Slow Food Slow Food - FDSEA du Bas-Rhin

Transcription

Slow Food Slow Food - FDSEA du Bas-Rhin
Slow Food : « Bon, propre et juste »
Que savons-nous
de ce mouvement, créé par le
chroniqueur gastronomique
Carlo Petrini en 1986, et
qui prône une alimentation
« bonne, propre et juste » ?
Après quelques précisions
au travers d’un abécédaire,
des témoignages et des
points de vue des membres
de l’association, ainsi
que des expériences de
cette communauté forte
de 100 000 membres.
12 | L’Information Agricole - N° 856 Avril 2012
A
limentation : Slow Food soutient
le droit de tous à une alimentation «
bonne, propre et juste ». Le concept de
qualité exprimé par le biais des mots
bon (organoleptique), propre (écologique)
et juste (social) insiste sur une approche
holistique, la seule valable lorsqu’il est
question de Terra Madre (terre mère). À
chaque étape de la filière agro-alimentaire,
y compris lors de la consommation, il est
nécessaire de préserver les écosystèmes et
la biodiversité, tout en protégeant la santé
du producteur et du consommateur.
A
rche du Goût : Inventaire des produits à sauver. L’arche du goût a été
créée en 1996 ; elle recense les aliments en
risque de disparition. Les produits doivent
être excellents, liés à un terroir, et produits
à petite échelle. Ils pourront devenir Sentinelles (voir S.).
C
onvivium : Il s’agit d’une antenne
locale de Slow Food constituée de
personnes qui s’intéressent à ce qu’elles
mangent. On compte environ 1 000 conviviums actifs dans 50 pays et une vingtaine
en France. Ils s’appellent « condotte » en Italie ; ils sont tous pilotés par un responsable.
Un convivium organise des activités telles
que dégustations, leçons, ateliers, visites
auprès des producteurs, repas, marchés….
D
ates :
- 1986 : Carlo Petrini (voir P.) lance
un manifeste prônant « le slow food » par
opposition au « fast food » pour protester
contre l’implantation d’un Mac Do sur la
place d’Espagne, à Rome.
- 1989 : lancement officiel, depuis l’Opéra
comique de Paris, du mouvement Slow Food.
- 2003 : création d’une Université des
sciences de la gastronomie, en Italie.
Photos Slow Food
Dossier | À la découverte de Slow Food
À la découverte de Slow Food | Dossier
- 2004 : l’Université accueille ses premiers
étudiants, ils sont 70 venus de 13 pays.
- 2005 : ouverture, à Turin, de Eataly, un
supermarché pour fines bouches.
- 2008 : première soirée Slow Food en
France.
- 2009 : première édition de la biennale
du goût et de l’alimentation, Euro Gusto
(voir E.)
E
urogusto : L’édition 2011 (la deuxième)
s’est tenue du 18 au 20 novembre, à
Tours (37).
G
ap : Le Salon Savoirs et Saveurs de
Montagne aura lieu les 19-20 mai 2012
à Gap.
La quatrième édition de cet exemplaire
Salon Slow Food se tiendra au Quattro de
Gap. Imaginé et construit par l’équipe de
bénévoles de Slow Food Coolporteur :
http://www.slowfood-coolporteur.fr/accueil/
R
éseau mondial : Le mouvement Slow
Food compte plus de 100 000 membres
actifs autour du monde. Ses sièges nationaux se trouvent en Italie, en Allemagne, en
Suisse, en France, aux États-Unis, au Japon,
au Royaume-Uni et aux Pays-Bas. Par ses
activités et ses nombreux projets, le mouvement rassemble des millions de personnes.
S
entinelles : Elles sont aujourd’hui plus
de 300 dans le monde, et ont été créées
en 2000. Il s’agit de produits qui risquent
de disparaître, et qui représentent la biodiversité agricole et le patrimoine culinaire.
Quelques producteurs restent et les rendent encore viables. En France, on compte
13 sentinelles, parmi lesquelles le porc noir
de Bigorre, le mouton de Barèges-Gavarnie,
la lentille blonde de Saint Flour…
500 délégués s’y rendent. Depuis sa première édition en 2004, Terra Madre s’est
développé au-delà de ces rassemblements
pour devenir un réseau mondial de ces
communautés alimentaires.
I
talie : L’association internationale Slow
Food a son siège à Bra, en Italie. L’Université des sciences de la gastronomie, se
trouve à Pollenzo, à la sortie de Bra.
T
uste : La communauté Terra Madre
donne la parole à « qui ne se résigne
pas au modèle d’homologation, inhumain
et totalisant », affirme-t-elle. Qui produit la
nourriture doit recevoir une juste rémunération et reconnaissance pour son travail.
O
uvrage : L’ouvrage « Terra Madre » de
Carlo Pétrini, sorti en octobre 2011
permet de redéfinir les bases du mouvement Slow Food et propose de restaurer
la souveraineté alimentaire, l’économie
locale, la diversité naturelle et le plaisir de
manger.
D.R.
J
T
erra Madre : Un projet conçu par le
mouvement Slow Food. C’est une association parallèle, financée de façon autonome.
Elle travaille à la coopération et au développement. Elle rassemble tous les deux ans
à Turin des paysans du monde entier.
