l'U.N. paraît agir en bon tacticien; en effet, aucun incident ne viendra troubler l'union étroite des partis de l'Entente nationale pendant la campagne pour l'interdiction du Parti communiste. C'est en ces termes qu'Oltramare dresse le bilan de la campagne dans un rapport destiné au Duce: 176 «L'Union nationale a mené cette campagne en liaison avec les partis nationaux et pour son compte, aussi. Elle a fourni des orateurs aux assemblées communes et elle a organisé des réunions aux cours desquelles un film de propagande sur le Rassemblement devant le Palais fédéral (23 mai) a été projeté avec un grand succès. L'U.N. a fait apposer, huit jours avant le scrutin, une proclamation et de nombreuses affiches illustrées, signées de notre camarade Fontanet. Le 13 juin, le communisme a été déclaré hors la loi: C'est là une victoire que nous avons préparée depuis des années. »"2 Les 12 et 13juin, l'interdiction des organisations communistes a été acceptée par le peuple genevois par 18278 voix contre 12076. Genève est ainsi le deuxième canton à prendre une telle décision, après Neuchâtel en avril et avant Vaud en janvier de l'année suivante.113 On peut considérer que l'aide financière fournie par Mussolini à Oltramare a contribué à la victoire commune de l'Entente contre les communistes et la gauche en général. Le chef de l'U.N. écrira lui-même au Duce que, «l'appui qui nous a été accordé a permis à l'Union nationale de faire interdire le communisme à Genève...».'"1 Il est vrai que dans ce passage Oltramare tend à exagérer le rôle qu'a joué son mouvement dans le vote du 13 juin. 11 n'en reste pas moins que, pour obtenir la mise hors la loi d'un parti - fort petit au demeurant - accusé d'être au service de l'étranger, Oltramare ne s'est pas privé à son tour de se servir de l'aide étrangère. L'année 1937 est celle du plus grand développement de l'U.N. Dans des lettres adressées à Mussolini en juin et juillet, Oltramare s'efforce de souligner et d'illustrer la croissance du mouvement qu'il dirige, à Genève et dans l'ensemble de la Suisse romande. A lire ces lettres imprégnées du plus bel optimisme, on a l'impression que tout sourit à l'Union Nationale et qu'aucun obstacle n'est plus en mesure d'arrêter sa progression dans les cantons francophones... 11 est évident qu'Oltramare prend en partie ses désirs pour des réalités et qu'il exagère les succès que connaît son mouvement, afin d'impressionner le dictateur italien et de lui prouver que les appuis reçus ont été bien utilisés. 177 On peut s'interroger, par exemple, sur le chiffre de 3900 participants dont 2300 militants - qui, selon Oltramare, ont assisté le 26 juin à la fête marquant le cinquième anniversaire de la fondation de l'U.N., fête organisée dans la propriété de famille d'Oltramare à la Servette."5 Si l'on s'en tient toujours aux propos du chef de l'U.N., la brochure illustrée qui marque le cinquième anniversaire du mouvement, intitulée La Suisse en mouvement, aurait été tirée à 50000exemplaires."6 11 est vrai que la poussée des effectifs de l'U.N. jusqu'à l'été 1937 est bien réelle; reste que le nombre de plus de 2000 militants avancé par Oltramare paraît nettement exagéré si on le compare à celui de 1300 membres environ en juin 1937, que propose R. Joseph."7 Même avec «seulement» 1300membres, l'U.N. reste cependant, et de loin, le plus important mouvement nationaliste sur le plan romand. Dans la première moitié de 1937, non content de la position de force qu'il détient au plan genevois, Oltramare cherche systématiquement à étendre son audience aux autres cantons francophones. Le 12 février, un accord est conclu entre le chef de l'U.N. et celui du Front national, Rolf Henne"8, dans le but d'intensifier la collaboration entre les deux mouvements qui entendent se partager le territoire suisse en zones d'influence selon les langues. L'U.N. se voit ainsi attribuer, en quelque sorte, le monopole sur les mouvements «rénovateurs» en Suisse romande; il en va de même pour le Front national en ce qui concerne les cantons alémaniques. Selon les termes de l'accord, «Henne s'engage à dissoudre toutes les sections du Front National en Suisse romande et à ordonner à tous les membres de ces sections d'adhérer à l'Union Nationale.» Pour sa part, «Oltramare s'engage à faire, dans l'U.N., à tous les membres du F.N. qu'il aura agréés une place en rapport avec leurs mérites et leurs compétences.» A noter que le texte de l'accord qui, en principe, doit rester confidentiel, est remis par le chef de l'U.N. au consul d'Italie à Genève, qui le transmet au Ministère des affaires étrangères. Sur le plan romand, l'accord du 12février ne produit pas les résultats escomptés par Oltramare, car les membres des sections du Front national dissoutes par R. Henne, ne vont pas tous grossir les rangs de l'U.N. Sur le plan fédéral, les deux mouvements parviennent cependant à organiser quelques manifestations communes, comme le rassemblement du dimanche 23 mai à Berne, devant le Palais fédéral, où affluent, 178 selon Oltramare, «70 autocars, 100 automobiles et plus de 3ÖÖÖparticipants.»"9 En matière de fédéralisme, comme le relève d'ailleurs le ministre d'Italie à Berne, Attilio Tamaro120, Front national et Union nationale ont des positions sensiblement divergeantes. Alors que le premier est plutôt centralisateur et cherche à unifier les cantons alémaniques, le second, à l'instar des autres mouvements nationalistes romands, se caractérise par une vision des choses «rigoureusement fédéraliste». Aux yeux de Tamaro, le fédéralisme constitue évidemment un obstacle majeur à la diffusion des idéaux fascistes dans l'ensemble de la Confédération. Le ministre d'Italie estime tout de même que l'U.N. est le groupe le plus proche, en Suisse, du fascisme italien; même si elle a déclaré pour des raisons d'opportunité qu'elle entendait rester dans la légalité et refuser toute dictature, l'U.N., selon Tamaro, «est disposée en réalité à ne pas refuser la violence s'il était nécessaire de l'employer». Certes, Oltramare ne possède pas des dons d'orateur, mais grâce à son «instinct et [à sa] foi» il a fait échouer les tentatives des partis de l'Entente nationale genevoise qui avaient cherché à l'«apprivoiser».121 Parallèlement à la collaboration avec le Front national, dont il a obtenu le désistement sur le plan romand, Oltramare s'emploie à créer de nouvelles sections de l'U.N. dans les cantons de Vaud, Valais, Neuchâtel et Fribourg. Pour ce faire, il cherche à attirer dans l'orbite de son mouvement les survivants de la Fédération fasciste de Fonjallaz, comme c'est le cas en Valais, ou les mouvements à caractère nationaliste déjà existants. Il résume ainsi ses efforts dans une lettre à Mussolini de juin 1937:122 «Pendant les deux dernières semaines de mai, j'ai organisé définitivement les sections de Fribourg, de Bulle, de Neuchâtel, de La Chaux-de-Fonds, d'Yverdon, de Lausanne, de Sion et de Sierre. Toutes ces sections ont aujourd'hui des chefs responsables.» Le 3 juillet, lors d'une réunion qui rassemble à Yverdon les chefs des sections cantonales de l'U.N., le problème des différents Services d'ordre est abordé; des directives sont données afin que l'organisation de ceux-ci soit unifiée sur le plan romand. En expliquant au Duce les tentatives faites pour militariser les sections romandes de l'U.N., Oltramare précise même: 179 «Le 4 juillet, j'ai assisté à des manœuvres des Services d'Ordre de Neuchâtel et de La Chaux-de-Fonds sur les Hauts-Geneveys, la crête de montagne qui sépare Neuchâtel de La Chaux-de-Fonds. La préparation des hommes est satisfaisante.»121 En réalité, malgré le bel optimisme affiché par Oltramare dans ses rapports à Mussolini, les sections romandes de l'U.N. connaîtront une existence éphémère et ne joueront pas de véritable rôle politique. Comme l'écrit R.Joseph124, mis à part le cas du Valais, les U.N. romandes tiennent «plus de la fiction que de la réalité». Elles vont cependant renforcer la position d'Oltramare sur le plan genevois, en faisant croire à ses concitoyens qu'il est à la tête d'un mouvement qui étend son influence sur l'ensemble de la Romandie. D'autre part, la simple existence «sur le papier» de ces sections romandes, permet au chef de l'U.N. d'enfler les résultats de son activité dans sa correspondance avec le Duce, ce qui amènera ce dernier à lui renouveler son aide financière. En juillet 1937, les rapports de confiance entre Oltramare et Mussolini sont à un point tel que le Genevois ne craint pas de déranger le dictateur italien pour lui faire part de son intention de ... se marier. Il lui écrit en effet le 19 juillet: «Que Votre Excellence me permette aujourd'hui une communication d'ordre personnel: estimant que l'Union Nationale est arrivée à un point de développement où la vie privée de son chef doit être à l'abri des campagnes de dénigrement et de calomnies, j'ai décidé de me marier.»125 Ce qui ne suscite nullement l'étonnement du Duce, qui charge le ministre G. Ciano d'adresser au Genevois un télégramme de félicitations ... C'est que le chef du gouvernement italien n'entend rien négliger pour soigner les bons rapports avec un allié qui, à Genève, rend des services non négligeables à la propagande menée par l'Italie fasciste, en s'en prenant à la SdN, aux républicains espagnols et aux dirigeants du Front populaire français. Ainsi, l'U.N. avait prévu de marquer à sa façon la venue à Genève de Léon Blum, comme l'apprend Oltramare au Duce: «Les 18 et 19 juin, nous avions préparé d'énormes farces pour l'arrivée de Blum à Genève: le banquet officiel eût été servi par des garçons grimés en 180 chefs bolchévistes. Des hauts-parleurs, dissimulés dans les arbres aux alentours du monument d'Albert Thomas