Entransit,IvanFrésard reprenddupoildelabête

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Entransit,IvanFrésard reprenddupoildelabête
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24 heures | Jeudi 10 mars 2011
Culture
Portrait
En transit, Ivan Frésard
reprend du poil de la bête
Le créateur de
La soupe est pleine
prépare son retour
médiatique en
montant une expo
de photos à Berlin
Un vaurien
s’empare
de Dorigny
Boris Senff
Ivan Frésard est à l’image de son
nouvel appartement lausannois:
en chantier. Presque deux ans
après son départ de Rouge FM, le
créateur et animateur de La soupe
est pleine est en pleine phase de
reconstruction. «Je prends du recul sur tout ce que j’ai fait. J’étais
dans la radio depuis mes 16-17 ans
et je n’avais jamais arrêté.» L’exenfant terrible des médias romands avance son âge – 44 ans –
pour expliquer ce soudain accès
de sagesse, mais il peine un peu à
convaincre: d’Egypte, il revient
avec une mine hâlée, mais sans un
reportage sur le Printemps arabe.
Non, le temps de superviser
l’avancée des travaux, et il s’envole à nouveau. Direction Berlin,
où il s’apprête à dévoiler une surprenante expo de photographies
(lire ci-contre) dévolue… aux animaux écrasés sur la route.
«J’ai plein d’envies!» assène-t-il
dans sa cuisine bordeaux, où ne
trônent pour l’instant qu’une machine à café et une horloge pour
homme pressé. Outre la photo,
c’est le cinéma qui le passionne.
«Je me réjouis d’installer mon
écran géant. Je regarde trois ou
quatre films par semaine, en plus
de tout ce qui sort.»
Film mortel
De spectateur, Ivan veut se faire
réalisateur. «Si tu fais un film, il
faut marquer. J’en prépare un sur
la mort, avec une vision totalement différente sur quelque chose
que l’on ne peut jamais voir, mais
qui est réel en même temps. Je
n’en dirai pas plus, il pourrait y
avoir des gens qui auraient peur
d’aller le découvrir!…»
C’est déjà le cas de son ami
Zapoff, décorateur lausannois qui
a déclaré que c’en était trop pour
lui… Avec ce court-métrage, le cinéaste en herbe vise les festivals,
pour se faire un nom, et rêve déjà
de passer au format du long-métrage, caressant l’idée d’une adaptation de Dürrenmatt… «Dans le
milieu du cinéma, j’ai trouvé plein
de gens prêts à m’encourager», se
conforte-t-il.
Liliom, une pièce signée
Ferenc Molnár où la violence
rappelle la banlieue
de Budapest. DR
Théâtre
La Grange accueille
la création de Matthias
Urban Liliom. Un conte
contemporain où monstres
et fées sont devenus
forains et bonimenteurs
Ivan Frésard, 44 ans, envisage sérieusement une reconversion dans l’univers de l’image et du cinéma. PHILIPPE MAEDER
Expo
Objectif animaux écrasés
Des photos aux couleurs
bizarres, un peu abstraites.
A côté, sous un voile, l’image
originale, non retravaillée
numériquement, où le doute
n’est plus permis: les bêtes
photographiées par Ivan
Frésard s’avèrent être des
cadavres – chats, fouines,
biches –, écrasés au bord de la
route. «C’est une idée que
j’avais depuis longtemps»,
argumente celui qui expose
son travail dans une galerie
berlinoise, ville qu’il se réjouit
de visiter pour la première fois.
«Je voulais faire quelque chose
avec ces bêtes dont tout le
monde se détourne comme si
elles n’existaient pas, que l’on
n’enterre pas, qui sèchent sur la
chaussée. Et cela dans un pays
qui a failli voter pour des
avocats pour animaux!
Pourtant, ce sont souvent ceux
qui se targuent d’adorer les
animaux qui les écrasent. Je
voulais pointer ce décalage
ahurissant.»