S
low Food : est une association à but
non-lucratif fondée par Carlo Petrini (voir
C.) avec un réseau d’acteurs (Terra Madre,
voir T.) qui travaillent à la mise en place d’un
modèle « bon, propre et juste » de production
et de consommation alimentaire. Le rapport
entre Slow Food et Terra Madre correspond
à l’image d’une couverture en patchwork :
Slow Food et ses membres constituent la
trame, Terra Madre et ses communautés de
la nourriture sont les morceaux de tissu colorés. Ensemble, ils forment une vaste chaîne,
dont les composantes sont interdépendantes
et parfois superposées. Q
D.R.
P
etrini C. : Carlo Petrini, né le 25 juin
1949, chroniqueur gastronomique, a
fondé l’association Slow Food en 1989 en
Italie ; il en est encore aujourd’hui le président international. Là où certains prônent
le label HQE (haute qualité environnementale), lui défend un concept plus large de
qualité alimentaire (voir A.).
urin : Du 25 au 29 octobre 2012,
Turin accueillera, au Lingotto Fiere et à
l’Oval, le nouveau Salone del Gusto et Terra
Madre qui s’unissent en une manifestation
unique. Le Salone del Gusto, avec le succès
remporté par les huit éditions précédentes,
dispose d’un patrimoine d’excellents producteurs, de chefs, d’ateliers du goût, de
sentinelles et d’institutions.
Claire Nioncel
L’Information Agricole - N° 856 Avril 2012 | 13
Dossier | À la découverte de Slow Food
Q Activités
Au cœur des conviviums
Clefs de voûte de Slow Food, les conviviums organisent à la fois des activités pour leurs membres et des manifestations pour
sensibiliser le public au bien manger. Relativement peu nombreux, les adhérents cherchent les moyens pour donner un
second souffle au mouvement.
L
’une des spécificités du mouvement
Slow Food est d’être décentralisé à
l’extrême. Basé à Bra, dans le Piémont,
son siège ne le dirige pas. Il promeut une
philosophie, des valeurs que chacun doit
interpréter chez soi et à sa manière. Pour
son fondateur, Carlo Petrini, il faut laisser
libre cours à l’intelligence affective et à
l’anarchie austère qui sont ainsi les deux
piliers du mouvement.
Cette organisation accorde ainsi un rôle primordial aux conviviums, les structures locales autonomes. Chacun propose les activités
de son choix : repas, dégustations, ateliers
du goût, leçons de cuisines, visites de fermes et d’artisans de l’alimentation… Lesquelles ont pour but l’éducation du goût,
la découverte de saveurs locales oubliées
ou en voie de disparition et de savoir-faire
artisanaux.
Au nombre de plus d’un millier dans le
monde, ils sont quarante-trois en France,
répartis aux quatre coins du pays, aussi
bien en zones rurales que dans les grandes
villes.
Trois, pour Paris
Paris en compte ainsi trois, chacun de
taille équivalente. Ils sont actifs dans diffé-
14 | L’Information Agricole - N° 856 Avril 2012
rents quartiers de la capitale et collaborent
entre eux à l’occasion. Créé il y a 10 ans,
le convivium Paris Bastille rassemble une
petite centaine d’adhérents dont une légère
majorité de femmes. « Les effectifs sont stables, et si les origines sociales sont variées
il y a néanmoins une majorité de CSP + »,
précise Bastien Beaufort, son président,
âgé de 24 ans, qui prépare un master en
sciences humaines et sociales. Ceci dit, il
le reconnaît, les jeunes sont sous-représentés dans le mouvement. « En France,
Slow Food souffre d’une image vieillotte,
bourgeoise, et ses adhérents sont vus
comme des gens d’un certain âge, ayant
les moyens de déguster des produits chers.
Pour accroître l’audience du mouvement,
il faut le rajeunir ». À cet effet, pour toucher de nouvelles personnes, en décembre 2010 il a été à l’initiative d’un « eat in »
dans les rames de métro de la ligne 2. Plus
classiquement, en décembre 2011, les trois
conviviums parisiens se sont réunis dans
un restaurant pour un repas autour de produits sentinelle : la tomme de Pie Noire de
Bretagne, et la viande de bœuf de Gascogne, dont deux producteurs étaient présents. Des déplacements sont aussi organisés pour aller découvrir des tables d’hôtes
ou des restaurants d’Ile-de-France mettant
en avant les bons produits locaux. Parfois chez des agriculteurs d’autres régions.
« Mais, compte tenu de notre situation géographique, faire le lien entre les producteurs et les consommateurs n’est pas très
facile ». Enfin, les adhérents sont invités à
participer aux événements organisés par le
mouvement, tel Eurogusto, ou par d’autres
conviviums. Par exemple, en mai, à Gap,
où le convivium local organise le Salon
« Saveurs et Savoirs de montagne » (voir
article p. 19).
En Province
À Clermont-Ferrand, le convivium Volca’niac fait feu de tout bois en proposant
au minimum une activité par mois et un
programme très varié (plusieurs registres).
Visites d’exploitations pour comprendre
les méthodes de production et les problématiques des agriculteurs. Accompagnement d’agriculteurs dans leur réflexion sur
le développement de produits sentinelle,
comme la lentille blonde de Saint-Flour et
le fromage de vache Salers. Goûters show
pour les enfants. Repas à thème commenté
sur un aliment avec évocation de ses origines, de son histoire, de son mode de
culture, de son intérêt nutritionnel, des rai-
Photos Slow Food
À la découverte de Slow Food | Dossier
sons d’une éventuelle désaffection. Baptisé
« Rave Party », le dernier a ainsi porté sur
ces légumes.