et dans la salle du banquet eussent fait entendre de solides vérités au moment des discours. Blum n'est pas venu. Nous nous sommes contentés de distribuer à profusion une carte postale illustrée par Fontanet...».12'' Quant à la propagande menée par l'U.N. contre les républicains espagnols - qui doivent faire face chez eux aux forces nazies et fascistes alliées à Franco -, elle fait suite, en partie au moins, à des directives venant de Mussolini. C'est ce qui ressort d'une lettre d'Oltramare au Duce, du 18 septembre:127 «Selon votre désir, rien n'a été négligé pour combattre la propagande du Frente Popular à Genève. Par des farces d'abord: des centaines de bouteilles de Chianti vogueront au fil de l'eau de Nyon à Genève. Chacune des fiasques portera un écriteau avec ces mots: L'entrée des Soviets dans la Méditerranée? Un fiasco? Et l'on verra encore sur le lac flotter un croiseur-flacon, avec, dans ses flancs, une énorme torpille aux couleurs de Valence. (...) Une manifestation plus sérieuse aura lieu le 24septembre, au Victoria-Hall, sous les auspices de l'Union Nationale, avec le concours de Charles Maurras qui parlera d'HORACE ET LA VRAIE PAIX. L'esprit sociétaire sera violemment combattu par le grand écrivain français.»128 L'allusion dans la lettre d'Oltramare au «désir» du Duce, jointe à la «suggestion» transmise au chef de l'U.N. par l'intermédiaire de R. Bova Scoppa, dont nous avons parlé plus haut, prouve que les manifestations menées par l'Union nationale n'ont pas toujours été spontanées; à différentes occasions, en effet, l'action visant à combattre la SdN ou les républicains espagnols a été commanditée par Rome. En outre, dans la suite de sa lettre à Mussolini du 18 septembre, et dans un rapport qui y est annexé, Oltramare abandonne le ton optimiste de ses lettres précédentes pour souligner les oppositions que rencontre l'U.N. à Genève et dans l'ensemble de la Suisse romande; il va même jusqu'à parler d'une «terrible coalition des Rouges, du monde officiel et de la Franc-Maçonnerie». Dans l'Action Nationale datée du même jour, dont un exemplaire est envoyé à Mussolini, le chef de l'U.N. fait 181 paraître un editorial intitulé: «Les persécutions commencent». Il est vrai que dans quelques cantons, Neuchâtel et Vaud notamment, les autorités cantonales ont décidé d'entraver ou d'empêcher carrément des manifestations prévues par l'U.N. D'autre part, au Grand Conseil de Genève, Léon Nicole s'apprête à interpeller le Conseil d'Etat pour lui demander d'étendre au mouvement d'Oltramare les mesures prises en juin contre les communistes.'2'' La situation paraît si critique que le chef de l'U.N. croit nécessaire de lancer un véritable appel au secours au chef du gouvernement italien: «Les ressources dont nous disposons ne suffisent point à neutraliser la campagne de dénigrement et de calomnie qu'on a déclenché contre nous. Il faudrait que nous puissions compter, ces prochains mois, sur les mêmes moyens financiers qui ont été mis à notre disposition au mois d'avril, de mai et de juin. Il y va de la vie même de notre mouvement.»11" En même temps, Oltramare prie le Duce de bien vouloir lui accorder une nouvelle audience particulière, si possible dans la première quinzaine d'octobre. Malgré l'accord de principe donné par Mussolini, l'audience devra être renvoyée au 2 novembre en raison des nombreuses occupations du chef du gouvernement italien.131 Alors que Rome n'a pas encore répondu de façon précise à sa requête, Oltramare revient à la charge par une lettre au Duce du 16 octobre."2 Cette fois, l'accent est mis sur la campagne en faveur de l'initiative Fonjallaz pour l'interdiction des sociétés secrètes et de la maçonnerie, sur laquelle le peuple suisse se prononcera le 28 novembre. Dans un premier temps, Oltramare - adversaire de longue date des loges maçonniques - s'était montré sceptique sur les chances de succès de l'initiative qu'il avait jugée «mal conçue et mal présentée». C'est l'avis qu'il avait exprimé à Mussolini lors de l'entretien privé du 11 mai. Depuis cette date, cependant, le chef de l'U.N. a modifié quelque peu son opinion: 182 «Aujourd'hui, un peu plus d'optimisme est permis et nous pourrons mener la lutte sur le terrain cantonal et sur le terrain fédéral tout ensemble. Comme notre mouvement a pris pied dans tous les cantons de la Suisse romande, j'ai pu me rendre compte que l'initiative Fonjallaz était capable de réunir, sinon la majorité, du moins une forte minorité de suffrages. L'expérience vaut donc la peine d'être tentée. Les chrétiens-sociaux, les jeunes conservateurs et les jeunes libéraux se joindront à nous. Le parti libéral et le parti conservateur et le parti agrarien laisseront la liberté de vote à leurs adhérents. Si la Suisse se délivrait du Pouvoir occulte, l'impression en Europe serait profonde et les démocraties bolchévisantes s'en trouveraient moralement affaiblies. Mais avant d'entreprendre cette nouvelle lutte, je voudrais que Votre Excellence m'accordât la grande faveur d'une audience particulière. Des entretiens que j'ai déjà eu le bonheur d'avoir avec Vous, Duce, j'ai tiré une force exaltante qui m'a permis de vaincre deux fois.»133 Mussolini ne peut que se montrer d'autant plus réceptif aux arguments d'Oltramare que c'était déjà, en grande partie, grâce à l'argent italien que Fonjallaz avait pu mener dès 1934 sa campagne pour l'interdiction de la franc-maçonnerie en Suisse. Il est donc logique que le Duce accepte de faire un ultime effort en faveur d'un projet dans lequel le trésor italien a déjà investi des sommes considérables. A la suite de l'audience accordée par le Duce à Oltramare le 2 novembre, une somme d'argent, dont nous ignorons l'importance, est amenée par courrier diplomatique au consul à Genève, A. Spechel, luimême chargé de la remettre au chef de l'U.N.134 Cette somme doit avant tout permettre au mouvement d'Oltramare d'intensifier sa campagne en faveur de l'initiative Fonjallaz. Peine perdue car, comme nous l'avons déjà rappelé plus haut, l'initiative est rejetée le 28 novembre avec une nette majorité par l'ensemble du peuple suisse.135 Aussi, le 30 novembre, Oltramare fait savoir à Rome, par le canal du consulat d'Italie, qu'il dispose encore d'environ 10 000 francs, résidu du dernier versement reçu, et qu'il attend des instructions au sujet de leur utilisation.136 Le 11 décembre 1937, un mois environ après avoir signé le Pacte Antikomintern avec le Reich et le Japon, l'Italie fasciste décide de quitter la SdN; c'est là la conclusion logique et attendue d'un long 183 combat mené contre l'esprit et les organes de l'institution genevoise, accentué depuis par la crise sanctionniste. La décision italienne est l'événement qui va décider Motta, déjà sceptique sur l'efficacité de l'activité de la SdN et sur le système des sanctions, à entreprendre le désengagement de la Suisse de l'organisation genevoise, de moins en moins populaire au sein de la population helvétique. Le 22 décembre, dans un discours au Conseil national, le chef du Département politique, après avoir rappelé la décision du gouvernement italien, expose ses intentions: la Confédération doit recouvrer au plus vite sa neutralité intégrale137, sans pour cela quitter la SdN.'3s En clair, la Suisse doit chercher à être exonérée de toute obligation sanctionniste découlant de l'article 16 du Pacte, tout en s'associant aux efforts des autres petits pays qui demandent la réforme de ce même Pacte. D'une façon générale, selon Motta, «le système des sanctions est désormais pratiquement irréalisable. L'article 16 du Pacte est frappé de paralysie.»13' Début janvier 1938, le projet du Tessinois est définitivement mis au point avec l'aide de différents experts, pour être adopté le 21 janvier par le Conseil fédéral.140 Mais, comme on le sait, la manœuvre helvétique échoue peu après devant le Conseil de la SdN. En mars, la crise de l'Anschluss fournira cependant à la diplomatie helvétique de nouveaux arguments qui lui permettront finalement de faire aboutir sa démarche: le 14 mai, le Conseil de la SdN reconnaîtra la neutralité intégrale de la Confédération, non plus liée par l'article 16 du Pacte, mais toujours membre de l'organisation genevoise. Depuis le discours de Motta en décembre 1937, la démarche de la Suisse est suivie avec beaucoup d'intérêt par les autorités italiennes, favorables à toute initiative pouvant affaiblir encore l'autorité politique et morale de la SdN.141 Le ministre Tamaro qui, à l'époque de la crise éthiopienne a même nourri l'espoir de parvenir à attirer la Confédération dans l'orbite italienne, cherche concrètement à appuyer la manœuvre helvétique. Le 4février, après s'être entretenu avec son collègue allemand, il propose à son gouvernement d'adresser à Berne, conjointement avec Berlin, une déclaration officielle garantissant le respect de la neutralité intégrale de la Suisse.142 Une telle déclaration, selon le diplomate, aurait 184 des répercussions favorables pour la politique italienne et, en favorisant l'éloignement de la Suisse de Genève, exercerait «une influence infectieuse dans un sens anti-SdN sur d'autres Etats.» Remarquons que de telles considérations n'ont vraisemblablement pas été étrangères à la décision prise par Rome et Berlin le 21 juin suivant, de reconnaître par deux notes diplomatiques la neutralité intégrale de la Confédération. Si nous avons fait cette digression sur la manœuvre entreprise par Berne en janvier 1938, c'est que cela peut nous aider à situer et à comprendre une démarche faite par Oltramare à la même époque. Dans un télégramme du 10 janvier143, transmis au Duce par les soins de Bova Scoppa, le chef de l'U.N. demande à être reçu au plus vite par le chef du gouvernement