PHOTOGRAPHIE DE L`OUVRAGE LES MÉMOIRES D`HADRIEN

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PHOTOGRAPHIE DE L`OUVRAGE LES MÉMOIRES D`HADRIEN
LE MAGAZINE LITTÉRAIRE DES RETRAITÉS ÉRUDITS
Chers lecteurs,
A l'heure où les best-sellers insipides envahissent
les rayons des librairies, il est utile, sinon indispensable, de
redécouvrir des œuvres nées sous la plume de grands
écrivains. Et parce qu'avec l'âge, on devient exigeant, notre
comité de lecture s'efforce chaque mois de satisfaire à vos
attentes. Ce mois-ci, nous avons choisi les Mémoires
d'Hadrien : conçu et écrit par Marguerite Yourcenar sur
une période de 27 années, ce roman paraît en 1951. D'abord
froidement accueilli par les critiques, il reçoit en 1963 le
prix combat. Puis, en 1980, quand Marguerite Yourcenar
est élue à l'académie française, les Mémoires d'Hadrien
sont enfin reconnues à leur juste valeur de chef-d'œuvre.
PHOTOGRAPHIE DE
L’OUVRAGE LES
MÉMOIRES
D’HADRIEN
UN TRAITE SUR LA SAGESSE
Proche de la mort, l'empereur Hadrien écrit une
longue lettre à son successeur, Marc Aurèle, dans laquelle
il fait le récit de sa propre existence. Au fil des pages,
l'écriture opère une transmutation du destinataire : Marc Aurèle s'efface, et c'est le lecteur qui reçoit
directement les propos d'Hadrien, comme s'ils lui étaient destinés. « Je compte sur cet examen des
faits pour me définir, me juger peut-être, ou tout au moins me mieux connaître avant de mourir »,
annonce l'empereur au début de son récit. Mais, plus qu'une démarche introspective, le roman
contient une véritable philosophie, celle d'un homme qui a appris à maîtriser ses passions et qui
nous livre, avant sa mort, un moyen de se préparer pour le grand voyage.
UN VOYAGE DANS L’ESPACE ET LE TEMPS
Un voyage, justement, ce roman en est un : un voyage dans l'espace et le temps que l'on
peut accomplir sans se déplacer physiquement. Qu'on le lise après une sieste ou pendant une nuit
d'insomnie, les Mémoires d'Hadrien sont un de ces rêves que l'on fait à l'état de veille. La finesse
de l'écriture, la beauté vivace des descriptions nous emmènent vers d'autres cieux :
« Il y eut la mer d'arbres : les forêts de chênes lièges et les pinèdes de la Bithynie ; le pavillon de
chasse aux galeries à claire-voie où le jeune garçon, repris par la nonchalance du pays natal,
PUBLICITÉ POUR UN
TRAITEMENT
PRÉVENTIF DES
MALADIES
CORONARIENNES
éparpillant au hasard ses flèches, sa dague, sa ceinture
d'or, roulait avec les chiens sur les divans de cuir. Les
plaines avaient emmagasiné la chaleur du long été ; une
buée montait des prairies au bord du Sangarios où
galopaient des hardes de chevaux non dressés ; au point
du jour, on descendait se baigner sur la berge du fleuve,
froissant en chemin les hautes herbes trempées de rosée
nocturne, sous un ciel d'où pendait le mince croissant de
lune qui sert d'emblème à la Bithynie. »
UNE REFLEXION SUR LA MORT
La mort. Le mot choque. Il est devenu tabou, et
pourtant, nous y pensons tous. Notre propre mort et celle,
plus concrète, de ceux qui nous ont quittés. A cette
terrible expérience, l'empereur Hadrien a été lui aussi
confronté, lorsque son amant Antinoüs, dont il était
follement épris, s'est suicidé. Le cheminement de son
deuil nous est raconté : des affres de la douleur aux
hommages posthumes, du manque atroce de l'être aimé à l'acceptation de sa disparition. L'empereur
Hadrien fit construire Antinoë, une cité dédiée au souvenir de son amant, qu’il éleva au rang d’un
dieu en créant un culte à sa mémoire.
Cette entreprise, d'une beauté à la fois subtile et démesurée, rime étrangement avec le roman
de M. Yourcenar, qui porte en exorde l'épitaphe de la tombe d'Hadrien, écrite par l'empereur luimême : « Animula vagula, blandula, Hospes comesque corporis, Quae nunc abibis in loca
Pallidula, rigida, nudula, Nec, ut soles, dabis iocos. » Marguerite Yourcenar la traduit par : « Petite
âme, tendre et flottante, compagne de mon corps, qui fut ton hôte, tu vas descendre dans ces lieux
pâles, durs et nus, où tu devras renoncer aux jeux d’autrefois. »
Ainsi, les Mémoires d'Hadrien apparaissent comme un cénotaphe au sein duquel l'esprit de
l'empereur est resté vivant. Elles nous rappellent que, malgré la brièveté de notre existence, nous
continuons à vivre dans le souvenir de nos proches. Puissent-elles aussi nous rappeler que si la vie
est éphémère, c'est pour cela qu'elle est si belle.
 Anatole-Gustave Viatique