Depuis septembre, le convivium a également mis en place des apéros slow qui se
tiennent de 17 h à 21 h dans des lieux qui
changent. « Cela nous permet de toucher
une nouvelle audience, plus jeunes, et des
classes sociales qui varient selon l’endroit »,
explique Véronique Jal, sa présidente. Comprenant la dégustation d’un ou deux vins
et un ou deux aliments, ces apéritifs sont
soumis à un droit d’entrée modique, de 5
à 6 €. « Ils sont payants car l’un des crédos du mouvement est qu’il faut une juste
rétribution des producteurs. Mais je suis
très attentive au niveau de prix pour ne pas
entretenir le rumeur selon laquelle Slow
Food s’adresse à des gens aisés qui aiment
manger des produits assez chers ». Ayant
des dirigeants aux profils différents qui ont
chacun apportés leur réseau de connais-
sance, Vulca’niac a toutefois déjà des adhérents d’origines variées. Si leur nombre est
stable, fluctuant entre 50 et 70, celui des
participants aux activités est par contre en
hausse et tourne désormais autour de 300.
« Comme dans tout le milieu associatif, il est
difficile de trouver des gens prêts à s’engager », note Véronique Jal.
D.R.
Évolution ?
« Paradoxalement, nous avons du mal à
recruter alors que l’on parle de plus en
plus de la Slow attitude dans de nombreux
domaines », ajoute Anna Closa, secrétaire
du convivium Midi Toulousain, créé en
2004, dont le nombre d’adhérents toujours
fluctuant stagne aujourd’hui autour d’une
petite quarantaine. « Ce sont plutôt des
gens de plus de 50 ans mais aucun ouvrier,
ce qui est regrettable. Par ailleurs, certaines
personnes rejoignent un convivium après
leur adhésion à Slow Food International
ou France, comme ils y sont invités, mais
ensuite on ne les voit pas ». Découverte
d’exploitations, réunions pour dégustations de bons aliments, organisation d’ateliers du goût et soutien aux produits sentinelle locaux sont là aussi au programme.
Mais une volonté d’évolution se manifeste.
« Jusqu’à présent nous avons proposé beaucoup d’activités très ciblées sur la gastronomie. Pour toucher un public plus large
et notamment les jeunes, je milite pour que
nous collions plus à la philosophie Slow
Food : « bon, propre et juste ». Pour cela
nous devons nous intéresser à tous les étages de la filière alimentaire, regarder ce qui
se fait dans le monde, juger les pratiques
des agriculteurs non seulement sur l’utilisation de produits phytosanitaires mais aussi
sur leur comportement vis-à-vis de leurs
salariés, étudier comment nos habitudes
alimentaires ont un impact sur l’environnement et la rémunération des producteurs ».
Pour Véronique Jal, en ces temps de crises, Slow Food doit aussi se pencher sur
la question de l’alimentation avec peu de
ressources. « Il faut apprendre aux gens à
cuisiner les bas morceaux de viande, les
restes, les fanes… ».
Information sur la PAC
Par ailleurs, 2012 sera dans tous les
conviviums une année d’explication de
la PAC, comme le souhaite Carlo Petrini.
« Nous allons informer les gens sur sa
réalité car elle reste mal connue bien
qu’elle soit très médiatisée et le domaine
où il y a la plus grande intégration entre
les États. Elle a un côté technocratique
qui induit un détachement des citoyens »,
souligne Bastien Beaufort qui, de son
côté, va également s’impliquer au développement du mouvement jeune de Slow
Food en France. Q
Thierry Joly
L’Information Agricole - N° 856 Avril 2012 | 15
Dossier | À la découverte de Slow Food
Q Euro Gusto 2011
Un marché,
des produits et des hommes…
EuroGusto* : une manifestation qui veut représenter l’esprit de Slow Food. A Tours, plus des 18 500 participants, ont pu
goûter, s’informer, échanger. Le Marché des Goûts et des Saveurs d’Origine, avec ses 150 exposants a permis aux visiteurs
de découvrir des goûts, des saveurs, des hommes et femmes de passion…
L
es vins avaient toute leur place à l’œnothèque, avec plus d’une centaine de
vignerons qui, à tour de rôle, présentaient leur travail et la philosophie de leur
démarche. Le Café Gourmand, de son côté,
a offert des débats animés, notamment sur
« rat des villes et rats des champs ».
Le stand et l’exposition du projet européen
4Cities4Dev ont souligné l’implication de
Slow Food en Afrique et rappelé la nécessité d’une solidarité Nord/Sud.
La beauté du geste
D. R.
4CITIES4DEV
Le projet 4Cities4Dev, co-financé par
l’Union Européenne, est issu de la collaboration de quatre villes européennes – Turin,
chef de file du projet, Tours, Bilbao, Riga –
et de Slow Food.
Il associe le rôle des villes – actrices efficaces des politiques locales et de coopération décentralisée – et l’approche de Slow
Food, basée sur l’implication des communautés de la nourriture, des citoyens et des
consommateurs. Les quatre villes européennes « adoptent » sept communautés
de la nourriture situées à Madagascar, au
Sénégal, au Kenya, au Mali, en Mauritanie,
en Ethiopie et en Côte d’Ivoire. « L’adoption » d’une communauté de la nourriture
c’est, d’une part permettre aux villes européennes de connaître, de près, des réalités
de terrain, et d’autre part établir des relations institutionnelles entre les villes partenaires, les communautés de la nourriture et
les autorités locales.