italien, afin de pouvoir lui exposer «une question importante de politique internationale concernant la Suisse». Il précise même que l'entretien devrait pouvoir avoir lieu avant le 17 janvier, jour où doit commencer la session du Conseil de la SdN. Mussolini donne immédiatement son approbation et fixe l'audience pour l'après-midi du 15.144 Nous ne possédons aucune trace écrite des propos échangés lors de cet entretien confidentiel145, mais il est clair, après ce que nous avons vu plus haut, qu'il a dû y être question de l'initiative helvétique tendant à recouvrer la neutralité intégrale. Il est vrai que la décision du Conseil fédéral ne date que du 21 janvier et est donc postérieure au télégramme d'Oltramare à Mussolini, mais il est vrai aussi qu'une telle décision était déjà pratiquement acquise depuis le discours de Motta au Conseil national du 22 décembre 1937. En se rendant à Rome, le chef de l'U.N. a probablement cherché à obtenir l'aval du Duce avant de faire campagne en Suisse en faveur d'une rupture totale entre Berne et la SdN, et de s'en prendre très vivement au Conseil fédéral, accusé de ne pas oser aller assez loin et de faire traîner les choses. Toujours est-il qu'une semaine après son entretien avec Mussolini, Oltramare adresse une sorte d'ultimatum au gouvernement central, à l'occasion d'une assemblée publique, mais aussi dans les colonnes de YAction nationale: «Prenons date: il est aujourd'hui le 22janvier. Nous invitons les autorités responsables à procéder à une rupture immédiate avec la S.D.N. 185 Si l'on néglige en haut lieu cet avertissement solennel, nous retiendrons les noms de ceux qui nous auront entraînés, par leur stupide attachement à l'institution wilsonienne, dans les remous d'une guerre sans merci et nous ferons subir à chacun d'eux des sanctions foudroyantes et implacables.»146 Avec le feu vert de Mussolini, Oltramare entame donc une campagne contre les autorités fédérales, dont le «stupide attachement» à la SdN risque, selon lui, d'entraîner la Suisse dans une guerre. Par cette campagne, il fait d'abord le jeu de la propagande menée par l'Italie fasciste, dont nous avons déjà montré les efforts multiples pour affaiblir l'institution genevoise. Il est vrai que le résultat recherché par Oltramare est au fond assez proche de celui que poursuivent Motta et ses collègues du Conseil fédéral. Mais, tandis que ceux-ci, tout en demandant que la Suisse ne soit plus liée par les dispositions du Pacte relatives aux sanctions, désirent garder à la Confédération le statut de membre de la SdN, le chef de l'U.N. exige une rupture totale entre Berne et l'institution wilsonienne. Le 18 février, prenant position sur les propos publiés par Oltramare dans l'Action nationale, le Conseil fédéral147 minimise la gravité et les conséquences de ces menaces. Il estime qu'il ne peut les prendre au sérieux, et qu'en aucune façon il ne se sent intimidé par de telles pressions. Il décide que les propos publiés par Oltramare relèvent tout au plus du droit cantonal genevois, et qu'ils ne justifient pas le recours au droit pénal fédéral. Après l'entretien avec Mussolini du 15 janvier, les contacts entre le chef de l'U.N. et Rome sont interrompus pendant quelques mois. C'est seulement le 21 mai qu'Oltramare s'adresse une nouvelle fois au chef du gouvernement italien, par l'intermédiaire du diplomate R.Bova Scoppa.148 II lui demande la faveur d'un nouvel entretien particulier, qui devrait avoir lieu entre le 14 et le 21 juin. Mussolini donne tout de suite son accord de principe149 mais, comme nous le verrons, ce n'est pas le Duce qui recevra Oltramare le 20 juin, mais son beau-fils, Galeazzo Ciano. Comme de coutume, la lettre à Mussolini est accompagnée d'un rapport plus détaillé, dans lequel le Genevois analyse à sa façon la situation qui s'est créée en Suisse à la suite des événements autrichiens 186 du mois de mars. Oltramare y développe la thèse que l'U.N. ne cesse de diffuser à Genève depuis l'Anschluss: la nécessité pour la Suisse d'adhérer à l'Ordre nouveau «qui est en train de conquérir le monde». «La situation présente - écrit Oltramare - nous fait songer à celle de 1798. La Suisse n'a pu résister aux idées françaises d'alors. La constitution de la République helvétique fut dictée comme un pensum au Bâlois franc-maçon Pierre Ochs. Notre pays n'eût pas eu à subir le joug étranger, s'il avait liquidé lui-même les erreurs de l'ancien régime et choisi librement, avec prudence, dans les idées révolutionnaires, ce qui pouvait lui être profitable.» Pour expliquer à Mussolini les arguments qui à ses yeux doivent décider la Confédération à adhérer à l'Ordre nouveau, Oltramare reprend textuellement un tract que l'U.N. a distribué à Genève le 19 mars: ) Le seul moyen de salut, c'est d'accepter les idées nouvelles, les grands principes du fascisme: autorité, discipline, sacrifice, dévouement, collaboration des classes, l'argent au service du travail et le citoyen au service de la communauté. Mais ces principes, il faut les adapter, les assimiler dans un esprit vraiment suisse, avec des méthodes suisses et les rendre conformes à notre nature profonde. Quand nous aurons changé les vieilles équipes et ce personnel de politiciens avachis et roublards, nous pourrons apporter à l'Europe de demain une collaboration précieuse et montrer les bienfaits du corporatisme dans un pays dont la richesse s'alimente à la petite épargne et à la petite propriété. Ou nous participerons à l'Ordre nouveau ou l'Ordre nouveau nous passera sur le ventre.»150 Texte étonnant et ambigu, car Oltramare y présente l'Ordre nouveau comme une réalité menaçante pour la Suisse, en oubliant peut-être que la personne à laquelle il s'adresse est précisément un des partisans et un des responsables de cet Ordre nouveau qui est en train de s'installer en Europe. Oltramare oublie, ou feint d'oublier, que le Duce avec qui il est en fort bons termes, est l'allié de Hitler et qu'il l'a laissé faire en Autriche ... Il nous paraît évident qu'un tel plaidoyer en faveur de 187 l'adhésion de la Suisse à l'Ordre nouveau, dans un rapport destiné au dictateur italien, ne peut pas servir les intérêts véritables de la Confédération, mais risque au contraire de fournir des arguments aux puissances de l'Axe.151 D'autant plus que, dans le même rapport, Oltramare signale au Duce le discours qu'a tenu à Paris le 17mai le ministre de Suisse, W. Stucki; à cette occasion, le diplomate a dit notamment: «... plus que jamais, les regards de mon pays - qui est décidé à défendre ce qui est le plus cher, la liberté - se dirigent vers l'ouest, vers la frontière de la démocratie française.» Or, selon le chef de l'U.N., une telle déclaration viole la neutralité helvétique et constitue une «provocation intolérable». D'ailleurs, l'Action Nationale du 21 mai, dont un exemplaire est joint au rapport, n'a pas manqué de demander le rappel du ministre Stucki. Passant à la situation de l'U.N., Oltramare prétend que l'attitude adoptée par son mouvement face à l'Ordre nouveau, lui a permis de maintenir ses positions et même d'augmenter depuis mars le nombre de ses adhérents; en revanche, et sur ce point on ne peut que partager l'avis d'Oltramare, en Suisse allemande le Front national a été durement affecté par les contrecoups de 1'Anschluss. La satisfaction et l'optimisme du chef de l'U.N. se fondent aussi sur le fait que depuis peu un accord a été conclu entre le mouvement qu'il dirige et le parti chrétien-social, partisan depuis longtemps des corporations. La collaboration établie entre les deux forces politiques au niveau du Grand Conseil permettra ainsi au nouveau groupe de disposer d'un total de 22sièges, alors que l'U.N. en possède seulement 10. Le 1ermai, à l'occasion de la «fête du travail national» organisée par l'U.N., cette collaboration s'est traduite par la participation à ce rassemblement de quelques dirigeants chrétiens-sociaux, dont René Leyvraz. En fait, l'optimisme affiché par Oltramare dans son rapport à Mussolini ne paraît pas tenir compte de la réalité des faits, si l'on considère qu'à l'époque l'U.N. est déjà entrée dans sa phase de déclin, déclin qui interrompt la croissance numérique de l'année précédente.152 La période 188 de régression que connaît le mouvement d'Oltramare est bien perçue par le ministre d'Italie à Berne; son rapport du 6mai au Ministère des affaires étrangères153, où le diplomate manifeste un évident scepticisme sur le futur de l'U.N., est probablement un des facteurs qui vont décider Mussolini à refuser de nouveaux appuis financiers au mouvement d'Oltramare. Le 15 juin, lorsqu'on lui signale que le Genevois est arrivé à Rome, le Duce charge le ministre Ciano de le recevoir à sa place. Cela peut paraître un détail, mais nous croyons y voir plutôt un changement dans l'attitude du dictateur italien à l'égard d'Oltramare, le signe en somme d'une moins grande disponibilité à son égard. Car, non seulement la position de l'U.N. paraît s'affaiblir comme l'a écrit Tamaro, mais l'utilité même de son action à Genève ne doit plus sembler si évidente au dictateur italien. La Société des Nations n'est plus que l'ombre d'ellemême; qui plus est, son Conseil général a accédé le 14 mai aux requêtes de la Suisse, reconnaissant que la neutralité intégrale de la Confédération n'est pas incompatible avec les dispositions du Pacte. S'étant ainsi quelque peu éloignée de Genève, la Suisse paraît avoir amorcé un pas en direction des puissances de l'Axe. Celles-ci s'apprêtent d'ailleurs à remettre à Berne, le 21 juin, deux notes conjointes exprimant leur satisfaction de voir la Suisse se libérer d'engagements de nature à compromettre sa neutralité; en même temps Rome et Berlin reconnaissent la neutralité intégrale de la Confédération, qu'ils s'engagent à respecter.154 Ces considérations, ainsi que les requêtes trop gourmandes exprimées par Oltramare lors de son entretien avec G. Ciano du 20 juin, contribuent à expliquer le refus opposé par Mussolini au chef de l'U.N. Sur l'entretien du 20 juin, nous disposons d'une notice rédigée par le ministre des affaires étrangères, dont voici le texte intégral: «Giorgio Oltramare mi ha fatto presente che sarebbe sua intenzione fondare a Ginevra un quotidiano ispirato ai principi del suo movimento (lotta contro la Società delle Nazioni e contro la Massoneria, propaganda del Fascismo), quotidiano decisamente favorevole all'Italia e che metterebbe a nostra disposizione. A tal uopo gli occorrerebbero i fondi necessari, calcolati in 420 000 franchi svizzeri, che potrebbero essergli versati entro un biennio. 