«Pets on the Road»
Berlin, Placette (Herrnhuter Weg 17)
Du sa 12 mars au sa 7 mai
www.placette.de
Un regard artistique sur les animaux sacrifiés à la route. DR
Ivan Frésard serait alors à ce
point «grillé» dans les médias
pour préférer se réinventer en artiste? «C’est vrai qu’à Rouge FM, je
n’ai pas épargné mes ex-employeurs de la radio ou de la TV.
Des anciens collègues me disaient: «Pourquoi tu t’acharnes
sur nous?» Mais cela faisait partie
du jeu, je tapais sur toutes les
grosses institutions! On a eu plein
de problèmes avec la force publique quand j’ai épinglé ce chef de
la police qui avait embouti des bagnoles. Ou avec Pathé, quand j’ai
critiqué les prix et les conditions
de projection des films. Cela créait
le buzz, les auditeurs réagissaient
pour nous dire qu’on avait raison», se félicite encore celui qui se
qualifie d’«empêcheur de tourner
en rond».
Projet d’animation
Il a pris des coups, ça se voit. Mais
cela n’a pas suffi à le dégoûter de
son rôle d’animateur, toujours
prêt à «ruer dans les brancards».
«Je prépare quelque chose, finit-il
par lâcher. Mais il est trop tôt pour
en parler car le projet implique
aussi d’autres personnes.» Le
papa de trois filles, de trois mères
différentes, veut donc reprendre
le micro comme d’autres remontent sur le ring. «Un type comme
Ruquier fait briller ses collaborateurs et, si ça ne joue plus, il les
change. Dechavanne, lui, employait des gens qui étaient là
pour le faire briller lui: quand ça
ne va plus, il se retrouve à faire
des émissions comme La roue de
la fortune. Maintenant, j’ai compris la leçon.»
En dates
1966 Naissance à Neuchâtel.
1983 Fait ses premiers micros
dans les radios libres, travaille
à Radio Cosmique Massongex.
1987 Réalise l’émission Vert
Pomme pour les jeunes, à la TSR.
1992 Anime Jeux sans frontières
pour la TSR.
2000 Conçoit, produit et anime
La soupe est pleine, jusqu’en
2003. «J’aime les cycles de
quatre ans. Après, il faut
se renouveler.»
2001 Ecrit des chroniques
pour le quotidien Le Temps.
2005 Crée Les patriotes sur
Rouge FM, émission critique
qui dure jusqu’en 2009.
2008 Le labo, talk-show à la TSR
et seul échec qu’il reconnaît: «On
ne m’a pas raté!»
«Liliom se caractérise beaucoup
par son langage, travaillé, malaxé
et cristallisé par l’auteur; c’est ce
qui a immédiatement éveillé ma
curiosité et qui donne lieu, je
pense, à un théâtre passionnant»,
déclare le metteur en scène lausannois Matthias Urban, qui s’est
emparé du texte du Hongrois Ferenc Molnár. Sous-titre de la
pièce? Vie et mort d’un vaurien.
Avec son paysage urbain montrant une société «aux portes du
réel», Liliom permet de mener
«un travail majeur sur la langue et
son rythme. C’est par cette violence verbale et physique que tout
passe, le souffle, la douleur, la
haine, l’amour, la peur.»
Ecrit en 1907, ce texte raconte
la vie de Liliom (François Florey),
un bonimenteur de foire qui
tombe sous le charme de Julie, une
princesse des temps modernes –
une bonne (Elodie Weber). Ensemble ils embarquent dans le manège de la vie, alors que défilent
autour d’eux les individus composant le paysage peu sympathique
de la banlieue de Budapest. Ils
s’installent ensemble, conçoivent
un enfant. Chômage. Comment
survivre? Liliom tente un braquage, qui tourne mal. Il se suicide, se retrouve dans un tribunal
de l’au-delà, qui le somme de rendre des comptes. Pour avoir battu
sa femme, il est condamné à revenir sur terre, seize ans plus tard,
où il rencontre sa fille… C.ROC.