16 | L’Information Agricole - N° 856 Avril 2012
L’Espace Transmission montrait la beauté
du geste, en expliquant la différence entre
productions industrielle et artisanale, et
présentait des métiers oubliés. Les Ateliers
du Goût ont été l’occasion, pour des chefs
connus, de remettre au goût du jour des
produits devenus méconnus, comme les
abats entre autres… Le Bistrot Paysan a
servi 1 250 repas tout au long de la manifestation qui a été bien relayée dans les
médias… « Ce sont toujours un peu plus de
graines “bonnes, propres et justes” semées
auprès du grand public », soulignent, satisfaits, les organisateurs. Q
Texte et photos Claire Nioncel
* EuroGusto : s’est tenu du 18 au 20 novembre 2011, au Parc des expositions de Tours. Il est organisé par le convivium Slow
Food Tours Val-de-Loire, IMPACT 37 et Convergences Bio. Les partenaires : SEB, CNIPT, Interfel, ville de Tours, communauté
d’agglomération Tour(s), Conseil Général d’Indre-et-Loire et la région Centre.
CLAUDE BLACQUEBELAIR, UN PROMOTEUR
Depuis 5 ans, Claude Blacquebelair fait partie de
Slow Food, convaincu, par son épouse. Il explique sa
démarche et sa motivation sur le stand Slow Food, à
Eurogusto. « Nous cherchons à aller à la découverte du
terroir »… Avec son épouse et des amis, ils viennent
de créer une antenne de Slow Food, en Charente-Maritime et invitent tous les adeptes du bien-manger à les
rejoindre. Slowfood.saintonge.tk
À la découverte de Slow Food | Dossier
Q Xavier Beulin à Euro Gusto
Il faut que ces créneaux singuliers
s’expriment et se développent
L’Information Agricole – Que vous inspire la visite à Euro Gusto ?
Xavier Beulin Q Quand le producteur et le
consommateur, quand l’urbain et le paysan
se rencontrent c’est toujours intéressant. Partout en France, dans le monde, des agriculteurs continuent de faire vivre des dizaines
de produits alimentaires liés à un territoire,
issu d’un savoir-faire ancestral, dans une
démarche d’agriculture durable, c’est une
grande richesse pour nous tous. Parfois, le
renouveau d’un produit oublié part d’une
démarche sympathique de ne pas laisser
tomber dans les limbes de l’histoire un mode
de fabrication, une variété, une race. Mais
si l’on veut durer, on s’aperçoit rapidement
qu’il faut structurer la filière, professionnaliser la démarche. Il s’agit, d’un bout à l’autre
de la chaîne, que les maillons soient de qualité, que l’on soit dans une Amap, un marché ou un rayon de grandes surfaces. Oui
y compris les GMS (grandes et moyennes
surfaces, ndlr) et les restaurants collectifs,
car il ne faut pas oublier qu’au moins cinq
jours sur sept, la grande majorité de nos
concitoyens y fait ses courses et s’y nourrit.
I. A. – On a parfois l’impression d’une
dualité entre deux agricultures, une
qui serait plus éthique que l’autre ?
X. B. Q Qu’on ne compte pas sur moi pour
alimenter la division qu’elle quelle soit.
Division entre agriculteurs bio et conventionnels, division entre circuits courts et circuits longs. Pas question de stigmatiser une
agriculture de niches, et de circuits courts à
celle de grands volumes que l’on exporte.
L’agriculture de France dispose de potentiels agronomiques, différents d’une région
Philippe Guilbert
Présent à Tours où il a participé aux journées de la coopération internationale aux côtés d’Alain Raguin président d’Afdi
Touraine, Xavier Beulin, le président de la FNSEA, a tenu à découvrir la biennale Eurogusto. Il a fait part de ses réactions
aux journalistes. Morceaux choisis.
à une autre. Il faut tous les exploiter, avec
7 milliards d’habitants sur terre à nourrir, il
serait irresponsable d’extensifier. Chez nous,
si on peut installer autour des villes un maximum d’agriculteurs formés sur des projets
viables pour alimenter les circuits courts là
où la population se concentre, je dis banco.
Je dis aussi aux élus, n’ayez pas de double
discours en installant de petits îlots agricoles « bonne conscience » tout en continuant
d’étaler autour des agglos des océans de
pavillons, de zones industrielles, de béton et
de goudron sur les champs. Le mouvement
Slow Food cherche à créer de nouveaux
modes de consommation et de distribution
dans un souci de durabilité sociale et envi-
ronnementale, je trouve ça très bien. Il faut
partout où c’est possible faciliter ces modes
dits pour l’instant alternatifs parce qu’ils sont
nouveaux ou remettent en selle des habitudes anciennes quand chaque Français avait
au moins un agriculteur comme voisin et
dans sa famille proche ou allait au marché
deux fois par semaine. Il faut que ces créneaux singuliers, encore militants s’expriment et se développent. Il faut éduquer les
enfants au goût, à la diversité alimentaire.
Pour nous, le combat syndical est clair, c’est
la reconquête de la valeur ajoutée par les
producteurs ». Q
Philippe Guilbert, Terre de Touraine
L’Information Agricole - N° 856 Avril 2012 | 17
Dossier | À la découverte de Slow Food
Q Témoignage
Purement méditerranéens
Le convivium Provence Méditerranée organise, pour ses adhérents et leurs amis, des repas découverte, des sorties, et des
rencontres. Il défend des productions et des savoir-faire rares, sur terre comme en mer.
