Le monde des petits bouts de papier

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Le monde des petits bouts de papier
désir de posséder ces bouts de papier était une conséquence inévitable des
règles du jeu (la morale, que tout le monde pratiquait, n'avait effectivement
jamais supprimé cette « disposition »).
Quelques rares individus, pourtant, avaient bien vu dans ce système une
cause de problèmes, mais les alternatives qu'ils proposaient étaient peu
réalistes. Certains disaient qu'il suffisait que chacun travaille à ce qu'il
souhaite et se serve dans ce qui est produit. Le plus grand nombre craignait,
à juste titre, qu'ainsi, tous les services nécessaires ne soient pas assurés, que
tout ce que les gens souhaitent ne soit produit en quantités suffisantes.
Certains parvenaient bien à vivre ensemble sans utiliser de petits bouts de
papiers, mais cela induisait un mode de vie particulier (faible choix de
consommations, discussions interminables ou rapports hiérarchiques), qui
ne pouvait séduire tout le monde, d'où le caractère forcément très limité de
ces expériences.
Le système des petits bouts de papier permettait une collaboration (certes
involontaire) entre un très grand nombre de personnes pour la production
de chaque bien. Une telle collaboration induit un gain considérable de
productivité (et donc de bien-être et de liberté). C'est d'ailleurs grâce à ça
que des progrès importants avaient été accomplis dans les moyens de calcul
et de communication ; à tel point qu'il était devenu possible de s'approcher,
bien plus efficacement que par une discussion ou un échange de bouts de
papier, de la répartition des activités de production et de consommation la
plus juste et bénéfique possible. Il suffisait que chacun indique ses
préférences et capacités. Il n'était donc plus nécessaire que chacun travaille
pour acquérir le pouvoir des petits bouts de papier, pouvoir tellement
désirable qu'il fait négliger le bien commun (entraînant conflits, injustices,
pollutions et destruction des ressources). Grâce à une telle répartition
rationnelle, chacun travaille pour s'assurer le niveau de vie de son choix, ou
mieux encore, s'il préfère, pour réduire la souffrance d'autrui.
Malheureusement, aucun habitant de ce monde n'avait encore pensé à ça...
Aucun ? Pas tout à fait... Mais il fallait encore que suffisamment d'habitants
soient informés, et prêts à agir pour... sauver leur monde en optant
simplement pour de nouvelles règles !
Tu te demandes peut-être, cher lecteur, quelle est la suite de cette histoire.
Imagine un instant que ce monde soit le tien et que tu connaisses, comme
c'est maintenant le cas, la solution pour le sauver... La suite de cette
histoire, à cet instant crucial, elle est entre tes mains...
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Le monde des
petits bouts de
papier
Il était une fois, un monde, dont les habitants s’étaient donnés une règle très
étrange.
Chacun d’entre eux, avant de pouvoir faire ce qu’il voulait, devait d’abord
obtenir des petits bouts de papier. Un certain type de bout de papier... Pour
ce faire, la seule solution autorisée depuis longtemps consistait à trouver
quelqu'un qui accepte de vous en donner.
Mais comme la possession de ces bouts de papier permettait de faire tout ce
qu'on voulait, tout le monde préférait les garder que les donner, sauf en
échange d'un service suffisamment important.
Tout ceux qui en manquaient cherchaient donc à rendre service à ceux qui
en avaient. C'est d'ailleurs ainsi que plus on en avait, plus on pouvait faire
ce qu'on voulait... À l'inverse, si l'on n'en avait pas suffisamment, on
pouvait mourir de faim ou de froid.
Tout le monde cherchait donc âprement à en obtenir le plus possible. Et
comme pour ce faire, il fallait prendre des bouts de papiers que d’autres
voulaient aussi, à d’autres qui voulaient en garder le plus possible, les
habitants de ce monde étaient amenés à se battre entre eux ou à exploiter
leurs semblables.