189 Per meglio potenziare, poi, la sua opera politica in seno alla Confederazione, ha espresso il desiderio che gli vengano corrisposti altri 110 000 franchi svizzeri.»155 Ainsi, le projet d'Oltramare de fonder un quotidien à la solde de Rome ne rencontre pas l'approbation du Duce, qui n'accepte pas non plus de subventionner à nouveau l'Union Nationale. Il n'en reste pas moins que la notice de Ciano est un document intéressant; il nous renseigne sur l'«appétit» du Genevois en matière financière: la gourmandise manifestée par Oltramare à cette occasion est une confirmation indirecte de l'importance des sommes qu'il avait reçues dans le passé. En effet, nous avons déjà montré que des subsides avaient été versés par Rome au chef de l'U.N., en avril, mai, juin et novembre de l'année précédente. D'autre part, nous avons vu plus haut, en lisant le témoignage de V. di Bonzo transmis par de Fischer, que l'Italie fasciste avait aussi subventionné Oltramare à l'époque des sanctions; si l'on en croit le témoignage de di Bonzo, ce dernier avait lui-même fait parvenir plus de 100 000 francs au Genevois en 1935-1936. D'où notre conviction que Mussolini avait généreusement financé une première fois le chef de l'U.N. à l'époque des sanctions, pour sa propagande en faveur des thèses italiennes et contre la SdN; une deuxième série de versements, destinés avant tout à développer l'Union Nationale, avaient été effectués en 1937.15(1 Après l'entretien avec Ciano du 20 juin 1938, les contacts paraissent s'être interrompus entre Oltramare et Rome. Le dernier document qui se trouve dans le dossier que nous avons dépouillé aux Archives du Ministère italien des affaires étrangères, est une lettre de l'Ambassade d'Italie à Paris, du lónovembre 1942.l57 Par ce biais, Oltramare s'adresse à Mussolini lui demandant de le recevoir pour lui permettre d'exposer «ses impressions et ses jugements sur la situation française», après deux ans passés à Paris. Mais de Rome on fait savoir au Genevois, par le truchement de l'Ambassade à Paris, qu'il n'est pas possible pour le moment de satisfaire sa requête.158 190 Conclusion L'action menée par Oltramare à Genève pendant la période étudiée résulte donc de différents facteurs, de différentes motivations étroitement imbriquées entre elles. Cette action poursuivait d'abord des objectifs relevant du cadre genevois et romand, en particulier la lutte contre la gauche de Nicole, les communistes et la franc-maçonnerie; elle poursuivait d'autre part des objectifs dépassant largement ce cadre, en s'associant à la lutte menée par l'Italie fasciste contre la Société des Nations. L'appui considérable fourni par Mussolini à Oltramare a cherché d'abord à récompenser, puis à encourager, voire à téléguider, le chef de l'U.N. dans ses campagnes contre l'institution wilsonienne et son Pacte. Dans un deuxième temps, cet appui a eu avant tout comme but d'aider l'Union Nationale dans l'activité qu'elle menait sur le plan genevois, où elle représentait en quelque sorte le fer de lance de l'Entente nationale bourgeoise. Indirectement, et tout en ignorant les appuis fournis par le Duce à Oltramare, l'Entente a elle-même bénéficié de cette aide, notamment lors de la campagne pour l'interdiction des organisations communistes. De plus, en permettant de renforcer l'U.N. et sa propagande, les appuis italiens ont profité à l'ensemble des forces de l'Entente dans leur lutte contre la gauche. Certes, les sympathies d'Oltramare pour Mussolini et le fascisme sont antérieures aux appuis reçus de Rome. Cependant, dès octobre 1935, le chef de l'U.N. a recherché et accepté ces aides financières, devenant bon gré mal gré un instrument de la politique de l'Italie fasciste dans la ville de la Société des Nations. Preuve en est qu'en juin 1938, lorsque la crise de la Société des Nations jointe à d'autres considérations de politique internationale ne semblait plus justifier aux yeux de Mussolini la poursuite des financements à Oltramare, le Duce coupa les ponts avec son allié genevois. 191 Notes L'Union Nationale 1932-1939. Un fascisme en Suisse romande, Neuchâtel, 1975. Les souvenirs nous vengent, Genève. Ibid., p. 183. G. Oltramare, Réglons nos comptes, Genève, 1949, p. 19. La Suisse de l'entre-deux-guerres, Lausanne, 1974, p. 353. R. Joseph, op. cit., p. 134. M. Cerutti, «Mussolini bailleur de fonds des fascistes suisses. Les relations entre le colonel Arthur Fonjallaz et le Duce à la lumière de nouveaux documents italiens», Revue suisse d'histoire, vol. 35, 1985, no 1, pp. 21—46. Cf. aussi Le Tessiti, la Suisse et l'Italie de Mussolini. Fascisme et antifascisme 1921-1935, Lausanne, 1988, pp. 519 ss. et annexe X. Nous indiquons ci-dessous les abréviations utilisées dans les notes de cet article, avec leur signification: - AMAE: Archivio storico-diplomatico del Ministero degli affari esteri, Rome - ACS: Archivio centrale dello Stato, Rome - AF: Archives fédérales, Berne - DPF: Département politique fédéral (actuellement: Département fédéral des affaires étrangères) - MAE: Ministero degli affari esteri - MCP: Ministero della cultura popolare Cf. AMAE, MCP, voi. 471, fase: Journal de Genève (Oltramare Giorgio), et ACS, MCP, voi. 171bis, fase. 69: Spechel Augusto (Journal de Genève). Nous remercions vivement Philippe Burrin de nous avoir signalé l'existence de ce dernier fascicule. A noter que les fonds du Ministère de la culture populaire ont été divisés en deux parties à peu près égales qui sont déposées aujourd'hui à l'Archivio centrale dello Stato et à l'Archivio storico-diplomatico del Ministero degli affari esteri. AMAE, Carte di Gabinetto, Serie Udienze, fase: Oltramare Giorgio. Nous remercions vivement le prof. Pietro Pastorelli, responsable de la réorganisation du fonds, de nous avoir autorisé à consulter ce dossier. Cf. AMAE, Serie Affari politici/Svizzera; nous y avions déjà consulté, pour nos recherches précédentes, les vol. 1—27, équivalents aux années 1931-1943. 192 12 Cf. R. Joseph, op. cit., p. 181, et G.Oltremare, Les souvenirs ..., pp. 141ss. Nous disposons en outre d'une note établie par un haut fonctionnaire du Ministero per la stampa e la propaganda (devenu en 1937 le Ministero della cultura popolare), datée du 6 février 1936, faisant état du déjeuner offert le 1er février à G. Oltramare dans un grand hôtel de Rome. Selon toute vraisemblance, cette date doit correspondre au séjour du chef de l'U.N. dans la capitale italienne à l'occasion de son premier entretien avec Mussolini. (AMAE, MCP, vol.471, fase, cité.) 13 Soit trois entretiens en 1937 et un en 1938 (janvier); le 20 juin 1938, G. Oltramare fut en outre reçu par le ministre G. Ciano. R.Joseph (op. cit., note 42, p. 346), cite le témoignage de la femme d'Oltramare, suivant lequel son mari avait été reçu par le Duce à onze reprises. On peut donc estimer que le Genevois rencontra sept fois le dictateur italien durant l'année 1936. 14 On trouve effectivement une référence à ce dossier dans les inventaires du fonds. Il y est aussi fait référence («V. anche I. II/12 Etiopia») sur la couverture du dossier Oltramare que nous avons pu consulter à l'AMAE. 15 C'est ce que nous a assuré le prof. P. Pastorelli. 16 Le déménagement dans les caves du Palazzo Lancellotti (d'où la dénomination souvent utilisée de «Fondo Lancellotti»), permit de soustraire ces documents de première importance aux recherches des Allemands, puis à celles des Alliés. Les «Carte di Gabinetto» ne furent tirées de leur cachette qu'en septembre 1947, après l'entrée en vigueur du traité de paix entre l'Italie et les Alliés. Cf. Mario Toscano, Storia dei trattati e politica internazionale. I. Parte generale, Torino, 1963 (2C édit), p. 331. 17 Pour plus de détails sur cette question, nous renvoyons le lecteur à notre article publié dans la Revue suisse d'histoire, déjà cité à la note7 (surtout pp. 39 ss.). 18 Par 513553 voix contre 232 466 voix favorables, et par tous les cantons, celui de Fribourg excepté. Cf. à ce propos l'article de Boris Schneider, «Die FonjallazInitiative. Freimauerei und Fronten in der Schweiz», Revue suisse d'histoire, 1974, pp.666-710. 19 Op. cit., en particulier le chap. IV consacré à l'idéologie du mouvement. 20 Cf. les Documents diplomatiques suisses, vol. 10 (1930-1933), Berne, 1982, doc. no 367. 21 Dans le vol. 11 des Documents diplomatiques suisses, couvrant les années 1934-1936 (paru en 1989), plusieurs documents sont consacrés au débat suscité par l'admission de l'Union soviétique à la SdN en septembre 1934, et surtout à la position de la Suisse. Nous nous permettons de renvoyer en outre à notre article paru dans le no 7 d'Etudes et sources (1981, pp. 119-147), sous le titre: «Politique ou commerce? Le Conseil fédéral et les relations avec l'Union soviétique au début des années trente». 