«P
de la région se sont lancés dans la production pour laquelle une demande d’AOC est
en cours.
Bons, propres et justes
« Nous favorisons la venue des producteurs
de brousse du Rove sur les salons Slow
Food et avons édité une plaquette de présentation, financée par la région Paca », précise le président du convivium. La même
démarche a été suivie pour le petit épeautre
de Haute Provence (AOC). Cette céréale,
qui pousse sur des sols pauvres, a peu à
peu retrouvé sa notoriété. « Quand nous
organisons des ateliers du goût dans diverses manifestations, nous la faisons découvrir à travers des recettes sucrées ou salées,
imaginées par des chefs de la région »,
ajoute-t-il.
Le convivium Provence Méditerranée
compte aujourd’hui 80 membres. Il organise des repas dégustations au lycée hôtelier de Marseille, avec des produits sentinelles de toute la France, ou sur des thèmes
« tout chocolat », « épices d’ici et d’ailleurs »,
© SophieH-Marty
ar gourmandise », Lucien Biolatto
découvre Slow Food à Turin,
il y a une douzaine d’années.
Il adhère tout de suite aux principes fondateurs de l’association : repérer des produits
de qualité, explorer leur histoire, et relancer
une production. Il crée un groupe méditerranéen, à Marseille en 2001. « Nous faisons
en sorte de donner un coup de main aux
produits ancrés dans le terroir, clairement
identifiés, et qui ont tendance à disparaître,
à cause de la grande distribution et d’une
agriculture industrielle ».
Parmi les produits sentinelles repérés par
Slow Food en France, le convivium Provence Méditerranée défend la brousse du
Rove. Ce fromage frais de forme conique
– que l’on déguste comme un dessert avec
du miel ou un trait huile d’olive et une
pincée de fleur de sel – a bien failli disparaître. Les chèvres du Rove (village aux
portes de Marseille) ont un faible rendement. André Gouiran, le dernier chevrier
du Rove, s’est battu pour maintenir sa production et la valoriser, soutenu par Lucien
Biolatto et ses acolytes. D’autres chevriers
18 | L’Information Agricole - N° 856 Avril 2012
« cuisine traditionnelle et moléculaire ». Le
groupe invite des producteurs et fait des
visites chez eux. « Slow Food est passé à
un discours plus militant. Nous défendons
des produits bons (gustativement), propres
(respectueux de l’environnement) et justes
(qui permettent aux producteurs de vivre) »,
explique Lucien Biolatto. Il se réjouit que
ces idées soient de plus en plus partagées
par les consommateurs comme par de nombreux producteurs.
Son groupe s’est ainsi rapproché des
prud’homies de la côte varoise qui soutiennent la petite pêche artisanale. Sur le
port de Sanary-sur-Mer, l’été dernier, 250
personnes ont découvert des variétés de
poissons « pas nobles, pas chers, que les
consommateurs achètent peu et qui sont
à valoriser ». Lucien Biolatto compte faire
venir certains pêcheurs varois au prochain
salon Terra Madre (à Turin, en octobre
2012). Il prépare un livre sur les modalités d’une pêche respectueuse, recettes
culinaires à l’appui. Q
Alexie Valois
À la découverte de Slow Food | Dossier
Q Gap
Gourmandises de nos montagnes
© Slow Food Coolporteur
Le convivium Slow Food de Gap (05) organise, les 19 et 20 mai prochains, la 4e édition du salon « Savoirs et Saveurs de
Montagne ». Une soixantaine de producteurs d’altitude, français et italiens, viennent rencontrer le public, et le régaler.
«L
es coolporteurs » est le nom qu’ils
se sont donnés. L’idée motrice du
convivium Slow Food du Gapençais est de « franchir les cols pour voir ce
qu’il y a dans l’assiette du voisin », explique Patrick Rostain, président fondateur. À
deux heures de route du siège international
de Slow Food (Bra, Italie), Gap accueille ce
printemps des producteurs et productrices
venus des Alpes françaises et italiennes,
mais aussi des Pyrénéens, du Pays Basque
et du Massif central.
« Le succès est tel que nous devons refuser
des exposants », déclare celui qui a conçu
le salon « Savoirs et Saveurs de Montagne ».
« Les producteurs paient 50 euros pour les
2 jours, soit le prix d’un marché de village.
Pour la plupart, il s’agit du seul salon auquel
ils participent », poursuit-il. Toute l’organisation et l’animation repose sur une trentaine
de bénévoles de Slow Food. Aussi, ce salon
a lieu tous les deux ans. Le concept plaît
beaucoup. La dernière édition a accueilli
quelque 2 000 visiteurs.
Au milieu du marché des producteurs, trônent une cuisine et des rangées de chaises.
Des cuisiniers professionnels et amateurs
mitonnent des plats en direct, devant leurs
spectateurs attentifs. Ils ont 30 minutes pour
démontrer que l’on peut manger des plats
très goûteux sans passer sa journée devant
les fourneaux. Ces chefs préparent des
recettes traditionnelles ou des créations à
base de produits de montagne. L’idée est,
bien entendu, de valoriser les productions
locales comme la viande d’agneau de Sisteron, le petit épeautre de Haute-Provence,
les herbes sauvages… Un producteur intervient, et parle de sa façon de travailler ses
produits pendant qu’ils sont cuisinés.