Bien sûr, c'est d'abord ceux qui avaient le moins de bouts de papier qui
avaient le plus besoin d'aide. Or, c'est précisément ceux-là que l'on aidait le
moins, puisqu'ils n'avaient pas de bouts de papier à donner en échange d'un
service et que tout le monde était d'abord préoccupé d'obtenir le plus
possible de ces bouts de papier.
toutes sortes de désirs accessoires.
Or, pour mieux satisfaire et susciter ces désirs accessoires, on fut amené à
consommer de plus en plus les richesses (réelles) de ce monde, indépendamment de ce qu’il pouvait produire.
Si bien qu’à partir d’un moment, certaines ressources devinrent plus
difficiles à trouver, ce qui augmenta la quantité de petits bouts de papiers
que les plus riches étaient prêts à donner pour les consommer. On les
rechercha donc encore plus activement, et fatalement, certaines commencèrent à disparaître.
De plus, cette production croissante engendra de plus en plus de déchets,
dont certains étaient d’ailleurs d’autres bouts de papiers servant à susciter
les désirs accessoires.
Beaucoup de ces déchets provoquaient des maladies, dont les ravages
furent logiquement de plus en plus importants.
De sorte que, dans ce monde, où les richesses utiles diminuaient et les
déchets nuisibles augmentaient, la vie devint de plus en plus difficile.
Ceux qui avaient beaucoup de bouts de papier étaient appelés « riches », et
à l'inverse, ceux qui n'en avaient pas beaucoup, étaient appelés « pauvres ».
Comme s'il allait de soi que l'on ne pouvait être riche ou pauvre que de ces
bouts de papier..
Les plus « riches », étaient donc les plus puissants, ceux auxquels tout le
monde cherchait le plus fortement à rendre service.
En particulier, de par la puissance conférée par les bouts de papier, il était
d'autant plus facile d'en obtenir que l'on en avait déjà beaucoup. Ainsi, tout
naturellement, les inégalités de richesse s'accroissaient indéfiniment.
Certains, au vu de ce péril, mais aussi des injustices et des conflits qui
régnaient en ce monde, se disaient qu'il fallait faire quelque chose.
Ils imaginèrent donc de faire des lois pour interdire de rejeter certains
déchets, de trop exploiter certaines ressources, ou certains habitants.
Mais comme la tentation d'obtenir beaucoup de bouts de papier était très
importante, ces lois étaient difficiles à faire respecter.
Ceux qui faisaient appliquer les lois laissaient souvent faire les plus riches
qui les enfreignaient... en échange de petits bouts de papier. Et si par
hasard, les contrevenants étaient quand même dénoncés, ils n'avaient aucun
mal à se défendre en donnant beaucoup de petits bouts de papiers à ceux
chargés de les défendre ou à ceux chargés de les sanctionner.
Quant à ceux qui faisaient les lois, ils devaient, pour avoir obtenu ce droit,
avoir convaincu un grand nombre d'autres habitants, ce qui nécessitait
beaucoup de petits bouts de papier, que seuls les plus riches pouvaient
fournir... Or, les plus riches ne souhaitaient pas forcément que cette situation change...
Bref, la seule loi qui régnait vraiment en ce monde était forcément celle des
petits bouts de papier...
Les besoins des habitants de ce monde n'étaient pas très importants : les
ressources naturelles dont ils disposaient étaient largement suffisantes pour
les satisfaire. Mais pour pouvoir obtenir un peu de petits bouts de papiers
de la part de ceux qui en possédaient suffisamment, on disait : « avoir du
travail » (comme s'il allait de soi que l'on ne pouvait travailler qu'à cela),
les habitants de ce monde étaient amenés à susciter chez leurs semblables
La situation semblait désespérée, car bien peu remettaient en cause ce
système des petits bouts de papier.
Par exemple, on avait donné un nom à la disposition psychologique
consistant à vouloir beaucoup de petits bouts de papier, de telle sorte que
l'on pouvait ainsi penser que le problème n'était pas le système des petits
bouts de papier, mais bien cette « disposition ». Or, l'importance globale du

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