Dorigny, La Grange
Du je 10 au sa 19 mars
Loc.: 021 692 21 24
www.grangededorigny.ch
Monthey, Crochetan
Ve 15 avril (20 h 30)
Loc.: 024 475 79 11
www.crochetan.ch
Rassuré sur son avenir, l’éditeur urbigène Bernard Campiche sort du trou
Lettres
L’Association des amis de
Bernard Campiche a sauvé
l’éditeur de la déroute
Bernard Campiche met un terme
à ses activités d’éditeur!… Dans un
article paru hier dans le quotidien
La Côte, «l’artisan du livre» urbigène a révélé qu’il a en effet «sérieusement envisagé» ce «scénario catastrophe» en 2010. Alors
contraint de se séparer de ses
deux collaboratrices, il assume
depuis «tout par [ses] propres
moyens». Grâce surtout aux
30 000 francs mis à sa disposition
VC4
Contrôle qualité
par les 150 membres de l’Association Bernard Campiche Editeur
(ABCE). Interview.
Faut-il toujours sauver
l’éditeur Bernard Campiche?
Il est en train de se sauver. Depuis
une année, je sens une nette reprise des affaires. Mais cela n’aurait
pas suffi sans l’aide matérielle extraordinaire et le soutien logistique
de l’ABCE.
N’y a-t-il pas un paradoxe
à être sauvé par des «amis»
plutôt que par les lecteurs
à qui vous avez consacré
vingt-cinq ans de votre vie?
Peut-être. J’ai créé cette association
il y a quatre-cinq ans pour pouvoir
demander des aides ponctuelles,
mais je ne m’en occupais pas. Tombée en veilleuse, elle a été reprise
en main début 2010. Depuis, on travaille ensemble, mais je m’occupe
seul de l’édition. On discute des activités gages d’une meilleure visibilité, et elle m’aide aussi financièrement et matériellement. C’est ainsi
que je pourrai, comme l’an dernier, participer au prochain Salon
du livre de Genève, et sur un stand
deux à trois fois plus grand.
Cette aide «extérieure» ne
signifie-t-elle pas aussi que
vos livres ont de la peine
à trouver leurs lecteurs?
C’est vrai, le livre a moins bien marché l’année dernière. J’édite sept
ou huit livres par année. Normalement, deux ou trois nous font vivre.
Mais vous savez aussi qu’il sortira
750 romans français en juillet…
N’êtes-vous pas en manque
d’auteurs populaires?
Vrai que ça fait du bien d’avoir une
Anne Cuneo dans son catalogue…
Sérieusement, vous n’ignorez pas
que la tâche d’éditeur se déroule en
amont du succès: c’est un travail de
découverte, d’accompagnement
d’auteurs. Vous voulez la vérité?
Une œuvre se fait sur cinq ou six livres. Combien d’exemplaires Bouvier a-t-il vendu de L’usage du
monde, en 1963? Toutes les maisons
avaient refusé son manuscrit, il
avait finalement dû l’éditer à son
compte, à Genève…
Vous avez publié plus de 300
ouvrages et vous ne cultivez
donc aucun regret?
Très peu! Rendez-vous compte, j’ai
quatre ou cinq auteurs avec qui je
collabore depuis vingt-cinq ans!
Pour le reste, c’est normal, c’est la
vie. Ce qui me rassure, c’est que la
plupart de ceux qui m’ont quitté
aimeraient revenir. Jean Ellgass
Son réseau
En soutien à «un formidable
travail de mémoire et de
rassembleur de langue romande», les 150 membres de
l’Association Bernard Campiche
Editeur (ABCE) conduisent des
actions promotionnelles comme,
ces jours, des lectures en
bibliothèque à travers le canton.
Dons et cotisation annuelle
(100 fr.) financent ses activités.
Rens.: 021 845 40 08
Mail: [email protected]