Dégustations
et connaissances
Un peu plus loin, se tiennent les ateliers du
goût. Quatre à cinq thèmes sont retenus. Sur
une scène, une salle de classe. Au pupitre,
se place un spécialiste. Sur les tables sont
posés une assiette et des couverts. L’aliment
est abordé dans sa globalité : son histoire,
son mode de production, ses saveurs… La
dégustation est commentée.
Il sera question cette année de la défense
du lait cru, avec une sélection de fromages
d’estive produits par des fromagers basques,
des Alpes-de-Haute-Provence, et des HautesAlpes. On évoquera aussi la valorisation du
patrimoine fruitier avec, pour exemples, le
cidre de glace – une recette québécoise –,
et la résinée – une préparation ancestrale
suisse, où le jus de pomme très évaporé a
concentré ses sucres et son acidité. Enfin,
avec le Centre d’Ampélographie Alpine
Pierre Galet (expert en viticulture qui étudie
des variétés de vigne), il sera question du
patrimoine des cépages et vins de montagne, dégustation à l’appui.
« Au début du mouvement Slow Food, beaucoup se demandaient : qui sont ces zozos ? »
se souvient Patrick Rostain. Aujourd’hui, ce
salon exalte les notions de plaisir, de convivialité et crée du lien entre consommateurs
et producteurs. Q
Alexie Valois
AU QUATTRO
Les 19 et 20 mai 2012 – entrée libre
www.salon-saveursdemontagne.fr
Participation aux ateliers du goût
de 5 à 15 € / personne, 1 € / enfant.
L’Information Agricole - N° 856 Avril 2012 | 19
Dossier | À la découverte de Slow Food
Pirenopolis à l’heure du Slow Food
Le Brésil compte à peine 900 adhérents Slow Food pour 160 millions d’habitants. À Pirenopolis, petite ville coloniale renommée pour sa gastronomie, située à 120 km de Brasilia au cœur d’une nature exubérante entre forêts et cascades, le travail de
fourmi d’un jeune convivium commence à porter ses fruits, malgré les réticences initiales.
«E
n 2007, nous étions 6. Nous sommes 42 aujourd’hui avec deux
nouveaux adhérents : une Française et un Italien, spécialistes de la collecte de fonds. Ils devraient nous aider à
développer de nouveaux projets », dit Katia
Karam, tête du convivium de Pirenopolis,
professeur d’anthropologie et d’alimentation(1) à l’Université de Brasilia et productrice de lait (150 l/Jour). « Les gens avaient
du mal à comprendre pourquoi on s’intéressait à l’alimentation quand le plat quotidien est à base de haricot noir et de riz, et
que le bénévolat n’est pas une tradition ici.
Avec Muriel, propriétaire de la Table d’Hôtes, nous avons mis plusieurs années pour
fédérer les gens autour de la philosophie
Slow Food, les familiariser avec les produits
à sauvegarder avant de commencer les visites chez les petits producteurs. »
Muriel Dargaud coordonne un stage
pendant le Festival Slow films.
20 | L’Information Agricole - N° 856 Avril 2012
Cours de cuisine à la table d’hôtes.
« Au début, je passais pour un ovni, dit
Muriel, parce que j’allais tous les jours m’approvisionner chez des maraîchers des environs pour mon restaurant. Les jeunes commencent à s’intéresser, mais pas assez ».
Katia, outre ses cours, intervient à l’Université dans le cadre Slow Food. Muriel cible
les 9-12 ans, dans les écoles : préparations
simples et dégustations de produits locaux
de saison qui surprennent toujours les
petits, stages sensoriels en partenariat avec
la Comunidade Educational de Pirenopolis. « J’ai fait récemment une conférence à
la Chambre des Députés de Brasilia sur les
produits du cerrado (végétation de la région
type savane d’une grande richesse en
matière de biodiversité), en partie dévasté
(déforestation) au profit d’une agriculture
intensive », raconte Muriel.
Le convivium se réunit une fois par mois,
organise des visites techniques chez des
producteurs, par exemple, ou une réunion
festive autour d’une pamonhada dans la
propriété de Geraldo, le maraîcher voisin
de Katia. La pamonhada, à base de maïs
frais rapé, est une vieille tradition locale,
détournée depuis l’essor du tourisme et
des résidences secondaires. « Une occasion
conviviale de rappeler la façon de cuisiner
les aliments traditionnels tout en socialisant les gens de la ville autour du produit »,
résume Katia.
Le premier jeudi de chaque mois, retrouvailles à Brasilia dans un restaurant où un
chef est invité à servir un dîner à partir de
produits locaux. « Nous sommes présents au
Salon de l’alimentation, où notre restaurant
permet de récolter des fonds. Nous étions
aussi partenaires du 1er Festival Slow films
2011 à Pirenopolis. Parmi les quatre participants brésiliens, Ouro negro da floresta a
été primé en Italie ».
Le convivium veut protéger le baru(2), noix
type caju, riche en protéine (26 %) pouvant
se conserver trois ans. Pirenopolis s’était
spécialisée dans son exploitation, autrefois
Salades et manioc.