193 22 Cf. R. Joseph, op. cit., en particulier le paragraphe5 du chap. VI, consacré à «l'allié des partis bourgeois», pp. 236ss. 23 Fondés en juillet 1933 et rattachés d'abord au Ministère des affaires étrangères, les C.A.U.R. étaient présidés par le général Eugenio Coselschi. Ils étaient chargés de la propagande du fascisme et du regroupement des mouvements européens à caractère nationaliste, fasciste ou corporatif qui devaient constituer une sorte d'Internationale fasciste. Comme le montre leur date de fondation, légèrement postérieure à la création en Allemagne d'un ministère de la propagande confié à Goebbels, à travers les C.A.U.R. Rome voulait contrecarrer la diffusion de la propagande nazie sur le plan international. Cf. à ce propos Michael A.Ledeen, L'Internazionale fascista, Bari, 1973 (edit. orig. anglaise, Universal Fascism, New York, 1972). Le meilleur ouvrage consacré aux C.A.U.R. est cependant celui d'un historien polonais, Jerzy W. Borejsza, II fascismo e l'Europa orientale. Dalla propaganda all'aggressione, Bari, 1981 (edit. orig. en ital.). 21 Marchi au Sottosegretariato per la Stampa e la Propaganda, 20 octobre 1934. (AMAE, MCP, voi. 466.) 25 Rapport daté du 27 octobre 1934 («Missione in Svizzera dal 13 al 18 ottobre 1934 XII»). Ibid. 26 Cette information fournie par Baroni après sa rencontre avec Oltramare, semble donc confirmer les accusations adressées en octobre 1933 par le Travail de Léon Nicole, selon lesquelles le chef de l'U.N. s'était entretenu avec Goebbels à Genève en vue de la création d'un quotidien financé par le Reich. Cf. R. Joseph, op. cit., p. 199. 27 Au sujet du colonel Fonjallaz, le texte de Baroni confirme la tiédeur des rapports existant entre Oltramare et le chef du fascisme helvétique: «I rapporti con il fascismo svizzero non sono né buoni, né cattivi. L'Oltramare rimprovera al Fonjallaz di non essersi messo su un terreno d'attività pratica, restando un po' troppo nel campo idealistico.» Cf. aussi R.Joseph, op. cit., pp.212-213. 28 Et transmise par le S.I.M, le 14 octobre, au Ministero per la Stampa e Propaganda. (AMAE, MCP, vol.471, fase, cité.) 29 AMAE, Carte di Gabinetto, fase. Oltramare G. Le versement de la somme est confirmé d'autre part par un «Pro memoria» signé par L. Mascia et destiné au sous-secrétaire G. Ciano, non daté mais rédigé certainement à fin octobre 1935 (Ibid.): «... il Signor Otramare ha già rilasciato una ricevuta al Console d'Italia per fr. 5000 quale nostro contributo alle elezioni federali.» '" A partir de l'année 1937, l'Entente internationale sera généreusement financée par le gouvernement italien. D'autre part, en 1927 déjà, Th. Aubert avait passé des accords avec le Ministère italien de l'Intérieur pour l'échange d'informations confidentielles sur le compte des militants communistes. Cf. M. Cerutti, Le Tessin, la Suisse ..., p. 261, note 62. 194 31 R. Joseph, op. cit., p. 232. 32 L. Mascia (Délégation italienne à la SdN), au Ministero per la Stampa e Propaganda, 1" octobre. (AMAE, MCP, vol.471, cité.) 33 Annotation manuscrite sur le télégramme de Mascia cité à la note précédente. 34 AMAE, MCP, vol. 471, cité. Ce texte n'est pas signé mais il est sans doute de L. Mascia, l'écriture étant identique à celle d'un autre rapport portant sa signature et faisant partie du même dossier. Il n'est pas daté, mais il doit remonter à la deuxième moitié du mois d'octobre, car il reprend et développe des arguments déjà exposés dans un télégramme de Mascia du 19 octobre. 35 Ibid.Ct. aussi le télégramme de Mascia au MAE, du 19 octobre: «In seguito ad indagini eseguite con tutto il tatto che la materia delicatissima richiedeva, è risultato che l'Amministratore del <Journal des Nations> tale Raoul Buccianti ... aveva dato opzione al Signor Frangulis per vendita azioni che sono detenute da persona tuttora ignota (probabilmente un rappresentante della Piccola Intesa).» (AMAE, MCP, vol.471, cité.) 3 " La preuve en est qu'en 1936 les Etats de la Petite Entente, qui possèdent depuis 1934 la majorité du capital-actions du Journal des Nations, deviendront propriétaires de la totalité du même capital. Cf. l'article de Nanda Torcellan, «Per una biografia di Carlo a Prato». Italia contemporanea, no 124, juillet-septembre 1976, pp. 3-48. Nous avons consulté aussi le «Fondo a Prato», déposé auprès de l'Istituto nazionale per la storia del Movimento di liberazione, à Milan. (Carteggio, vol. 5, fase. 3.) 37 Attestation de l'administrateur du Journal des Nations, G. Duckert, du 26 juin 1936. (Fondo a Prato, Carteggio, vol.3, fase. 4, sfasc.41.) 38 Cf. attestation de Guglielmo Ferrerò et du comte Sforza, ami du journaliste. (Ibid., vol. 1, fase. 5, sfasc. 15.) En 1936, les représentants de la Petite Entente exercent de sérieuses pressions sur a Prato afin qu'il leur cède sa participation au Journal des Nations dans le but de mieux le contrôler. A ce propos, la réponse envoyée le 24 août 1936 par a Prato à Jan Hajek, directeur du Bureau de presse au Ministère tchèque des affaires étrangères, montre bien l'indépendance d'esprit de ce journaliste: «...vous voudrez bien, je n'en doute point, comprendre que toute offre de rachat, de cession ou autre devient inutile, tout aussi inutile d'ailleurs que les offres d'honoraires. Vos excellents informateurs et vos très hauts amis vous ont toujours dit, j'en suis certain, mon incompréhension totale des avantages matériels que la vie peut offrir. Dédain, si l'on veut préciser. Très heureux et très fier de collaborer avec vous dans ce que j'estime être une œuvre d'idéalisme réaliste je crois très profondément que toute autre réponse à vos lettres serait indigne de la glorieuse lutte des grands hommes politiques que vous défendez et de l'amitié desquels je m'honore. Permettez que j'ajoute qu'elle serait même indigne de moi.» 195 (Ibid., vol. 5, fase. 3.) Malgré l'opposition de a Prato, la Petite Entente étendra cependant son emprise sur la totalité du capital-actions du journal, laissant au journaliste italien une partie des actions à titre fiduciaire. 39 Sur ces pressions, et sur les réactions des autorités helvétiques et de Motta en particulier, cf. le vol. 11 (1934—1936) des Documents diplomatiques suisses, dans lequel plusieurs documents sont consacrés à l'affaire a Prato. Pour de plus amples renseignements sur toute l'affaire, voir, du côté suisse, AF, E2001 (D) 1, vol. 9 et E4320, 1974/ 47, vol.35, et du côté italien, AMAE, vol. 13 (Svizzera/1937), fase: Espulsioni. 40 Sous le titre: «Le Journal des Nations» VENDU au «Frente Popular». Voici d'autre part la conclusion du commentaire de G. Oltramare: «... le gouvernement de Genève a un devoir national à remplir, c'est de prendre tout de suite les mesures nécessaires pour interdire la publication d'un torchon à la solde des révolutionnaires, pour faire rappeler le consul corrupteur Chérif, beau-frère d'Azana, et pour signifier au crapuleux A Prato qu'il ait à quitter immédiatement notre territoire.» Comme le signale le consul d'Italie à Genève, A. Spechel, dans une lettre au MAE du 7janvier 1937, le document publié par VAction nationale avait été transmis à Oltramare par le viceconsul d'Espagne, A. Espinosa, passé au service du gouvernement de Franco. (AMAE, vol. 8 (Svizzera/1936.) 41 Sur l'aide fournie par le consul Spechel au magistrat genevois pour obtenir l'éloignement de a Prato, cf. les nombreuses lettres envoyées par le même consul au MAE, en particulier celle du 20janvier 1937 (ibid.). 42 La décision de renvoi, prise officiellement par la Police fédérale des étrangers, est datée du 9 janvier. Une reconstitution à nos yeux exemplaire de l'affaire a Prato, est celle publiée par E. Bovet dans le no du 15 mars 1937 de La Société des Nations. Bulletin de l'Association suisse pour la Société des Nations. 43 II est d'ailleurs frappant de constater qu'à plus d'une reprise le Ministère public de la Confédération et le chef du Département fédéral de Justice et Police, Baumann, se sont opposés aux pressions du Département politique fédéral et de Motta, tendant à obtenir l'éloignement d'à Prato de la Confédération. Cf. le vol. 11 des Documents diplomatiques suisses, notamment le document no254. 44 Ce qui n'avait pas plu au ministre de Suisse à Rome, G. Wagnière, lui-même ancien directeur du Journal de Genève, comme le montre sa lettre à G. Motta du 9février 1931: «Je vous ai souvent dit que ce journaliste de talent (W.Martin) que j'ai fait entrer moi-même au J(ourn)al de Genève, m'avait causé des ennuis par ses expressions souvent inamicales à l'égard de l'Italie. Il a créé à ce journal une réputation d'italophobie, du reste absurde, mais qu'il n'a rien fait pour détruire.» (AF, E 2300 Rom, Archiv-Nr. 31.) 45 Lettre de W. Rappard à W. Martin, alors en voyage en Chine, du lOmars 1933 (AF, J.1.149, Fonds W. Rappard, vol. 6). Rappard y faisait un compte rendu détaillé de 196 l'assemblée générale du Journal de Genève qui venait d'avoir lieu, et à l'occasion de laquelle «toute la droite était mobilisée et s'était assuré une représentation prépondérante aux votes.» {Ibid.) Il y avait été question aussi de la démission de W. Martin et à ce propos, selon le compte rendu de Rappard, l'avocat Théodore Aubert avait déclaré notamment que «dans les milieux patriotiques qui se donnaient pour tâche essentielle de combattre à Genève la révolution, on avait toujours regretté de ne pas trouver auprès de vous [W.M.] l'appui voulu.» 46 Ibid. 47 «Vous avez parfaitement senti - poursuivait W. Martin - ce qu'il y avait d'étouffant dans l'atmosphère du Journal: sa mesquinerie et son insincérité. Je n'ai jamais redouté la lutte; mais au Journal je n'ai jamais eu à combattre que des adversaires masqués. C'est cela qui, à la longue, était intolérable.» Lettre datée de Shanghai, le 9 avril 1933 (ibid.); il s'agit de la réponse à la lettre de Rappard citée à la note 45. 