À la découverte de Slow Food | Dossier
abondante. Mais aujourd’hui, le baru est
menacé. Le bois de son arbre est réputé
pour sa dureté et sa qualité, ses graines
pour leurs vertus aphrodisiaques. « Le baru
est devenu une fortaleza (forteresse) dont je
suis responsable, explique Katia. Avec nos
fonds, et la collaboration de deux associations(3) de Brasilia, nous avons construit un
entrepôt pour stocker les noix fraîchement
cueillies. Nous développons leur condition-
cerie bio de la ville a fermé ses portes quand
trois nouveaux supermarchés ont ouverts
les leurs. Q
Danièle Grobsheiser
nement avec une entreprise. Nous aidons
financièrement et techniquement les producteurs à améliorer les infrastructures
nécessaires au grillage et au stockage des
noix*. Nous orientons les familles vers une
cueillette et un développement durable ».
Plusieurs agriculteurs de Pirenopolis ont
recommencé à cultiver et commercialiser le
baru (utilisé aussi dans la reforestation, car il
pousse très rapidement). Mais la petite épi-
Photos D. R.
(1)
Il existe un cursus gastronomie à l’Université.
La noix de baru s’obtient en faisant griller la coque qui la
protège. Elle se mange grillée et est utilisée dans les desserts.
(3)
L’ADCC Associação de Desenvolvimento Comunitário
do Caxambu et le CENESC, Centro de Estudos e Exploração
Sustentável do Cerrado.
(2)
Slow Food, en Espagne aussi
Slow Food a pris racine chez nos voisins, dans les régions à forte identité.
port à l’État central incarné par Madrid.
« D’ailleurs, Slow Food n’est pas présent en
Castille la Mancha », relève encore Daniela
Conte.
Yann Kerveno
Reste la crise
D
e culture latine comme les Français,
les Espagnols n’en sont pas moins
très prudents quant au centralisme
qui leur rappelle parfois de bien mauvais
souvenirs. « Il n’y a pas en Espagne d’association nationale comme il y avait en
France, ce sont des conviviums autonomes
qui sont réunis par un bureau national, mais
sans plus » explique Daniela Conte de Slow
Food international en Italie.
De fait, si le mouvement est présent depuis
longtemps au pays de Cervantès, il n’a pas
pris partout la même ampleur. « On le trouve
principalement dans les régions avec une
forte identité », ajoute Daniela Conte qui cite
la Catalogne, le Pays Basque, la Galice…
Toutes régions étant aux prises avec un
mouvement nationaliste fort qui leur a permis d’acquérir, à ce jour, une plus grande
autonomie que les autres régions par rap-
D’autres provinces, comme l’Andalousie,
elle aussi à forte identité régionale, ne
comptent que peu de conviviums mais des
adhérents très actifs, notamment des producteurs qui y défendent leurs produits.
« Mais le développement de Slow Food
dépend aussi beaucoup des personnes
qui s’y engagent. Nous sommes confiants
parce que nous enregistrons régulièrement
des adhésions sur l’ensemble du pays. »
Reste la crise économique espagnole qui
va nécessairement freiner cet engouement
tranquille pour Slow Food. Avec un quart
de la population active au chômage les préoccupations changent. « C’est vrai, nous le
constatons déjà, avec la crise qui sévit, les
producteurs sont plus enclins à rester chez
eux qu’à participer à des opérations montées par les conviviums », conclut Daniela
Conte. Q
Yann Kerveno
L’Information Agricole - N° 856 Avril 2012 | 21
Dossier | À la découverte de Slow Food
Q Jean Lhéritier, ex-président de Slow Food France
C’est une remise en cause
plus large que celle
de la simple alimentation
Défenseur du bien manger et du manger local, Slow Food continue de s’implanter en France et tente de se faire entendre au
milieu d’une foule de discours contre la malbouffe. Entretien avec Jean Lhéritier, ex-président de Slow Food France.
I. A. – Vos propos sont quelque peu
contradictoires, vous dites qu’il existe
une forte attente de la société et dans le
même temps, votre mouvement semble
avoir du mal à se faire entendre…
J. L. Q Je crois que c’est très long de parvenir à implanter un projet de la sorte. Et
la contradiction que vous pointez fait partie
des contradictions de la nature humaine,
mais aussi de l’esprit français. Je crois que
sur ces questions, les Français sont comme
Obélix, ils sont tombés dedans quand
ils étaient petits. Ils considèrent, peut-
22 | L’Information Agricole - N° 856 Avril 2012
chez eux alors qu’ils sont capables de perdre deux heures dans les embouteillages
le samedi pour aller au supermarché…
Les questionnements que nous faisons naître sont beaucoup plus larges que la simple question de l’alimentation. Cela nous
conduit à la remise en cause de tout un
système, celui de l’industrie et de la distribution. Le système industriel nous empêche
de cuisiner et d’aller sur les marchés.
D.R.
L’Information Agricole – Où en êtesvous du développement de Slow Food
en France ?
Jean Lhéritier Q Nous constatons qu’il existe
toujours une grande attente dans la société
française quant à nos combats, c’est-à-dire
pour une approche différente que celle
proposée par l’alimentation industrielle.
Mais ce n’est pas facile pour une association comme la nôtre de percer en France
et de se faire entendre. Il existe déjà beaucoup d’intervenants sur ces questions liées
à l’alimentation… C’est pour cela que nous
avons décidé de changer notre organisation et de nous appuyer sur les adhérents
locaux. Nous comptons une quarantaine de
conviviums, des regroupements locaux, qui
sont répartis dans toute la France. Après le
sud, nous en ouvrons cette année en Bretagne, en Normandie, et bientôt dans le Nord
Pas-de-Calais…
être, qu’ils n’ont pas de leçons à recevoir
d’un mouvement qui est né à l’étranger.
Toujours est-il que s’ils sont capables, en
effet, de faire attention à ce qu’ils préparent
pour les repas du week-end en famille, ils
sont aussi capables de manger au fast-food
dans la semaine…
I. A. – Ces questions liées à la qualité des
aliments ne passent-elles pas au second
plan aujourd’hui, dans le contexte économique que nous connaissons ?
J. L. Q Ce n’est pas uniquement une question de prix. Aujourd’hui, les gens supportent mal de passer deux heures à cuisiner
I. A. – Les crises sanitaires ont obligé
l’État à investir ce domaine, en apportant
des garanties sanitaires, et des systèmes d’approvisionnement alternatifs
ont pourtant vu le jour…
J. L. Q Oui, les AMAP (Associations pour le
maintien d’une agriculture paysanne, ndlr)
ont beaucoup de succès mais elles touchent une toute petite frange de la population. L’État, pour sa part, se contente de
dire que le produit est conforme à la loi.
Le problème central vient de l’industrie, car
elle détruit l’agriculture artisanale et que
l’État n’a pas mis en place de dispositif de
maintien de la petite agriculture de qualité
et de voisinage. Nous réaffirmerons lors de
notre congrès mondial annuel, à l’automne,
la centralité de la nourriture, pour rappeler
que bien manger n’est pas un luxe et que
les produits locaux sont des produits sains,
déjà parce qu’ils n’ont pas perdu leur valeur
nutritionnelle dans le transport.
Propos recueillis par Yann Kerveno
À la découverte de Slow Food | Dossier
Q Autres domaines
Slow tourisme
Le mouvement Slow Food a fait des émules dans de nombreux domaines. Dans le tourisme, cela se traduit par des voyages
peu émetteurs de CO2, privilégiant rencontres avec les populations et découvertes des produits locaux.
L
e Slow est à la mode et son éloge
dépasse désormais largement les frontières de l’alimentation. De nombreux
secteurs surfent sur cette tendance, et en
particulier celui des loisirs. Un mouvement
Slow Tourisme est ainsi officiellement né
en 2007, là encore en Italie. S’il ne compte
des branches qu’en Bulgarie et en Bosnie,
le concept, lui, repris par les professionnels
du tourisme, s’est diffusé dans le monde
entier. Inspiré du mouvement Slow Food, il
en reprend les valeurs – bon, propre et juste
– en les adaptant aux spécificités du secteur. Il promeut donc un tourisme responsable, peu émetteur de CO2, respectueux
des diversités naturelles et culturelles grâce
auxquelles le voyageur prend le temps de
découvrir les lieux moins connus, de goûter
les spécialités locales et d’échanger avec les
habitants.
Vacances
de proximité
Les plus engagés prônent même des
vacances de proximité, dans sa région,
voire chez soi, un phénomène né outreManche où cela s’appelle le « staycation »
dérivé des mots « stay » et « vacation », rester et vacances, en anglais.
En phase avec les préoccupations écologiques, cette philosophie séduit de
plus en plus de vacanciers qui, en raison
de la crise, ont moins de moyens pour
partir à l’autre bout de la planète. De ce
fait, bon nombre de départements français incluent désormais le slow tourisme
dans leurs campagnes de communication
et développent leur offre en la matière.
La mobilité douce y tient une place prépondérante. Déplacements à vélo rendus
plus faciles par la création de voies vertes sans cesse plus longues : « La Loire
à vélo », itinéraire cyclable de 800 km le
long du fleuve, ou « Vélodyssée », piste
cyclable de 1 200 km qui longe le littoral
atlantique, de la Bretagne à l’Aquitaine.
Randonnées pédestres au rythme familial parfois en compagnie d’ânes servant
à la fois de bête de bât et d’animaux de
compagnie pour les enfants. Balades en
roulottes tirées par des chevaux. Croisières en pénichettes sans permis le long
de canaux ou de cours d’eau navigables.
Randonnées équestres de plusieurs jours.
Avec les habitants
Quant à l’hébergement, c’est la chambre
d’hôtes qui est privilégiée pour favoriser les
contacts avec les habitants, lesquels sont
également rencontrés dans le cadre d’activités visant à la découverte des traditions, de
l’artisanat et de l’agriculture des régions traversées. Des versions confortables du camping comme « Lit au Pré » ou Huttopia » sont
également à l’honneur. Par ailleurs, restaurants et tables d’hôtes sont sélectionnés sur
des critères favorisant les menus composés
de produits locaux. Ceux-ci, et notamment
les produits sentinelle de Slow Food, sont
de plus en plus mis en avant par les Centres
départementaux du tourisme.
Dernière nouveauté, en Italie, l’hiver dernier
a vu l’apparition du Slow Ski. Dans la station de ski de Breuil-Cervinia, des parcours
dédiés aux skieurs qui veulent jouir du paysage ont ainsi été aménagés et ponctués de
bancs aux endroits offrant des vues panoramiques. À Alta-Badia, des chefs ont monté
un parcours « Skier avec goût », qui passe par
dix restaurants d’altitude où sont servis des
plats préparés avec des produits locaux. Q
Texte et photos Thierry Joly
L’Information Agricole - N° 856 Avril 2012 | 23