48 En 1934, le Journal de Genève fut même un des principaux porte-parole du «front du refus» genevois à l'entrée de l'URSS à la SdN, allant jusqu'à exiger le départ de la Suisse au cas où l'Union soviétique était admise (numéro du 27mars 1934). Cf. notre article «Politique ou commerce? ...», déjà cité à la note 21, p. 137. 49 Selon le ministre G. Wagnière, ancien directeur du journal, celui-ci «fut italophile de tous temps». Lettre à G. Motta du 18 octobre 1935, citée dans les Documents diplomatiques suisses, vol. 11, no 168, note 3. 50 AMAE, MCP, vol. 471, fase. cité. 51 C'est ce que laisse entendre la notice de P. Aloisi du 18 octobre 1935 (ibid.). 52 Lettre de la Division des affaires étrangères du DPF, du 16 octobre 1935, au ministre G. Wagnière (AFE2001 (C)4, vol. 101, fase: «Journal de Genève»), 53 Cf. fase, cité à la note précédente. 54 AMAE, MCP, vol. 471, cité. 55 Cf. R. Joseph, op. cit., p. 177. 56 Nous avons reconstitué le «contrat» conclu entre Oltramare et L. Mascia, à partir d'un télégramme de Mascia à son ministère, du 27 novembre, qui porte l'approbation du Duce, et d'un «Pro memoria per S. E. il Sottosegretario di Stato», écrit également par Mascia, non daté, mais qui a dû être rédigé un ou deux jours après le télégramme du 27novembre. A ce «Pro memoria» est jointe une notice (datée par erreur du 29octobre, mais qui doit être du 29 novembre 1935), dont voci le texte: «II Duce ha approvato l'accluso Promemoria ed ha deciso per il momento soltanto l'acquisto delle 120 azioni del «JOURNAL DE GENÈVE». 197 Sono stati presi gli accordi con il Gabinetto [du Ministère des affaires étrangères] per l'erogazione finanziaria.» (AMAE, MCP, vol.471, cité.) 57 Suivant l'édition de 1935 de Y Annuaire suisse du registre du commerce, (p. 544), le capital-actions de la Société anonyme du Journal de Genève est de 480000 francs, divisé en 2400 actions nominatives, ayant chacune une valeur nominale de 200 francs. 58 II est présidé par Raymond Vernet. Ibid. 59 Sur cette longue amitié, cf. par exemple G. Oltramare, Les confidences du Pilori, Genève, 1935, pp. 131-132. Sur la «Weltanschauung» de Piachaud pendant la deuxième moitié des années trente, on peut lire son Discours sur l'éternelle Anarchie, paru à Genève en 1937: après avoir dénoncé les «méfaits» de l'esprit nouveau, personnifie surtout par Le Corbusier, et les «amis de l'Anarchie» comme André Gide, l'auteur demande à ses contemporains de combattre le communisme, forme actuelle de la doctrine de l'anarchie éternelle, ainsi que ses auxiliaires. Pour Piachaud, il faut que catholiques et protestants cessent d'être divisés pour lutter ensemble contre l'ennemi commun. Pour sa part, R.Joseph (op. cit., p. 108), signale une conférence prononcée par Piachaud en 1938, intitulée «Les Juifs et l'éternelle anarchie». Ml Art. 8 des Statuts de la S.A. du Journal de Genève de 1922 (Bibliothèque Publique et Universitaire de Genève). Cet article précise en outre que «les actions ne sont transmissibles que si le nouveau titulaire est préalablement agréé par le Conseil d'administration...». 61 «II Signor Piachaud e la vedova Tramonti [il s'agit justement de la cousine d'Oltramare] rilascerebbero al Sig. Oltramare una ricevuta di franchi 1500 ciascuno per l'acquisto di 50 azioni del <JOURNAL DE GENÈVE>, con le indicazioni dei numeri delle azioni stesse, ricevute che l'Oltramare darebbe a noi.» Télégramme de Mascia du 27 novembre, cité à la note 56. 62 «Pro Memoria» cité à la note 56. 63 Ibid. H Ibid. (5 ' Voir à ce propos la brochure intitulée Origine génoise de la Famille Oltramare de Genève, mise au point par Hugo Oltramare et offerte par lui en 1947 à la Bibliothèque Publique et Universitaire de Genève. Cette brochure comprend notamment des extraits de documents retrouvés en janvier 1934 dans les Archives d'Etat de Genève par l'archiviste R. Campiche; elle cherche à montrer l'origine génoise de la famille Oltramare, à partir d'un ancêtre, Antoine Oltramare, reçu bourgeois de Genève en 1608. 66 Comme le prouve la lettre de G. Ciano à P. Fedele, du 7 janvier 1936: «D'ordine del Duce Le segnalo la pratica araldica relativa alla famiglia OLTRAMARE di Ginevra. 198 Per ragioni di carattere politico [souligné par moi] è nostro interesse che tale pratica venga risolta in modo favorevole, sempre che non esistano gravi e seri argomenti in contrario.» (AMAE, MCP, vol.471, cité.) P. Fedele à G. Ciano, 17janvier 1936 (ibid.). Le sénateur Fedele ajoute cependant qu'il lui serait possible de proposer au roi, avec l'accord du Duce, la concession aux deux Oltramare du titre transmissible de marquis. Cette proposition est cependant écartée par Mussolini, comme nous l'apprend une lettre de G. Ciano à P. Fedele, du 23 janvier 1936 (ibid.). «Pro Memoria» de Mascia, cité à la note 56. Ministero per la stampa e propaganda à la Direzione generale per la stampa estera, ófévrier 1936 (AMAE, MCP, vol.471, cité). Ces versements sont minutieusement documentés dans ACS, MCP, vol. 171bis, fase. 69: Spechel, console generale/Journal de Genève. Selon une information que nous a fournie son administration, le Journal de Genève ne possède pas d'archives sur la période qui nous intéresse. Un dépouillement des numéros du journal de janvier à mars 1936, ne nous a pas non plus permis de retrouver de compte rendu sur une éventuelle assemblée générale. Télégramme de Mascia du 27 novembre, cité à la note 56. Cf. note 60. Lors des deux assemblées générales extraordinaires des 14 février et 1er mai. Feuille officielle suisse du commerce, 1" semestre 1930, no 114, p. 1054. Cf. note 57. Cf. AF, E 2001 (C) 3, vol. 56, fase: Valfré di Bonzo. A noter que la nomination d'un vice-consul (c'est le cas pour di Bonzo), ne doit pas être précédée de la concession de l'exequatur de la part du Conseil fédéral, comme c'est le cas en revanche pour les consuls et autres diplomates. Une telle nomination n'est donc pas précédée de l'habituelle enquête menée par le Département politique sur le passé du candidat. Lettre du ministre René de Week au DPF, du 21 janvier 1947 (AF, E 2001 (D)3, vol. 38, fase: «Union nationale» Genève). Pendant la Deuxième Guerre mondiale, le ministre de Week avait été en poste à Bucarest, où il était le supérieur de B.de Fischer, qui lui avait fait part des confidences de di Bonzo. Ibid. 199 811 Cf. R. Joseph, op. cit., pp. 297ss. 81 Lettre de de Week, citée à la note 78. 82 Cf. son télégramme du 11 mai au Ministero per la stampa e la propaganda (AMAE, MCP, vol.471, cité). 83 Ibid. 84 Spechel au M A E , 12 mai 1936 ( A M A E , Svizzera, vol.9 (1936), fase. 1, Stampa). 85 Télégramme de Bova Scoppa, du 26mai 1936, au Min. St. e Prop, {ibid.); ce dernier lui communique le 16 juin suivant que: «Questo Ministero, che si mantiene a contatto con il Sig. Vaucher, si varrà opportunamente della di lui opera per inviare al Journal de Genève le smentite o <messe a punto» che si rendessero necessarie.» {Ibid.) 86 Télégramme cité à la note précédente. "' Cf. aussi l'allusion assez claire contenue dans une lettre du consul Spechel au Min. st. e Prop., du 25 septembre 1936: «... il Sig. P.E. BRIQUET, redattore di politica estera del <JOURNAL DE GENÈVE> - noto a codesto superiore Dicastero sia personalmente (soul, par moi), sia per i suoi articoli generalmente ispirati a simpatia per l'Italia fascista...». (AMAE, MCP, vol.471, cité.) w Envoyée à la Légation de Suisse à Rome (AF, E 2001 (D)3, vol. 10, dossier: «Presseagentur Telepress», Genf.) 89 Sur cette question, nous nous permettons de renvoyer à notre ouvrage Le Tessin, la Suisse et l'Italie ..., pp. 523-524. *' Op. cit., pp. 233ss. 91 Ibid., pp. 235-236. 92 A l'issue des élections législatives de novembre 1936, les partis composant l'Entente nationale ont obtenu ensemble 60 sièges (sur un total de 100), dont 24 pour les radicaux, 14 pour les démocrates, 12 pour les chrétiens-sociaux et 10 pour l'U.N. 93 R. Joseph, op. cit., p. 233. 94 C'est le docteur Hugo Oltramare, par ailleurs membre du conseil d'administration du Journal de Genève et appartenant au groupe des «Equipes», qui avait fait ajouter le mot «national» à la dénomination de son parti. Cf. Richard-Olivier Gautier, Les Equipes. Un mouvement de renouveau national à Genève, 1933-1936, Genève, 1974 (multigraph.; mémoire lie. lettres), annexe I, p. 17. 95 Op. cit., pp. 241-244. 200 % Ibid., p. 179. 97 Ce télégramme constitue la réponse à une dépêche envoyée précédemment par la Délégation italienne à la S.d.N. au Cabinet des affaires étrangères, dont nous ignorons la date exacte. (AMAE, Carte di Gabinetto [dorénavant: Gab.], fase: G. Oltramare.) Le 7 mai, répondant au télégramme reçu le même jour, la délégation à la S.d.N. signale au cabinet du MAE que «nota persona [G. Oltramare] trovasi Albergo Quirinale» {Ibid.). 98 Le dossier sur Oltramare cité à la note précédente contient une liste avec les noms des membres de l'U.N. reçus par le Duce, datée du 7mai, vraisemblablement rédigée par Oltramare. Les deux Italiens accompagnant le groupe de l'U.N. étaient Antonio Baccelli, secrétaire du «fascio» de Genève, et Aroldo Zanoni (ibid.). 99 Lettre de Luigi Vidau, directeur des «Affari riservati» au Cabinet du MAE. à G. Oltramare, qui se trouve à l'«Albergo Quirinale», du lOmai 1937 (ibid.). 11X1 Cf. note 13. 101 Cf. p. ex. // Popolo d'Italia du 12 mai (coupure de presse dans le fase, cité à la note 78). 1112 Malheureusement, le dossier consacré à cette question a été retiré du dossier sur Oltramare que nous avons pu consulter, où il ne subsiste plus qu'un renvoi («Sosta dell'aereo Torino-Parigi a Ginevra. Progetto Oltramare»). "" «II Governo francese non ha... ritenuto opportuno di dover dar seguito alla richiesta rivoltagli da parte nostra di consentire allo scalo intermedio a Ginevra, sopra tutto in base alla considerazione che, a norma della convenzione in vigore, la linea avrebbe dovuto svolgersi con uno scalo regolare a Lione e che solo per aderire ad una nostra specifica richiesta era stato consentita l'ammissione di detto scalo. La Società <Avio Linee Italiane> che, vivamente interessata da questo Ministero e da quello dell'Aeronautica, aveva già predisposto, nonostante le note difficoltà tecniche, ogni provvedimento esecutivo, si è vista in tal modo costretta a soprassedere, per ragioni estranee al nostro volere, all'istituzione dello scalo in questione.» Télégramme du ministre des affaires étrangères, G. Ciano, du 7 sept. 1937, envoyé à la Délégation italienne à Genève avec prière d'en communiquer le contenu, à titre confidentiel, à G. Oltramare (AMAE, Svizzera, vol. 17 (1937), fase: Aviazione). "M Comme le prouve un rapport intitulé «Résumé de la situation, au 18octobre [en réalité: septembre] 1937», envoyé le 18 septembre par Oltramare au Duce: «II faudrait que nous puissions compter, ces prochains mois, sur les mêmes moyens financiers qui ont été mis à notre disposition au mois d'avril, de mai et de juin.» (AMAE, Gab., fase: G. Oltramare.) m Ibid. 201 106 Ibid. 107 Op. cit., p. 256. 108 Rapport du 3 juin à Mussolini, cité à la note 106. 109 Ce que confirme une autre notice datée du 7 juin, rédigée par L. Vidau du Cabinet du MAE: «In seguito alle istruzioni impartite è stata fatta presente al Bova Scoppa l'opportunità di organizzare a Ginevra qualche cosa più che una semplice beffa per mezzo del noto Oltramare. Il Bova Scoppa ha comunicato che avrebbe subito riferito.» (AMAE, Gab., fase. G. Oltramare.) 110 Cependant, lorsqu'il a fait paraître en 1961 un livre de souvenirs largement consacré à la crise éthiopienne et à sa propre activité à Genève (La pace impossibile, Turin), R. Bova Scoppa s'est bien gardé de rappeler ses contacts passés avec Oltramare, qui n'est d'ailleurs mentionné qu'une seule fois dans son ouvrage (p. 170). '" Lettre datée du 3juin (AMAE, Gab., fase. G. Oltramare). 112 Rapport daté du 5 juillet (ibid.). 111 Cf. R.Joseph, op. cit., p. 84, et R. Ruffieux, op. cit., p. 322. 114 Rapport du 18 sept. 1937, déjà cité à la note 104. " s Rapport du 5 juillet à Mussolini (AMAE, Gab., fase. G. Oltramare). 116 Ibid. '" Op. cit., p. 104. "" Pour le texte de cet accord, cf. M.Cerutti, Le Tessin, la Suisse ..., p. 517. 119 Rapport du 3 juin à Mussolini, déjà cité à la note 106. 120 Rapport du 8juin 1937 au MAE (AMAE, vol. 12 (Svizzera/1937), fase.: Iniziativa antimassonica). 121 Ibid. 122 Rapport du 3 juin (AMAE, Gab., fase. G. Oltramare). 123 Rapport du 5 juillet (ibid.). 124 Op. cit., 228. 125 AMAE, Gab., fase. G. Oltramare. 202 126 Rapport du 5juillet (ift/rf.)- 127 Ibid. 128 Pour un compte rendu de la conférence de Maurras, cf. la Suisse du 25septembre. L'exposé du leader de l'Action française a été suivi d'un «éloge de Maurras», prononcé par Louis Darquier de Pellepoix. 129 R. Joseph, op. cit., p. 257. 130 Rapport déjà cité à la note 104. 131 Lettre de L. Vidau, du MAE, à R. Bova Scoppa, du 19octobre (AMAE, Gab., fase. G. Oltremare). 132 Ibid. 133 Ibid. 134 Lettre de L. Vidau au consul Spechel, du 17novembre (ibid.). Pour des raisons de prudence, l'auteur de la lettre ne parle pas explicitement de la somme d'argent destinée à Oltramare, mais se borne à utiliser une sorte de langage codé, qui devait être connu du consul Spechel. Les autres éléments dont nous disposons, nous permettent cependant d'affirmer que la lettre de Vidau fait bel et bien allusion à une subvention financière (Cf. note 136). 135 Cf. note 18. 136 Lettre du consul Spechel à L. Vidau, du MAE (AMAE, Gab., fase. G. Oltramare). 137 Bulletin sténographique officiel de l'Assemblée fédérale. Conseil national, 1937, pp. 919-921. Sur le processus de retour à la neutralité intégrale, cf. naturellement Edgar Bonjour, Geschichte der schweizerischen Neutralität, t. Ill 1930-1939, Bale, 1970, surtout pp. 203 ss. 138 ... Personne ne devrait songer à demander que la Suisse quittât la Société des Nations. Nous sommes le pays de son siège. [...] Il serait malheureux de déserter un champ d'activité que nous avons appris, en dix-huit ans, à mieux connaître. Nous avons été parmi les ouvriers les plus ardents de l'arbitrage international.» Bulletin sténographique..., p. 921. 139 Ibid. 140 Pour le texte de la proposition de Motta au Conseil fédéral, datée du 18 janvier, cf. AF, E2001 (D) 4, vol. 2. 203 141 Cf. par exemple ce que relate G. de Reynold dans une lettre à Motta du 12janvier 1938 (AF, E2001 (D) 4, vol. 1), après avoir rencontré à Lausanne un «messager» italien, que l'aristocrate fribourgeois ne nomme pas: «II m'a demandé si je croyais qu'une déclaration catégorique et solennelle, de la part de l'Italie et de l'Allemagne, reconnaissant, au nom de tous les dieux de l'Olympe et d'Asgard (c'est moi qui ajoute cela), notre neutralité absolue et inconditionnelle, et s'engageant à la respecter, serait la bienvenue en Suisse.» Dans la marge de la lettre, Motta a noté: «A mon avis il vaudrait mieux que Rome et Berlin se tinssent entièrement tranquilles. On veut évidemment nous considérer un peu comme <balle de jeu>. 13.1.38». 142 Lettre de Tamaro à G. Ciano (AMAE, vol. 18, Svizzera/1938, fase: Neutralità integrale svizzera). 143 AMAE, Gab., fase. G.Oltramare. 144 Télégramme secret du MAE au Consulat général de Genève, du 13 janvier (ibid.). 145 Cependant, le consulat général du Reich à Genève a été mis au courant, vraisemblablement par Oltramare, de l'entretien du 15 janvier. A cette occasion, si l'on en croit la lettre du consulat allemand à la Légation du Reich à Berne du 25 janvier (citée par E. Bonjour, op. cit., p. 246), Mussolini a dit au chef de I'U.N., «dass in Kürze, jedenfalls noch im Laufe dieses Jahres, ernstlich mit einem italienisch-französischen Krieg zu rechnen sei». 146 R. Joseph, op. cit., pp. 173-174. 147 Cf. le procès-verbal de la séance du Conseil fédéral du même jour, no 270 (AF, E10041, vol. 370). La décision du gouvernement suisse est relatée le même jour par la Légation d'Italie à Berne au MAE (AMAE, Gab., fase. G. Oltramare). 148 Ibid. 149 Télégramme de G. Ciano au Consulat général de Genève, du 24mai (ibid.). 150 Rapport d'Oltramare à Mussolini, du 21 mai, intitulé «Examen de la situation. Après l'Anschluss» (ibid.). 151 II n'est pas inutile, pour apprécier le sentiment profond de Mussolini à l'égard de la Suisse, de rappeler le commentaire formulé immédiatement après l'Anschluss par le Duce à G. Ciano, et annoté parce dernier dans son journal, à la date du 13 mars: «... L'evento fatale si à compiuto. Non è stato un piacere per noi: certamente no. Ma un giorno il mondo realizzerà che tutto ciò era inevitabile. Il Duce ha detto che si è tolto un equivoco dalla carta europea. Ed ha elencati i tre che ancora esistono e che, a suo avviso, dovranno, in questo ordine, seguire la stessa sorte: Cecoslovacchia, Svizzera e Belgio.» G. Ciano, Diario 1937-1943, Milano, 1980, p. 112. 204 152 Cf. R. Joseph, op. cit., p. 104. 153 «... L'Union Nationale di Ginevra ha fatto ripetuti tentativi per uscire dal Cantone e Oltramare ha parlato anche nel Vallese, ma senza ottenere apprezzabili successi. Il che del resto è dovuto anche alla natura del movimento che, essendo rigorosamente federalista, presuppone una vita del tutto autonoma per ogni Cantone e per ogni Cantone la sua specialità politica. [...] Anche a Ginevra i nazionali di Oltramare non hanno progredito: hanno mantenuto una staticità non utile ai loro fini e alcune mosse politiche hanno reso difficile la loro alleanza coi partiti dell'ordine, che spesso tra di loro hanno discusso l'eventualità di un distacco. Comunque Oltramare è rimasto sulla breccia e s'è battuto bene nella disperata battaglia contro la Massoneria.» (AMAE, Gab., fase. G.Oltramare.) 154 Sur cette question, cf. notamment E. Bonjour, op. cit., pp. 279-280. 155 La notice de G. Ciano («Appunto per il Duce») porte l'annotation suivante: «II Duce ha deciso oggi - 21 giugno - negativamente». (AMAE, Gab., fase. G. Oltramare.) 156 En effet, la confusion n'est pas possible entre les subventions apportées par Di Bonzo à Oltramare, et celles versées au chef de l'U.N. en 1937 et documentées dans le dossier des «Carte di Gabinetto» du MAE: d'une part, le nom de V. Di Bonzo ne figure jamais dans le dossier susmentionné, et, d'autre part, un dernier versement est effectué en novembre 1937, alors que Di Bonzo a déjà quitté Genève au mois de juin de la même année. 157 Ibid. Nous reproduisons cette lettre en annexe. 158 Par lettre datée du 30novembre 1942 (ibid.). 205 Annexe L'ambassadeur d'Italie à Paris au Ministère italien des Affaires étrangères. Paris, le 16 novembre 1942/XXI" Oggetto: Giornalista Georges Oltramare - Richiesta di udienza col DUCE Si è presentato a questa Ambasciata il giornalista svizzero Georges Oltramare, ben noto a codesto Ministero come fondatore del movimento fascista «Union Nationale» di Ginevra. Egli ha detto che sarebbe molto riconoscente al Duce, che altra volta gli ha fatto l'onore di riceverlo, se volesse accordargli un'udienza nella quale intenderebbe esporgli le sue impressioni e i suoi giudizi sulla situazione francese, in base all'esperienza derivante da oltre due anni di soggiorno a Parigi. Ha vagamente accennato ad elementi in suo possesso circa i «veri obiettivi» della politica di Lavai, soprattutto nei confronti dell'Italia. A proposito del suo soggiorno a Parigi il Signor Oltramare ha chiarito che, dopo aver dovuto lasciare la Svizzera nel maggio del 1940 a causa di difficoltà politiche delle quali codesto Ministero sarebbe a conoscenza, egli ha soggiornato per breve tempo in Italia, da dove è partito l'8giugno dello stesso anno per la Germania, con passaporto tedesco rilasciatogli dal Consolato Generale del Reich a Genova, su domanda delle S.S. Il passaporto, del quale egli tuttora si serve, è intestato al nome di Diodati Carlo, nato a Vienna. Da Berlino, sempre secondo le sue dichiarazioni, l'Oltramare è stato inviato nello stesso mese di giugno 1940 a Parigi dove ha per lungo tempo diretto il periodico «La France au Travail», periodico che ha 206 dovuto lasciare in seguito a beghe interne provocate, a suo dire, dallo stesso Lavai. Per interessamento dell'Ambasciata di Germania gli è stato successivamente affidato uno dei servizi della Radio di Parigi (Le rythme du temps), servizio che tuttora dirige e nell'ambito del quale egli ha commemorato il 28 ottobre u.s. il Ventennale della Marcia su Roma. Pur non avendo fornito sugli obiettivi della sua richiesta di udienza elementi più precisi di quelli che, per debito di ufficio, riferisco nel presente telespresso, il Signor Oltramare ha dato chiaramente l'impressione di nutrire verso Lavai vivo risentimento personale. Egli ha anche chiesto che della sua domanda di essere ricevuto dal Duce, non venisse informata, almeno per ora, questa Ambasciata di Germania. 207 Zusammenfassung Dieser Artikel untersucht die Beziehungen, die Georges Oltramare, der Führer der «Union Nationale», in den Jahren 1935-1938 mit dem faschistischen Italien und besonders mit dem Duce unterhielt. Die Arbeit stützt sich auf bisher nicht ausgewertete Dokumente im Schweizerischen Bundesarchiv und in italienischen Archiven, hauptsächlich im Archivio storico diplomatico del Ministero degli Affari esteri in Rom. Die Analyse dieser Quellen zeigt deutlich das grosse Interesse, das die italienische Propaganda und der Duce persönlich an der öffentlichen Meinung in Genf, dem Sitz des Völkerbundes, hatten. Besonders lebhaft war dieses Interesse während des Konfliktes zwischen Italien und Abessinien. Damals verhängte der Völkerbund gemäss Art. 16 seiner Charta Sanktionen über das faschistische Italien, das mit seinem Angriff auf ein anderes Mitglied des Bundes klar gegen die Satzungen verstossen hatte. In dieser Situation, unter zunehmender Isolierung auf der internationalen Bühne, entdeckte Rom im Oberhaupt der «Union Nationale» einen besonders kämpferischen Wortführer, den es bei seinen Propagandaaktionen gegen den Völkerbund zu fördern suchte. Die Unterstützung Oltramares richtete sich besonders auch gegen die Genfer Sozialisten unter der Führung von Léon Nicole, der seit November 1933 der kantonalen Exekutive vorstand und der als Vorsteher des Polizeidepartements politischen Flüchtlingen aus Italien wie dem bedeutenden Redaktor des «Journal des Nations», Carlo Emanuele a Prato, Schutz gewährte. Mussolini leistete sogar finanzielle Hilfe, als Oltramare sich im November 1935 daran machte, einen Teil der Aktien des «Journal de Genève» zu erwerben, um anschliessend einen Vertrauensmann in den Verwaltungsrat der grossen Genfer Tageszeitung wählen zu lassen. Der Plan misslang. Italien bemühte sich aber weiterhin hartnäckig, Einfluss auf die öffentliche Meinung in Genf zu nehmen und die Unternehmungen Oltramares zu fördern. Den Tätigkeiten Oltramares in Genf während der fraglichen Zeit lagen verschiedene eng verknüpfte Ursachen und Motive zugrunde. Indem sich die Aktion gegen die Linke Nicoles, die Kommunisten und die Freimaurerei richteten, bezogen sie sich zunächst und in erster Linie auf das Genfer und Westschweizer Umfeld; dann aber, in enger Verbin208 dung mit dem Kampf des faschistischen Italien gegen den Völkerbund, verfolgten sie Ziele, die weit über diesen Rahmen hinausgingen. Die beträchtliche Unterstützung Oltramares durch Mussolini war hauptsächlich darauf ausgerichtet, den Führer der «Union Nationale» auf seinen propagandistischen Feldzügen gegen den Völkerbund zunächst zu belohnen, dann aber auch anzutreiben, ja gleichsam fernzusteuern. Ausserdem sollte diese Unterstützung die «Union Nationale» auf lokaler Ebene stärken, wo sie im Kampf gegen die Regierung Nicole gewissermassen den Stosstrupp der bürgerlich-nationalen Einheitsfront bildete. Indirekt und ohne Kenntnis der Hilfe durch den Duce profitierte die gesamte bürgerliche Einheitsfront bei ihrem Vorgehen gegen die Linke davon, insbesondere bei der Kampagne für das Verbot der kommunistischen Organisationen. Gewiss, die Sympathien Oltramares für Mussolini und den Faschismus bestanden schon vor den Hilfeleistungen aus Rom. Indessen hat das Oberhaupt der «Union Nationale» seit Oktober 1935 diese finanzielle Unterstützung gesucht und angenommen und ist so wohl oder übel ein Werkzeug der Politik des faschistischen Italien in der Völkerbundsstadt geworden. Dies erweist sich darin, dass 1938 die Krise des Völkerbundes, verbunden mit anderen Überlegungen zur internationalen Politik, die weitere Finanzierung Oltramares in den Augen Mussolinis nicht mehr zu rechtfertigen schien und den Duce bewog, seinen Genfer Verbündeten fallen zu lassen. 209 Compendio L'articolo verte sulla natura dei rapporti, creatisi nel periodo 1935-1938, tra il capo dell'Unione nazionale, Georges Oltramare, e l'Italia fascista, con il duce in prima fila. Si basa su una documentazione a tutt'oggi non ancora sfruttata, giacente negli archivi italiani - soprattutto nell'Archivio storico-diplomatico degli Affari esteri, a Roma - nonché nell'Archivio federale. L'analisi di queste fonti evidenzia il grande interesse con cui la propaganda italiana e il duce stesso seguono l'evolversi dell'opinione pubblica nella città sede della Società delle Nazioni: un interesse che è particolarmente vivo nel periodo del conflitto italo-etiopico, quando l'istituzione wilsoniana adotta, conformemente all'articolo 16 del proprio Patto, misure di sanzione contro l'Italia fascista, rea di avere aggredito un altro Stato membro. In tale contesto, vedendosi sempre più isolata sulla scena politica internazionale, Roma scopre nel capo dell'Unione nazionale un portavoce particolarmente combattivo e cerca, da quel momento, d'incoraggiarne l'azione di propaganda contro la SdN. Gli appoggi forniti a Oltramare mirano anche a controbilanciare l'azione dei socialisti ginevrini, il cui leader, Léon Nicole, dal novembre 1933 dirige il governo cantonale e cerca, nella sua veste di capo del Dipartimento di polizia, di proteggere i rifugiati politici italiani (come il giornalista Carlo Emanuele a Prato, principale redattore del Journal des Nations). Nel novembre 1935 Mussolini accetta perfino di aiutare finanziariamente Oltramare, quando questi, acquistando parte del pacchetto azionario del Journal de Genève, tenta di fare eleggere un proprio uomo di fiducia nel consiglio d'amministrazione del grande quotidiano ginevrino. Benché l'operazione non riesca, l'Italia non desiste affatto dalla sua azione tenace, mirante da un lato a influenzare il pubblico di Ginevra, dall'altro ad assecondare l'attività di Oltramare. L'azione condotta da quest'ultimo a Ginevra durante il periodo in esame à la risultante, in definitiva, di vari fattori, di varie motivazioni strettamente intrecciate fra loro. Tale azione persegue, anzitutto, obiet210 tivi legati al contesto ginevrino e romando, in particolare la lotta contro la sinistra di Nicole, i comunisti e la massoneria; essa ha anche, peraltro, finalità riferibili a un quadro ben più ampio, associandosi alla lotta dell'Italia fascista contro la SdN. Il notevole appoggio offerto da Mussolini a Oltramare cerca prima di ricompensare, poi di incoraggiare e persino di teleguidare il capo dell'Unione nazionale nelle sue campagne contro il Patto e la Società delle Nazioni. In un secondo tempo, tale appoggio mira ad aiutare l'Unione nazionale nell'attività che quest'ultima - sorta di punta avanzata dell'Entente nationale bourgeoise, che riunisce i partiti contrari al governo Nicole - conduce sul piano ginevrino. Indirettamente, e benché all'oscuro del sostegno fornito dal duce a Oltramare, l'Entente beneficia anch'essa di quell'appoggio, segnatamente durante la campagna per il divieto delle organizzazioni comuniste; rafforzando l'Unione nazionale e la sua propaganda, inoltre, gli aiuti italiani risultano utili a tutte le forze dell'Entente nella loro lotta contro la sinistra. Certo, le simpatie di Oltramare per Mussolini e per il fascismo sono anteriori ai sussidi concessi dall'Italia fascista; a partire dall'ottobre 1935, tuttavia, il capo dell'Unione nazionale cerca e accetta questi appoggi finanziari, divenendo, volente o nolente, uno strumento della politica di Roma nella città lemanica. Lo prova il fatto che nel 1938, quando la crisi della SdN, unita ad altre considerazioni di politica internazionale, non sembra più giustificare per il duce ulteriori finanziamenti ad Oltramare, Mussolini decide di tagliare i ponti con l'alleato ginevrino. 211 Schweizerisches Bundesarchiv, Digitale Amtsdruckschriften Archives fédérales suisses, Publications officielles numérisées Archivio federale svizzero, Pubblicazioni ufficiali digitali Georges Oltramare et l'Italie fasciste dans les années trente. La propagande italienne à Genève à l'époque des sanctions et de la crise de la Société des Nations In Studien und Quellen Dans Etudes et Sources In Studi e Fonti Jahr 1989 Année Anno Band 15 Volume Volume Autor Cerutti, Mauro Auteur Autore Seite 151-212 Page Pagina Ref. No 80 000 095 Das Dokument wurde durch das Schweizerische Bundesarchiv digitalisiert. Le document a été digitalisé par les. Archives Fédérales Suisses. Il documento è stato digitalizzato dell'Archivio federale svizzero.